"Mes seins sans soutien" (2021)

  • il y a 4 mois
Ce documentaire explore la tendance croissante des femmes à abandonner le port du soutien-gorge au quotidien, que ce soit par confort, par conviction féministe ou par souci de santé. Le film donne la parole à des femmes de tous âges et de toutes morphologies qui ont fait le choix du "no bra". Elles témoignent de leur expérience libératrice et des regards parfois désapprobateurs auxquels elles doivent faire face. Des expertes comme la Dre Bernadette de Gasquet, médecin spécialiste du dos, apportent leur éclairage médical. Selon certaines études, le soutien-gorge pourrait à long terme distendre les ligaments et favoriser l'affaissement mammaire. Le documentaire revient aussi sur l'histoire du soutien-gorge, inventé au départ pour libérer les femmes du corset contraignant. Mais ce vêtement émancipateur est-il aujourd'hui devenu une nouvelle norme sociale oppressante ? Sans prôner une solution unique, "Mes seins sans soutien" invite à réfléchir sur le rapport complexe des femmes à leur poitrine et leur liberté de la dissimuler ou non selon leur choix personnel. Un sujet léger en apparence mais qui soulève des questions sociétales et féministes profondes sur le corps des femmes et les diktats de la société.
Transcription
00:00Brûler son soutien-gorge. Ce geste, longtemps réprouvé par la morale, toutes les femmes ont un jour rêvé de le faire.
00:12Aujourd'hui, de plus en plus de Françaises entrent en rébellion. Par confort, mais surtout par militantisme.
00:24Une révolution au nom de la dignité et de l'indépendance.
00:35Nous, les femmes, entrons en résistance. Plus que jamais décidées à mettre le feu aux poudres de la bienpensance, nous organisons notre vie sans soutien-gorge.
00:59Avant d'en arriver à l'autodafé de lingerie, il existe quelques alternatives. Ranger ses soutien-gorge au fond de l'armoire, envoyer les armatures dans la naphtaline.
01:21Ce petit refrain a longtemps trotté dans la tête d'Emmanuel May. Mais le no-bra, c'est un peu comme le karaoké. Il faut se lancer.
01:38Il reste à assumer au quotidien la rupture avec cet accessoire symbolique.
02:04Emmanuel May est juriste, mais aussi auteur-compositrice et interprète. Sa vie sans soutien-gorge, elle a décidé d'en faire une chanson.
02:16A ce sous-vêtement et à sa morale, elle a dédié un manifeste, celui du sang dessous.
02:41Taquin, sensuel et résolument féministe.
03:02Ce qui est difficile quand on passe au no-bra, c'est d'une part le regard des autres, mais aussi le regard sur sa propre personne.
03:09C'est difficile d'assumer pour soi que sa poitrine, c'est plus cette forme de demi-pomme qu'on mettait avec le petit soutien-gorge à coque.
03:22Soudainement, c'est une petite colline un peu plus pointue, pas cette jolie forme de demi-pomme. Il faut réussir à l'accepter soi-même.
03:36Il faut bien que les femmes le fassent pour habituer le regard des autres à ce que sont les seins.
03:43Si on ne le fait pas, les choses resteront toujours comme elles sont. Donc il faut avoir ce courage-là.
03:50Cette chanson est aussi celle d'une chronique d'émancipation. Un combat féministe qui dégraffe les idées reçues.
04:01Comme toute révolution, ça commence de manière plutôt radicale avec le mouvement Free the Nipple.
04:09Au diable l'indécence, les dictates et les conventions. On revendique alors le droit tout comme les hommes d'apparaître torse nu en public.
04:18C'est l'acte fondateur du mouvement no-bra sans soutien-gorge.
04:24Une lame de fond émancipatrice soutenue par les gros bonnets des réseaux sociaux, Rihanna, Gillian Anderson ou encore Kylie Jenner.
04:32Toutes viennent prêter leur célébrité et leur poitrine à la cause.
04:37En France, Gala Avanzi mène elle aussi ce combat pour une poitrine libérée de tout jugement.
04:44Auteure d'un livre sur le no-bra, elle est la spécialiste de la question.
04:49Une femme doit porter un soutien-gorge. Et en fait, le no-bra vient un peu casser tous ses codes.
04:55Liberté, égalité, dégraffé. La bataille du no-bra est un acte militant.
05:01Au cœur de l'engagement d'Ursula Le Mène, la porte-parole d'Osée le féminisme.
05:06Le no-bra c'est très important. Tous les combats féministes sont importants puisqu'ils font tous sens.
05:11Tout ça fait partie d'un système qu'il faut combattre dans son ancienne vie.
05:15Au passage, le sérosoutif fait voler en éclat pas mal de clichés qui collent à la peau de nos poitrines.
05:21A commencer par les seins qui tombent.
05:25Et oui, figurez-vous que les seins se portent mieux libérés des armatures et des artifices.
05:31Le no-bra, parole d'expert, est bon pour la santé.
05:35Le sein est tout à fait capable de s'assumer sans soutien-gorge et que le soutien-gorge même peut être contre-productif.
05:42Reste le passage à l'acte.
05:44Sommes-nous toutes prêtes à jeter nos soutien-gorge à la poubelle ?
05:49Nous avons accompagné les premiers pas de deux jeunes femmes engagées sur la route de l'émancipation.
05:55Marion a 32 ans et elle vit dans les Yvelines.
05:58Très motivée avec son sang bonnet F, elle est bien décidée à prouver que les poitrines généreuses ont aussi droit au no-bra.
06:07À 29 ans, Julie, qui vit à Paris, affiche un bonnet A.
06:12Elle ne supporte plus de porter un soutien-gorge, mais l'idée de pratiquer le no-bra l'angoisse un peu.
06:20Avec Julie et Marion, nous allons découvrir que ce passé de soutien-gorge au quotidien n'est pas un geste anodin.
06:30Car assumer son propre regard sur sa poitrine, mais aussi le regard des autres, et surtout celui des hommes, est parfois difficile.
06:38Là, je ne pourrais pas du tout ne pas mettre de soutien-gorge. J'aurais vraiment trop peur qu'on puisse voir mes tétons.
06:45Avoir le choix de laisser cet accessoire dans le tiroir ou non. Se libérer des normes esthétiques ou pas.
06:53Le mouvement no-bra est avant tout celui de l'autodétermination.
06:59Cette jeune femme s'appelle Julie. Elle a 29 ans. Là, elle rentre du travail.
07:20Comme tous les soirs, son premier réflexe, c'est ça.
07:25C'est automatique pour toi de retirer ton soutien-gorge quand tu rentres ?
07:29Oui, pour moi, c'est assez automatique. Je n'ai pas encore trouvé le soutien-gorge dans lequel je me sentais hyper bien, que j'avais envie de mettre tous les jours.
07:39Le soutien-gorge, c'est vraiment très désagréable. Quand je suis dans une position statique et que je sens que ça peut me gêner, j'ai envie de l'enlever.
07:47Au quotidien, Julie souffre de l'inconfort du soutien-gorge qui lui comprime la poitrine.
