Les 4 vérités - Caroline Janvier

  • l’année dernière
Chroniqueur : Jeff Wittenberg


Jeff Wittenberg reçoit Caroline Janvier, députée Renaissance du Loiret, dans Les 4 vérités.

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Transcript
00:00 - En effet, bonjour Caroline Janvier. - Bonjour.
00:04 - Merci d'être avec nous ce matin.
00:05 Députée de la majorité, Damien le disait,
00:07 mais une députée qui fait parfois entendre sa voix singulière.
00:11 Si vous mettez en garde contre ce qui pourrait se passer le 8 juin prochain,
00:15 qu'est-ce qui va se passer le 8 juin prochain ?
00:16 Il y aura un vote sur une proposition de loi du groupe indépendant Lyott,
00:20 un vote sur une abrogation pure et simple de la loi sur la réforme des retraites.
00:25 La Première Ministre a dit qu'un tel vote serait inconstitutionnel,
00:28 il ne faut pas qu'il ait lieu. Vous en dites quoi, vous ?
00:31 - Alors, ce qui est évoqué, c'est l'article 40 de la Constitution
00:36 qui empêche les députés de déposer des propositions de loi,
00:40 ce qui est le cas ici, ou des amendements,
00:42 qui soit diminuent les recettes du gouvernement, soit créent une charge.
00:46 Et là, en effet, à l'évidence, cette loi crée une charge importante
00:51 pour les finances publiques. - Et diminuerait une recette du gouvernement,
00:52 puisqu'elle supprimerait cette réforme qui est censée faire faire des économies.
00:55 - Voilà, et donc normalement, l'article 40 empêche cela.
00:59 Mais la réalité de la Ve République depuis ses débuts, c'est que par défaut,
01:03 les propositions de loi déposées par les députés sont jugées recevables a priori,
01:09 tout simplement pour que les députés puissent aussi faire des propositions
01:12 et que les lois n'émanent pas toutes du gouvernement.
01:15 Et donc, moi, ce que je dis, c'est que si l'on applique cette règle-là,
01:19 c'est-à-dire le coup près de l'article 40 sur cette loi Lyott,
01:22 eh bien le risque, c'est que le président de la Commission des finances,
01:25 Éric Coquerel, qui est un député insoumis, le fasse pour des lois
01:28 qui émanent à l'avenir de notre groupe.
01:30 - On rentre vraiment dans les rouages parlementaires à travers la description
01:33 que vous faites, mais concrètement, vous dites donc que ce vote,
01:36 il doit avoir lieu. Il est sain pour le Parlement, pour la démocratie,
01:42 que les députés puissent dire si oui ou non, ils veulent abroger la loi
01:46 sur les retraites, quitte à ce que cette abrogation soit votée.
01:50 - En tout cas, je crois qu'il faut qu'on ait le débat dans l'hémicycle.
01:54 On a beaucoup de Français qui ont le sentiment que le débat sur les retraites
01:57 a été tronqué, même s'il faut aussi le dire à ceux qui nous regardent,
02:01 cette loi n'a au final que très peu de chances d'être adoptée.
02:04 - La loi d'abrogation, entendons-nous.
02:06 - Tout à fait, c'est-à-dire que la réforme des retraites a été adoptée,
02:10 validée par le Conseil constitutionnel, et c'est plutôt un coup politique
02:14 de la part du groupe Lyott que de proposer une loi d'abrogation,
02:18 alors qu'ils savent pertinemment qu'il n'y aura pas de vote conforme
02:22 à l'Assemblée et au Sénat.
02:24 - Mais Mme Genvilliers, est-ce qu'il y a aujourd'hui dans l'hémicycle,
02:26 que l'on voit sur cet écran, une majorité de députés qui voteraient,
02:30 selon vous, vous connaissez, vous y êtes toutes les semaines,
02:34 tous les jours, est-ce qu'il y aura, est-ce qu'il y a aujourd'hui
02:37 une majorité pour voter l'abrogation ? Il semblerait que oui,
02:39 lorsqu'on a vu que la censure a été rejetée à quelques voix, à huit voix,
02:43 si ma mémoire est bonne.
