Arctique, la nouvelle frontière de Poutine
Les nouvelles ambitions du Président russe.
Les ambitions territoriales du président russe Vladimir Poutine ne semblent avoir aucune limite. L'un de ses objectifs principaux : la conquête de l'Arctique au pôle Nord. Pour Moscou, cette conquête passe aussi par une militarisation de la région, ce qui n'est pas sans inquiéter l'OTAN.
Les nouvelles ambitions du Président russe.
Les ambitions territoriales du président russe Vladimir Poutine ne semblent avoir aucune limite. L'un de ses objectifs principaux : la conquête de l'Arctique au pôle Nord. Pour Moscou, cette conquête passe aussi par une militarisation de la région, ce qui n'est pas sans inquiéter l'OTAN.
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00:00 *Générique*
00:11 Bonjour à tous et bienvenue dans "Dogshot", votre rendez-vous avec les meilleurs documentaires du moment.
00:16 Aujourd'hui, je vous propose de découvrir comment et pourquoi Vladimir Poutine souhaite renforcer les positions de la Russie dans l'Arctique.
00:25 On le sait, les ambitions territoriales du président russe Vladimir Poutine ne semblent avoir aucune limite.
00:31 Ce que l'on sait moins, c'est que l'un de ses objectifs principaux est la conquête de l'Arctique au pôle Nord.
00:37 Poutine investit ainsi dans des projets industriels hors normes,
00:41 comme une gigantesque usine de traitement de gaz construite sur Piloti, ou encore une incroyable centrale nucléaire flottante.
00:48 Et pour Moscou, cette conquête passe aussi par une militarisation de la région.
00:53 En Arctique, l'armée russe multiplie les démonstrations de force et construit des bases spectaculaires sur des îles jusqu'ici quasi inhabitées.
01:02 Cette militarisation massive est forcément ce qui préoccupe le plus l'OTAN,
01:07 car on le sait, en matière de conflits, le pensionnaire du Kremlin est dangereusement imprévisible.
01:13 Voici "Arctique, la nouvelle frontière de Poutine".
01:16 C'est un documentaire inédit réalisé par Hervé Bouchot et Jérôme Dion.
01:20 Bonne vision.
01:20 Au delà du cercle polaire, en Russie, un soldat de l'armée rouge de 35 mètres de haut veille sur la ville de Murmansk.
01:36 Située au nord-est du pays, c'est le plus grand port de l'Arctique russe et le siège d'une immense base navale militaire.
01:48 Elle abrite la moitié des sous-marins nucléaires de la marine et une flotte de brise-glaces, eux aussi nucléaires.
01:59 *Musique*
02:03 Nous sommes en 2019. Ce jour-là, la ville célèbre le lancement d'un navire unique au monde.
02:12 La première centrale nucléaire flottante, l'Académique, l'Omonosov.
02:22 Parmi les dignitaires du régime et les militaires venus assister à cette célébration, Alexei Lykatchov, le patron de Rosatom, le géant du nucléaire russe.
02:35 C'est l'ancien vice-ministre de l'économie de Vladimir Poutine.
02:43 « Bonjour. Bonjour, chers invités, amis et collègues. C'est un grand jour. Le lancement de la centrale flottante Académique, l'Omonosov.
02:56 Une construction unique au monde qui combine les caractéristiques d'une centrale nucléaire et d'un navire. Tout est exceptionnel.
03:09 Sa puissance énergétique et le cycle du combustible nucléaire. »
03:18 La centrale, un navire de 140 mètres de long et de 30 de large, entièrement repeint aux couleurs de la Russie, blanc, bleu et rouge.
03:29 Seul un petit groupe de journalistes a été autorisé à la visiter. Nous sommes la seule télévision française.
03:37 Le lieu est sensible, la visite très encadrée.
03:44 « Alors, il est interdit de filmer les caméras de surveillance, les verrous et tout ce qui est lié à la sécurité. Et moi non plus, vous ne pouvez pas me filmer. »
03:56 Installer une centrale nucléaire sur un bateau, l'idée semble folle et inquiète les journalistes. Parmi eux, un Japonais.
04:04 Dans son pays, depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, on est particulièrement sensible à tout ce qui concerne la sécurité nucléaire.
04:13 Le directeur de la centrale a accepté de répondre aux questions.
04:17 « Que pouvez-vous nous dire sur la résistance de votre navire ? Sur le dossier de presse, on lit que le navire peut résister à des chocs, à des tempêtes,
04:34 à des vents de 200 km/h ou à des vagues allant jusqu'à 7 mètres de haut. Est-ce que le bateau peut vraiment tenir ? »
04:46 « On a tout prévu. Un hélicoptère qui s'écrase dessus, l'échouage ou un choc avec un autre bateau. Le navire sera toujours capable de flotter, sa coque est très épaisse.
04:56 Et on a aussi tenu compte d'une température extérieure de -40 degrés. »
05:01 Cette journaliste vient de Finlande, un pays situé à seulement 150 km de Murmansk.
05:09 « Selon Greenpeace, cette centrale est un Tchernobyl flottant. Est-ce que le réacteur est semblable à celui de Tchernobyl ? »
05:19 « Je ne peux parler que de ce réacteur. Aujourd'hui, ce réacteur est le plus élaboré qui soit en Russie. C'est un réacteur mobile qui a été modifié et qui respecte tous les critères de sécurité. Merci. »
05:38 Quelques minutes plus tard, les marins larguent les amarres. Cette centrale flottante, c'est une volonté de l'État russe.
05:48 Le patron de Rosatom a conçu ce prototype unique au monde pour fournir de l'électricité dans les endroits isolés au nord du cercle polaire.
05:59 « L'Arctique doit être développée comme toutes les autres régions russes. Mais la question du développement de l'Arctique est plus complexe qu'ailleurs.
