Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, était l'invitée de BFMTV, après avoir été reçue par Élisabeth Borne à Matignon. La leader de la CGT affirme avoir refusé une "proposition" de réunion multilatérale avec le président de la République sur le calendrier social, mais ne "voit pas l'utilité d'une grande messe avec Emmanuel Macron" sauf annonce du retrait de la réforme des retraites.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Sophie Binet est ce soir l'invitée de 22h max au secrétaire général de la CGT.
00:04 On le disait juste avant la pause, vous avez été reçue par Elisabeth Borne ce soir à Matignon.
00:07 On a d'ailleurs quelques photos.
00:08 C'était le premier tête-à-tête entre vous.
00:10 D'ailleurs, est-ce qu'on peut parler vraiment de tête-à-tête ?
00:11 Vous étiez plus que deux dans la pièce.
00:13 - Non, on était trois de la CGT.
00:16 Et puis en face, il y avait le ministre du Travail et puis le cabinet.
00:20 - Votre premier message en arrivant, qu'est-ce que vous lui dites ?
00:22 - Il faut retirer la réforme des retraites.
00:23 Ce que je lui ai dit, c'est comme nous le disons depuis le début,
00:26 que le cours des choses ne retrouvera pas la normale si cette réforme n'est pas retirée.
00:31 Je lui ai dit également que ce n'était pas la peine d'essayer de diviser l'intersyndical
00:34 parce que ça ne marcherait pas.
00:36 Et je lui ai dit enfin qu'on n'était pas là pour compter les chandeliers à Matignon,
00:41 mais que moi, j'étais venue pour négocier, que négocier, il y avait des choses précises
00:45 et que ce n'était pas possible, que ça se passe sur la feuille de route patronale ou gouvernementale.
00:48 Il fallait que ça se passe sur nos exigences.
00:50 - Mais quand vous lui dites "retrait de la réforme", qu'est-ce qu'elle vous répond ?
00:53 - Elle a répondu non et surtout, elle a fait une réponse extrêmement inquiétante
00:57 puisque nous avons parlé de la PPL transpartisane qui sera débattue le 8 juin prochain.
01:02 - Alors la PPL, la proposition de loi, déposée par le groupe des indépendants de Lyott
01:06 pour annuler d'une certaine manière la mesure principale qui est le passage à 64 ans.
01:10 - C'est ça, pour annuler la réforme des retraites.
01:12 Et donc, je lui ai dit que ça serait gravissime si le gouvernement multipliait encore une fois les manœuvres
01:20 pour empêcher les parlementaires de voter, qu'il fallait laisser la démocratie se faire et laisser les députés voter.
01:25 Et elle a essayé de m'expliquer pourquoi cette proposition de loi était anticonstitutionnelle.
01:31 Je lui ai dit que ça, ça serait au Conseil constitutionnel d'en juger,
01:34 mais que d'abord, il fallait laisser les députés voter.
01:36 - On va l'écouter, Elisabeth Borne, voilà ce qu'elle a déclaré à la sortie de votre entretien.
01:41 - Il est assez irresponsable de la part d'un groupe parlementaire
01:46 de laisser croire qu'on peut présenter une proposition de loi qui supprime 18 milliards de ressources
01:54 et que cette proposition de loi pourrait prospérer.
01:57 Évidemment, il y a des règles sur les propositions de loi qu'on peut présenter.
02:01 Et une des règles, c'est de ne pas alourdir les dépenses et de ne pas réduire les recettes.
02:06 Donc, je pense que c'est quelque part une sorte de miroir aux alouettes, vous voyez,
02:10 où on fait croire aux salariés qu'il y aurait une possibilité de déboucher.
02:15 Donc, je le redis, je pense que c'est assez irresponsable d'entretenir une confusion de ce type.
02:20 Et évidemment, cette proposition d'abrogation est inconstitutionnelle.
02:26 Je pense qu'il faut que chacun en soit conscient et que chacun prenne ses responsabilités en conséquence.
02:30 - Ce que dit Elisabeth Borne, et ce qu'elle vous dit d'une certaine manière,
02:32 c'est que vous faites croire aux salariés, à ceux qui sont opposés à la réforme de retraite,
02:36 qu'il y a encore un moyen de retirer cette réforme par le biais de cette proposition de loi.
02:40 Elle vous dit que ça n'arrivera pas. C'est un mensonge. Ce que vous dites est un mensonge.