02:44 - Neuf voix. - Neuf voix, plus exactement.
02:46 C'est très compliqué de le savoir, évidemment.
02:48 - Mais il y a un risque. - Il y a aussi un jeu de poker,
02:51 avec certains qui vous disent qu'ils la voteront, d'autres qui ne la voteront pas.
02:54 Mais oui, il y a un vrai risque qu'elle soit votée, en effet.
02:56 - Et donc, ce serait quand même un échec considérable pour le gouvernement,
02:59 même si, vous l'avez expliqué, le Sénat ne reprendrait pas cette mesure.
03:03 Donc, à l'arrivée, la loi serait toujours là,
03:05 mais politiquement, ce serait un séisme, concrètement.
03:08 - Oui, même si, à un moment donné, présenter une loi qui, dans la réalité,
03:14 n'a quasiment aucune chance d'être adoptée,
03:16 vous voyez, politiquement, c'est aussi une façon de remettre le couvert
03:19 sur un sujet qui, en réalité, a été arbitré.
03:21 La loi, elle a été adoptée.
03:22 - Mais il faut quand même aller au vote, même si c'est symbolique.
03:24 - Et moi, je crois que ça peut être intéressant, en tout cas, d'avoir le débat.
03:26 Peut-être que nous n'irons pas jusqu'au vote, mais d'avoir le débat.
03:29 - Est-ce que vous pensez que cette réforme, elle pourra s'appliquer en 2023,
03:33 comme le souhaite aujourd'hui le gouvernement,
03:35 comme le souhaite le président de la République, compte tenu de toutes ces péripéties ?
03:38 - Oui, moi, je crois que cette loi, elle devrait s'appliquer
03:42 et que, par ailleurs, il va nous falloir traiter d'autres sujets de colère,
03:48 d'autres revendications qui ont été exprimées à l'occasion de ces contestations
03:52 contre la réforme des retraites.
03:53 On l'a vu, il y a la question du travail, la question des salaires,
03:56 la question de l'inflation, la question de l'accès aux soins.
03:59 Donc, je crois qu'il va falloir aussi avancer et répondre à ces sujets.
04:02 - Mais la contestation, elle est toujours là.
04:04 Et ce qui se passe au Parlement, qu'est-ce que ça dit de la situation aujourd'hui,
04:08 d'ailleurs de l'Assemblée nationale, qui semble plus bloquée que jamais ?
04:12 Qu'est-ce que vous préconisez pour que l'on puisse légiférer dans les quatre années qui viennent,
04:16 si à chaque fois qu'une réforme d'importance comme celle des retraites connaît un tel sort ?
04:22 - Moi, je crois que l'usage du 49-3 montre bien qu'il y a une forme d'échec collectif,
04:29 majorité comme opposition.
04:31 On voit bien que depuis les dernières élections législatives,
04:35 qui ont donné une configuration très inédite, sous la cinquième, avec une majorité relative,
04:41 eh bien, je crois que nous, majorité, nous n'avons pas suffisamment amendé notre projet,
04:45 nous avons souhaité l'appliquer tel quel.
04:47 - Vous n'avez pas pris la mesure, finalement, de cette majorité relative.
04:49 - Voilà, et nous n'avons pas souhaité mettre en place une autre façon de travailler,
04:53 en travaillant avec nous autres.
04:54 Et de la même façon, les oppositions se sont placées, pour la plupart d'entre elles,
04:58 dans une opposition systémique, avec, pour seule une ligne de mire,
05:02 l'élection présidentielle de 2027, et on voit bien que ça ne fonctionne pas.
05:05 - Et alors, qu'est-ce qu'il faut faire, maintenant ?
05:06 - Eh bien, je crois qu'il faut que, côté majorité comme côté opposition,
05:10 nous travaillons davantage ensemble sur un certain nombre de sujets.
05:13 Moi, j'ai rejoint...