06:09 Cette région est unique. Elle est fragile d'un point de vue écologique et les conditions climatiques sont extrêmes pour ses habitants. En Arctique, on peut tout changer sauf le climat. »
06:23 La centrale nucléaire flottante part pour un voyage de quatre mois. Elle va parcourir 4000 kilomètres pour rejoindre un petit port de 5000 habitants, Pévèque, au nord du détroit de Béryl.
06:44 Cette centrale, c'est le symbole de la conquête de l'Arctique voulue par Vladimir Poutine.
06:54 L'Arctique, c'est le nouvel eldorado de la planète. Son sous-sol regorge de richesses, de l'or, de l'uranium, des terres rares et bien sûr du pétrole et du gaz.
07:08 Il attise aujourd'hui les convoitises des huit pays qui l'entourent, parmi lesquels les Etats-Unis et surtout la Russie, qui possèdent le plus vaste territoire de cette zone.
07:21 D'autant qu'aujourd'hui, le réchauffement climatique rend ses ressources naturelles plus accessibles. Ces images de la NASA montrent l'état de la banquise.
07:32 En 40 ans, elle a perdu 40% de sa superficie, ouvrant de nouvelles voies de navigation et facilitant l'exploitation des richesses minières.
07:45 Une opportunité pour Vladimir Poutine qui multiplie les projets, comme cette gigantesque usine de gaz liquéfié construite sur le sol glacé au nord du cercle polaire.
07:57 « Si Poutine n'exploite pas l'Arctique russe, Poutine ne restera pas au pouvoir en Russie. »
08:03 Et pour le Kremlin, cette conquête passe aussi par une militarisation de la région. En Arctique, l'armée russe multiplie les démonstrations de force et construit des bases spectaculaires sur des îles jusqu'ici quasi inhabitées.
08:19 « Le trèfle du nord est la première base permanente des forces armées russes capables de vivre en autarcie. »
08:28 De quoi effrayer les autres pays de la zone arctique qui craignent aujourd'hui d'être envahis par la Russie.
08:36 « Vous voyez bien ce qui se passe en Ukraine ? On a une frontière avec la Russie au nord. Alors on ne sait jamais. Poutine est fou ! »
08:46 L'OTAN a décidé d'envoyer un message fort au Kremlin. Pour montrer qu'elle pouvait à tout moment repousser une invasion russe, l'Alliance Atlantique a organisé le débarquement d'une armée de 35 000 hommes en Norvège.
08:59 « L'ennemi auquel on est confronté a autant de capacités que nous et dans certains domaines, parfois, il nous est supérieur. »
09:06 Mais il existe aussi une présence russe en Arctique qui inquiète l'OTAN. Des colonies au nord de la Norvège, d'anciennes mines de charbon installées ici depuis 90 ans.
09:22 « C'est vraiment figé dans le temps. C'est joli, mais je suis curieux de savoir comment c'était de vivre ici à l'époque. »
09:30 Des enclaves russes au cœur de l'OTAN que Poutine ne veut à aucun prix abandonner. Cible des ambitions du Kremlin, l'Arctique est aujourd'hui devenue une nouvelle zone de tension internationale.
09:47 Deux ans après son lancement dans le port de Murmansk, nous avons été autorisés à aller voir la centrale nucléaire flottante. C'était avant la guerre en Ukraine.
10:02 Pour atteindre les confins de l'Arctique russe, il va nous falloir deux jours de voyage et pas moins de quatre avions.
10:10 Nous avons rendez-vous à l'aéroport de Magadan, dans l'extrême-orient russe. Pour rejoindre le cercle polaire, Rosatom, le géant du nucléaire, a affrété un avion spécial.
10:22 Un vieil Antonov des années 80, vestige de l'ex-URSS. Un avion à hélices, capable de se poser sur des pistes d'atterrissage très courtes et dans des conditions climatiques extrêmes.
10:39 A l'intérieur, des officiels de Rosatom et une dizaine de journalistes. Quelques occidentaux, mais aussi des russes, car c'est la première fois que des médias sont autorisés à se rendre là-bas.
10:57 Nous partons de Magadan, cette petite ville située dans l'extrême-orient russe, et nous allons remonter tout au nord jusqu'à Pévec, le port où est stationnée la centrale nucléaire.
11:10 Cinq heures de vol au-dessus de régions quasi désertes.
11:19 Pévec est considéré par les autorités russes comme une zone sensible, normalement interdite aux étrangers.
11:28 Pour se rendre ici, il faut un permis spécial validé par l'armée et le FSB, les services secrets russes.
11:41 La ville est située à 15 kilomètres de l'aéroport.
11:46 Nous longeons des bâtiments en ruines et des usines désaffectées.
12:02 La région était célèbre pour ses mines d'uranium dans lesquelles travaillaient les prisonniers des goulags.
12:09 Et soudain, au détour d'un virage, la centrale nucléaire flottante apparaît, amarrée à l'entrée de la ville.
12:19 Pévec, de longues barres d'immeubles de cinq étages de couleur vive posées au bord de l'océan Arctique.
12:32 Une ville plongée dans l'obscurité trois mois par an à cause de la nuit polaire.
12:39 Des conditions extrêmes, moins 40 degrés l'hiver et des vents glacés qui peuvent atteindre 200 kilomètres heure.
12:50 5 000 personnes vivent ici, dans ce bout du monde coupé de tout.
12:56 C'est le cas de Nadia.
13:00 - Maman va préparer la marinade. Qui veut mettre les épices ? Christiane ? Moi !
13:06 Elle vit ici avec son mari et ses trois filles.
13:11 - Maman, est-ce que je peux étaler ? Vas-y avec les mains, un tout petit peu. Comme ça ? Oui.