02:43 - D'accord. Qu'elle laisse les députés voter. La vérité, c'est que le gouvernement panique
02:47 parce qu'il sait que cette proposition de loi, elle a toutes les chances d'être adoptée le 8 juin prochain
02:52 et qu'il veut empêcher, encore une fois, la démocratie de se faire dans l'Assemblée nationale.
02:58 Et il panique aussi parce que le gouvernement sait que si la loi était adoptée le 8 juin prochain,
03:02 ça serait un coup de tonnerre qui montrait définitivement que la réforme des retraites
03:07 est non seulement minoritaire dans le pays, combattue par toutes les organisations syndicales,
03:12 mais aussi totalement minoritaire à l'Assemblée nationale et qu'il faut y renoncer.
03:15 - Mais Sophie Binet, on sait bien que même si cette loi, allez, partons dans l'idée qu'elle sera votée
03:20 à l'Assemblée nationale, elle n'a aucune chance de passer au Sénat.
03:23 Ce que vous cherchez, c'est quoi ? C'est le symbole ?
03:26 - Justement, si c'était seulement symbolique, qui laisse les députés voter ?
03:29 On voit bien que ça n'est pas seulement symbolique. C'est la raison pour laquelle le gouvernement,
03:33 depuis 15 jours, multiplie les manœuvres dilatoires pour empêcher que cette loi soit votée.
03:37 Ça n'est pas symbolique. Pourquoi ? Parce qu'on sait qu'une proposition de loi in fine
03:41 c'est toujours l'Assemblée nationale qui a le dernier mot.
03:44 Donc effectivement, si elle est votée le 8 juin au soir, elle part au Sénat.
03:48 Et à la fin, c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot.
03:50 Et puis la deuxième raison, c'est que si cette loi était votée,
03:53 ça confirmerait ce que demandent les syndicats depuis des mois, à savoir le retrait.
03:57 Et en commençant par dire que cette réforme ne peut pas s'appliquer au 1er septembre,
04:02 alors qu'il y a une proposition de loi d'abrogation qui est en avète parlementaire,
04:05 que les décrets ne sont pas sortis, que les caisses sont incapables de mettre en application cette réforme,
04:11 avec des conséquences très concrètes pour les salariés.
04:13 C'est qu'aujourd'hui, on n'est pas capable de faire leur décompte en matière de départ en retraite.
04:17 Il y a des catastrophes et pour les salariés.
04:19 Là, il y a des cas de burn-out qui se multiplient dans les caisses de retraite,
04:22 ce qu'on leur demande de travailler sur n'importe quoi et n'importe comment,
04:25 et des catastrophes individuelles pour tous les salariés qui devaient partir en septembre
04:28 et à qui on va expliquer qu'ils devraient attendre 2024.
04:30 Le gouvernement dit que tout sera prêt et que les premiers décrets vont arriver.
04:34 C'est faux. C'est faux. Il faut 30 décrets.
04:37 Il y a deux ou trois projets de décret que nous avons vus qui ne vont pas du tout d'ailleurs
04:41 et que nous allons combattre par tous les moyens.
04:43 Et ce qui est sûr, c'est que dans les caisses, c'est la panique,
04:46 puisque ce n'est pas possible administrativement de mettre en place une telle réforme en trois mois.
04:51 Et d'ailleurs, c'est scandaleux parce que les salariés n'ont aucune lisibilité sur leur situation.
04:56 Donc là, il faut retrouver la raison, retirer cette réforme et certainement pas l'appliquer au 1er septembre,
05:01 alors qu'il y a une proposition de loi qui va bientôt être en avet parlementaire et qui vise à abroger la réforme.
05:06 - Je m'arrête sur un mot. Vous dites "le gouvernement panique".
05:07 Le gouvernement panique à l'idée qu'il puisse y avoir un vote contre cette mesure-là, Roselyne Bachelot ?
05:13 - Le terme de panique est peut-être un peu excessif, mais le gouvernement est inquiet, oui, effectivement.
05:18 Et on peut le comprendre parce que même si, effectivement, comme tu l'as dit,
05:24 il y a peu de chances que ça prospère sur le plan technique, ce sera un coup de tonnerre
05:30 et ce sera effectivement quelque chose qui sera très ressenti par l'opinion publique.