07:54Sa vie libérée se limite pour l'instant au périmètre de son canapé.
07:59Julie hésite encore à adopter le no-bra dans son quotidien. Pourtant, elle a bien eu un déclic.
08:05Je pense que le confinement est passé par là, d'être restée vachement chez soi, de ne pas être sortie.
08:12Le fait de l'avoir moins porté pendant des jours et des jours.
08:16Quand on le remet, on se dit pourquoi je me suis embêtée toutes ces années à le mettre.
08:24Julie n'est pas seule à douter de l'utilité du soutien-gorge.
08:29François Croce dirige le pôle genre, sexualité et santé sexuelle à l'IFOP.
08:34En 2020, au sortir du premier confinement, il a piloté une étude sur la pratique du no-bra.
08:42Les résultats sont sans appel.
08:45En chacune d'entre nous sommeille une Marianne guidant le peuple, poitrine au vent.
08:52Le moment clé qu'a été le premier confinement, où les femmes ont été complètement affranchies du regard des autres,
08:58notamment de leur environnement professionnel,
09:00leur a permis de vivre des moments où elles ne portaient plus le soutien-gorge pendant une période longue.
09:05Et à ce moment-là, ce confort, ce plaisir d'une certaine grande liberté corporelle,
09:12pour beaucoup, elles vont essayer de le conserver, de le perpétuer après les confinements.
09:19La proportion de Françaises ne portant pas de soutien-gorge passe alors de 3% avant le confinement à 7%.
09:28Un rejet de l'injonction sociale encore plus massif chez les jeunes.
09:33Une femme de moins de 25 ans sur 6 confie ne jamais porter de soutien-gorge.
09:38C'est 4 fois plus qu'avant le confinement.
09:42Reste un frein pour assumer sa poitrine au naturel.
09:46Sa propre image dans le miroir.
09:52Arrêter le soutien-gorge quand on a passé sa vie à en porter n'est pas évident.
09:59« Qu'est-ce que tu vois là ? »
10:00« Bah que ça tient un peu moins bien. J'ai mon sein gauche qui part plus à l'extérieur.
10:08J'ai l'impression qu'il tombe. C'est pas très beau quoi.
10:12Dehors, je pourrais pas. Je pourrais pas. »
10:15Victime de son reflet et sans doute aussi de cette obligation sociale de comprimer sa poitrine,
10:21Julie n'imagine pas sortir en public sans soutien-gorge.
10:26Mais alors, pourquoi s'infliger pareil torture ?
10:31Peut-être parce que le soutien-gorge est un sacré fils de pub.
10:42Un rejeton de la réclame des années 70, celle de la revanche des hommes sur le corps des femmes.
10:55Après, tu seras une princesse ma fille.
11:00Sous les pulls les plus moulants.
11:03Voici, apparaît-le. Tu auras des seins parfaits, comme j'aime ma femme.
11:10C'est un vêtement qui est créé pour uniformiser ou rendre acceptable le corps des femmes.
11:18Symboliquement, ce que ça veut dire à contrario, c'est que naturellement, notre corps est inacceptable.
11:22Donc il y a quand même une symbolique qui est forte dans le soutien-gorge.
11:26Le soutien-gorge, j'avais uniformisé les seins.
11:29Alors qu'en réalité, des poitrines, il y en a de toutes les formes possibles et imaginables.
11:34Simplement, on ne le voit pas parce qu'elles sont toutes dans un soutien-gorge.
11:38Il les remonte, il permet de cacher le fait que les seins puissent tomber.
11:45Les fameuses grandes toilettes redoutent toutes.
11:49En tout cas, qu'on nous vend comme étant quelque chose de terrible.
11:53Alors qu'en réalité, non, c'est la vie. C'est comme ça.
11:58Vivre les seins sans soutien nous condamnerait-il à ne plus être que l'ombre de nous-mêmes ?
12:04La réponse est non.
12:08Si faire le choix d'une obra relève de la volonté de chacune, pour certaines, ce combat remonte loin dans l'adolescence.
12:15À cette période de la vie où l'injonction de porter un soutien-gorge est déjà source de discrimination.
12:21À 32 ans, Marion est une combattante.
12:26En matière de dessous, elle revient de loin.
12:30C'est tous les soutiens-gorges qui me vont et que je porte.
12:35Et alors, ils sont bien, ils sont confortables ?
12:38Pas toujours. Par exemple, j'ai celui-là qui est un basique parce que c'est un chair et qu'il n'y a pas de bretelles,
12:43donc c'est bien pour les bustiers, mais en fait, il est très, très désagréable à porter au niveau de la tête.
12:47Il est affreux et du coup, ça tombe tout le temps, donc en fait, t'as la marque ici.
12:52Pourquoi est-ce que je m'infligerais d'être mâle au nom de quoi, en fait ?
12:55Tout ça parce qu'on m'a ravachée quand j'étais adolescente qu'il fallait porter un soutien-gorge.
13:00Finalement, peut-être que non, je pourrais sortir sans soutien-gorge de plus en plus et me sentir tout aussi bien.
13:07Sa première bataille, elle la livre dès la puberté.
13:11Le soutien-gorge est alors son objectif.
13:15Le soutien-gorge est alors son allié de circonstance pour ne pas être remarqué.
13:21Cacher cette forte poitrine est une obsession.
13:26Mais les armatures sont également son pire ennemi, celui qui lui interdit de s'assumer.
13:33J'ai été dans des boutiques spécialisées forte poitrine, donc à 13 ans, c'est toujours un petit peu compliqué.
13:38Parce qu'à l'époque, c'était soutien-gorge obligatoire.
13:43On se cachait beaucoup, on s'habillait un petit peu en jogging.
13:48C'était la mode, on mettait des suites.
13:51Et puis, il ne fallait pas qu'on porte un soutien-gorge, encore moins qu'on laisse apparaître un téton ou quelque chose.
13:58Arrivée dans l'adolescence, là en plus, j'étais très formée, donc je faisais plus que mon âge.
14:02Ça a été encore plus difficile parce que je ne voulais pas qu'on me remarque.
14:06Il y avait des hommes plus âgés qui me regardaient.
14:09Et là, je ne voulais pas du tout être sexualisée ou avoir une féminité.
14:14Je voulais juste faire ma vie de lycéenne de 16 ans sans qu'on me regarde et sans qu'on me parle de mes seins.
14:21À cette époque de sa vie, la norme l'emporte sur la liberté de disposer de son corps.
14:26Sa poitrine la définit malgré elle.
14:33C'est seulement devenue adulte que Marion saute le pas et décide de s'affranchir du soutien-gorge.
14:43Pour l'accompagner dans ce renoncement, Marion va consulter une experte de confiance.
14:52Sa sœur Mégane, adepte du Nobra depuis bientôt 10 ans.
14:57Tu te souviens quand tu as commencé à arrêter les soutiens-gorges ?
14:59Oui.
15:00Tu as commencé à arrêter totalement ou tu as fait la transition avec des ptiots ou certaines brassières ?
15:06Parce que je suis en train de me tâter.
