• l’année dernière
Invitée sur le plateau des Visiteurs du Soir, Cécile Chabaud, professeure de français, s'est exprimée sur les difficultés des écoliers en lecture. «Dans plus en plus de cas, la transmission de la lecture au sein de la famille ne se fait plus», explique-t-elle.

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Transcription
00:00 La lecture, c'est une transmission, comme à peu près tout.
00:04 La transmission, idéalement, se fait au sein de la famille,
00:08 avec les parents qui racontent des histoires,
00:11 qui familiarisent avec l'objet livre, qui emmènent à la bibliothèque.
00:15 C'est dans un cas idyllique,
00:17 mais dans de plus en plus de cas, pour diverses raisons,
00:20 cette transmission ne se fait plus.
00:22 L'école se retrouve dès le départ avec une fracture,
00:27 avec deux types d'élèves, qui sont familiarisés
00:31 avec le langage, avec les livres, et d'autres, pas du tout.
00:35 Donc il faut que l'école, dès le départ,
00:38 avance avec cette hétérogénéité-là.
00:41 C'est très difficile.
00:42 Et votre constat, c'est qu'on est mauvais.
00:47 -C'est pas mon constat, c'est le constat de l'écu.
00:49 -Oui, l'école se révèle inapte à former des lecteurs.
00:54 -Surtout vous, quand vous en héritez, en 6e,
00:57 vous avez un peu de temps pour vous récupérer.
00:59 -Effectivement. Je sais pas si je suis très bien placée,
01:02 parce que je les récupère.
01:04 -Vous voyez bien leur difficulté.
01:06 Vous en héritez juste après qu'ils aient passé l'examen.
01:09 -J'ai ces enfants après 8 ans de scolarité.
01:12 -Ils ont passé par la maternelle avant.
01:14 -Et puis par l'élémentaire.
01:16 -On aura pu leur donner le goût de la lecture
01:19 pendant toutes ces années.
01:20 -Oui, mais manifestement, ce n'est pas le cas.
01:24 On doit faire avec, avec le peu de temporalité qu'on a,
01:27 et puis avec peu de moyens.
01:29 Mais ça, j'en parlerai tout à l'heure.
01:32 Il faut pas de moyens pour donner le goût de la lecture.
01:36 Mais ça, je vous dirai comment je fais, moi, au quotidien.
01:40 -Vos élèves, ils lisent des livres ou pas ?
01:44 -Je peux pas faire de généralité, justement.
01:47 Ca dépend des familles, de quelle école ils viennent.
01:50 Parce qu'il y a une volonté politique.
01:53 Guillaume Bigot le disait sur votre antenne il y a deux jours,
01:56 que l'école élémentaire a des exigences de plus en plus faibles.
02:01 Il y a une volonté politique de baisser le niveau
02:05 et de faire croire que tout va bien.
02:07 Mais non, tout va pas bien.
02:09 Et quand on les récupère en sixième,
02:12 ils savent déchiffrer.
02:14 Ils sont à peu près déchiffreurs, parfois.
02:17 Mais lire, c'est-à-dire être en capacité de comprendre,
02:21 d'interpréter et, par là même, d'aimer, ça, non.
02:25 Et là, c'est vraiment compliqué.
02:27 Vous savez, Proust disait que la lecture est une amitié.
02:31 Il y a des élèves qui ont été familiarisés avec le livre,
02:34 qui aiment lire et qui voient le livre comme un ami.
02:37 Et d'autres, que le livre repousse vraiment.
02:41 Mais ça, je pense que c'est de réforme en réforme.
02:46 Le niveau a été abaissé, dans le public, en tout cas.
02:50 Les gens qui font des réformes mettent leurs enfants dans le privé.
02:55 Mais je vais vous donner un exemple, l'exemple d'une aberration.
02:59 On peut penser que ça n'a pas de rapport avec la lecture,
03:03 mais peut-être un peu quand même.
03:05 Le cours magistral. Quand j'ai commencé à enseigner,
03:09 on me disait qu'il ne fallait pas faire de cours magistral.
03:13 C'est-à-dire le moment où le prof dispense son savoir.
03:18 Dans ma classe, ce n'est pas de plus beau moment
03:21 que le moment où je donne mon savoir, où je transmets,
03:25 où les enfants se taisent, déjà nerveusement,
03:28 et m'écoutent, et où je leur donne un savoir encyclopédique,
03:34 mais où je leur donne mes valeurs humaines.
03:37 Vous disiez que vous aimez vos élèves.
03:40 Ils voient que je m'en occupe comme si j'étais leur mère,
03:43 avec ma portée de 25 petits, mais où je leur transmets.
03:48 Voilà.
03:49 -Quand ils lisent, vous les accompagnez dans leur lecture ?
03:53 Ils déchiffrent et ne comprennent pas forcément ce qu'ils lisent.
03:57 -Mon rôle, et le rôle de plein de profs résistants,
04:00 parce que la corporation n'est pas pourrie,
04:03 il y a des pommes pourries, mais pas tout le monde.
04:06 Ce qu'on fait, c'est qu'on les accompagne dans les classiques.
04:11 On leur raconte le début, l'avant, le raconte après.
04:15 On leur fait goûter le texte.
04:18 On essaie de leur montrer que le texte est bon et savoureux.
04:22 Moi, ce que j'ai fait, ça ne m'a rien coûté, ça m'a coûté 300 euros.
04:27 J'ai installé dans le fond de ma classe
04:30 deux canapés, un gros fauteuil, une espèce de table basse
04:34 et des rayonnages de livres,
04:36 que j'ai remplis avec des bouquins que j'avais chez moi,
04:39 des bouquins que j'ai trouvés en brocante.
04:42 Je me suis retrouvée avec ce petit coin lecture.
04:45 Je l'ai installé en septembre.
04:47 Depuis septembre, la phrase que j'ai le plus entendue,
04:51 ils ont le droit d'aller lire,
04:53 quand ils ont terminé leurs exercices,
04:56 c'est "Madame, je peux aller lire ?
04:59 "Madame, j'ai fini, je peux aller lire ?"
05:01 C'est une victoire pédagogique et humaine.
05:05 (Générique)
05:08 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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