05:35 - J'ai envie de poser une question. Est-ce que, dans ce travail avec la première ministre,
05:41 vous focalisez uniquement sur cette affaire qui est très importante ?
05:44 Vous ne souhaitez pas aussi avancer sur d'autres dossiers où il pourrait y avoir des discussions ?
05:50 C'est-à-dire, j'allais dire, avoir deux couloirs de nage, si je puis dire.
05:54 D'un côté, le combat sur la réforme des retraites, mais en même temps, d'essayer d'avancer,
05:58 parce qu'il n'y a quand même pas que la retraite dans le dialogue social.
06:03 Vous pouvez séparer ou vous faites un un po' sous mousse sur les retraites ?
06:08 - On ne sépare pas, mais la CGT est allée à ce rendez-vous pour se faire le porte-parole
06:12 des exigences des salariés qui se mobilisent depuis quatre mois.
06:14 Donc, dire d'abord, effectivement, la réforme des retraites, il faut la retirer
06:17 pour que le pays retrouve la normale.
06:19 Je l'ai alertée sur la montée du Rassemblement national en lui disant
06:22 qu'Emmanuel Macron portait une responsabilité écrasante dans cette situation.
06:27 Et ensuite, je lui ai fait part de nos exigences en matière de salaire, d'abord,
06:31 où je lui ai dit qu'il y avait un problème parce que les salaires décrochent en France
06:35 alors que les salaires des patrons continuent à exploser.
06:37 Et ce que nous lui avons dit, c'est que ce n'est pas vrai que le gouvernement n'a aucun levier.
06:43 Le gouvernement a des leviers sur les questions de salaire.
06:45 Il peut mettre en place une indexation des salaires sur les prix pour que tous les salaires
06:50 augmentent en même temps que le SMIC.
06:52 Il peut aussi conditionner les aides aux entreprises de façon à ce que les entreprises
06:56 qui n'augmentent pas les salaires ne reçoivent plus d'aide publique
07:00 et que les entreprises, par exemple, qui augmentent les salaires des PDG,
07:03 on peut parler par exemple du salaire du PDG de Stellantis dans l'automobile,
07:07 en un jour, ils gagnent ce que péniblement ces salariés gagnent en un an.
07:11 Donc, on voit qu'il y a un vrai problème d'inégalité en France.
07:14 Sauf que sur les salaires, puisque c'est le premier thème que vous mettez sur la table
07:16 en dehors des retraites.
07:18 Il y a un exemple que vous répétez souvent, c'est la Belgique.
07:20 Vous prenez souvent la Belgique en exemple en disant "Belgique,
07:22 ils ont indexé les salaires sur l'inflation".
07:25 Ce qu'on voit aujourd'hui en Belgique, c'est une inflation plus importante qu'en France.
07:29 Ce que l'on voit, ce sont des Belges qui traversent la frontière
07:31 pour venir faire leurs courses en France.
07:33 Ce n'est pas forcément le rebel miracle non plus.
07:35 Oui, en attendant, les salaires belges ont beaucoup plus augmenté
07:38 que les salaires français. C'est la même chose.
07:40 Mais s'ils sont mangés par l'inflation, c'est pas une bonne chose.
07:42 Oui, sauf que nous, il y a l'inflation sans les augmentations de salaire.
07:45 Et donc, ce qu'on nous explique, c'est que si on augmentait les salaires,
07:47 on aurait l'inflation.
07:48 Aujourd'hui, on a l'inflation, mais on n'a pas les augmentations de salaire.
07:51 Et on a des mobilisations très fortes, très dures.
07:55 J'ai parlé évidemment de la situation de grève, de...
07:58 Comment dire ? - Verbaudé.
07:59 - Verbaudé, merci. - On va y venir dans une seconde.
08:00 - À la Première ministre, avec une grève qui dure depuis deux mois,
08:04 avec un refus complet d'ouvrir des négociations du patronat
08:07 et une répression qui est inadmissible.
08:09 Je lui ai demandé d'engager une médiation immédiatement au niveau national.
08:13 Elle s'est engagée à suivre de près cette question-là.
08:16 Dans les prochains jours, si on n'a pas des bougées très rapides,
08:19 on la réinterpellera immédiatement.
08:21 - Mais vous avez un Belge sur cinq qui fait ses courses à l'étranger,
08:25 en France majoritairement, également aux Pays-Bas.
