7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Pourquoi l'entreprise Bridor abandonne son projet d'usine à Liffré, près de Rennes?

  • l’année dernière
En 2017, un projet d'implantation d'une usine Bridor voit le jour à Liffré, près de Rennes. L'objectif est de fabriquer 650 tonnes de pains et de viennoiseries congelés à destination des professionnels. Le bâtiment devait se construire sur des terres agricoles et consommer 197.000 mètres cubes d'eau par an. Face aux oppositions, le groupe agro-alimentaire Le Duff a annoncé, mardi, abandonner le projet d'usine.
Transcript
00:00 Nous pourrons parler François Pitrell, journaliste environnement et climat de BFM TV.
00:03 Loïc Chenet Girard, bonjour, président de la région Bretagne.
00:06 Et Philippe Rocher, bonjour à vous, membre du collectif Colère.
00:09 Le comité local pour l'environnement et la résilience écologique était créé d'ailleurs quand Bridor avait présenté sa future usine.
00:14 Vous êtes aussi un ancien élu intercommunal.
00:17 François Pitrell, c'était quoi ce projet ?
00:19 Alors ce projet a été lancé en 2017 pour fabriquer 650 tonnes de pain et de viennoiseries surgelées
00:24 à destination d'hôtels et de restaurants partout dans le monde.
00:28 C'est un investissement de 250 millions d'euros et qui était voué à produire à peu près 500 emplois sur le site à terme.
00:35 Est-ce qu'on peut regarder la topographie ?
00:38 Parce qu'il y a d'un côté, on est à Liffré, donc d'un côté il y a la plus grande forêt d'Île-et-Vilaine,
00:43 de l'autre c'est l'autoroute vers la Normandie et donc au milieu Liffré.
00:47 Voilà, un site que vous voyez en rouge sur cette carte qui devait faire 21 hectares, soit une trentaine de terrains de football,
00:53 des bâtiments de 12 mètres de haut situés sur des terres agricoles, du bocage et des zones humides, donc riches en biodiversité.
01:01 Que dit Bridor de cet abandon ?
01:03 Pardon ?
01:04 Bridor justifie comment cet abandon ?
01:05 Justifie cet abandon par la lenteur du processus administratif, les nombreux recours qui ont fait que ce projet
01:12 qui aurait pris un ou deux ans, je cite, d'après l'usine, d'après l'entreprise,
01:16 prendrait 10 ans en France et donc ces menaces de recours successifs, même s'ils avaient eu raison,
01:22 même si les enquêtes publiques avaient donné raison au mois de janvier dernier à l'entreprise,
01:26 ils ont décidé de finalement délocaliser ces 500 emplois qu'ils avaient jugés dans un premier temps non délocalisables.
01:32 Donc il y a eu des recours parce que que reprochaient les écologistes au projet ?
01:35 Alors tout d'abord sur le fond, un modèle agricole productiviste breton qui aurait fourni des produits de piètre qualité,
01:42 ensuite l'utilisation très importante de l'eau, l'usine prévoyait de consommer autant d'eau que l'ensemble de la ville chaque année
01:49 et compte tenu des engagements pris par l'entreprise pour limiter les impacts, il y avait eu des débats et des débats publics
01:57 mais ce n'était pas jugé suffisant par ces associations écologistes.
02:00 En fait ce que dit Bridor, c'est qu'une fois que les recours auraient été épuisés,
02:04 il aurait quand même fallu attendre 2028 pour l'ouverture de cette usine.
02:08 Loïc Chenet Girard, président de la région Bretagne, est avec nous.
02:11 Comment est-ce que vous avez accueilli la décision de Bridor de jeter l'éponge ?
02:15 Parce qu'il y a eu une image terrible hier, c'est que d'un côté il y a le communiqué de Bridor qui renonce
02:19 et de l'autre l'inauguration d'une gigafactory de batteries électriques à Lens.
02:24 Écoutez, nous prenons acte, le chef d'entreprise Louis Leduf est bien entendu un chef d'entreprise qui prend les décisions qu'il souhaite prendre
02:31 et nous devons prendre acte de cette décision tout en réaffirmant que l'ambition de la Bretagne c'est de continuer à assumer son rôle dans la souveraineté alimentaire,
02:39 de continuer à produire, de continuer à transformer des produits alimentaires
02:42 et je veux dire que les produits bretons sont de très bonne qualité et non pas, comme je l'ai entendu il y a un instant, de piètre qualité.
02:47 Nous avons un modèle agricole qui se transforme, qui intègre tous les enjeux du développement durable.
02:52 Il y a beaucoup de travail, nos agriculteurs sont au travail tous les jours pour transformer les modèles,
02:56 pour répondre aussi aux demandes, y compris de Paris, d'où vous parliez ce matin, pour vous nourrir avec des produits de qualité.
03:02 Et pour ça derrière, il faut de l'industrie, de l'industrie de transformation
03:05 et cette industrie de transformation, elle fait travailler des hommes et des femmes dont on est très fiers,
03:09 des ouvriers, des ouvrières, cette classe populaire dont on a besoin dans le territoire.
03:13 Donc il faut et l'environnement et les usines, c'est indispensable.
03:16 Vous avez tenté Loïc Chénier-Gérard, on le sait, des conciliations,
03:19 mais il y en a qui trouvent que vous avez été peut-être trop tendre avec les écologistes.
