• l’année dernière
Royaume de France 1745. Madame de Clermont a invité sa mère et quelques amies pour une surprise.
Elle leur révèle avoir convié l’explorateur Charles Marie de La Condamine, récemment rentré d’expédition, à leur présenté ses dernières découverte sur la forêt amazonienne du Brésil et sur ses peuplades sauvages, aux mœurs si contraires à celles de l’Europe.
Entre fascination, sidération et frayeur, la petite assemblée va vibrer au récit de l’explorateur.
Kingdom of France 1745. Madame de Clermont has invited her mother and some friends for a surprise.
She reveals to them that she has invited the explorer Charles Marie de La Condamine, who recently returned from an expedition, to present to them his latest discoveries on the Amazonian forest of Brazil and its wild peoples, whose customs are so contrary to those of Europe.
Between fascination, amazement and fear, the small assembly will resonate with the story of the explorer.
Acteurs :
Rémy BOTTIN (Charles-Marie de la Condamine) / Moana Brigitte LOUIS (La fille de Madame de Clermont) / Catherine FOURNIER (Mme de Clermont, mère) / Romane LELIEVRE (Mlle Des Houlières) / Patricia BONNAUD (Mme de Clermont-Tonnerre) / Elisabeth GAILLARD (Mme de Clairval) / Georgina PENN-HILL (Mme de Choiseul) / Carole VELLA (Mme de Sainquin) / Lia NICKS (L'indienne)
Costumes :
Nathalie HAMEL / Sophia PINELLI / Océane MALLET / Claudia ZEISCHKA
Assistants :
Kenza GARCIA / Julien SCHILHANECK
Premier assistant du réalisateur / First assistant director:
Claudia ZEISCHKA
Adaptation et dialogues :
Lionel BAILLEMONT
Sources : Charles-Marie de La Condamine : Relation abrégée d'un voyage fait dans l'Amérique.
Abbé Antoine Biet : Les Galibis, tableau véritable de leurs mœurs.
Jean de Léry : Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil.
Hans Staden : Nus, féroces et anthropophages.
Réalisateur / Director:
Lionel BAILLEMONT
©2023 Ophelia Film
Transcription
00:00 [Musique]
00:24 [Musique]
00:32 Mes amis, mes amis, un peu de silence mes amis, je vous en prie.
00:40 Cet après-midi, je vous convie à un voyage, un voyage très lointain.
00:51 Un voyage au pays des femmes amazones d'Amérique.
00:57 [Cris]
01:00 J'ai demandé à l'explorateur Tom Brice, le tout Paris,
01:06 de venir se joindre à notre petite assemblée,
01:10 afin qu'il nous compte ses dernières aventures sur ce grand continent.
01:17 Oh la bonne idée madame de Clermont.
01:20 Mais qui est donc cet invité ?
01:23 Il s'agit de Charles-Marie de la condamine.
01:30 Oh tous les salauds, oui certes on serait prêt à payer pour le faire vivre.
01:33 Comment avez-vous fait ma fille, pour qu'il accepte votre invitation plutôt qu'une autre ?
01:40 J'ai dû lui promettre que pour l'écouter, il n'y aurait que des dames.
01:49 Et qui plus est, des dames de qualité.
01:53 [Cris]
01:55 Attentives, respectueuses, et qui ne peroreraient pas à tout bout de champ.
02:05 Aussi mesdames, je vous supplie de ne pas interrompre notre invité par des propos...
02:16 d'irréfléchis ou inconsidérés.
02:20 Évitez de lui faire croire qu'il n'y a que les tissus et les rubans qui nous passionnent.
02:26 Moi, je ne vous promets rien ma fille.
02:31 Je sais maman, vous ferez à votre humeur, comme d'habitude.
02:39 Monsieur de la condamine, pour madame de Clermont.
02:43 Entrez, entrez monsieur de la condamine, entrez.
