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Le 17 mai 2013 était promulguée la loi ouvrant l'adoption aux couples de même sexe. 10 ans après, BFMTV.com a rencontré deux familles: Amélie et Myrtille, qui ont adopté Ezra en 2020, et Jean-Edouard et Emmanuel, qui ont adopté Charles la même année.

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Transcription
00:00 On arrive face à un humain pour lui dire "on est tes parents, on va t'appeler Charles".
00:05 C'est la rencontre pour la vie quoi.
00:07 Et il dit "on va le chercher" et là on attend et on se dit "quand il va passer la porte,
00:11 ça va être notre fils qui va passer".
00:13 Et c'est très très très bizarre.
00:15 Le 17 mai 2013, le mariage pour tous et l'adoption pour les couples de même sexe entraient en vigueur en France.
00:20 Vous n'allez pas nous faire croire que vous vivez dans un igloo et que vous n'avez aucune connaissance
00:26 de la diversité des familles dans ce pays, que vous ne savez pas qu'il y a autant d'amour
00:31 dans des couples hétérosexuels que dans des couples homosexuels,
00:34 qu'il y a autant d'amour vis-à-vis de ces enfants et que tous ces enfants sont les enfants de la France.
00:40 Mais où en est-on 10 ans après ?
00:42 Nous avons rencontré deux couples, Amélie et Myrtille, qui ont adopté Ezra en 2020 près de Toulouse
00:48 et Jean-Edouard et Emmanuel qui ont adopté Charles aussi en 2020 près de Marseille.
00:53 L'adoption, ça a toujours été ce qu'on appelait notre plan A.
00:56 Tous les deux, on n'avait pas forcément l'envie de porter un enfant.
01:02 On est plus partis sur le principe de l'adoption parce que ça faisait partie déjà de nos valeurs,
01:06 on voulait vraiment avoir un public de l'État.
01:09 Notre priorité, c'est d'être reconnus tous les deux en tant que père.
01:12 Premier constat sur le sujet, les chiffres se font plutôt rares.
01:15 L'Association des parents gays et lesbiens qui tient son propre recensement
01:19 estime que depuis 2013, 200 familles homoparentales ont réussi à adopter,
01:23 dont 60% en France et 40% à l'étranger.
01:26 La durée moyenne entre l'octroi de l'agrément et l'adoption est d'un peu plus de 3 ans.
01:30 Pour les deux couples que nous avons rencontrés, l'attente a été encore plus longue que cette moyenne.
01:34 Amélie et Myrtille ont mis 5 ans avant d'obtenir une réponse,
01:37 Jean-Edouard et Emmanuel un peu plus de 4 ans.
01:39 Tout au long du parcours, on se sentait quand même très seuls
01:41 puisqu'il n'y avait pas de recul, pas de visibilité,
01:44 et puis très peu d'informations qui sont données sur les chiffres,
01:46 sur réellement si oui ou non ça peut aboutir.
01:49 Donc c'est beaucoup d'incertitudes qui font que dans le fond,
01:52 on se sent très seuls au final pendant tout le parcours.
01:54 On passe par toutes les phases, dans cette attente en fait.
01:57 Ça ouvre un petit peu l'espoir à un moment donné,
01:59 c'est vrai que l'attente est assez longue quand même,
02:01 et du coup on essaie quand même de se projeter une vie de couple,
02:06 et peut-être une vie familiale aussi derrière,
02:08 mais ne pas se bloquer sur d'autres projets forcément.
02:12 On se retrouve dans des phases où oui, on est à fond, ça va marcher,
02:16 on lit plein de bouquins, on essaie de se renseigner au maximum,
02:18 et à d'autres moments on se dit, on est très bien en deux,
02:21 on continue notre chemin et on fait une croix sur la parentalité,
02:25 parce qu'on se dit que ça ne marchera jamais.
02:27 On savait qu'il y aurait de l'attente,
02:29 on ne savait pas comment on allait le vivre au début de ça.
02:32 Moi je ne l'ai pas toujours hyper bien vécu,
02:35 parce que forcément ça arrive au moment où tous les couples d'amis autour
02:40 commencent aussi à fonder leur famille,
02:42 et nous on sent qu'on patine et on a l'impression de s'enliser un peu
02:45 des fois dans cette attente d'un projet qui aboutira sans doute pas.
02:51 Les statistiques n'allaient pas en notre faveur.
02:55 Pendant l'agrément, ils ont obligé de nous mettre en situation,
02:58 c'est-à-dire qu'on réfléchit aussi à quelle école on va aller,
03:00 quel sera notre quotidien avec un enfant, donc tout est très concret.
03:03 Pendant l'agrément on nous parle comme si c'était sûr,
03:05 c'est ça qui est très dur, et après on parle sur des si,
03:08 si jamais ça allait arriver ou pas.
03:09 Donc ça c'est le plus dur.
03:11 Dans tous les parcours d'adoption, il y a une différence notable
03:14 entre la longueur de la procédure et la rapidité avec laquelle
03:17 se fait l'arrivée de l'enfant.