08:27 Donc on voit bien que ce n'est pas la panacée.
08:29 Comment vous l'expliquez ?
08:30 - Parce que c'est logique.
08:32 C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de Français qui habitent en France
08:35 et qui vont travailler en Suisse, en Luxembourg, en Belgique
08:37 pour avoir des salaires plus élevés.
08:38 Ça, c'est le jeu des frontaliers.
08:40 La Belgique est frontalière avec plusieurs pays
08:42 et donc ils optimisent leurs courses par rapport à leur niveau de salaire.
08:46 - C'est beaucoup plus important que ce qui se passait auparavant.
08:46 C'est beaucoup plus important en cette période d'inflation.
08:48 - Mais par contre, ce qui est sûr, c'est qu'en Belgique,
08:50 les salaires ont beaucoup plus augmenté que les salaires français.
08:53 Et il n'y a pas ce décrochage de pouvoir d'achat que nous avons en France
08:57 et qui pose un problème majeur.
08:58 - Anthony ?
08:58 - J'ai une petite question sur l'intersyndical que vous avez évoqué tout à l'heure
09:01 parce que j'ai écouté Laurent Berger qui s'est exprimé en début de semaine
09:04 et qui n'a pas exactement le même vocabulaire que vous
09:07 et la même appréciation sur la réforme des retraites.
09:09 C'est-à-dire qu'il dit, en gros,
09:11 je ne suis pas de ceux qui opposent à cette idée de travailler plus,
09:14 l'idée que le travail tue, que le travail avilie,
09:17 que le travail est une valeur qui fait mal au corps,
09:20 qui n'est pas émancipatrice et que travailler plus,
09:23 d'une certaine façon, est forcément négatif.
09:27 Et on sent que là, il y a quand même une nuance.
09:29 C'est-à-dire que Laurent Berger ne dit pas qu'il est fermement opposé,
09:32 en réalité, à l'augmentation de la durée du temps de travail.
09:35 Ce qui ne lui convient pas, c'est l'accompagnement,
09:38 la mesure d'accompagnement, repenser le travail et tout ça.
09:40 Mais il y a une différence quand même notable entre vous et lui,
09:44 je trouve, sur la façon dont les choses peuvent se poursuivre aujourd'hui.
09:48 Écoutez, non, l'intersyndicale est solide, elle a tenu, elle continuera à tenir,
09:52 avec une revendication très claire, à savoir non au report de l'âge légal,
09:55 non à l'allongement de la durée de cotisation.
09:57 La CFDT est très claire là-dessus.
09:58 Il n'est pas favorable au casserole, il n'est pas favorable à toutes ces mesures-là.
10:01 Ce que je veux dire, c'est qu'il n'est pas forcément favorable à une poursuite de la lutte
10:05 qui soit aussi dure ou radicale,
10:08 ou sans autre préalable que le retrait de la réforme, que vous.
10:10 Depuis le début, il y a une intersyndicale solide,
10:13 mais on a dit dès le début que la CGT et la CFDT
10:16 avaient des désaccords sur plein de sujets.
10:18 Donc là, ce n'est pas un scoop que nous ayons encore des désaccords
10:21 sur un certain nombre de sujets.
10:22 Mais ce que j'ai dit à la Première ministre et Laurent Berger a fait de même,
10:25 c'est que toutes les manœuvres et les tentatives du gouvernement
10:28 de diviser l'intersyndicale ne fonctionneraient pas,
10:30 que non seulement nous étions d'accord sur le retrait de la réforme des retraites,
10:33 mais en plus, nous allons publier le 30 mai prochain des propositions communes,
10:36 notamment sur l'augmentation des salaires,
10:38 la nécessité de réviser en profondeur les ordonnances Macron
10:42 qui ont cassé le Code du travail, qui ont cassé la représentation du personnel,
10:45 la négociation collective, la nécessité de conditionner les aides publiques
10:50 et que l'intersyndicale ait rassemblé,
10:51 j'appelle d'ailleurs toutes celles et ceux qui nous regardent actuellement,
10:54 à aller sur le site jusquoretrait.fr pour interpeller leurs députés,
10:58 pour faire en sorte que les députés votent pour la proposition de loi d'abrogation
11:02 qui sera débattue le 8 juin prochain et qui permettrait une sortie de crise.
11:06 Et puis évidemment, l'intersyndicale est rassemblée.