15:09À plus mettre de soutif ?
15:10Passer le cap.
15:12Mais tu ne t'es pas dit que tout le monde allait te regarder ?
15:14Non.
15:15Ou que ça allait tomber ou je ne sais pas ?
15:17Bah si, ça tombe, c'est un fait.
15:20Et maintenant, tu mettais n'importe quel vêtement et pas de soutif ?
15:23Non.
15:24Tu n'as pas fait de transition avec ?
15:25Si, légèrement, j'ai porté un petit peu les espèces de brassières faites de dentelles, sans armature, sans élastique, sans rien de spécial.
15:33Et puis en fait, ça ne me convenait pas non plus.
15:35Non.
15:36Réellement pas.
15:37Parce que du coup, je me demande si j'ai envie d'essayer un petit peu, mais je ne sais pas trop par où commencer.
15:42Je pense que tu commences au moment où tu es prête.
15:45Ouais.
15:46Tu penses que je peux essayer de tenter le truc ?
15:48Essaie, tu verras.
15:50Fixe-toi avec un objectif.
15:51Bon là, je vais sortir avec les animaux, je ne mets pas de soutien-gorge.
15:54Des choses comme ça qui sont bêtes et puis peut-être que tu prendras le pli, peut-être que tu seras plus à l'aise.
15:58Je suis complètement d'accord avec elle et je pense que justement, de faire une phase test au quotidien, dans des activités telles que voir des copines ou sortir les animaux, ça peut être déjà une bonne mise en situation en fait.
16:08Tu es prête à faire un petit pas ?
16:11Ouais.
16:12Avec moi, ta sœur ?
16:13Bah oui.
16:14Donne-moi le soutif.
16:15Celui que j'ai là ?
16:16Donne-moi le soutien-gorge.
16:19Merci.
16:20À samedi.
16:25La méthode est radicale.
16:27Je peux lui dire un dernier au revoir ?
16:28Non, c'est fait.
16:29Au revoir.
16:32Un test d'un mois pour apprendre à vivre.
16:36Sans entrave.
16:43Se lancer dans le nos bras, c'est d'abord décider du moment et de l'endroit.
16:48Pour Marion, c'est dans le parc près de chez elle.
16:52Une balade de 30 minutes avec son chien, mais sans soutien-gorge.
16:58C'est vraiment la première étape, parce que c'est quelque chose que je fais tous les jours, plus ou moins par jour.
17:03Du coup, je suis vraiment en immersion dans ma vraie vie, en nos bras.
17:07Donc c'est la première étape vers un, j'espère, totali nos bras.
17:11Mais ouais, c'est le début, ça y est.
17:14Lady !
17:15Lady !
17:18Ça fait bizarre de ne plus être complètement étriquée.
17:21Donc finalement, mes seins vivent leur vie à l'air frais et c'est très bien.
17:24Et comme ça, moi, je n'ai pas de marques, je n'ai pas mal et je suis bien, en fait.
17:29Et puis voilà, après mes seins, ce n'est pas immobile, ça bouge, ça vibre.
17:33Tant pis, c'est comme ça.
17:34Moi, je me sens bien et c'est le principal.
17:37Là où ça va être plus un petit peu chiant, c'est s'il fait très chaud.
17:41Parce que du coup, on peut transpirer sous les seins, ce genre de choses.
17:43Mais là, pour l'instant, ce n'est pas le cas.
17:45Donc je maîtrise complètement et ça va.
17:47Donc comme quoi, même si on a une forte poitrine, on peut très bien ne pas porter de soutien-gorge sans problème.
17:52Près de 22 ans après avoir porté son premier soutien-gorge, Marion vient de briser ses chaînes.
17:58La Marion de le centre est très admirative de la Marion que je suis maintenant,
18:01qui s'assume et qui fait ses propres choix, qui s'en fiche du candidat raton.
18:06J'avais envie de tester quelque chose, de me sentir bien.
18:09Pour l'instant, c'est une franche réussite.
18:11Je suis très contente d'avoir sauté le pas et d'être en première étape de nos bras.
18:16Mais ce n'est que le début de son émancipation.
18:22Car une curieuse charge morale pèse toujours sur nos épaules de femmes.
18:28La relation entretenue avec notre bon vieux soutien-gorge est complexe.
18:35Comme avec un ex un peu trop présent, c'est une histoire de « je t'aime, moi non plus »
18:39qui a traversé les siècles.
18:44Au tout début, le soutien-gorge est une libération et même une révolution.
18:50En 1889, l'anarchiste Herminie Cadol invente le maintien-gorge bien-être.
18:58C'est le premier sous-vêtement qui maintient la poitrine par des bretelles et non par la taille.
19:04Le corset serré à la taille qui déplaçait les organes disparaît après 4 siècles de torture.
19:14A cette époque, le soutien-gorge est clairement du côté des femmes.
19:19On l'aime !
19:21Une lune de miel qui ne va pas durer longtemps.
19:24Dès les années 20, les garçons remettent en cause le soutien-gorge de leur maman
19:29et le remplacent par un bandeau qui leur donne une allure plus androgyne.
19:34Cette fois, certaines femmes sont contre le soutien-gorge.
19:39Nouveau changement de cap dans les années 50 avec l'arrivée du bullet bra, un soutien-gorge pointu
19:46qui donne aux seins une allure de missile.
19:49Très vite, les pin-up et les stars du moment l'adoptent.
19:52Elisabeth Taylor, Marilyn Monroe ou encore Brigitte Bardot.
19:56À ce moment-là, il faut être fier de ses seins et le soutien-gorge devient un atout.
20:01Être glamourée et séduisante aux yeux des hommes.
20:05Pourtant, certaines femmes considèrent cet accessoire comme une aliénation.
20:10Dès le milieu des années 60, elle réclame carrément sa disparition.
20:16Il devient même officiellement un symbole de l'oppression masculine.
20:21Voilà qui aurait fait de la peine à Hermini, sa créatrice.
20:24Et là, on ne l'aime plus.
20:28Mais devinez quoi ?
20:29Dans les années 80, il fait son retour pour mettre en valeur les working girls
20:35et on le considère comme un outil pour les femmes de pouvoir.
20:38Donc, on l'aime !
20:40Le soutien-gorge ampliforme devient tendance et empêche des milliers d'hommes
20:45de regarder les femmes dans les yeux.
20:48Voilà qu'aujourd'hui, il est à nouveau perçu comme un objet inutile,
20:52voire comme un instrument de torture.
20:55Résultat, on ne l'aime plus.
21:00Renoncer au soutien-gorge ne marque pas pour autant la fin des problèmes.
21:06Pour celles qui hésitent encore, la confrontation avec leur dressing
21:10peut déclencher un vrai casse-tête.
21:13Julie, qui en est aux prémices de sa transformation,
21:17peine à s'affranchir de trois décennies d'habitude vestimentaire.
21:21Ce genre de t-shirt, je pourrais sortir sans soutien-gorge
21:25parce qu'en effet, il est large.
21:28Comme je n'ai pas une grosse poitrine, ça ne se voit pas.