03:23 Est-ce que c'est en partie votre responsabilité cet échec ?
03:26 Non, je ne suis pas trop tendre avec les écologistes, je suis moi-même pour faire en sorte d'intégrer les limites planétaires dans nos modèles économiques.
03:32 C'est indispensable et je crois que nous avons à faire en sorte que quand il y a des recours légitimes,
03:37 chaque citoyen est légitime à porter un recours, chaque association peut le faire,
03:41 que la justice soit capable de dire très vite le droit,
03:45 pour que chacun puisse avancer sur le projet qui doit être encore une fois concerté avec les élus locaux,
03:50 les citoyens et répondre à ces enjeux sur la terre, sur l'eau et sur nos limites.
03:55 Mais je le redis, la Bretagne a l'ambition d'assumer cette mission de transformation
03:59 en intégrant tous ces enjeux dans l'industrie.
04:02 Dire que l'industrie doit s'effondrer pour sauver la planète, ce n'est pas très responsable
04:06 de pousser loin de nos yeux finalement notre production qu'on utilise tous les jours
04:10 dans nos commandes ou dans notre vie quotidienne.
04:12 Mais donc en fait vous dites comme Bridor que c'est les lourdeurs administratives qui ont plombé le projet.
04:17 Ce projet il est déjà ancien, il a été créé à la sortie de l'arrêt d'un abattoir
04:23 qui s'est arrêté sur l'Ifré, la commune dont vous parlez.
04:26 J'étais maire à cette époque-là et cet abattoir quand il s'est fermé,
04:29 il a mis dehors 200-300 salariés, 200-300 ouvriers qui travaillaient dans la ville
04:35 et c'était un abattoir dans la ville.
04:37 Et les élus de l'époque, sous la pression d'ailleurs des syndicats et des médias,
04:41 avaient dit on va se remonter les manches et on va trouver une autre usine
04:43 parce que c'est l'avenir de nos territoires pour faire en sorte que les gens aient de l'emploi
04:47 pas trop loin de chez eux.
04:48 L'abattoir de l'époque consommait 200 000 m3, l'usine dont on parle devait consommer 200 000 m3 d'eau.
04:54 On était dans des rapports à peu près équivalents.
04:56 Nous avions jugé que c'était pertinent, l'entreprise a décidé de faire un autre choix aujourd'hui.
05:00 Donc tac, il y aura d'autres projets.
05:02 La Bretagne, elle regorge de projets, elle regorge d'entrepreneurs,
05:04 elle regorge d'hommes et de femmes qui se développent, développent leurs projets,
05:07 développent leur économie et c'est très bien parce qu'on en a besoin.
05:10 On veut être une Bretagne qui vit tous les jours avec du travail
05:13 et pas juste une Bretagne pour vous accueillir avec plaisir pendant les vacances ou les week-ends.
05:17 – Philippe Rocher, hier il y a certains des opposants au projet qui n'y croyaient pas,
05:20 c'est une victoire pour vous ?
05:22 – Alors bonjour, tout d'abord juste vous préciser que je reste toujours élu communautaire, élu communal,
05:29 j'ai juste démissionné de ma fonction de vice-président, voilà, c'est pas un souci.
05:34 C'est une victoire, je dirais, oui et non.
05:38 Oui parce qu'effectivement c'est un renoncement sur l'implantation sur un site
05:44 qui n'est pas du tout approprié à accueillir ce type d'usine.
05:48 Et deuxièmement, le problème à mon sens reste entier puisque en fait,
05:54 ce qui est dénoncé c'est non pas la question de l'économie versus l'environnement,
06:00 c'est plutôt un modèle économique d'une entreprise qui aujourd'hui est en inadéquation
06:06 avec les enjeux de dérèglement climatique et de biodiversité.
06:11 Et effectivement, choisir de s'implanter sur une zone où le bocage a été conservé
06:18 et de très grande qualité, sur lequel il y a un nombre d'habitats d'espèces protégées
06:24 qui est extrêmement conséquent, deux zones humides, c'est également une tête de bassin versant.
06:29 Donc en fait, c'est un endroit qui aujourd'hui doit être sauvegardé,
06:33 il n'y a pas que nous qui le disons, c'est dit par tout le monde,
06:36 c'est dit aussi par les politiques, c'est dit par le gouvernement,
06:39 c'est dit par les experts du GIEC, enfin voilà, c'est un petit peu ça qu'on est venu dénoncer
06:46 par rapport à la façon dont ce modèle s'est construit.
06:50 Là où je rejoins M. Chénet-Girard, c'est qu'effectivement, il y a une lenteur au niveau du jugement,
06:58 notamment de ce type de procédure, et qu'effectivement, la justice aurait pu tout à fait se prononcer
07:06 par rapport à cette autorisation environnementale, qui aurait pu d'ailleurs sauter,
07:10 ça ne serait pas la première fois.
07:12 Merci d'avoir été avec nous ce matin, la maire Ellère de Vitrée dit ce matin dans le Télégramme
07:18 "les antitous vont s'appuyer sur ce président et tout projet industriel dans la région sera désormais contesté".
07:26 On verra quel projet arrivera dans les semaines ou les mois à venir sur ces terres bretonnes.
07:35 Merci en tout cas de nous avoir accordé de votre temps ce matin.

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