13:19 - Avec ma main, maman ? Oui, vas-y. Et après tu iras te laver les mains.
13:27 La famille est installée ici depuis dix ans. Le mari, Paul, est ingénieur dans une mine d'or.
13:36 Nadia, qui a fait une partie de ses études aux Etats-Unis, a dû apprendre à s'adapter aux contraintes de la vie en Arctique.
13:42 Le froid, mais aussi et surtout l'approvisionnement en nourriture.
13:47 - Eh bien, ici, il n'y a pas d'agriculture et on ne peut pas faire de jardinage car l'été est trop court et on ne peut rien faire pousser dans le sol.
14:01 Toute la nourriture est amenée par bateau. De la fin juillet à novembre, à peu près, quand la navigation est possible dans la région.
14:11 - Les cargos viennent ici, ils apportent tout. La nourriture, les vêtements, tout. Ils doivent apporter assez de nourriture pour toute l'année.
14:23 Et pendant l'hiver ?
14:25 - En hiver, seuls les avions peuvent venir avec de la nourriture. Ils en apportent, mais c'est très cher.
14:34 Nadia et son mari ont accepté de nous montrer les coulisses de la vie quotidienne à Pévec.
14:41 Nous sommes en octobre, la neige et la glace n'emprisonnent pas encore la ville.
14:47 Il fait moins 10 degrés, presque un temps de printemps pour le couple habitué aux températures extrêmes de l'hiver.
14:54 - Il y a du vent, mais il y a un peu de soleil.
14:58 La première chose qui frappe lorsqu'on marche dans les rues de Pévec, c'est l'absence de centre-ville.
15:05 Juste une succession d'immeubles, aucun magasin, aucune vitrine.
15:11 - Il y a des épiceries, mais elles sont installées au rez-de-chaussée des immeubles.
15:17 On n'a pas de magasins dans des bâtiments à part comme des supermarchés.
15:21 - D'ici, on peut voir au moins deux magasins. Un et deux au bout de l'immeuble.
15:26 - À l'angle.
15:28 - Mais comment pouvez-vous voir qu'il y a un magasin ?
15:30 - Regardez, les petits panneaux installés au-dessus.
15:35 Ce sont ces petits écriteaux à l'entrée des bâtiments qui indiquent la présence des magasins.
15:42 Comme ici, l'épicerie où Nadia a ses habitudes.
15:47 - Qu'est-ce qu'on va acheter ?
15:52 À l'intérieur de l'épicerie, des murs entiers recouverts de marchandises. Pas un seul espace de libre jusqu'au plafond.
16:01 La propriétaire stocke suffisamment de nourriture pour tenir tout l'hiver, car pendant 6 mois, l'océan est gelé et aucun bateau ne peut arriver à Pévec.
16:12 Et ce matin, elle est inquiète, car un conteneur de 20 tonnes de nourriture qu'elle avait commandé n'est toujours pas arrivé.
16:20 - Ce conteneur est parti de Moscou. Il y a plus de 20 tonnes de produits à l'intérieur.
16:27 Il est bloqué dans le port d'Arkhangelsk. C'est sans doute à cause de la glace.
16:32 Le transporteur qui devait l'amener ne le prend pas. Tous les conteneurs sont bloqués depuis 2 mois.
16:38 On ne reçoit plus aucune nourriture par voie maritime.
16:43 - Ce sont des produits congelés vitaux pour les gens ici. De la viande, des poissons, des fruits de mer, des plats surgelés. Nous, on est là et on attend.
16:53 L'autre problème, ce sont les produits frais comme les fruits et légumes. L'hiver, seuls quelques rares avions relient Pévec au reste du monde.
17:04 - Si l'avion vient une fois par mois, on a des fruits et des légumes une fois par mois. Si l'avion vient deux fois par mois, on en a deux fois par mois.
17:14 Résultat, ici, les fruits et légumes sont considérés comme des produits de luxe.
17:20 9 euros le kilo d'orange, 10 euros les poires et 12 euros le kilo de concombre ou de tomate.
17:27 - Au revoir.
17:29 C'est cher, mais ici, les salaires sont entre 30 et 50 % plus élevés que dans le reste du pays. Et le chauffage et l'électricité sont gratuits.
17:40 Car l'Etat veut inciter les Russes à s'installer à Pévec pour exploiter les richesses de la région comme l'or ou l'uranium.
17:50 Problème, la vieille centrale à charbon n'est pas assez puissante pour alimenter les mines. Alors aujourd'hui, c'est sur cette centrale atomique flottante que la Russie mise pour mener à bien ses ambitions.
18:07 Le navire est amarré sur un ponton spécial. Des bras articulés permettent de le stabiliser en cas de montée des eaux.
18:17 Le réacteur a été activé en décembre 2019. A l'intérieur, un labyrinthe de couloirs et de canalisations.
18:36 C'est le directeur de la centrale en personne, Kirill Toporov, qui fait office de guide.
18:43 -Ici, on stocke le combustible nucléaire déjà utilisé. Et là, c'est la partie centrale où se trouve le réacteur.
18:56 Il nous entraîne au cœur de la centrale nucléaire.
19:04 -Nous sommes dans la salle des machines numéro 1, dans la partie droite du bateau. C'est ici que se trouve l'équipement essentiel qui produit l'énergie. Il y a la turbine et il y a le générateur électrique.
19:21 -Et le réacteur, il est où ? -Le réacteur est là-bas, plus loin, de l'autre côté du mur.
19:30 Les ingénieurs et les ouvriers de Rosatom ne sont pas habitués à avoir des caméras à bord. Et ça les stresse un peu.
19:39 -Ils viennent de filmer en haut. À l'instant, on va faire remonter l'information au directeur de la sécurité.
19:52 -On va vérifier ce qu'on peut montrer ou pas.