03:18 En moins d'une semaine, les deux couples sont devenus parents.
03:21 Nous, ça arrivait à un moment où on avait perdu un peu espoir,
03:25 où clairement on arrivait à la fin du premier agrément.
03:27 Du coup, ils appellent, ils disent juste "il faut arriver demain,
03:30 vous le verrez, pour 15h".
03:31 C'était le vendredi.
03:32 Donc là on arrête tout.
03:34 Moi j'étais sur, j'organisais un salon et j'avais je sais pas combien de personnes
03:37 préparées ce jour-là.
03:38 Je dis "ok, très bien, donc je vous laisse tous tomber".
03:40 Et puis on avait pris rendez-vous à 15h,
03:42 il fallait être là, on n'avait pas le choix, on ne savait pas pourquoi.
03:44 Quand on arrive là-bas, ce qu'ils nous annoncent,
03:45 c'est qu'il y a un petit garçon qui est né, qui a trois mois.
03:49 Et du coup, là, je pleure.
03:55 Je sais pas, c'est de joie, de peur, je sais pas comment réagir.
04:00 On s'apprêtait à partir en voyage.
04:03 Et on est tous les deux motards, et on était chacun sur nos motos.
04:07 Et en fait, sur mon téléphone qui était en GPS sur la moto,
04:11 j'ai vu le mail du service de l'adoption.
04:17 On revenait à la maison, on arrive, et là, du coup, c'est moi qui lui ai dit
04:22 "bon, on part plus en vacances".
04:23 Donc j'avais pas ouvert le mail, j'avais très bien compris.
04:26 Donc du coup, on ouvre le mail et là on découvre que...
04:29 J'ai un peu risé.
04:30 Que donc on est apparenté à un petit garçon qui est né telle date à tel endroit.
04:35 C'est ouverture de mail et la vie s'arrête en fait.
04:37 On part plus en vacances, on appelle nos employeurs,
04:39 on reviendra pas travailler.
04:40 Tout au long de la grossesse, au final, l'employeur a le temps de se préparer
04:43 en se disant "bon bah, le ventre s'arrondit, le départ approche".
04:48 Alors que là, du jour au lendemain, lundi je serai plus là.
04:51 Puisque dans la semaine prochaine, on va rencontrer le service,
04:54 on va rencontrer le petit, puis il va arriver à la maison.
04:57 Donc c'est vrai que tout s'arrête, concrètement et psychologiquement.
05:02 On va à la pomponnière.
05:03 Donc là, très particulier comme moment.
05:05 C'était... Ça avait un côté un peu irréel.
05:08 Moi, le moment que je me rappelle le plus, c'est quand on est assis.
05:10 C'était un petit peu horreur. Je sais pas pourquoi je parle de ça,
05:12 mais on dirait d'une classe pour enfants en fait.
05:14 Et ils disent "on va aller chercher".
05:17 Et là, on attend, parce que quand il va passer la porte,
05:20 ça va être notre fils qui va passer.
05:22 Et c'est très, très, très bizarre.
05:23 Il avait beau avoir trois mois,
05:26 moi, je reste toujours impressionnée à quel point il y a eu un échange.
05:29 Et c'était... C'était fort.
05:31 La première rencontre.
05:33 Mon charles était tellement bébé.
05:35 On se disait "bon, il va beaucoup dormir".
05:37 Et là, on est resté une demi-journée.
05:39 Et on passait notre temps à se regarder.
05:43 C'est ça en fait. On s'apprivoisait en fait.
05:45 Les regards, tout passait forcément par le regard,
05:47 mais c'était tellement intense.
05:49 Forcément, la première découverte, c'est vrai qu'on...
05:53 Je me rappelle qu'on avait forcément les larmes aux yeux.
05:56 Et que c'était tellement intense en fait.
05:59 Tout devenait concret en fait.
06:02 Et on s'est dit "ça y est, c'est notre enfant".
06:04 Il sait que d'autres enfants ont des papas,
06:07 que lui, il a deux mamans,
06:09 qu'il n'a pas de papa dans son schéma familial.
06:12 Mais il dit "moi, j'ai pas de papa".
06:14 Et après, il passe à autre chose.
06:16 Pour l'instant, il ne croise pas encore dans le "pourquoi il n'a pas de papa".
06:18 C'est juste... Pour lui, c'est comme ça, c'est naturel.
06:21 Après, il connaît son histoire avec la pouponnière et tout ça,
06:23 parce qu'on en parle.
06:25 La crèche, il dit complètement qu'il a ses deux papas.
06:27 Et là, on est hyper fiers de dire à chaque fois "moi, j'ai deux papas".
06:31 Un beau jour, je suis allé le chercher.
06:32 Il avait un peu moins de deux ans.
06:34 Et du coup, il y avait une autre petite fille dans la salle d'attente.
06:37 Et elle me dit "tu es qui ?"
06:38 Alors je dis "je suis le papa de Charles".
06:42 Elle me dit "ah ouais, tu sais qu'il a deux papas ?"
06:45 Je dis "ouais, je suis au courant".