02:47 Nous sommes si honorés de la visite que vous nous consacrez.
02:53 Car je sais combien vous êtes sollicités de toutes parts.
02:58 Et combien beaucoup voudraient pouvoir goûter au plaisir de vous entendre conter vos aventures aux Amériques.
03:11 Prenez place sur ce fauteuil, au centre de nous toutes.
03:18 Voyons un peu cette assemblée dont vous me dites qu'elle serait entièrement féminine.
03:36 Et de grande qualité.
03:40 Oh.
03:41 Ma mère a absolument tenu à être des nôtres en ce jour si particulier.
03:48 Mais nous avons aussi parmi nous, madame de Clermont-Tonnerre,
03:53 dont le mari est en passe d'être élevé au rang de marquis.
03:57 Ah, marquis.
03:59 Mademoiselle d'Eaulière, madame de Saint-Quint.
04:06 Madame de Saint-Quint, madame de Clerval et madame de Choiseul.
04:13 Et qui ont toutes hâte de vous entendre.
04:18 J'ai pris la liberté, mesdames, d'apporter avec moi quelques vues et objets ramenés de mon voyage
04:24 qui, j'en suis certain, vous seront plus agréable à voir que d'écouter les radotages d'un vieil encyclopédiste comme moi.
04:32 Je suis persuadée, monsieur, que vous n'aurez que des choses passionnantes à nous conter.
04:38 Je ferai en tout cas mon possible pour ne pas trop porter votre féminine et fragile nature, car
04:44 ce que j'ai vécu lors des dix années de mon absence de France
04:49 comporte bien des brutalités et bien des sauvageries.
04:54 Dix ans dites-vous ?
04:56 Eh oui, madame.
04:58 C'est là le tribut que j'ai dû payer à la science.
05:01 Mais qu'étiez-vous allé chercher exactement dans ces contrées sauvages ?
05:04 Notre ambition était de perfectionner la géographie et l'astronomie.
05:10 Et je dirais que le travail des académiciens qui m'accompagnaient tant sur la mesure des degrés que sur les expériences du pendule
05:18 a été fait avec tant de précision qu'il a répondu une nouvelle lumière sur la théorie de l'apesanteur.
05:27 Rien que cela, monsieur ?
05:30 Oui. Ce voyage a aussi éclairé la physique générale sur des questions jusqu'à présent insolubles.
05:36 À l'exemple des directions de la gravité dans les différents lieux de la Terre.
05:41 Je vous avoue humblement, monsieur, n'avoir pas tout compris au début réel de votre expédition.
05:48 Pour simplifier, je vous dirais que nos déterminations géométriques et astronomiques
05:58 nous ont permis d'observer sur place deux solstices, ainsi que l'obliquité de l'écliptique qui en a résulté.
06:05 Des expériences ont aussi été menées sur la déclinaison et l'inclinaison de l'aiguille aimantée,
06:11 sur la vitesse du son, sur la dilatation et la condensation des métaux.
06:15 Elles ont ouvert la voie vers des découvertes importantes, comme celle de la nature,
06:22 et des lois véritables de l'apesanteur universel.
06:27 Cette force qui anime les corps célestes et qui régit tout dans l'univers.
06:32 Il m'avait semblé que jusqu'à présent, c'était Dieu qui régissait tout dans l'univers.
06:38 Monsieur Newton défend la thèse selon laquelle la création du monde,
06:45 tout comme sa structure et son devenir, peuvent s'expliquer par des causes, disons, mécaniques.
06:53 Ainsi, seul l'ordre du monde se voit au final garanti par Dieu, madame.
06:58 Mais comment faisiez-vous pour communiquer avec ces peuples ?
07:03 Eux aussi, à l'image de nos campagnes françaises, ont des milliers de dialectes fort différents.
07:09 Mais toutes les langues d'Amérique méridionale dont j'ai, modestement, acquis quelques notions lors de mon voyage,
07:17 sont très dures et manquent cruellement de termes pour désigner des idées abstraites et universelles.