05:14 - Mais à condition d'avoir des partenaires, parce que vous faites une autocritique,
05:16 mais vous avez aussi des "partenaires" qui ne sont pas prêts à travailler avec vous.
05:21 - Exactement, et je crois qu'à un moment donné, il va falloir mettre chacun face à ses responsabilités,
05:25 et que chaque groupe parlementaire s'exprime sur ses priorités pour les quatre années restantes.
05:31 Et encore une fois, les Français comprendront bien si le seul objectif, c'est 2027,
05:36 et s'organiser pour gagner les prochaines élections,
05:38 ou s'il y a des projets que chaque groupe souhaite présenter à l'ensemble de la représentation nationale,
05:43 et sur lesquels nous pourrions nous accorder.
05:44 - Donc, vous souhaitez que les futures lois, les futures propositions de lois,
05:47 donc, viennent plutôt de la "base", entre guillemets, en tout cas du Parlement.
05:51 Or, aujourd'hui, et encore, vous le constatez, tout vient plutôt d'en haut.
05:54 On a vu le président Macron, ces derniers jours, parler de réindustrialisation,
05:57 aller sur le terrain, recevoir des patrons à Versailles, faire plusieurs déplacements diplomatiques.
06:02 Vous, vous êtes de celles et de ceux qui dénonçaient, ou en tout cas qui vous interrogeaient,
06:06 sur le fonctionnement très vertical de ce quinquennat.
06:10 J'imagine que vous avez là encore des nuances à apporter sur la façon dont les choses se déroulent aujourd'hui.
06:16 - En tout cas, ce que je crois, c'est que l'Assemblée nationale doit reprendre toute sa place.
06:21 Nous sommes les représentants, vous voyez, je représente 86 000 électeurs,
06:25 et les 577 députés de l'Assemblée nationale représentent un petit bout de France.
06:29 Ils sont porteurs des demandes, des spécificités de leur territoire.
06:34 Et je crois que nous devons, en effet, faire plus de place au parlementaire.
06:37 - Mais donc, le président Macron fait trop ?
06:39 - En tout cas, je crois que c'est surtout l'Assemblée nationale qui doit prendre toute sa place.
06:42 Et qu'on doit arrêter, de part et d'autre, encore une fois, d'être uniquement en réaction
06:48 de ce qui se passe à l'Élysée, de ce qui se passe au gouvernement.
06:50 Vous voyez, moi, j'ai fait adopter à l'unanimité une proposition de loi sur la surexposition des enfants aux écrans.
06:57 J'ai rejoint une mobilisation qui est portée par un député PS, Guillaume Garraud,
07:02 sur la question de la régulation de l'installation des médecins.
07:05 Donc, je crois que, de part et d'autre, on a des réponses intéressantes à proposer à nos concitoyens.
07:09 - Mais le président a donné 100 jours à la Première ministre pour qu'on change, finalement, de climat.
07:16 Et vous constatez que, pour l'instant, les choses ne se passent pas comme ça, si on en croit, en tout cas,
07:21 ce qu'on voit sur le terrain, les casserolades, on va en parler dans un instant.
07:24 Est-ce qu'encore une fois, vous êtes satisfaites de ce tournant pris par le président
07:28 et de cette hyper présence constatée par tout le monde du chef de l'État, aujourd'hui ?
07:33 - Encore une fois, je pense que c'est un travers que de tout attendre du président, dans un sens ou dans un autre.
07:40 C'est-à-dire lui reprocher la façon dont il agit quand il agit, son absence de réaction quand il ne réagit pas.
07:45 Je crois vraiment que c'est un travers.
07:46 - Mais vous, qu'est-ce que vous en pensez ? Vous préférez quand il est très présent ou quand il est plutôt en retrait ?
07:51 - Moi, je préfère prendre mes responsabilités en tant que parlementaire
07:54 et voir ce que je peux faire avec les députés de mon groupe, avec les autres députés des oppositions
07:59 et voir ce que nous pouvons proposer.