06:47 Ça le fait grandir Charles, mais ça fait grandir aussi les autres sur la différence.
06:50 Et c'est bien.
06:51 Les deux couples nous affirment ne pas avoir subi d'homophobie durant leur long parcours.
06:55 Seulement quelques remarques maladroites.
06:57 La PGL note également de moins en moins de comportements et d'attitudes homophobes,
07:01 bien qu'il en existe encore.
07:02 Une loi votée en 2022 prévoit la mise en place de référents anti-discrimination
07:06 dans chaque conseil de famille.
07:08 Il en existe un par département, chargé d'examiner les demandes d'adoption.
07:11 Forcément, on a évoqué le fait qu'on était un couple de femmes parce que
07:14 dans le rapport à l'autre, à la différence,
07:17 comment on a pu accompagner aussi l'enfant dans ce parcours.
07:20 Forcément, c'est notre histoire, mais c'est notre héritage qu'on lègue à Ezra.
07:24 Ils nous disent comment on va l'armer à ça.
07:26 Pareil, dans un de ces options, ils demandent si on est assez prêts, par exemple,
07:32 si on n'a pas la même couleur de peau et si on est armé,
07:34 pour pouvoir l'armer au racisme aussi.
07:36 Parce que moi, en ce moment, ce qui me fait plus peur,
07:38 ce n'est pas l'homophobie, clairement, c'est le racisme.
07:40 Pendant le procédé d'adoption, les questions qui n'étaient pas très adaptées
07:44 à notre situation, c'est notamment sur le deuil d'avoir physiologiquement un enfant.
07:50 Après, à chaque fois qu'il s'est apprêté à poser ce genre de questions,
07:53 d'elle-même, elle reconsidérait la question.
07:56 Mais sur le regard des anciens, où la femme a une vraie place sur la gestion,
08:03 ménage, repas, on avait des questions un peu parvenues,
08:08 du genre, sur les stéréotypes, qui est-ce qui fait vos courses,
08:12 qui est-ce qui fait à manger ?
08:14 Mais on est deux hommes, on sait faire à manger, on sait aller chez Carrefour.
08:18 Donc, c'était plutôt maladroit.
08:23 Ils font des généralités tout le temps, pendant le procédé d'adoption.
08:26 Et c'était toujours nous qui marquions la différence,
08:28 par cette incertitude de "est-ce que ça fonctionne aussi pour un couple homo ?"
08:32 Du coup, c'est vrai qu'il y avait certaines réunions où je levais tout le temps la main.
08:35 Et pour nous, parce que oui, on est différents.
08:38 Et est-ce que sur un dossier papier, vous ferez la différence entre un couple hétéro ou homo ?
08:44 Ou est-ce qu'on est tous dans le même bain ?
08:46 J'avais alpagué une des dames en disant "mais pourquoi vous répondez pas à nos questions ?"
08:51 Elle a dit "mais si, on répond à votre question, il n'y a juste pas de différence."
08:53 Ce n'est pas le cas pour tout le monde.
08:55 Par exemple, en 2019, la conseillère de Paris, Léa Filoche, quitte le conseil de famille parisien.
09:00 Elle dénonce le blocage des adoptions de couples de même sexe par des décisions rétrogrades.
09:05 Comme tous les mois, depuis près de 6 ans, aucun enfant n'a été confié à un couple de même sexe.
09:10 Je ne souhaite plus cautionner, au nom de la ville de Paris, ces décisions rétrogrades,
09:15 prises par des personnes tenant de l'orthodoxie familiale,
09:18 déconnectées de la réalité de notre ville et de notre société,
09:21 au détriment de l'intérêt de l'enfant.
09:23 En 2018, France Bleu révèle qu'en Seine-Maritime,
09:26 les couples homosexuels peuvent bel et bien adopter s'ils sont ouverts à des profils d'enfants atypiques.
09:31 Il faut entendre parler à des enfants un peu plus âgés ou en situation de handicap.
09:35 Durant leur parcours, les deux couples ont manqué de modèles, de personnes à qui s'identifier.
09:40 En témoignant, Amélie, Myrtille, Jean-Edouard et Emmanuel
09:43 souhaitent aider les autres couples de même sexe à se projeter.
09:46 Notre ami qui avait fait l'agrément, quand on a eu l'annonce,
09:51 il s'est dit "ah ouais, c'est possible en fait."
09:53 Et ça lui a fait du bien, parce que lui a toujours eu envie d'avoir une famille.
09:56 Mais voilà, c'est vrai qu'on a l'impression que ça faisait du bien, que c'était possible.
09:59 Ça manque effectivement d'avoir ce type d'information,
10:02 d'avoir le témoignage, le retour de personnes qui ont ce vécu justement.
10:06 Parce qu'on se projette sur quelque chose qui n'est pas concret au final.
10:10 La base de notre page Instagram, c'est effectivement de pouvoir démocratiser cette adoption
10:16 et de dire que oui, c'est possible, et de donner de l'information effectivement.
10:21 [Logo de l'Ontario]

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