07:24 Preuve évidente, mesdames, du peu de progrès qu'ont fait les esprits de ces peuples.
07:29 À vous écouter, cela paraît évident.
07:33 Des mots comme durée, espace, substance ou corps, n'ont point d'équivalent dans leur langue,
07:43 ni de justice, de vertu ou liberté.
07:47 Cette ignorance paraît difficile à concilier avec le « génie » des anciens péruviens.
07:54 Ou alors, il nous faudrait admettre que ces peuples ont fort dégénéré de leurs ancêtres.
08:02 Mais à quoi ressemble exactement leur langue ?
08:09 Leur langage est d'une difficulté inexprimable et leur façon de prononcer encore plus extraordinaire.
08:16 Ils parlent en retirant leur respiration et ne font sonner presque aucune voyelle.
08:22 Comme par exemple ?
08:24 Par exemple, pourriez-vous me dire, mesdames, ce que signifie dans la langue des Indiens
08:32 « Poétaralo rin kuruak » ?
08:36 Oh mon Dieu, je n'en ai aucune idée ! C'est une piège que vous nous tendez là, monsieur ?
08:40 C'est simplement pour ces sauvages, leur façon de signifier le nombre 3.
08:46 Pour 5, ils montrent d'ordinaire la main, pour 10 les deux mains, pour 20 les mains et les pieds.
08:55 Et quand ils veulent indiquer un nombre si grand qu'il est incalculable, ils montrent les cheveux de leur tête.
09:03 Poétara, rorin, et ainsi de suite.
09:07 Avez-vous d'autres mots à nous faire entendre dans cette langue mystérieuse ?
09:12 Je pourrais dire de vous, madame, « Mose moi moi itubare, mose moi moi itibule ».
09:19 Au moins, j'espère que c'est là un compliment.
09:23 Je viens de vous dire en langue indienne, vous êtes une femme magnifique avec des cheveux surprenants.
09:32 Être sûr, monsieur de la condamine, que c'est bien la juste traduction ?
09:38 Approximativement.
09:41 Encore, monsieur, encore.
09:43 Oui, d'autres exemples.
09:45 Je peux vous demander « au teramire amurek taireme ».
09:50 Ce qui signifie ?
09:53 J'ai faim, donnez-moi quelque chose à manger.
09:56 Mais servez-vous, monsieur !
09:59 Je vous en prie, donnez-moi quelque chose à manger.
10:03 Et ?
10:05 Et je viens de vous dire, ces fruits sont mûrs, mais j'ai assez mangé de fruits pour aujourd'hui.
10:10 Bravo, monsieur, bravo !
10:13 Et leurs femmes, comment sont-elles ?
10:17 Il semble que ce soit là, madame, le principal de vos questionnements.
10:21 C'est exact, monsieur.
10:23 S'agissent-elles comme nous ?
10:26 En tout cas, elles enfantent comme nous. Enfin, comme vous, je veux dire.
10:30 Aussitôt que les femmes ont accouché, ce qu'elles font avec une grande facilité,
10:35 elles effectuent seules les gestes que les sages-femmes d'ici sont accoutumées de faire.
10:40 Elles se relèvent sur l'heure et vont laver leurs enfants dans la rivière.
10:44 Les parents sont très épris de leurs enfants, qu'ils ne frappent jamais et qu'ils n'en corrigent point,
10:52 laissant vivre dans une totale liberté, les menant partout dans leur voyage et même, même, lorsqu'ils vont à la guerre.
11:02 À la guerre ? Mon Dieu, quelle idée !
11:06 Toutes les observations que j'en ai faites m'amènent à conclure que la femme sauvage vous ressemble physiquement en tout point, mesdames.
11:15 Si ce n'est…
11:17 Si ce n'est ?
11:20 Si ce n'est qu'elles vactent à leurs occupations quotidiennes sans aucun habit sur elles.
