Fille de Samouraï d’Etsu Sugimoto, partie 2 - La chronique de Juliette Arnaud

  • l’année dernière
Aujourd'hui, Juliette nous fait davantage découvrir l'oeuvre d'Etsu Sugimoto, Fille de Samouraï.

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Transcript
00:00 de la lecture classique avec Juliette Arnaud. Et on reprend avec vous, chère Juliette, la lecture
00:04 de « Fille de Samouraï », le roman classique japonais d'Etsu Sujimoto, qui nous plonge à la fin
00:09 de l'ère Meiji, en 1874, le moment où le Japon quitte doucement l'ère féodale pour entrer dans
00:15 l'ère industrielle. La semaine dernière, on a rencontré la fille de Samouraï dans l'hiver
00:20 glacial, où elle devait maîtriser son esprit pour résister aux rigueurs du temps. Et aujourd'hui,
00:26 on la suit vers les États-Unis, où elle a prévu de se marier. On a prévu pour elle. Alors, à moi
00:32 qui ne suis, et je le déplore, qu'un gros tas d'émotions mal tenues, ce qui amène parfois
00:37 Alex Vizorek à me dire « Juliette, sur l'échelle qui va de 0 à 10, de la colère, tu as inventé le
00:42 44 ». La lecture de ce livre fut un genre d'anxiolithique. Le calme, la réserve, le sens de
00:48 la paix, la nuance et la modération, et tout ça sans crise de manque. Et pourtant, imaginez, Etsu,
00:53 à peine adulte, élevé dans la pure tradition Samouraï, quitte sa famille, sa petite ville
00:57 provinciale japonaise, débarque en bateau sur la côte ouest des États-Unis, rencontre sa nouvelle
01:01 famille, c'est-à-dire son mari qu'elle ne connaît pas, un nouveau pays, un nouveau continent, une
01:04 autre civilisation, un pays jeune et extrêmement extraverti, les États-Unis. En bref, des décos
01:10 des maisons aux us et coutumes, tout lui est étranger à Etsu, tout peut lui être même offensant,
01:15 voire énervant. Et elle écrit « Les règles étaient si différentes dans mon pays d'origine,
01:20 dans mon pays d'adoption, et je les aimais tant tous les deux, que j'avais parfois l'impression
01:24 d'être assise sur un nuage, d'où j'appréciais les distances ». Sur un nuage, ce fantasme ultime
01:30 de l'enfance. Et bien Etsu se perche là-haut, elle apprécie les distances. Alors un exemple qui me
01:35 touche plus particulièrement, parce que finalement, un siècle plus tard, il reste pertinent et non
01:40 résolu, « Cuide de la peau des femmes ». C'est la première soirée dansante, Etsu, elle est dans
01:45 sa robe nationale, les plis remontés jusqu'au cou, elle reste assise, confite de modestie,
01:49 pour qu'on ne voit pas l'étroitesse de sa jupe. Les autres femmes américaines, toutes en corsage
01:56 de dentelle et on devine la peau dessous. Etsu avant ça n'avait jamais vu que par hasard, par
02:01 accident, la peau des autres femmes. Et sa pudeur s'offense, mais en silence. Etsu continue d'observer
02:06 et de réfléchir. Et elle écrit « Ce spectacle, des femmes en tenue de soirée, me paraît comporter
02:12 un élément d'art et de beauté au même titre qu'un beau tableau. Et je sais que ces femmes
02:15 aux visages heureux ont le cœur aussi innocent que les femmes silencieuses de mon lointain pays ».
02:20 La vie d'Etsu avance en terre inconnue, puis connue, puis aimée, un mari très travailleur,
02:24 une petite fille qui veut une petite sœur et qui va en avoir une. Mais l'aîné voulait une petite
02:29 sœur comme celle de son amie Suzanne, un bébé à cheveux jaunes donc. Bon, forcément c'est pas ça.
02:33 L'aîné comprend alors qu'elle a beau parler anglais et seulement anglais, son apparence est
02:37 celle d'une fille japonaise. Et puis alors que les filles sont encore petites, Etsu doit retourner
02:41 vivre au Japon et les filles apprendent le japonais et leur état de petite fille de samouraï. Pourquoi ?
02:46 Parce que leur père et le mari d'Etsu est mort. Et alors ne comptez pas du tout sur Etsu pour
02:51 raconter complaisamment son deuil, sa peine. Toujours la réserve émotionnelle la plus effarante
02:56 pour moi, l'inverse d'une série Netflix. Elle préfère raconter comment elle et ses filles s'adaptent
03:02 à ce retour. Le même type de récit que pour la mort de son père à elle, son père le samouraï.
03:07 En fait on n'en sait rien, le livre avance, on n'en sait rien. Et puis un chapitre commence de la sorte.
03:11 "L'hiver qui suivit la mort de mon père, notre maison fut bien solitaire." Ça c'est un climax
03:16 émotionnel pour Etsu. Là normalement un directeur d'écriture de série, il prend une énorme crise
03:22 de nerfs. Mais c'est là qu'on pige le titre choisi par Etsu, "Fille de samouraï". Cet homme, samouraï,
03:28 qu'elle décrit ainsi un homme du passé qui n'ayant à offrir au monde nouveau que la magnifique et
03:32 vaine culture du monde ancien, accepte la défaite avec une calme dignité. Quel héritage réel lui a-t-il
03:38 transmis ce samouraï ? C'est une question finalement qu'on se pose toutes et tous quand nos pères meurent.
03:42 Etsu de retour au Japon a repris ses vêtements traditionnels et malgré ses vêtements traditionnels
03:47 a une démarche vive, brusque, masculine. Sa mère la voit faire et lui dit "tu commences à ressembler
03:53 beaucoup à ton honorable père". Je me souhaite la même. Merci, bisous, merci.
03:57 - Juliette Arnaud, merci beaucoup Juliette. C'est un classique on le trouve. Vous l'avez en quel format là ? C'est une réédition ça non ?
04:04 - C'est une réédition d'une maison qui s'appelle Bartilla qui fait beaucoup de rééditions de livres écrits par des femmes.
04:11 Avec une très belle photo. - Et c'est à la faveur de cette réédition que vous avez choisi de chroniquer ce livre en deux volets.
04:17 Vous pouvez écouter bien sûr la première partie en podcast.
04:20 les chroniques de Juliette Arnaud.

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