11:08 - Pourquoi ceux qui ne voteraient pas selon vos choix
11:11 n'en seraient pas pour autant menacés physiquement ?
11:13 - Mais bien sûr que non.
11:14 - Non mais il sera peut-être utile de le rappeler dans votre appel.
11:20 - Non mais c'est une évidence.
11:21 La CGT a toujours condamné toute violence physique contre toute personne,
11:27 mais a fortiori contre des élus de la République.
11:30 Mais par contre, quand on est élu, on doit rendre des comptes.
11:33 Et quand on est élu, on doit dire ce qu'on vote ou ce qu'on ne vote pas
11:36 et expliquer pourquoi.
11:37 Et donc c'est normal d'interpeller ces élus.
11:39 C'est ce que nous faisons avec cette plateforme jusquoretrait.fr
11:42 que j'invite tous les téléspectateurs à aller visiter.
11:44 - On reviendra sur la violence dans un instant,
11:46 mais vous donnez un certain nombre de revendications.
11:48 Pourquoi ne pas aller les donner à Emmanuel Macron ?
11:50 Puisque visiblement, il y a une proposition de rencontre
11:53 entre les syndicats et le président de la République.
11:56 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
11:57 Vous refusez d'aller voir le président ?
11:58 - Non, mais c'est vrai que la seule proposition concrète
12:01 que nous a faite Elisabeth Borne,
12:02 c'est cette photo de classe avec le professeur Macron
12:05 avant 8 juin si possible.
12:07 Bon, la ficelle est un peu grosse.
12:08 - Mais vous réclamiez cette rencontre ?
12:10 Pendant des semaines, vous avez réclamé cette rencontre ?
12:12 - Tout à fait, mais sur quel contenu ?
12:13 Sur le retrait de la loi.
12:14 Donc nous l'avons réclamée en plein mouvement social
12:17 en espérant que le président de la République joue de son rôle,
12:20 à savoir un rôle de médiation qui est le rôle institutionnel
12:23 qui est celui du président de la République.
12:24 Nous l'avons réclamée une deuxième fois
12:26 au soir de la censure partielle de la loi
12:28 par le Conseil constitutionnel,
12:29 en appelant le président à ne pas promulguer,
12:32 à renvoyer devant l'Assemblée nationale et à tirer les leçons.
12:34 Ces deux fois, il nous l'a refusée.
12:35 Et il nous l'a acceptée au lendemain de la promulgation
12:38 en nous disant "maintenant, je veux bien vous recevoir".
12:40 C'est quand même un peu gros.
12:41 Et donc là, moi, ce que j'ai dit à la Première ministre,
12:43 c'est qu'à ce stade, je ne voyais pas l'utilité
12:46 d'une grande messe avec Emmanuel Macron,
12:48 sauf si c'était pour nous annoncer le retrait de la réforme des retraites
12:51 ou des mesures d'augmentation des salaires.
12:53 - Mais est-ce qu'il y avait des effets positifs à cette rencontre
12:55 avec Elisabeth Borne ?
12:56 Elle nous a reçus assez longuement.
12:57 Est-ce que vous avez quand même senti que c'était nécessaire
13:00 de s'asseoir, de parler, de se voir ?
13:02 Une tentative d'apaisement, en fait ?
13:05 - Écoutez, j'ai senti qu'elle avait envie
13:07 qu'on reste longtemps dans son bureau.
13:09 Bon, d'accord.
13:10 - Elle ne voulait pas que vous partiez au bout de cinq minutes.
13:12 - C'est ça, mais bon, ce n'était pas ce que j'avais prévu de faire.
13:15 J'ai poussé les arguments jusqu'au bout
13:17 et surtout, j'avais une longue liste de propositions et de demandes.
13:20 Donc, c'est pour ça que ce rendez-vous a duré longtemps.
13:22 Le problème, c'est que sur 90%, la quasi-totalité de mes demandes,
13:26 j'ai eu un non ferme ou alors elle a pris note
13:29 et je n'ai pas eu de réponse.
13:31 Et donc, ça, c'est un problème.
13:33 C'est-à-dire que moi, encore une fois,
13:35 je n'ai pas besoin de la Première ministre pour discuter.
13:38 Ce que j'attends d'une Première ministre, c'est de négocier
13:41 sur la base de nos demandes avec des réponses à nos demandes.