19:58 Par contre, pas de problème pour filmer les lieux de détente mis à la disposition des employés, comme ces salles de sport.
20:07 Ici, 130 personnes travaillent à temps plein. Certains dorment sur le port, d'autres à l'intérieur même de la centrale.
20:18 Il se relève 24 heures sur 24. Cette centrale flottante fonctionne avec deux réacteurs du même type que ceux utilisés sur les sous-marins nucléaires ou sur le porte-avions de la marine française, le Charles de Gaulle.
20:34 L'énergie produite est très largement supérieure aux besoins d'une ville de 5 000 habitants comme Pévec.
20:42 -Cette centrale peut alimenter en électricité et en chauffage une ville de 100 000 habitants.
20:48 -Alors pourquoi l'avoir installée à Pévec ?
20:52 -C'est à cause du plan de développement énergétique de la Russie. On doit fournir de l'électricité aux sociétés minières qui sont déjà implantées ici et qui extraient des minéraux.
21:05 -Elles sont en croissance et elles ont besoin de beaucoup d'énergie pour leur activité. Ce sont d'énormes consommateurs. C'est pour eux qu'on va utiliser la centrale nucléaire.
21:18 Pour Rosatom, ces centrales représentent un marché d'avenir. Elles peuvent fournir de l'électricité dans les endroits les plus reculés du monde.
21:28 Le Kremlin en a commandé trois nouvelles pour les installer en Arctique.
21:33 Sont-elles plus dangereuses que les centrales classiques ? Trop tôt pour le dire.
21:39 De toute façon, à Pévec, les habitants n'ont pas été consultés et n'ont pas eu d'autre choix que d'accepter.
21:48 -Est-ce que parfois vous avez peur ?
21:55 -Peur ? Au début, oui, j'étais effrayée. Au début, je pense que tout le monde l'était. C'est quelque chose de nouveau que personne n'a jamais vu. On ne sait pas comment ça marche.
22:06 -Tout le monde avait peur, mais avec le temps, on s'est habitués. Il y a cette grosse machine paisible et on espère tous qu'elle va produire de la chaleur et de l'électricité pour notre ville et notre région.
22:24 -On espère ça et on prie pour la sécurité à la fois de cette centrale nucléaire flottante et de notre région.
22:35 Chez Nadia et Paul, on préfère ne retenir que les aspects positifs de l'arrivée de cette centrale.
22:42 -Je crois que c'est bien parce qu'encore une fois, on espère que c'est bon pour l'écologie. Surtout si on compare cette centrale avec l'ancienne centrale à charbon, avec ses fumées très noires.
22:59 -Ça, c'est propre. Maintenant, les gens viennent ici pour travailler. Il y a des emplois. On a chaud à la maison et on a la lumière. Je crois que c'est un très bon projet pour une région aussi éloignée que la nôtre.
23:22 En deux ans, la ville a commencé à changer. Le collège et le lycée ont été rénovés et des aires de jeux ont été construites devant les barres d'immeubles.
23:33 Tout cela grâce à l'argent de Rosatome. Tout est fait pour attirer de nouveaux habitants et de nouveaux investisseurs. Avec cette centrale, le Kremlin espère bien faire de Pévèque le fer de lance de sa conquête du Grand Nord.
23:50 En Russie, la zone arctique représente environ 20% de la surface totale du pays. Un espace très peu habité et qui regorge de ressources naturelles.
24:05 Depuis 15 ans, Vladimir Poutine en a fait son objectif prioritaire. Il se met régulièrement en scène lors de voyages dans les régions les plus reculées de l'Arctique.
24:20 Comme ici en 2017, lors d'une expédition dans l'archipel François-Joseph, les îles les plus au nord du pays, où il va une nouvelle fois répéter son credo.
24:35 Je voudrais vous rappeler que cette région revêt une importance considérable pour renforcer la position de la Russie dans le monde et garantir nos intérêts économiques.
24:46 La valeur totale des réserves minérales contenues dans le sous-sol de la zone arctique est estimée entre 1500 et 2000 milliards de dollars.
24:57 2000 milliards de dollars. Une somme astronomique qui permettrait d'assurer la prospérité économique du pays pour les 20 ou peut-être même les 50 prochaines années.
25:10 Pour Mika Mered, ce chiffre est loin d'être surestimé. Cet enseignant à Sciences Po est un spécialiste de la géopolitique des pôles. Selon lui, l'exploitation de l'Arctique est vitale pour le gouvernement russe.
25:26 Comme la Russie est une économie extractive dont la valeur ajoutée, c'est tout simplement extraire des choses du sol et les vendre à l'étranger, il faut aller vers le nord.
25:37 Pour la Russie, c'est absolument indispensable. Si Poutine n'exploite pas l'Arctique russe, Poutine ne restera pas au pouvoir en Russie.
25:44 Les choses sont très claires. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, l'Arctique est le premier gisement de croissance pour l'ensemble du système des oligarques russes.
25:55 La réalisation la plus spectaculaire de l'ère Poutine se trouve sur la péninsule du Yamal, à 600 kilomètres au nord du cercle polaire.
26:05 Une gigantesque usine industrielle construite sur Piloti, sur le permafrost, le sol gelé de l'Arctique.
26:14 Son but ? Exploiter les gisements de gaz de la région et exporter ce gaz sous forme liquide dans le monde entier grâce à de gigantesques bateaux, des méthaniers capables de naviguer au milieu des glaces.
26:30 À Yamal, il fait -40 degrés l'hiver. Et pendant 4 mois, c'est l'obscurité de la nuit polaire.
26:42 -Honnêtement, les salaires sont très bien. Ici, le climat est dur. Mais on vient tous du nord. Moi, je viens de Magadan. Alors ça va.