21:32J'ai un croque-top aussi comme ça, mais qui, lui, est ultra moulant.
21:38Et pour le coup, là, je pense que je mettrais toujours un soutien-gorge
21:42parce que j'aurais peur d'avoir le téton qui pointe
21:47et qu'on ne verrait que ça.
21:50Je préfère mettre un soutien-gorge avec ça, comme ça je suis un peu plus rassurée.
21:53Je suis gênée par ça, je n'ai pas envie qu'on le voit,
21:57je n'ai pas envie qu'on ait une excuse pour me regarder,
22:01pour me juger, pour me pointer du doigt, c'est peut-être un peu plus ça.
22:05Je préfère me fondre dans la masse plutôt que d'en ressortir.
22:09Je vais éviter de me mettre en avant pour ne pas que quelqu'un trouve une excuse,
22:13même si ce n'est pas une excuse, pour m'agresser ou pour m'insulter derrière.
22:18Ce fameux téton, que les censeurs du RSA
22:21et des réseaux sociaux nous imposent de cacher et de couvrir.
22:25Soi-disant pour calmer leurs pulsions.
22:30Une idée reçue très répandue, comme le démontre ce sondage IFOP.
22:35Pour 20% des Français, un homme sur cinq,
22:39le fait qu'une femme laisse apparaître ses tétons sous un haut
22:43devrait être une circonstance atténuante en cas d'agression sexuelle.
22:47Le téton est tellement stylé,
22:49le téton est tellement stigmatisé, tellement diabolisé,
22:54que c'est compliqué de se sortir de la tête déjà que non.
22:59Il n'y a rien de mal à ça.
23:03C'est quand même profondément ancré dans les mœurs.
23:06Donc voilà, c'est normal qu'on ait peur et qu'on n'ose pas, clairement.
23:10C'est totalement normal.
23:12Quand on voit un téton, c'est tout de suite sexuel et indécent,
23:15parce qu'on s'est habitué aussi à ce regard sur les femmes sans téton.
23:19On s'est réhabitué au sein des femmes qui ont des tétons,
23:23ont des seins qui tombent et sont des seins, tout simplement.
23:26Donc c'est encore quelque chose à déconstruire.
23:30Car en matière de téton, il règne un double standard dans notre société.
23:36Le téton féminin est un énorme tabou,
23:39alors que le téton masculin est admis sans souci.
23:43On a bien fait un rapport très genré à la poitrine,
23:46et ça c'est une production culturelle pure,
23:50qui fait que si une femme montre d'une manière même indirecte son téton,
23:56elle est considérée comme indécente, ce qui n'est pas le cas des hommes.
24:00Le téton féminin est aussi interdit sur les réseaux sociaux comme Facebook et d'autres,
24:05où il apparaît comme un organe sexuel, ce qui n'est pas le cas du téton masculin.
24:11Une censure, source de scandales à répétition.
24:14Comme celui créé par la suppression sur Instagram
24:18de l'affiche du film de Pedro Almodovar, m'adresse Paralellas.
24:23Fin 2021, c'est Madonna en personne qui fait les frais de la censure.
24:29C'est toujours étonnant pour moi que nous vivions dans une culture
24:33qui permet de montrer chaque centimètre du corps d'une femme, à l'exception d'un téton,
24:38comme si c'était la seule partie de l'anatomie d'une femme qui pouvait être sexualisée.
24:42En France aussi, Anne-Claire Coudray, la présentatrice du JT de TF1,
24:47elle avait une robe en cuir qui laissait deviner ses tétons.
24:51C'est pareil, on l'a beaucoup interrogée là-dessus,
24:54elle a dû s'excuser, s'expliquer, se justifier.
24:59Nombreuses sont celles qui contre-attaquent, soit de façon frontale,
25:03comme ces Américaines qui ont manifesté devant les locaux de Facebook à New York,
25:07soit en tentant de piéger les algorithmes avec humour,
25:11comme le conte, tétons non-genrés, ou encore de manière artistique,
25:16comme Taboub, un conte tenu par des artistes belges.
25:24Pour Julie, le moment est venu de dépasser timidement ses propres craintes.
25:29Malgré le beau temps, elle enfile une veste sur son haut, sans soutien-gorge.
25:33Je pense que ça va aller.
25:36Tu triches un peu ?
25:38Je triche un peu, je triche un peu.
25:40Dissimulée, un moyen de commencer à s'assumer ?
25:44Même sur cette terrasse clairsemée, en plein après-midi,
25:48Julie a du mal à oublier ses tétons.
25:56Je vais vous prendre un Coca s'il vous plaît.
25:59Normal.
26:00Normal.
26:04Pourtant, quelques minutes vont suffire à la jeune femme
26:08pour s'affranchir des regards des autres clients.
26:11En vrai, ça va.
26:13Je pensais que ce serait un peu plus dur, mais ça va.
26:17J'ai vite oublié que je n'avais pas mis de soutien-gorge.
26:21Ça fait du bien de se dire que ce n'est pas insurmontable,
26:27et que ce n'est pas si grave.
26:30Je pense que les gens n'ont même pas remarqué.
26:34C'est super qu'elle continue comme ça,
26:37parce que si elle n'a pas l'envie ou le besoin d'en mettre,
26:41il faut qu'au contraire...
26:43C'est bien qu'elle essaie et qu'elle continue un peu progressivement.
26:47Et après, je pense qu'au final, elle va finir par s'habituer.
26:51Je vais en tout cas essayer de me mettre une violence un peu
26:56pour le faire et arrêter de me prendre la tête
27:00pour devoir mettre un soutien-gorge.
27:03Au final, ce n'est pas forcément utile.
27:06Est-ce que tu te sens fière de toi ?
27:09Oui, je suis assez fière de moi.
27:12J'ai quand même passé une étape pas évidente.
27:17Je suis assez fière de moi.
27:20Alors que l'époque est à la contestation du soutien-gorge,
27:24il y a une question que l'on se pose toutes.
27:27Nos seins, libérés de leurs armatures,
27:30sont-ils capables de s'assumer seuls ?
27:33La gravité a-t-elle une emprise réelle sur notre poitrine ?
27:37En résumé, sans soutien,
27:40nos seins sont-ils condamnés à tomber ?
27:46La réponse se trouve au CHU de Besançon.
27:51Le professeur Jean-Denis Rouillon est un spécialiste du nœud bras.
27:56Une vie entière à étudier.
27:58A étudier quoi, d'ailleurs ?
28:01Mon travail de recherche, c'est étudier l'évolution du sein
28:08lorsque la femme arrête de porter des soutiens-gorges.
28:13Derrière cette idée un peu bizarre,
28:16il y a l'idée que le sein est capable de s'assumer sans soutien-gorge
28:21et que le soutien-gorge peut être contre-productif.
28:24Oui, vous avez bien entendu.
28:27Le soutien-gorge n'est pas un parachute censé freiner la chute de la poitrine.
28:32Bien au contraire.
28:34C'est le résultat de l'étude menée depuis 1997
28:38sur 330 femmes pratiquant le nœud bras.