13:44 - Et alors, par exemple ?
13:45 - C'est une rencontre pour rien aujourd'hui.
13:47 - J'attends de voir quelles seront les leçons qu'elle en tirera.
13:50 Elle nous a dit, voilà, elle a bien pris note.
13:52 On attend un retour de sa part.
13:53 Ce qui est très inquiétant, c'est que je lui ai fait part également
13:56 d'un certain nombre de lignes rouges, à savoir notamment sur
13:59 la question de l'assurance chômage, le fait que
14:02 l'ensemble des organisations syndicales contestaient la stigmatisation
14:05 des personnes privées d'emploi et des personnes qui touchent le RSA.
14:10 Nous avons rappelé qu'il y a aujourd'hui 5 millions de personnes
14:12 en France qui sont privées d'emploi, qu'on ne peut pas dire que
14:15 si on est au RSA, c'est qu'on l'a choisi et qu'on ne fait pas d'effort,
14:18 et que sa mesure de conditionnalité du RSA est scandaleuse.
14:22 Nous l'avons également interpellé sur la réforme du lycée professionnel,
14:25 qui est combattue très largement par les enseignants, les élèves,
14:29 et qui consiste à baisser le volume d'heures d'enseignement
14:31 des élèves les plus en difficulté.
14:33 Là-dessus, aucune réponse.
14:34 – Et vous attendez systématiquement à chaque fois des réponses
14:36 de la Première Ministre.
14:37 Vous avez évoqué tout à l'heure le cas de Verbaudet,
14:39 qui est un cas concret, entreprise dans une marque de puériculture,
14:44 avec des ouvriers qui ont été en grève et des salariés
14:46 qui ont été en grève pendant deux mois, un piquet de grève
14:49 qui a été délogé par les forces de l'ordre.
14:51 Et dans ce contexte-là, on a appris qu'il y a un délégué syndical
14:54 dénonçait des faits qui sont très troublants.
14:56 Il dit avoir été enlevé chez lui, devant son fils,
14:59 hier soir avoir été frappé, gazé, puis relâché.
15:03 Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de cette affaire ?
15:05 – C'est une affaire très grave, sur laquelle j'ai interpellé
15:08 la Première Ministre en lui disant que ça n'était pas possible,
15:12 que non seulement les pouvoirs publics n'aident pas
15:15 à ce qu'il y ait une vraie médiation sur cette question,
15:17 puisque je rappelle qu'à Verbaudet, il y a une grève qui dure
15:20 depuis deux mois, avec 80 ouvrières qui sont en grève,
15:23 tout simplement pour demander une augmentation de salaire
15:25 correspondante à l'inflation, et que jusque-là,
15:26 la réponse de la direction, c'est 0% d'augmentation de salaire,
15:31 et que les pouvoirs publics, au lieu d'organiser une médiation,
15:33 le préfèrent à envoyer les CRS pour les déloger de leur piquet de grève,
15:37 avec plusieurs militants et militantes qui se sont retrouvées
15:40 en garde à vue, et une gréviste qui a passé 24 heures à l'hôpital
15:43 parce qu'elle s'est fait luxer l'épaule, et enfin,
15:46 un militant de la CGT, effectivement, qui a été enlevé
15:49 par deux personnes qui étaient équipées, on va dire,
15:54 qui n'ont pas présenté de carte de police.
15:56 – Parlé, vous voulez dire équipées ?
15:57 – Je n'ai pas le détail, donc je n'irai pas jusqu'à ces termes,
16:00 mais en tout cas, équipées au moins de gazeuses,
16:02 déjà c'est interdit d'avoir du gaz lacrymogène ce soir.
16:05 – Vous accusez que ce soit des policiers, ce sont des portes de l'ordre.
16:08 – Non, justement, puisque le militant n'a pas vu de carte de police,
16:13 et en fait, il n'a pas eu la présence d'esprit,
16:15 il était tellement sidéré d'avoir ces deux personnes
16:17 qui viennent le chercher chez lui, qui le violentent,
16:19 qui l'emmènent en voiture, le dépouillent, etc.