11:26 Vous voulez dire qu'elles se promènent entièrement nues ?
11:31 Précisément. Elles vont aussi nues que lorsqu'elles sortirent du ventre de leur mère.
11:39 Comment nos missionnaires peuvent-ils tolérer cela ?
11:48 Je me permets de vous rappeler, madame, que ces sauvages sont chez eux, dans ces contrées.
11:53 Oui, mais de là à montrer leur partie honteuse et qui plus est, à un étranger comme vous.
11:58 Dois-je vous rappeler le verset 2.25 de la Genèse qui précise qu'Adam et Ève vivaient tous les deux nus et qu'ils n'en avaient point honte ?
12:07 Et moi, monsieur, j'ose vous faire souvenir du verset 3.7 qui ajoute que lorsqu'Adam et Ève connurent qu'ils étaient nus,
12:15 ils assemblèrent des feuilles de figuier en tel afin de s'en faire des ceintures.
12:19 Mère, je vous rappelle au nécessaire respect de notre invitée.
12:23 Personnellement, je n'ai pas été élevée dans ce sens, mais nous assistons de nos jours à tant de licences et d'interdits transgressés
12:30 avec tous ces libertins sans morale et ces gorges exposées à la vue de tous.
12:36 Je comprends votre désappointement, madame, mais je me dois de vous redire que la morale,
12:44 telle que nous la prêchons ici, n'a pas le même sens dans ces territoires.
12:48 Justement, qu'en est-il de la réalité du nom de "Pays des Amazones" que l'on donne à ces contrées ?
12:56 À ce sujet, nous avons questionné les Indiens de diverses nations en leur demandant s'ils avaient eu quelques connaissances de ces femmes belliqueuses
13:05 et s'il était vrai qu'elles vivaient retirées du commerce des hommes, ne les recevant parmi elles qu'une seule fois dans l'année.
13:13 Tous nous dirent qu'ils en avaient entendu parler par leur père et qu'il y avait bien eu sur ce continent une république de femmes qui vivaient seules.
13:21 Par contre, je n'ai jamais pu obtenir la confirmation que ces femmes amazones possédaient, comme le décrit l'historien grec,
13:30 la particularité d'avoir un des deux seins coupés.
13:33 Que comptez-vous là, monsieur ?
13:38 Ignorez-vous donc, mesdames, que c'est de là que vient le nom d'Amazone, qui signifie en grec "sans sein".
13:44 D'après la légende, elles avaient tout le sein droit brûlé dès l'enfance pour pouvoir se servir plus librement du bras droit à n'importe quel usage,
13:52 et surtout pour pouvoir monder plus aisément leur arc et pour pouvoir lancer le javelot.
13:58 Ah, bon...
14:00 Pardonnez-moi, mais cet accessoire de mode est vraiment des plus inconfortables,
14:06 et je peux vous assurer qu'il n'avait pas sa place lors de nos expéditions en pleine forêt tropicale.
14:11 Eh bien, monsieur, je ne regrette pas de vous avoir connu, au moins avec vous.
14:18 L'ennui n'a pas le temps de s'installer.
14:21 Oui, pourtant, vous ne nous avez encore rien dit sur les traits de caractère de ces sauvages.
14:31 L'insensibilité en fait la base, et je laisse à décider si on la doit honorer du nom d'apathie ou la vilire par celui de stupidité.
14:41 Gloutons jusqu'à la voracité, quand ils ont de quoi la satisfaire, polterons à l'excès, si l'ivresse ne les transporte pas,
14:50 ennemis du travail, indifférents à tout motif de gloire, d'honneur ou de reconnaissance, ils sont uniquement occupés de l'objet présent.
15:01 Sans inquiétude pour le lendemain, ils passent ainsi leur vie sans penser et vieillissent sans sortir de l'enfance, dont ils conservent d'ailleurs tous les défauts.