28:41Oui, Céline !
28:43Parmi elles, Céline, 39 ans, et Ophélie, 38 ans.
28:48Elles n'ont pas porté de soutien-gorge depuis leurs études,
28:51quelles que soient les circonstances.
28:54Est-ce qu'à la faveur des grossesses, tu t'es sentie obligée d'en remettre ?
28:58Non, c'est insupportable.
29:00Ça paraît dingue de ne pas mettre de soutien-gorge pendant la grossesse
29:04et pendant l'allaitement.
29:06Oui, mais ça s'est fait naturellement.
29:09N'ayant pas porté de soutien-gorge depuis mes 18 ans,
29:13quand je suis tombée enceinte pour ma première grossesse à 27 ans,
29:18j'ai laissé faire.
29:20C'est vrai que les sangs grossissent progressivement.
29:23À aucun moment, je me suis dit que ça me fait trop mal,
29:26c'est trop lourd, c'est trop gros.
29:28Voilà.
29:30Voici comment le professeur procède.
29:33Ne cherchez pas des appareils dernier cri.
29:36Ici, c'est rapporteur, règles et pieds à coulisses.
29:40C'est parti.
29:42Une trentaine de mesures par sein
29:45et autant de théorèmes qui fleurbont la libération.
29:48De quoi raviver chez la jante féminine la passion de la géométrie.
29:53Oubliez Pythagore.
29:56Voici la mesure de Buffon.
29:59Le triangle de Buffon, formé entre les deux mamelons et le creux du sternum,
30:04doit être équilatéral pour correspondre aux standards esthétiques.
30:08Alors, le triangle de Buffon,
30:11je te mets un petit point ici,
30:15et je mesure la distance
30:18exactement depuis ce petit point jusqu'au mamelon.
30:22Là, j'ai exactement 20 cm.
30:25Pour le côté droit,
30:27pour le côté gauche, j'ai exactement 20 cm.
30:31Tu es parfaitement symétrique.
30:33Selon Buffon, il faudrait que tes mamelons soient écartés de 20 cm.
30:40À cet instant, dans cette posture-là, tu es à 20,5.
30:4520, 20, 20,5.
30:47Les côtés sont plus courts que la base.
30:50Les seins sont plus haut placés de 5 mm par rapport à la référence de Buffon.
30:55C'est super !
30:57C'est vraiment, oui.
30:59Les seins de Céline sont donc parfaitement en place.
31:02Deuxième mesure, celle de la largeur du sein.
31:05La largeur du sein nous permet d'avoir après
31:07la fermeté en comparant avec la largeur debout et la largeur couchée.
31:14C'est logique, c'est géométrique.
31:16Plus la différence est grande entre la largeur du sein debout et celle couchée,
31:20et moins le sein est ferme.
31:22Là, je suis à 14,7.
31:25Là, je suis juste à 13.
31:28Et là, je suis à 14,3.
31:31Pour Ophélie, il n'y a quasiment aucune différence entre les deux mesures.
31:35Son sein ne s'étale pas.
31:37Il est donc super ferme.
31:40Troisième mesure, l'angle du mamelon.
31:43Le mamelon est comme un œil qui regarde.
31:46Chez Céline, la valeur est absolument exceptionnelle,
31:50puisque là, je suis à 45 degrés.
31:53Donc le mamelon, l'œil, si c'est un œil, regardera à 45 degrés.
31:57Alors après, je demande...
31:59Oui, c'est exceptionnel.
32:02Les valeurs réputées normales, c'est 0 à 20 degrés.
32:07Ou 0 à 25 degrés dans les valeurs réputées esthétiques.
32:12D'accord.
32:14Déjà, Céline, c'est un phénomène.
32:17Et évidemment, un mamelon qui regarde le ciel, ça fait plaisir.
32:21Dans les archives du professeur Rouillon,
32:24sont compilées plus de 20 ans de mesures
32:27et autant de données sur l'évolution des seins des deux femmes.
32:30On compare à 12 ans d'écart l'angle du mamelon.
32:33C'est quand même phénoménal à ce titre-là.
32:3745, 45.
32:39Donc il n'y a absolument aucun écart.
32:42Et ça, c'est parce que je le sens,
32:44c'est vraiment tout l'appareil suspenseur du sein qui n'a pas bougé.
32:47Les résultats des mesures de Céline et Ophélie sont exceptionnels.
32:51Malgré les années, rien n'a bougé.
32:54À l'arrêt du soutien-gorge, il y a un bénéfice global sur le sein.
32:59Quelquefois, il se porte plus sur la fermeté,
33:01quelquefois plus sur la hauteur.
33:03On considère à tort que le sein, il est un jour comme ça,
33:07il apparaît sur la poitrine de la jeune fille,
33:09et après, il n'est pas capable de s'adapter.
33:11Mais si, bien sûr qu'il s'adapte.
33:13Si le sein est comprimé, ses tissus s'étiolent.
33:15Si le sein est libre, si on le laisse travailler,
33:19subir la pesanteur et les variations de pesanteur,
33:22il se renforce comme tout organe du corps.
33:25Est-ce qu'on peut dire que le no-bra fait remonter les seins ?
33:28Oui, en l'occurrence, oui.
33:29Oui, oui, tout à fait, oui.
33:31Avec un bémol tout de même.
33:33Ceci ne fonctionne que pour les femmes qui ne sont pas en important surpoids
33:37et qui pratiquent une activité physique régulière.
33:40Merci pour tout.
33:42Je t'en prie.
33:44Mais alors, si le soutien-gorge n'a aucune utilité physiologique,
33:47pourquoi en porter ?
33:49Bon retour, bonne soirée.
33:51C'est quelque part un conditionnement social,
33:54un usage social, une pression sociale,
33:56beaucoup par l'éducation dite judéo-chrétienne.
34:00Il faut la jeune fille, il faut qu'elle soit timide,
34:03il faut qu'elle se cache derrière ses cheveux longs et sa petite jupe à carreaux.
34:06A mon époque, c'était ça.
34:09Il y a une espèce de volonté de contenir la jeune fille,
34:13de l'amener au mariage, toute neuve,
34:17avec la panoplie voulue par la société.
34:21Un papa, une maman, une femme, un soutien-gorge.
34:26Les deux refrains se font écho.
34:28Au centre de cet édifice de morale,
34:31il y a les gardiens du temps, les hommes.
34:36L'image d'une femme au sein sans soutien
34:39serait-elle encore une icône proscrite, réprouvée ?
34:43Si je vous montre cette personne,
34:46je vous dis qu'elle n'a pas de soutien-gorge.
34:48Vous trouvez ça provoquant ?
34:50Un petit peu.
34:52Chacune fait ce qu'elle veut.
34:53Selon la poitrine qu'a une femme,
34:55ça serait mieux qu'elle la soutienne,
34:57mais après, ça la regarde.
34:59C'est pas choquant, mais assez vulgaire pour moi.
35:01On voit ses mamelons.
35:03Non, c'est pas beau.
35:05Personnellement, je m'en fiche.
35:07Mais après, je comprends que tout le monde se retourne.