16:23 Et donc, du coup, nous avons interpellé la première ministre,
16:27 et je lui ai dit que là, c'était extrêmement grave,
16:31 qu'il fallait intervenir immédiatement, sinon ça allait mal finir,
16:34 qu'il fallait que le gouvernement, l'État,
16:38 enclenche une procédure de médiation au plus haut niveau,
16:41 c'est-à-dire pas au niveau local,
16:42 puisque la préfecture n'a pas joué son rôle et que les RH dysfonctionnent,
16:45 donc il faut que cette médiation ait lieu avec la direction générale du groupe,
16:49 et qu'il faut que les poursuites cessent immédiatement
16:52 contre tous nos militants et militantes.
16:53 – Et pour vous, Mme Kubiné, un lien entre ce qui se passe chez Verbaudet
16:56 depuis des mois, ce blocage en termes de négociations,
17:00 et ce qui s'est passé hier soir, ce délégué syndical enlevé,
17:03 pour vous, il y a un lien dans tout ça ?
17:05 – Oui, évidemment, évidemment qu'il y a un lien avec,
17:08 là, depuis trois jours, on sent qu'il y a une stratégie de mise en tension
17:11 pour casser la grève, casser le piquet de grève.
17:13 Les grévistes ont été délogés du piquet de grève par des CRS,
17:19 avec beaucoup de violence, puisque une des grévistes a été hospitalisée
17:23 pour une luxation de l'épaule, donc évidemment qu'il y a un lien et que…
17:27 – Mais qui aurait intérêt à enlever pendant quelques instants
17:30 un délégué syndical, à le rester dans la nature derrière ?
17:32 – Écoutez, je ne vais pas faire d'accusation, là, à ce stade,
17:35 je pense qu'il faut qu'une enquête soit ouverte.
17:37 – Il y a une enquête qui est ouverte.
17:38 – Je noterai avec satisfaction que les pouvoirs publics
17:40 avaient enfin pris leur responsabilité d'ouvrir une enquête,
17:44 et ce qui est sûr, c'est qu'il faut qu'il y ait des négociations
17:46 immédiatement qui s'ouvrent avec la direction générale du groupe,
17:49 il faut que les revendications des grévistes soient entendues,
17:51 je rappelle que ce sont des ouvrières qui travaillent en 3-8, donc de nuit,
17:55 qui pour beaucoup sont à la tête de familles monoparentales,
17:57 qui sont payées au SMIC ou autour du SMIC,
18:00 que c'est une entreprise où il n'y a aucun déroulement de carrière,
18:02 c'est-à-dire on a des ouvrières, ça fait 30 ans qu'elles sont là,
18:04 elles sont payées comme si c'était il y a 6 mois,
18:07 que c'est des boulots pénibles, elles font 25 km par jour de manutention,
18:11 en poussant leur manutention, donc il faut arrêter de se moquer du monde,
18:13 là il faut augmenter les salaires.
18:14 – Antoine.
18:15 – Juste une chose pour rebondir un peu sur ce que vous dites sur Verbodet,
18:18 et pour faire aussi le lien avec ce qui s'est passé aujourd'hui
18:20 en l'auteur de la Première ministre,
18:21 on a l'impression que décidément le courant,
18:24 enfin le dialogue ne passe pas du tout entre les partenaires sociaux,
18:27 on a l'impression que ça ne s'améliore pas du tout,
18:28 c'est un peu le sentiment que vous donnez,
18:30 d'un côté cette espèce de blocage assez ferme,
18:32 donc l'absence de dialogue qui d'une certaine façon
18:35 a créé aussi des tensions dans le pays,
18:37 et les syndicats ont beaucoup mis en garde contre le risque,
18:39 d'une certaine façon de violence ou de débordement,
18:42 de ne plus maîtriser la colère des gens,
18:44 là vous citez un exemple Verbodet où on voit,
18:46 il y a cette stratégie de la tension,
18:47 on ne sait pas si ce sont des forces de l'ordre,
18:49 mais vous semblez sous-entendre qu'il y a quand même
18:52 une volonté de la direction avec on ne sait qui,
18:55 en tout cas des hommes de main, qui intimide les salariés,
18:57 est-ce que vous redoutez, compte tenu de ce contexte-là,
19:00 et de ces rencontres avec Elisabeth Borne,
19:02 que les tensions et que la violence s'accroissent dans le pays ?
19:05 Est-ce que vous avez une inquiétude pour les jours et les semaines qui viennent ?