15:11 Par ce jugement, monsieur, ne vous opposez-vous pas à l'image du bon sauvage tant vantée par nos philosophes des lumières ?
15:21 Il ne s'agit pas ici de philosophie, madame, mais de réalité scientifique, observée sur le terrain par moi-même et par beaucoup d'autres qui m'ont précédé.
15:30 Et encore, si ces reproches ne regardaient que les indiens de quelques provinces du Pérou, auxquelles il ne manque que le nom d'esclave,
15:38 on pourrait croire que cette espèce d'abrutissement n'est de la servile dépendance où ils vivent.
15:44 Non.
15:46 Mais tous les indiens des missions et les sauvages qui jouissent de leur liberté étant pour le moins aussi bornés,
15:55 pour ne pas dire aussi stupides que les autres, on peut imaginer sans hésitation combien l'homme,
16:04 abandonné à la simple nature, privé d'éducation et de société, diffère peu de la bête.
16:13 Est-ce pour cela qu'on les dit si friands de chair humaine, comme nous l'entendons raconter un peu partout ?
16:20 Je pense qu'un tel sujet ne saurait être abordé ici, mesdames, sans que vous en ayez des hauts d'estomac.
16:25 C'est pourquoi j'imagine que vous ne souhaitez pas que j'en parle davantage.
16:30 Ah si, si, si, si, monsieur. Moi je veux que vous en parliez davantage.
16:35 Mère !
16:36 Non, non, laissez, laissez.
16:39 Si madame votre mère souhaite tout savoir sur ces sauvages, ne suis-je pas le meilleur ambassadeur pour répondre à ces questions ?
16:46 Et je vous remercie par avance, monsieur. Alors, contez-nous donc cela par le détail.
16:51 D'abord, je vous dirais que, pour leur guerre, à défaut de fusil, ils se servent d'une arme redoutablement efficace.
17:01 Ils utilisent un long tube de bois creux, dans lequel ils ajustent de petites fléchettes de bois de palmiers,
17:09 qui remplissent exactement le vide du tuyau.
17:13 Ils lancent ensuite leurs flèches par le souffle, à 30 ou 40 pas, et ne manquent presque jamais leur cible.
17:22 Avant de les utiliser, ils prennent soin d'en tremper la pointe dans un poison, le curare,
17:30 si actif qu'il tue en moins d'une minute l'animal à qui la flèche a tiré du sang.
17:39 Et il n'en est pas moins mortel à l'homme qu'aux animaux.
17:43 Ces flèches. Voici d'ailleurs un exemple que j'ai ramené...
17:47 Vous voulez donc vous débarrasser de moi, monsieur ?
17:50 Ce poison a plus d'un an et je ne pense pas qu'il soit encore efficace.
17:54 Vous le pensez ? Vous en êtes sûr ?
17:56 Voulez-vous que je l'essaye sur moi ?
18:00 Que dirait-on, monsieur, si vous veniez à mourir dans mon salon ?
18:05 Je me rallierai donc à votre prudence toute féminine et ne tenterai pas l'expérience devant vous, mesdames. J'en suis désolé.
18:11 Vous m'avez fait bien peur, monsieur.
18:14 Moi, j'étais assurée qu'il ne l'oserait pas.
18:17 En êtes-vous sûre, madame ?
18:20 Je vous en supplie ! Monsieur d'Aquandamine, écoutez plutôt votre raison et non ma mère !
18:26 En tout cas, madame votre mère aurait fait une bien intrépide exploratrice,
18:31 et je l'aurais volontiers emmenée avec moi dans mon périple si elle n'eût porté une robe d'une telle ampleur.
18:37 Vous vous moquez, monsieur.
18:39 Vous avez vu de façon assez juste en moi, monsieur.
18:43 Je me suis toujours profondément ennuyée dans le monde trop lisse de cette noblesse sans ambition qui m'entoure.