35:09Comme ça.
35:11Ça donne envie de voir les mamelons comme ça.
35:14Après, c'est normal.
35:17Ça peut attirer le regard.
35:19De toute façon, une femme attire le regard.
35:21Ça, c'est humain.
35:23Heureusement qu'on a des yeux pour regarder.
35:25C'est laid.
35:27Pourquoi c'est laid ?
35:29Passez la photo, je vous en prie.
35:31Mais pourquoi c'est laid ?
35:33Je trouve que c'est laid.
35:35C'est quoi qui est laid ?
35:37Tout.
35:39Oui, ça choque notamment les personnes âgées.
35:41Les personnes qui sont plus d'un milieu populaire
35:44ou qui ont un niveau culturel plus élevé.
35:47Ça choque aussi beaucoup les personnes
35:49qui sont imprégnées d'une morale
35:51conservatrice religieuse.
35:53Et qui ont tendance à vouloir
35:55à ce que la femme, les femmes,
35:57correspondent systématiquement
35:59à un modèle de féminité, je dirais,
36:01traditionnel, classique,
36:03avec ce que ça induit dans leur rapport au corps
36:06et à leurs vêtements.
36:08Avec une notion, je dirais, très floue
36:10de respectabilité
36:12et qui considère que
36:14quand on s'affranchit de ces injonctions,
36:17on n'est plus une femme, entre guillemets,
36:19irrespectable.
36:21Un préjugé patriarcal
36:23qu'on a heureusement affronté.
36:27C'est l'épreuve du bain de foule
36:29sans soutien-gorge
36:31dans les rues de Paris.
36:33Franchement, ça va, il y a plein de monde.
36:35Mais je ne fais vraiment pas attention
36:37si on me regarde ou si on ne me regarde pas.
36:39Je n'y prête pas attention.
36:41Moi, je vis ma vie et je me sens super à l'aise
36:43et c'est tout ce qui compte.
36:46Je pense que j'ai passé le cap du regard
36:49et que là, en plus, il y a tellement de monde
36:51que si je devais faire attention
36:53si on me regarde ou ne me regarde pas,
36:55ce n'est pas la peine, je ne le ferais pas.
36:57Je ne sortirais pas dans la rue.
36:59Non, vraiment, ça ne me pose pas de problème.
37:02Parmi tous ces regards,
37:04il y en a un qui compte malgré tout.
37:07Coucou !
37:09Ça va ?
37:11Celui de Benjamin,
37:13le compagnon de Marion.
37:15Tu n'as pas commandé encore ?
37:17Non, je t'attendais.
37:19Tu as vu, je suis venue sans soutien-gorge.
37:21Je vois ça, oui.
37:23Tu es ma nana, c'est normal que je te regarde.
37:25Tu as remarqué direct ou pas ?
37:27Oui.
37:29Non, franchement, je suis grave contente
37:31parce que finalement, trop cool.
37:33Tu n'as pas eu l'impression qu'on te regardait ?
37:35Tu n'as pas senti des regards insistants ?
37:37Déjà, il y a tellement de monde
37:39que si je devais m'arrêter sur toutes les personnes
37:41qui me regardent, peut-être qu'elles me regardent
37:43parce que je suis trop belle,
37:45plutôt que parce que je n'ai pas de soutien.
37:47Par contre, il y a eu un homme un peu panaisant
37:49qui s'est arrêté d'un certain âge
37:51et qui m'a bien dévisagé.
37:53C'est un peu que j'ai traversé l'avenue
37:55la Cochouine, rien à faire.
37:57Pourquoi se forcer à faire quelque chose
37:59qui fait souffrir
38:01ou qui met mal à l'aise toute la journée ?
38:03Si elle est bien en nos bras,
38:05moi, je la trouve très jolie comme ça, naturelle.
38:07Et puis voilà.
38:09Les gens qui font des remarques lourdingues
38:11en feront toujours qu'elle ait un soutien-gorge
38:13ou pas de soutien-gorge.
38:15Je pense que ça ne changera rien.
38:17Je pense que ce sera un prétexte,
38:19mais il pourrait y avoir autre chose
38:21qui ferait un prétexte finalement.
38:23Les femmes sont en train de se faire
38:25des harcèlements et aux insultes.
38:27Transformant les femmes
38:29en proies traquées jusque dans leur intimité.
38:31Et le terrain de chasse préféré des prédateurs,
38:34c'est l'écran de leur ordinateur.
38:37L'histoire de Mathilde
38:39indique à elle seule
38:41la banalisation de cette violence faite aux femmes.
38:43Je m'appelle Mathilde, j'ai 25 ans
38:45et je fais du no bras depuis deux ans.
38:47À l'origine de l'agression,
38:49une simple vente sur un site spécialisé
38:51dans le vêtement d'occasion,
38:53elle poste une annonce
38:55accompagnée de sept photos.
38:57Elle porte une jupe et un débardeur
38:59sans soutien-gorge.
39:01Cette image va réveiller les pulsions
39:04de tout un bataillon de pervers.
39:08J'ai reçu rapidement des messages
39:10de la part d'hommes
39:12ou d'hommes qui se faisaient passer
39:14pour des femmes avec des faux profils.
39:16Avec des messages quand même assez
39:18tu pointes,
39:20joli tétons, jolie seins,
39:21t'es bonne,
39:23pourquoi vendre ces vêtements,
39:25ils te vendent si bien.
39:27Si j'achète le vêtement,
39:29je prends aussi le mannequin avec.
39:31Ces hommes, ils me dégoûtaient.
39:33J'avais l'impression d'être
39:35un morceau de viande
39:37sur la place publique,
39:39en plein milieu d'affamés.
39:41J'avais l'impression d'être salie.
39:43Mathilde partage alors
39:45son histoire sur les réseaux sociaux
39:47et dénonce la vague de harcèlement
39:49dont elle est victime.
39:51Par rapport à ma publication
39:53sur les réseaux sociaux,
39:55que ce soit des femmes, des hommes,
39:57jeunes, moins jeunes,
39:59des femmes qui veulent passer le cap
40:01mais qui n'osent pas.
40:03Je crois que j'ai plus de 800 commentaires
40:05sur la publication,
40:07plus de 800 partages.
40:09C'est vrai que plus les messages privés,
40:11j'ai eu énormément de soutien.
40:15J'essaye de militer à ma façon
40:17pour faire changer un petit peu
40:19les choses, les mentalités
40:21parce que la campagne
40:23avait des arrières-pensées
40:25de grands-parents.
40:27Il y a encore énormément de boulot
40:29et s'il faut j'aurai un dentier
40:31quand ça ira mieux tellement
40:33j'ai l'impression que ça met longtemps
40:35à arriver et à normaliser
40:37que nous les femmes on a des poils
40:39et nous aussi on a des seins
40:41et nous aussi on a des tétons
40:43et qu'on est juste du normal en fait.
40:45On est tous pareils.
40:47J'ai l'impression que ça
40:49ne rentre pas là-dedans.
40:51Si on n'en faisait pas autant
40:53à ce sujet-là,
40:55ça irait,
40:57il n'y aurait pas de soucis.