26:54 -On est fiers ! La Russie grandit et s'enrichit !
26:58 La construction a duré 5 ans. Et en 2017, c'est Vladimir Poutine lui-même qui vient l'inaugurer. Avec ce projet, dont il avait fait un défi personnel, il prouve que la Russie peut construire de gigantesques infrastructures industrielles en zone polaire.
27:17 -Vous avez vu des aurores boréales ? -Non, je n'ai pas vu d'aurores boréales. Je n'ai vu que la lueur de votre usine. Une véritable aurore boréale high-tech.
27:29 -C'est génial ! Impressionnant !
27:34 C'est aussi un message envoyé à la population russe.
27:40 C'est peut-être le plus grand pas en avant dans le développement de l'Arctique. Nous pouvons maintenant affirmer avec certitude que la Russie s'étendra dans l'Arctique au cours du siècle prochain.
27:53 Et si Poutine a réussi à mener à bien ce projet hors normes, c'est grâce au français Total. Le pétrolier a participé à la construction de cette usine et en possède aujourd'hui 20 %.
28:07 C'est ici que Total et ses partenaires se sont associés pour développer Yamal LNG, un projet de construction d'une usine de gaz...
28:15 Sur le site internet du groupe, on peut voir une vidéo de 2016 où le PDG, Patrick Pouyanné, se félicitait de cet investissement.
28:24 -Ici à Yamal, c'est un immense projet, 27 milliards de dollars. Yamal est une des plus grandes réserves de gaz au monde, à partir de laquelle on pourra alimenter à la fois le marché européen et le marché asiatique.
28:37 -Le gaz étant l'énergie future qui va se développer, nous allons, grâce à ce projet, trouver des nouvelles bases de croissance pour le futur pour notre entreprise.
28:45 Nous avons voulu interroger les dirigeants de l'entreprise sur Yamal, mais depuis le début de la guerre en Ukraine, silence Total. Le pétrolier refuse de communiquer sur ce sujet sensible.
28:58 Seule certitude, Total ne s'est pas désengagé du projet.
29:03 -Est-ce qu'aujourd'hui, Total est capable de s'asseoir sur ce qui devait, à l'horizon 2050, représenter ce qui allait permettre au groupe de continuer sa prospérité dans le secteur du gaz ? A priori, pas complètement.
29:18 On considère que l'article russe contient 20% des réserves mondiales de gaz encore à découvrir sur la planète. Une manne à laquelle Total ne veut pas renoncer. Et cela pour une raison très simple.
29:32 -Pendant que la Russie est mise au banc des nations occidentales et que les entreprises européennes sortent de l'article russe, que les gouvernements demandent à leurs entreprises de sortir de l'article russe ou de Russie en général,
29:44 il y a des gouvernements sans scrupules qui disent "bah c'est pas grave, moi je prends la place". Il y a les japonais pour lesquels c'est trop important d'être en Russie par rapport à la ressource énergétique,
29:54 il y a les coréens pour la même raison, et puis il y a d'autres encore moins scrupuleux comme l'Inde, comme la Turquie, comme l'Arabie Saoudite et plein d'autres qui disent à leurs entreprises "au contraire, allez-y !
30:05 Ces ressources sur lesquelles vous espériez mettre la main et que les français, les italiens, les belges, néerlandais, ce que vous voulez, ont pris, bah maintenant qu'ils sont partis, qu'ils valent la chasse pour faire sa place, allez-y ! Et ils y vont !
30:18 Aujourd'hui au Yamal, de nouveaux projets gaziers sont déjà en cours. Et le Kremlin accélère la construction de brises glaces. Car grâce à la fonte de la banquise, une nouvelle voie maritime est apparue.
30:33 Le passage du nord-est. Ils permettent aux cargos de relier l'Asie à l'Europe en 20 jours au lieu de 40 par le sud. Une voie maritime que le Kremlin veut contrôler.
30:49 Pour cela, Vladimir Poutine s'est lancé dans une remilitarisation de toute la région. En moins de 15 ans, des anciennes bases militaires de l'ex-URSS ont été rénovées et quatre nouvelles ont été construites, dont une sur l'île de Kotelny.
31:10 Voici le trèfle du nord, la plus grande et la plus spectaculaire des bases. Peinte aux couleurs de la nation, c'est la fierté de la flotte du nord, l'armée qui contrôle tout l'Arctique russe.
31:24 -Le trèfle du nord est la première base permanente des forces armées russes capables de vivre en autarcie. Elle est construite avec les dernières technologies.
31:37 La base peut accueillir 250 hommes. Le ministère de la Défense y a convié une vingtaine de journalistes russes et occidentaux. Au programme, une démonstration de force.
31:53 Et la présentation du dernier modèle de camion lance-missile.
32:00 -Il s'agit du système de missiles Bastion qui est prévu pour détruire des navires. Il a une portée de 300 kilomètres.
32:08 Cette visite organisée est clairement un message à destination du monde entier. Le Kremlin veut montrer que l'Arctique est son nouveau terrain de chasse.
32:20 Mais pour l'OTAN, pas question de laisser la Russie apparaître comme la seule puissance dominante de la région. Et elle va le faire savoir de manière spectaculaire.
32:32 Direction la Norvège, l'un des huit états présents en Arctique et qui possède une frontière avec la Russie.
32:42 Nous sommes en mars 2022, un mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Au milieu des fjords, un bateau de guerre français. Le Dixmude.
33:04 -Menace, missile, menace, missile.
33:16 -Vos intentions ne sont pas claires. Vous approchez un navire de guerre.
33:23 -La piste vient de bréquer à l'ouest. Fin de la menace.
33:28 Fin de l'alerte et fin de l'exercice. Il n'y a pas d'avion ennemi. Le Dixmude n'est pas en guerre, mais c'est tout comme.