18:50 Entre un mari qui ne m'aimait pas et des enfants qui ne m'ont jamais comprise,
18:58 j'ai dû renoncer à tous mes rêves.
19:02 Oh, maman ! Mais que dites-vous là ?
19:06 C'est pourquoi j'ai hâte que vous continuiez votre récit sur ces sauvages d'Amérique mangeurs de chair humaine.
19:16 Pour vous complaire, madame, j'ajouterai que ce sont uniquement leurs prisonniers de guerre que ces sauvages mènent au sacrifice.
19:24 Et ce n'est pas parce qu'ils manquent de vivre, mais c'est par haine qu'ils dévorent le corps de leurs ennemis.
19:31 Et pour cela, ils emploient des codes et des rituels particulièrement barbares.
19:37 Il vous faut savoir que pour perpétrer ces massacres, leur chef revêt ses plus beaux ornements
19:43 et s'abreuve d'une boisson alcoolisée avec laquelle il va s'enivrer jusqu'à l'excès.
19:49 Après quoi, il fait venir au milieu du village un prisonnier bien lié et bien garoté.
19:54 Les femmes sauvages entament alors autour de lui une étrange danse, accompagnée d'un chant lugubre.
20:00 Elles pleurent, elles hurlent et poussent des cris épouvantables.
20:05 Et pendant que les femmes dansent autour du prisonnier, un homme vient lui couper l'oreille droite,
20:12 un autre l'oreille gauche, un autre vient pour lui couper le nez,
20:16 et un autre le membre viril. Les femmes sortent les entrailles et les font cuire en une espèce de ragout,
20:22 puis elles mangent la chair de la tête, la cervelle, la langue...
20:25 Assez ! Assez ! J'y suis, monsieur ! Arrêtez votre récit, je vous en conjure !
20:29 Madame de Clermont-Dôner est en passe de s'évanouir.
20:31 Comment avons-nous pu attribuer une âme à ces gens-là ?
20:34 Vous rendez-vous compte ce que nous devons entendre et supporter à cause de vous, mère ?
20:41 Mais nous ne saurions blâmer monsieur de la Constance.
20:44 Mais nous ne saurions blâmer monsieur de la Condamines pour ses propos,
20:47 il n'étant rien responsable du comportement barbare de ces gens.
20:51 En tout cas, j'irai dorénavant partout en disant à qui veut l'entendre que vous êtes un véritable explorateur, monsieur.
20:59 Et non pas l'un de ces fanfarons suffisants qui se sont à peine éloignés d'une centaine de lieux de Paris
21:06 et qui se vantent de tout connaître du monde.
21:08 Merci. Merci.
21:11 Mais je ne souhaiterais pas vous quitter sur une note aussi sombre et aussi cruelle.
21:16 Et je ne veux pas que vous pensiez que ce continent ne recèle pas d'authentique charme et d'innombrables beautés.
21:25 Car toutes les fois où l'image de ce nouveau monde se représente à mes yeux,
21:31 je revois la majesté de ses arbres et de ses fleurs verdoyantes et odoriférantes,
21:37 l'excellence de ses fruits et l'inimaginable diversité des animaux qui la peuplent,
21:43 à l'image de ces oiseaux au plumage d'une beauté rare à couper le souffle.
21:49 Et pour vous donner une idée de ce monde si singulier,
21:56 je vous ai préparé une petite surprise qui, j'en suis certain, vous enchantera.
22:06 [Claquement de doigts]
22:07 [Musique]
22:16 Oh!
22:18 Ouf!
22:20 Oh mon Dieu!
22:28 C'est super beau ça!
22:34 Oh!
22:35 Oh mon Dieu!
22:37 Votre comédien est très correct.
22:48 Bravo!
23:00 [Applaudissements]
23:01 Trop beau!
23:02 Merci!
23:03 Merci!
23:04 Merci!
23:05 Merci!