40:59On a normalisé le fait
41:01de toujours faire des réflexions
41:03sur le corps des femmes
41:05mais en réalité c'est absolument
41:07pas normal et il faut arrêter
41:09aussi de toujours nous renvoyer
41:11à un objet de désir.
41:13Le corps des femmes
41:15il est neutre en fait,
41:17il devrait en tout cas être neutre
41:19c'est-à-dire que c'est un corps
41:21qui est neutre
41:23c'est-à-dire leur conception
41:25de ce qui est des seins
41:27ou pas des seins.
41:36Cette vision de la décence imposée aux femmes
41:39finit par en décourager certaines.
41:42Le chemin du Nobra
41:44est pavé d'embûches.
41:47Julie va abandonner son rêve
41:49de vie sans soutien-gorge.
41:51Pour elle, impossible
41:53de s'affranchir en permanence
41:55du regard des autres.
41:57Son expérience Nobra
41:59était un acte invisible
42:01dissimulé sous ses puls divers.
42:04Est-ce que tu les caches tes seins ?
42:06Est-ce qu'on ne les voit pas ?
42:08Oui, oui, d'une certaine manière
42:10oui, je les cache.
42:12Quand je n'ai pas de soutien-gorge
42:14c'est sûr que je les cache.
42:16Oui, je les cache au final.
42:17Totalement.
42:20Je ne l'avais jamais vu comme ça
42:22mais c'est vrai que c'est une manière
42:24de les cacher,
42:26de ne pas les mettre en avant,
42:28qu'on ne les regarde pas
42:30et qu'on ne les voit pas.
42:32Oui.
42:34Je trouve ça dommage
42:36qu'on se mette, nous,
42:38en tant que femmes,
42:40autant de barrières
42:42et qu'on n'assume pas notre corps,
42:44qu'on n'aime pas notre corps tel qu'il est.
42:46Et oui, on se sert de toute façon
42:48de nos vêtements
42:50qui, de manière générale, sont une armure.
42:52C'est nous qui devons vivre
42:54en fonction du regard des hommes,
42:56en fonction de ce qu'ils vont projeter sur nous
42:58et non pas simplement en fonction
43:00de comment nous, on souhaite mener notre vie.
43:02Donc ça marche,
43:04parce qu'on le sait par exemple
43:06dans le principe du harcèlement de rue,
43:08on modifie nos comportements,
43:10on va modifier les rues par lesquelles on passe,
43:12comment on s'habille,
43:13par les hommes dans lesquels
43:15ils vont imposer leurs règles sinon sanction.
43:17Donc la sanction étant le harcèlement,
43:19les agressions, voire le viol.
43:21Tout simplement, ça fait peser une peur sur nous
43:23qui crée un contrôle de nos comportements,
43:26un contrôle de nos façons de nous habiller.
43:28Et donc ça en fait partie.
43:30Les seins, comme tout le reste du corps des femmes,
43:32nos bras en font partie,
43:34les robes, les jupes,
43:36tout ça, c'est un ensemble vraiment
43:38de règles qui sont imposées aux femmes
43:40dans leur occupation de l'espace public.
43:41Et dans ces espaces,
43:43il en existe un qui reste hermétique
43:45à la pratique du nos bras.
43:47On a beau travailler en open space
43:50et dans des entreprises dites libérées,
43:52le milieu professionnel résiste encore
43:55de toutes ses forces,
43:57au sein, sans soutien.
43:59Sur le lieu de travail,
44:01on a une exigence de faire
44:03de contrôle de soi
44:05et de respect des apparences
44:07qui fait qu'on ne peut pas se permettre
44:08d'être totalement soi-même
44:11et totalement décontracté
44:13comme on le souhaiterait.
44:15On doit bien se tenir au travail
44:17et comme l'image de la poitrine,
44:19enfin la poitrine renvoie
44:21à une image vulgaire,
44:23du coup c'est pas compatible en fait.
44:25Donc c'est pour ça que ça pose encore problème,
44:27pour vraiment casser ça,
44:29casser cette symbolique
44:31qu'on a de la poitrine
44:33et cette façon qu'on a de la considérer
44:35comme étant quelque chose de vulgaire.
44:36Donc c'est vraiment important
44:38de casser cette image-là.
44:40Métro, boulot,
44:42sans soutien-gorge,
44:44c'est le grand jour pour Marion.
44:48Reste à trouver la tenue adaptée
44:50à cet exercice risqué.
44:54Grâce au débardeur,
44:56je peux lever les bras
44:58sans avoir peur quoi que ce soit.
45:00Ce matin,
45:02elle a choisi d'interpréter
45:04un grand classique
45:06d'artiste.
45:13Question.
45:15Dans la vie professionnelle,
45:17doit-on réellement se conformer
45:19à un dress code approprié ?
45:21Et que dit la loi en la matière ?
45:24En clair,
45:26a-t-on seulement le droit
45:28d'aller au bureau sans soutien-gorge ?
45:30Le code du travail interdit
45:32toute discrimination fondée
45:34sur l'apparence physique.
45:36Et que ça ne gêne pas
45:38la santé et la sécurité
45:40des travailleurs,
45:41la vôtre en particulier.
45:42Dans ce cas,
45:43vous pouvez venir librement
45:44sans soutien-gorge.
45:45Néanmoins,
45:46et c'est là que c'est très intéressant,
45:47on a déjà une jurisprudence,
45:48car la Cour de cassation
45:49s'est déjà penchée
45:50sur cette affaire-là,
45:51sur une affaire similaire.
45:52En 1986,
45:53la Cour de cassation
45:54a confirmé le licenciement
45:55d'une salariée
45:56qui persistait
45:57à venir travailler
45:59dans son entreprise
46:00avec un chemisier transparent
46:02et sans soutien-gorge
46:03parce qu'ils ont considéré
46:04que ça suscitait
46:05des réactions d'entreprise
46:06et que ça perturbait
46:07le bon fonctionnement
46:08de l'entreprise.
46:09Nous vous rappelons
46:10que votre tenue vestimentaire,
46:11transparente
46:12sur une unité complète
46:13du buste,
46:14n'apparaissait pas appropriée
46:15dans des bureaux
46:16où travaillaient
46:17des salariés des deux sexes.
46:19En novembre 1982,
46:21Pascale Morel,
46:22jeune assistante comptable
46:23de Nancy,
46:24s'invite,
46:25bien malgré elle,
46:26au journal télévisé.
46:28Les chemisiers complices
46:29de l'affaire, les voilà.
46:30Ni plus transparents,
46:31ni plus osés.
46:33Quelques jours plus tôt,
46:34la jeune femme
46:35a été licenciée.
46:36Motif,
46:37elle refusait
46:38de porter un soutien-gorge
46:39sous ses chemisiers.
46:41On n'allait plus souvent
46:42qu'à son tour
46:43dans le bureau
46:44de cette jeune femme.
46:45Elle-même circulait
46:46et quand elle circulait,
46:47eh bien, on jasait.