33:37 Le porte-hélicoptère français participe à une opération de l'OTAN à grande échelle. La simulation d'une guerre en Arctique.
33:47 La Norvège vient d'être envahie par une puissante armée ennemie. Les armées de l'OTAN doivent la délivrer.
33:57 La mission s'appelle Cold Response, riposte froide. Le but de l'exercice, apprendre aux armées de l'OTAN à combattre au nord du cercle polaire.
34:11 -Radar, est-ce qu'on a des pistes sur la prochaine route ?
34:15 Le capitaine de vaisseau Emmanuel Moccard est aux commandes du Dixmude. Selon lui, cet exercice est plus que justifié.
34:22 Aujourd'hui, la Marine nationale doit absolument se préparer à mener des combats en pleine mer, en Arctique ou ailleurs.
34:30 -Dans les espaces maritimes, ça fait quand même 10 ou 15 ans qu'on s'aperçoit que les relations entre les Etats se durcissent et que le combat d'un val est redevenu une hypothèse de travail.
34:40 -Vraiment, on sent les rapports qui se durcissent. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on insiste à un réarmement naval de nombreux pays à travers le monde.
34:52 -Et on sait que les tensions sont présentes.
34:56 -Bonjour à tous. Repos.
35:00 Et dans les fjords, c'est bien une opération de guerre que le capitaine de vaisseau va mener. Il doit organiser le débarquement d'un régiment de l'armée française sur une plage norvégienne.
35:13 A l'intérieur du navire, 300 hommes du 1er RIMA, le régiment d'infanterie de marine, et plus de 80 véhicules de combat, dont trois chars AMX 30.
35:26 Le Dixmude n'est pas seulement un porte-hélicoptère, il possède aussi des péniches de débarquement. Avec les chars d'assaut à bord, elles foncent à près de 50 km/h dans les fjords.
35:42 Pour l'équipage, c'est l'occasion d'expérimenter les conditions climatiques extrêmes de l'Arctique. Car le Dixmude est basé à Toulon et a plus l'habitude de manœuvrer en Méditerranée.
35:55 -Ca va ? C'est pas trop dur de travailler dans ces conditions, là ?
35:59 -On s'adapte ?
36:01 -Le tonneau nous empêche !
36:05 ...
36:16 -La Méditerranée, moi !
36:19 ...
36:23 -C'est pas facile à la remuer !
36:25 -Ah ouais !
36:27 -Ca va quasiment plus jour !
36:31 ...
36:34 La météo dans les fjords est changeante et capricieuse. Mais il faut absolument débarquer tous les hommes et tous les blindés avant la tombée de la nuit.
36:45 L'opération va durer 8 heures.
36:50 Sur la berge, les habitants de ce petit village de pêcheurs observent les manœuvres avec intérêt. Car ici, depuis le début de la guerre en Ukraine, les Norvégiens se méfient d'une possible invasion de la Russie.
37:04 -Je ne veux pas y penser, mais j'y pense. Plus que je ne le voudrais. On est un petit pays. On est un pays très étendu, mais avec peu d'habitants. Et la Russie est grande. Donc oui, j'y pense.
37:22 -Donc pour vous, aujourd'hui, le temps est important ? -Oui.
37:26 ...
37:30 -On est très heureux que l'OTAN soit ici. -Pourquoi vous êtes très heureux ? -Vous voyez bien ce qui se passe en Ukraine. On a une frontière avec la Russie au nord. Alors on ne sait jamais.
37:44 -Poutine est fou. Poutine, c'est un dingue. -Et là, vous vous sentez plus en sécurité ? -Bien sûr, bien sûr.
37:54 A 20 kilomètres de la plage des Français, au même instant, d'autres militaires débarquent. Ce sont les US Marines, venus directement de Caroline du Nord. Avec leurs véhicules amphibies et leurs discours bien rodés.
38:16 -Je pense que les Marines sont toujours prêts, quel que soit l'état du monde. Le corps des Marines est toujours prêt. Dès qu'on nous le demande, nous pouvons agir partout dans le monde.
38:28 -Et c'est pourquoi cet exercice, Cold Response, est si important pour nous. Nous sommes prêts à intervenir dans le Grand Nord s'il le faut.
38:37 35 000 militaires, venus de 28 pays alliés, participent à cette opération. Ils vont affronter un ennemi bien réel. Cachés dans les montagnes, en embuscade, voici l'armée norvégienne dans le rôle du méchant.
38:57 Avec leurs chars équipés de caméras thermiques et leurs techniques de camouflage adaptées à l'environnement nordique, ils vont affronter les troupes de l'OTAN.
39:09 -On va ralentir l'ennemi vers le nord. Et quand ce sera fait, on va se regrouper et on va l'attaquer.
39:22 Les Norvégiens jouent à domicile, dans des conditions climatiques qu'ils maîtrisent parfaitement.
39:29 -Ici, un hiver normal, les températures descendent à -30, -35 degrés. Et on est plus que capable de se battre dans ces conditions.
39:38 -Et les autres armées, elles en sont capables ? -Avec l'entraînement qu'ils font en ce moment, elles en seront bientôt capables.
39:47 La bataille va durer deux semaines sur une zone grande comme un département français.
39:55 -On a un, deux, trois, quatre objectifs.
40:00 Des navires de guerre et même des sous-marins, des chars d'assaut, des hélicoptères de combat et des avions de chasse. La démonstration de force de l'OTAN est spectaculaire.
40:14 -Ok Guillaume, c'est bon ?
40:17 Pour le colonel Le Gouvelot, qui dirige l'offensive côté français, l'enjeu n'est pas seulement de s'habituer aux conditions climatiques extrêmes.