23:06 [Applaudissements]
23:07 [Musique]
23:12 [Musique]
23:18 [Musique]
23:21 [Musique]
23:29 [Musique]
23:36 [Musique]
23:44 [Musique]
23:47 [Musique]
23:53 [Musique]
23:59 [Musique]
24:05 [Musique]
24:12 [Musique]
24:15 [Musique]
24:21 [Musique]
24:27 [Musique]
24:33 [Musique]
24:40 [Musique]
24:43 [Musique]
24:54 [Musique]
25:06 J'ose vous faire souvenir, monsieur, du verset 3, 7, qui ajoute que...
25:10 Mère!
25:11 Mère!
25:12 Alors, qui ajoute que...
25:13 [Rires]
25:14 Alors, qu'est-ce que tu m'emmerdes?
25:17 [Rires]
25:18 Vas-y doucement sur la mère, tu la déconcertes.
25:21 Je pourrais dire de vous, madame,
25:24 "Muse moe moe ilunia, muse moe ye insune."
25:28 [Rires]
25:30 Au moins, j'espère que c'est bien la juste traduction.
25:35 Pas du tout.
25:36 [Rires]
25:37 Au moins, j'espère que c'est là un compliment.
25:42 Les parents sont très épris de leurs enfants qu'ils ne frappent quasiment jamais.
25:48 Jamais, merde, pardon, pas quasiment.
25:50 De temps en temps, une petite claque dans la gueule.
25:53 Autant que pour moi.
25:55 Oserais-je vous rappeler que le...
25:57 Non, non, c'est bon.
25:58 Non, c'est bon.
25:59 [Tousse]
26:01 Oserais-je vous rappeler le verset 2,25 de la Genèse qui précise...
26:06 C'est bon?
26:08 Excusez-moi.
26:09 [Tousse]
26:10 Mais qu'elles se sont retirées d'une...
26:15 [Tousse]
26:16 Mais qu'elles se sont recotées...
26:19 Recotées, oui.
26:20 [Rires]
26:22 Ce que j'ai vécu lors des dix années de mon absence de France
26:28 comporte bien des brutalités et bien des sauvageries.
26:32 Dix ans, dites-vous?
26:35 [Rires]
26:37 Et oui, Gollum.
26:40 [Rires]
26:42 Et pour pouvoir lancer le javelot...
26:46 Ça t'a choui bien.
26:49 Oh, ben dis donc.
26:51 [Rires]
26:53 Que tu aies vif, Catherine.
26:57 Vif, Catherine!
26:58 [Rires]
27:00 Donc voici d'ailleurs un exemple que j'ai ramené de mon voyage.
27:05 Vous voulez donc vous débarrasser de moi, monsieur?
27:08 Ce poison a plus d'une année.
27:11 Oh!
27:12 [Rires]
27:13 Elle ne le prend pas.
27:14 Ah, d'accord.
27:15 [Rires]
27:17 C'est parfait.
27:18 C'est bien.
27:19 Vous commencez doucement à réagir.
27:20 C'est parfait.
27:21 [Tousse]
27:22 [Tousse]
27:23 [Tousse]
27:24 [Rires]
27:25 C'est bon, j'y suis.
27:27 Je pense qu'un tel sujet ne saurait être abordé ici, mesdames,
27:30 sans que vous en ayez des hauts le cœur.
27:32 D'estomac!
27:33 Je le sais plus!
27:35 Je t'avais écrit ça, mais...
27:36 [Soupir]
27:37 Putain!
27:38 Les entrailles, elles les font cuire en une sorte de ragout.
27:41 Puis elles mangent la chair de la tête, la cervelle, la langue.
27:45 Et puis elles leur coupent les mains et tout ça, tout ça.
27:48 [Rires]
27:49 [Tousse]
27:51 [Rires]
27:52 [Rires]
27:53 [Silence]
27:54 [Silence]
27:55 Merci à tous !
27:57 [SILENCE]