46:49Enfin, on n'était plus
46:50à son travail,
46:51si vous voulez.
46:53On a donc invité
46:54cette jeune femme
46:55à s'habiller différemment.
46:57Elle a persisté,
46:58il faut bien dire cela.
46:59Elle a persisté.
47:02Une condamnation
47:03et des mots
47:04d'une violence inédite
47:06qui résonne encore aujourd'hui
47:08comme une atteinte manifeste
47:09aux droits des femmes.
47:11Ce que je trouve
47:12très intéressant,
47:13c'est que finalement,
47:14les employeurs ou la loi
47:15devraient toujours avoir
47:16quelque chose à redire
47:17sur le corps de la femme.
47:18Tout ça, ça interroge
47:19quand même beaucoup
47:20sur un problème de société
47:21au-delà du droit.
47:22Finalement, le droit
47:23n'est que l'éclairage
47:24de notre société.
47:2640 ans après
47:27l'affaire Pascal Morel,
47:28les entreprises
47:29peinent à rompre
47:30avec ces vieux démons
47:31machistes.
47:34Car notre société
47:35compte sur le réveil
47:36des femmes
47:37pour faire bouger
47:38les lignes.
47:42Marion, de son côté,
47:43a apporté sa pierre
47:44à l'édifice
47:45et franchi une étape
47:46supplémentaire
47:47dans l'acceptation
47:48d'elle-même.
47:51Pour elle,
47:52aller au bureau
47:53sans soutien-gorge
47:54est une avancée décisive.
47:56Au début,
47:57j'appréhendais un petit peu
47:58de me sentir pas à l'aise,
47:59de bloquer sur ça
48:00toute la journée.
48:01Est-ce qu'on va
48:02regarder ?
48:03Est-ce que ça va
48:04beaucoup se voir ?
48:05En fait, pas du tout.
48:06J'ai eu zéro regard,
48:07zéro réflexion,
48:08rien du tout.
48:09Moi, je me sentis super bien,
48:10très fière de moi
48:11de relever ce défi.
48:12Et du coup,
48:13je vais travailler
48:14sans soutien-gorge
48:15et c'est super cool.
48:18Ça fait désormais
48:19un mois
48:20que la jeune femme
48:21a résolument choisi
48:22de vivre
48:23avec ses seins
48:24sans soutien.
48:27Salut !
48:28Coucou !
48:30Ça va ?
48:31Ouais, et toi ?
48:32Bah ouais.
48:34Du coup,
48:35on était à Paris
48:36il y a 2-3 jours.
48:37Ouais.
48:38En plus, vu qu'il faisait beau,
48:39j'avais pas ma veste
48:40et en fait...
48:42À l'aise, sereine,
48:43bien dans ta peau,
48:44bien dans ton corps.
48:45Franchement...
48:46Bah tu vois.
48:47Du moment que tu te sens bien...
48:48En fait, c'est ça,
48:49c'est pas de dire
48:50il faut, il faut pas,
48:51c'est de s'écouter.
48:52Moi, franchement,
48:53je suis grave contente.
48:54Je pensais que
48:55ce serait plus compliqué
48:56et finalement,
48:57ça s'est hyper bien passé
48:58et c'est pourquoi
48:59que j'en avais pas, en fait.
49:00Ce qui est cool,
49:01c'est que du coup,
49:02j'échange pas mal
49:03avec des nanas sur ça
49:04et de leur dire,
49:05si elles me disent à moi
49:06jamais je pourrais,
49:07bah écoute,
49:08essaie, si t'as envie
49:09et si tu le sens pas,
49:10arrête.
49:11Et s'il y a des nanas
49:12qui me demanderaient des conseils,
49:13bah maintenant,
49:14je saurais leur dire
49:15parce que je suis passée
49:16par toutes ces étapes
49:17de vie,
49:18de sortir,
49:19de voir du monde,
49:20voir ses amis,
49:21voir sa famille,
49:22aller travailler.
49:23Et c'est-à-dire que finalement,
49:24en fait,
49:25la seule limite qu'on se met,
49:27je me force à tenir droite,
49:28alors qu'on devrait
49:29tout le temps le faire.
49:30Mais c'est vrai que du coup,
49:31je suis là
49:32et j'essaie de me tenir
49:33un peu plus droite
49:34parce que c'est quand même
49:35plus joli d'avoir un beau port.
49:36Mais je m'étais fait une montagne
49:37de quelque chose
49:38qui finalement était très bien
49:39et dans lequel on se sentait
49:40très bien.
49:41Donc je vais rester comme ça
49:43parce que je me sens bien.
49:45Et puis le fait d'avoir pu
49:46dépasser un petit peu
49:47mes peurs et mes impressions,
49:48bah j'ai quelque part
49:49une espèce de...
49:50Enfin, j'ai une petite fierté
49:51envers moi-même
49:52donc c'est encore plus cool
49:53de me dire que je suis capable
49:54de me dépasser.
49:55Et j'aime bien
49:56cette positive vibe
49:57que ça engendre
49:58donc je vais rester comme ça.
49:59Donc c'est cool.
50:00Honnêtement, je pensais pas
50:02que je tiendrais...
50:03Ah ouais ?
50:04Honnêtement, je pensais pas.
50:05Tu pensais que je tiendrais quoi ?
50:06Un ou deux jours ou des trucs comme ça ?
50:07Non, même pas.
50:08Par exemple,
50:09je m'attendais pas
50:10à ce que tu me dises
50:11garde mon soutien-gorge
50:12et ainsi va la vie.
50:13Je pensais pas
50:14que ce serait aussi bénéfique
50:15donc non, je suis contente,
50:16je suis fière.
50:17Moi, je trouve que c'est
50:18une libération.
50:19Sur plusieurs aspects déjà,
50:20c'est une libération physique
50:21parce qu'on s'inflige pas
50:22quand bien même on dit
50:23qu'on va avoir le dos,
50:24c'est faux.
50:25En tout cas, moi,
50:26je l'ai pas du tout ressenti.
50:27Donc c'est une liberté physique
50:28parce que t'appuies les marques,
50:29tu te sens bien,
50:30tu te sens à l'aise,
50:31il faut dire ce qui est.
50:32Quand t'entends que le premier truc
50:33que certaines filles font
50:34en rentrant de chez...
50:35C'est d'enlever son soutien-gorge,
50:36c'est qu'il y a quand même
50:37un truc.
50:38Donc, curieusement ou pas,
50:39ça m'a permis aussi
50:40de me décomplexer pas mal,
50:41psychologiquement en fait.
50:42C'était juste un passage
50:43et je l'ai passé
50:44et maintenant,
50:45je suis très contente
50:47et j'adore ma nouvelle vie
50:48de nos bras, quoi.
50:52Un mois aura suffi
50:53pour que Marion oublie
50:54son soutien-gorge
50:55et ça lui a permis
50:56de se réapproprier son corps.
51:02Une victoire
51:03et une révolution personnelles
51:04que partageront bientôt,
51:06on l'espère,
51:07des millions d'autres femmes.
51:16Sous-titrage Société Radio-Canada

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