08:01 Et je crois qu'être en réaction systématique à ce que fait le président, d'une façon négative ou d'une façon positive, n'est pas très sain.
08:07 - Mais à lui, vous ne lui donnez pas de conseils ?
08:09 - Mais non, je n'ai pas de conseils à lui donner. Il y a un principe de séparation des pouvoirs.
08:12 Moi, je suis députée, j'ai un rôle politique et je dois le jouer à plein.
08:16 - En tout cas, il y a toujours une colère qui parfois amène à des passages à l'acte.
08:20 Dans ce contexte, comment vous analysez cette montée de la violence qu'on observe face aux responsables politiques ?
08:26 Vous êtes députée de la majorité, vous en avez peut-être souffert.
08:29 Et on s'attaque de près ou de loin à tout ce qui représente finalement,
08:33 qui est censé représenter le président Macron.
08:35 On l'a vu cette semaine avec l'agression qu'a subie le petit-neveu de Brigitte Macron.
08:40 Qu'est-ce que ça dit encore une fois de l'état de colère du pays aujourd'hui ?
08:43 Cette montée de la violence contre les politiques ?
08:45 - Elle est très inquiétante.
08:47 Et la violence, c'est quelque part l'expression d'une colère qui n'a pas d'autre débouché que cette violence.
08:53 Et normalement, le débouché en démocratie, c'est bien.
08:57 Et le débat, notamment dans l'hémicycle, est l'un des traces par le autre.
09:02 - Mais il y a une responsabilité.
09:03 - Ce que je constate, c'est qu'on a quand même, aux deux extrêmes de l'échiquier politique et de notre hémicycle,
09:08 des groupes qui s'appuient sur cette violence.
09:12 Dans un cas, pour dire que nos institutions actuelles sont dépassées et qu'il nous faut un changement de régime,
09:18 c'est bien ce que propose la France insoumise avec cette 6ème République,
09:21 - Et donc ça légitime.
09:22 - sur laquelle nous n'avons pas de garantie qu'elle sera démocratique.
09:25 Et donc, il y a une forme de légitimation de la violence.
09:28 Quand vous avez des panneaux qui comparent, qui disent "Louis XVI, on l'a décapité,
09:32 Macron, on peut recommencer", et qui sont, je dirais, soutenus par en l'occurrence un conseiller régional LFI,
09:37 et à l'inverse, à l'extrême droite, il y avait encore une manifestation dans mon territoire dernièrement,
09:42 avec un député RN en tête de cortège et un panneau qui disait "Dijon",
09:47 qui est le maire de Montargis, Benoît Dijon, "exécution".
09:51 - Donc là, vous parlez en l'occurrence de l'extrême droite du Rassemblement national.
09:57 - Tout à fait.
09:58 - Et vous considérez qu'il est proche des manifestations, par exemple,
10:02 diverses d'ultra-droite que l'on a vues à Paris, dans d'autres villes,
10:07 et dont le RN justement dit qu'il n'a rien à voir avec tout cela.
10:11 - Alors, le RN se donne beaucoup de mal, et c'est sa stratégie de normalisation qui a plutôt bien fonctionné,
10:16 pour faire une stratégie de rupture avec tous ces groupuscules d'extrême droite.
10:21 Mais on voit bien que dans ces manifestations, l'on retrouve des proches,
10:25 en l'occurrence l'ancien trésorier de Marine Le Pen.
10:28 Je vous cite cette manifestation qui a lieu dans le Loiret, où il y avait clairement un député RN.
10:33 Ils ont trouvé encore une façon, après, très ambiguë de justifier ce panneau.
10:37 Donc on voit bien qu'il y a un lien entre cette extrême droite qui est représentée à l'Assemblée nationale,
10:42 et ces groupuscules qui sont d'ailleurs historiquement...
10:45 - Même s'ils le démentent, ce n'est pas votre avis, et vous l'avez dit ce matin.
10:49 Merci beaucoup Caroline Janvier, députée, donc, Renaissance du Loiret,
10:52 et c'est la suite de Télé-Matin. Merci beaucoup.