40:26 Il faut aussi qu'après des années de guerre contre des groupes terroristes, l'armée française s'entraîne de nouveau à lutter contre des armées régulières, modernes et puissamment équipées.
40:38 -On a fait beaucoup d'opérations en Afrique, en Afghanistan, etc. C'était pas du combat haute intensité. Donc là on se réoriente vers du combat de haute intensité, vers la confrontation avec un ennemi qui est à parité avec nous.
40:54 -Et en ce sens, finalement cet exercice c'est exactement ça. C'est-à-dire que l'ennemi auquel on est confronté a autant de capacités que nous et dans certains domaines parfois il nous est supérieur.
41:05 Cet ennemi auquel tout le monde pense, c'est bien sûr la Russie. Mais pour des raisons diplomatiques, sur le terrain, aucun militaire n'y fait référence.
41:17 A Paris, au ministère des armées, le discours est plus direct. Pour le général Yanni, porte parole de l'état-major, ce déploiement de force est un signal directement envoyé à Moscou.
41:34 -L'Arctique est un espace de compétition. Ce n'est pas encore un espace de confrontation ou d'affrontement. Aujourd'hui c'est un espace de compétition.
41:45 C'est un peu comme le jeu de go ou un jeu d'échec, suivant ce qu'on choisit. Et en fait, chacun place ses pions. Ce que font les Russes en ouvrant des bases ou en montrant ce dont ils sont capables.
41:56 Ce que fait l'OTAN en montrant ce dont elle est capable.
41:59 -Est-ce que vous pensez que la Russie a compris le message ?
42:02 -Alors je ne sais pas si la Russie a compris le message, il faudrait leur poser la question. Une chose est certaine, c'est que nous avons montré, l'OTAN a montré que l'organisation était capable de projeter plusieurs dizaines de milliers d'hommes dans un scénario de haute intensité à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres des bases des unités.
42:20 -Et ça, ça c'est un vrai signal stratégique.
42:22 Un message en tout cas bien reçu par les pays de l'Arctique. Deux mois après la fin de l'exercice, la Suède et la Finlande ont officiellement demandé leur adhésion à l'OTAN.
42:36 (Générique)
43:05 Barentsbourg, une enclave russe implantée depuis 90 ans en toute l'égalité sur le sol norvégien.
43:13 Un village de 400 habitants perdu au milieu des glaciers.
43:17 Il a été construit dans les années 30 pour exploiter une mine de charbon.
43:22 Nous avons pu tourner avant l'invasion de l'Ukraine. Ici, tout rappelle la mère patrie. L'église orthodoxe, les HLM colorés typiques de la Russie contemporaine et au centre de la place principale, le buste de Lénine.
43:42 La mine est toujours en activité. Sa façade vient même d'être rénovée.
43:51 -Bonjour, je m'appelle Ruslan, je suis mineur. Ca c'est le local pour les lampes, c'est là qu'on recharge les batteries d'étanche.
44:05 Ruslan est russe, il est ingénieur en chef. Cela fait trois ans qu'il travaille dans la mine de Barentsbourg.
44:13 -Et les gens aiment ce travail ? -Oui, bien sûr. Quand on a travaillé plusieurs années ici, on ne peut plus se passer de la mine, comme les cosmonautes qui rêvent de l'espace.
44:26 La mine est dangereuse. Ruslan est responsable de la sécurité.
44:33 -C'est un espace clos et l'étendue de la mine est très grande. C'est une mine hors catégorie à cause de la présence du métal. Avec la poussière de charbon, il y a des risques d'explosion.
44:48 Les mesures de sécurité sont draconiennes. Nous devons tourner avec une caméra spéciale.
44:56 La mine a été creusée dans le permafrost et s'enfonce jusqu'à près de 500 mètres sous le sol.
45:06 Les russes ont pu s'installer ici à l'époque car un traité de 1920 autorisait des pays étrangers à exploiter les ressources naturelles du Svalbard. Dans les wagonnets, le charbon en poudre.
45:20 -Ce charbon a été soumis à un traitement technologique pour être réduit en poudre. Il est destiné aux centrales électriques. On l'envoie sur le continent.
45:35 (Musique)
45:40 130 mineurs travaillent ici, 24 heures sur 24. Pour les attirer, la Russie leur offre de bons salaires. Pourtant, la mine n'est plus rentable depuis des années.
45:55 Le charbon, il est rare et de mauvaise qualité. En réalité, il sert surtout à faire fonctionner la centrale qui fournit le chauffage et l'électricité à la ville.
46:09 Mais pour les russes, pas question de quitter cette position stratégique au cœur de l'Europe. Pour preuve, la construction de ce consulat flambant neuf aux allures de bunker.
46:23 Avec à l'intérieur son escalier en marbre et sa petite fontaine. Le maître des lieux, c'est ce consul au Loukhatipi, Sergei Gushin. Il a été nommé en 2018. Il a 51 ans.
46:40 -Habituellement, les consuls en poste ici étaient proches de la retraite. Donc ils étaient âgés. C'était leur dernier poste avant la retraite.
46:55 -Mais vous êtes jeune. Très jeune. -Parce que c'était mon rêve de venir ici.
47:01 Selon le traité de 1920, les russes n'ont le droit de conserver cette colonie que s'ils y exercent une activité économique. Alors le consul a eu une nouvelle idée. Développer le tourisme.
47:15 -La mine de charbon est de moins en moins rentable chaque année. Depuis 3 ans, enfin depuis 2015, il y a eu plus de profits qui viennent du tourisme que de la mine.
47:30 -Donc le tourisme se développe alors que l'activité de la mine baisse. Mais nous devons garder cette mine de charbon, car c'est fondamental pour pouvoir rester ici.
47:42 Et pour attirer les touristes dans cette région reculée du monde, les russes ont décidé d'exploiter un endroit spectaculaire et très étonnant.
