Recep Tayyip Erdogan réélu en Turquie : "Il a créé un vrai parti-Etat"

  • l’année dernière

Visitez notre site :
http://www.france24.com

Rejoignez nous sur Facebook
https://www.facebook.com/FRANCE24

Suivez nous sur Twitter
https://twitter.com/France24_fr#

Category

🗞
News
Transcript
00:00 — Et nous sommes avec Armet Insel. Bonsoir. Vous êtes politologue et économiste. Une première réaction face à cette réélection.
00:07 Est-ce qu'elle vous surprend ou pas du tout ? — Ça ne surprend pas par rapport au résultat du premier tour,
00:15 puisque Taiper Duan avait commencé avec beaucoup d'avantages le deuxième tour, les 15 jours qui ont passé.
00:24 Il y avait à un moment donné la possibilité... On sentait que l'écart entre les deux candidats commençait à diminuer.
00:31 Mais finalement, il y avait 2,5 millions de voix d'écart au premier tour entre les deux candidats. Et il termine avec 2 millions d'écarts aujourd'hui.
00:42 Donc comme a dit De Foucault tout à l'heure, en Turquie, les camps entre conservateurs nationalistes islamistes et modernistes nationalistes laïcs,
00:56 les deux camps sont très très partagés. Il y a des reports de voix au sein des camps entre le parti ultranationaliste et l'AKP de Taiper Duan
01:11 ou entre le parti républicain du peuple et les autres partis nationalistes libérales.
01:19 Mais entre les deux camps, les deux camps qui sont représentés aujourd'hui par Taiper Duan d'un côté islamo-nationaliste autoritaire
01:29 et ceux qui sont représentés par Khalista Roulou qui est un moderniste démocrate laïque, entre ces deux camps, les transferts ne se font pas.
01:40 Et c'est ça le grand problème de la Turquie. Et peut-être d'ailleurs les autocraties survivent par ce clivage majeur et indépassable qu'ils arrivent à instituer dans leur société.
01:52 Est-ce que vous diriez malgré tout que l'opposition a fait une bonne campagne, qu'elle a fait ce qu'elle a pu avec les moyens qu'elle avait,
01:59 sachant que médiatiquement, notamment, elle n'a pas la même vitrine que Recep Tayyip Erdogan ?
02:04 Oui, effectivement. Pas que médiatiquement d'ailleurs, parce que Tayyip Erdogan a créé aujourd'hui un vrai parti État.
02:12 Il utilise tous les moyens, tous les moyens de l'État, tous les moyens de l'administration pour pouvoir mettre en place à la fois un réseau clientéliste.
02:22 Et ce réseau clientéliste lui permet d'assurer le soutien des classes populaires, mais aussi des petites et moyennes entreprises, etc.
02:35 Et en même temps, ça lui donne une crédibilité. Parce que quand il dit « nous allons faire ceci » ou « nous allons faire cela »,
02:41 comme il est au pouvoir depuis 20 ans, les gens ne pensent pas que les autres aussi seront capables de le faire quand ils ont les moyens de l'État.
02:48 Mais lui, il a commencé à assimiler l'État à son parti et son parti à lui.
02:54 Donc du coup, l'image qu'il donne au niveau de la population, c'est que c'est lui seul qui serait capable d'affronter les difficultés,
03:04 alors que les difficultés économiques, en grande partie aujourd'hui, sont directement de sa responsabilité.
03:10 Et il y a aussi évidemment une dimension idéologique. Il y a le contrôle énorme des médias.
03:16 Les chiffres qui ont été révélés sont affligeants.
03:20 Entre le président sortant et le président élu en même temps, qui dispose de tant de paroles et d'images dans la télévision publique,
03:34 qui est incommensurablement supérieure à celui du candidat de l'opposition.
03:40 Et par exemple, quand Taï Père Dohan a commencé à parler, 29 chaînes de télévision publiques et privées avaient retransmis en direct le discours de Taï Père Dohan,
03:59 alors qu'il y avait une seule chaîne qui transmettait le discours de son opposant Kemal Kılıç Tavurlu.
04:07 Oui, je vous écoute.
04:12 Je disais, on a beaucoup critiqué effectivement la dérive autocratique du régime de Recep Tayyip Erdogan.
04:21 Sur ce point, on imagine que les choses ne vont pas aller en s'améliorant dans les cinq prochaines années.
04:25 Est-ce qu'il faut supposer que l'opposition, notamment, fasse les frais ?
04:30 Alors, nous ne savons pas effectivement quels seront les moyens de l'opposition en plus de ce qu'il a pu faire aujourd'hui.
04:37 Taï Père Dohan a immédiatement mis un défi dans son discours qu'il a fait, le premier discours qu'il a fait avant le discours d'Ankara qui est attendu,
04:46 depuis le toit d'un bus à Istanbul, il a mis immédiatement le défi des élections municipales à venir au mois de mars prochain en disant
04:58 « il faut regagner la ville d'Istanbul, il faut regagner la ville d'Ankara ».
05:02 Ce sont les villes que l'AKP avait perdu lors des élections de 2019.
05:09 Donc déjà, il a immédiatement lancé une nouvelle bataille de victoire et de gains qui ne laissent absolument aucun espace à l'opposition, à la société civile, aux associations, etc.
05:26 C'est un vrai rouleau compresseur qu'il veut mettre en place.
05:29 Et par rapport à tous ces moyens qui sont mobilisés, c'est vrai, par rapport à votre question de tout à l'heure,
05:34 arriver à 48% des voix au second tour dans un régime autocratique n'est pas du tout négligeable et ça donne un peu l'espoir des luttes à venir.
05:44 Armaïd Sintzel, ce sera le dernier mandat d'Erdogan, justement ?
05:47 Non, normalement, c'est le dernier mandat d'Erdogan.
05:51 Le président de la République aurait dû ne pas se présenter puisque la Constitution limite les mandats à deux fois,
05:58 mais comme il y a eu une modification constitutionnelle, il a fait interpréter ça en sa faveur en disant « on met les comptes à zéro ».
06:05 Donc du coup, il se présente deuxième fois.
06:07 Et s'il ne change pas la Constitution entre-temps, d'ici là, il n'a pas les moyens de le faire au Parlement.
06:13 Il n'a pas la majorité pour le faire au Parlement, mais il ne peut pas se présenter.
06:19 Mais en même temps, je voudrais dire qu'il y a eu deux tours des élections.
06:24 Maintenant, il y a un troisième tour qui attend Tahir Perdoan, c'est la crise économique.
06:29 Il a été responsable, il est vraiment le principal responsable par la politique économique irrationnelle qu'il a imposée au pays.
06:37 On va voir comment il va pouvoir s'en sortir.
06:40 Pour le moment, lors de campagnes de deuxièmes tour, il a annoncé qu'il allait continuer exactement de la même manière comme il a fait depuis quelques années.
06:52 Donc on va voir si la société tulque, si sa majorité tiendra toujours malgré l'aggravation de la crise économique.
07:02 Est-ce que l'idéologie et l'engagement idéologique vont primer totalement sur l'économie ?
07:08 Nous allons voir ça dans les mois à venir.
07:10 Oui, le redressement économique du pays, effectivement, l'un des grands défis majeurs qui attendent le prochain mandat d'Erdogan.
07:18 Merci beaucoup, Hermet Tintel, d'avoir été notre interlocuteur.

Recommandée