19:08 C'est ce que j'ai indiqué à Elisabeth Borne,
19:10 que l'autoritarisme gouvernemental,
19:12 il envoyait un signal extrêmement négatif dans les entreprises,
19:15 avec de la répression patronale,
19:17 qui se fait maintenant de façon décomplexée.
19:19 J'ai pris un autre exemple,
19:21 je lui ai parlé de Sonelogue,
19:22 une entreprise de logistique dans le sud de la France,
19:24 dans laquelle il y a eu 20 jours de grève
19:26 pour obtenir péniblement 800 euros de prime,
19:29 pas d'augmentation de salaire,
19:31 et nous avons eu 25 grévistes qui sont actuellement convoqués
19:35 pour entretien préalable à licenciement,
19:37 pour fait de grève, et donc ça,
19:38 on l'a dans un certain nombre d'endroits en France,
19:40 c'est extrêmement grave.
19:41 C'est nouveau et ça s'aggrave.
19:42 Ça s'aggrave, les pouvoirs publics doivent jouer leur rôle,
19:44 et pour finir sur ce rendez-vous,
19:47 nous, on était venus, on nous avait vendu du dialogue social.
19:50 Au final, c'était un monologue patronal,
19:52 puisque moi, je suis venue avec des exigences extrêmement précises,
19:56 nous n'avons eu aucune réponse précise à nos demandes,
19:59 et pour l'instant, la seule chose que je peux dire,
20:01 c'est qu'aucune de nos demandes n'est prise en compte.
20:03 - Sophie Binet, une question encore par rapport aux violences,
20:06 est-ce que vous faites un lien là aussi entre l'agression
20:08 dont a été victime le petit-neveu de Brigitte Macron à Amiens,
20:11 il y a deux jours, et ce qui se passe depuis trois mois
20:14 autour des retraites, on sait que cette agression,
20:16 elle s'est faite en marge d'un rassemblement
20:18 qui était autorisé autour des retraites, d'une castrelade,
20:20 est-ce que pour vous, tout ça participe de la même chose,
20:23 de la même atmosphère, d'une certaine manière ?
20:25 - Cette agression, je la condamne, évidemment, c'est très grave.
20:28 Toutes les violences physiques sont graves,
20:31 donc celle-là, je la condamne, évidemment.
20:34 C'est d'autant plus grave que ça touche à la vie privée
20:36 et à la famille d'un élu de la République,
20:38 a fortiori le président de la République,
20:39 et donc lui, c'est son petit-neveu, il ne l'a pas choisi,
20:42 donc voilà, c'est inacceptable.
20:44 Mais effectivement, ça fait des mois que les syndicats martèlent
20:48 que cette stratégie de passage en force,
20:50 de mépris généralisé face à la mobilisation sociale,
20:53 forcément, ça fait monter les tensions, et que ça, c'est grave.
20:56 Et effectivement, ça, je l'ai redit à la Première ministre,
20:59 et donc moi, j'ai une seule conclusion,
21:01 il faut que nous soyons le plus nombreux et nombreuses possibles
21:03 dans la rue le 6 juin prochain, en grève et en manifestation,
21:06 parce que c'est la seule façon de nous faire entendre.
21:08 - Mais le fait de mettre un "mais" dans votre phrase,
21:10 et de dire qu'il y a une part de responsabilité
21:12 de la part du gouvernement et de la part d'Emmanuel Macron, etc.,
21:14 dans ce qui s'est passé pour son petit neveu,
21:16 est-ce que ça n'est pas problématique ?
21:17 - Non, non, non, ne cherchez pas à me faire dire ce que je n'ai pas dit.
21:20 J'ai dit que je condamnais ces violences qui sont inacceptables, point.
21:25 Et ensuite, j'ai dit, il y a un contexte dans le pays,
21:28 quand on passe en force de cette façon-là,
21:31 il y a une montée des violences, des tensions dans le pays.
21:34 Et ça, ça fait des mois que nous le disons au président de la République,
21:37 au gouvernement, qu'il ne veut pas entendre,
21:39 et qu'il fait comme si on pouvait tourner la page
21:41 d'une réforme des retraites violente, qui nous vole deux ans de vie,
21:43 et qui n'est absolument pas justifiée économiquement.
21:45 - Bon, et vous dites, on ne tournera pas la page,
21:47 ça ne se passera pas comme ça.
21:48 Merci beaucoup Sophie Bidet d'avoir été avec nous ce soir,
21:51 en direct, dans 22h max.