47:52 A 3h30 de bateau de Barentsburg se trouve une autre colonie russe implantée au Svalbard. Pendant l'été, chaque semaine, un bateau emmène des touristes pour un véritable voyage dans le temps.
48:07 -A gauche, vous voyez les ruines d'une cabane de chasseurs. Il y en a de différentes époques.
48:15 A son bord, Tobias, un guide allemand qui travaille depuis 10 ans dans l'archipel. Il montre aux touristes sur la côte des bâtiments construits par des pionniers russes.
48:28 Leur présence sur l'archipel remonte à plus d'un siècle, et Tobias a son idée sur la raison pour laquelle les russes s'accrochent au Svalbard depuis si longtemps.
48:40 -Maintenant que les glaciers fondent, on trouvera peut-être de nouvelles choses, je suppose. Peut-être plus de charbon, des minéraux, ou peut-être même de l'or ou du pétrole.
48:53 -C'est sans doute la raison pour laquelle ils veulent rester ici, bien présents. Car quand tu quittes un endroit, c'est dur d'y remettre les pieds, n'est-ce pas ?
49:07 Le bateau arrive à destination. Un port presque abandonné, jonché de grues rouillées et de ruines industrielles.
49:20 -Donc bienvenue en Russie ! Non, je plaisante. Bienvenue à Pyramiden. A partir de maintenant, vous allez avoir un autre guide. Moi, je vais me contenter de vous suivre et veiller à ce que vous restiez groupés.
49:34 -C'est très important car il pourrait y avoir un ours polaire. Donc il a un fusil et moi, j'ai un pistolet d'alarme. Donc restez près de nous.
49:44 L'homme armé en veste rouge est un guide russe. C'est lui qui va assurer la visite.
49:51 -Allons explorer, mes amis !
49:53 Au milieu des glaciers de l'Arctique, les touristes vont découvrir un vestige de l'ex-URSS. Pyramiden. Une ancienne mine à charbon abandonnée en 1998 est devenue une ville fantôme.
50:20 Ici, le temps s'est arrêté. La ville a compté jusqu'à 1000 habitants. Aujourd'hui, c'est une société russe qui gère le site et l'a transformée en attraction touristique.
50:39 Chaque année, 20 000 touristes viennent y faire un voyage dans le temps pour voir à quoi ressemblait la vie en URSS.
50:48 -On a dû faire un grand ménage par mesure de sécurité.
50:53 Ivan est l'un des 10 guides touristiques. Il commence toujours ses visites par le buste du camarade Lénine.
51:04 -Dès qu'on sera en haut des escaliers de la maison de la culture, vous découvrirez le panorama et vous comprendrez que ce camarade-là a la plus belle vue du monde.
51:16 -Venez, mes amis, dans l'école et la maternelle les plus au nord du monde. Des émotions dont vous vous souviendrez toute votre vie.
51:27 Dans l'école, tout est resté en état. En 1998, les habitants de Pyramiden sont partis avec seulement leurs affaires personnelles, laissant le mobilier.
51:40 Beaucoup pensaient que la fermeture de la mine était temporaire. Le dortoir est intact et sur les bureaux, en vrac, les cahiers d'école de l'époque.
51:53 -Ici, on a l'éducation physique, les mathématiques et la littérature russe.
52:03 Un autre bâtiment était réservé aux loisirs, avec une salle de sport et même une piscine. Tout était prévu pour assurer le confort des habitants.
52:18 -C'est vraiment figé dans le temps. C'est joli, mais je suis curieux de savoir comment c'était de vivre ici à l'époque.
52:29 -À l'époque soviétique, vous voulez dire ? -Oui. Est-ce que c'était vraiment agréable ou ça en a juste l'air ?
52:35 Pour répondre à cette question, les guides ont prévu une visite surprise. Le cinéma de Pyramiden, qui abrite un véritable trésor.
52:45 -Et voici les archives du jugement dernier. Tout ce qui restera de nous quand nous serons partis.
52:51 600 pellicules de films de l'époque soviétique sont stockées ici. De véritables pépites, parfaitement conservées grâce au froid polaire.
53:02 Stanislav est en charge de la restauration de ces films.
53:09 -Stanislav grimpe comme Spiderman.
53:17 Il a même redonné vie à la salle de projection pour montrer ses trouvailles aux touristes.
53:31 -Le sport n'est pas du tout un simple passe-temps. Il est indispensable pour rester en forme.
53:38 Des films de propagande tournés dans les années 80 pour inciter les Russes à venir travailler à Pyramiden. On y promet une vie idéale, une abondance qui faisait rêver les soviétiques qui, à l'époque, manquaient de tout.
53:54 -L'alimentation est une affaire de grande importance. Au village des mineurs, les repas sont gratuits et excellents, bien sûr.
54:04 L'école et les soins aussi étaient gratuits. Et surtout, les mineurs pouvaient gagner jusqu'à 7 fois le salaire moyen de l'Union soviétique.
54:14 Après la projection, les touristes ont droit à un spectacle musical.
54:19 -Chers amis, on a une main gauche, on a une main droite. Ensemble, nous allons applaudir.
54:28 Au programme, du rock. Russe, bien sûr. Avec à la basse, un invité surprise, le consul qui, pour l'occasion, a abandonné son costume trois pièces.
54:44 Et pour finir en beauté, un peu de folklore avec Kalinka, l'hymne traditionnel de la Russie.
54:58 Mais ça, c'était avant la guerre en Ukraine. Aujourd'hui, les touristes se font rares, car les bateaux norvégiens ont décidé de ne plus desservir cette destination.
55:11 Quant aux Russes, ils n'ont pas bougé et semblent plus que jamais décider à conserver ces colonies au cœur de l'Europe.
55:20 [Bruit de moteur]