Sortie du huitième tome des Cahiers d'Esther : "J'ai l'impression que c'était hier que je commençais ses histoires en CE2", se souvient Riad Sattouf

  • l’année dernière
Alors que le huitième tome des Cahiers d'Esther, "Histoire de mes 17 ans", est sorti jeudi 1er juin en librairie, Riad Sattouf se replonge dans le parcours de son personnage de BD, inspiré de la fille d'un couple d'amis depuis ses débuts en 2015.
Transcript
00:00 France Info.
00:03 Elle accompagne les ados depuis bientôt 10 ans, maintenant elle grandit bien vite.
00:07 Esther avait 10 ans quand Riad Satouf a commencé à griffonner les traits de celle qui était
00:12 encore une enfant des pages de Lobs au rayon BD.
00:16 Esther est devenue familière pour les lecteurs les plus assidus de ses cahiers, sorte de
00:21 journal de bord d'une enfant de la génération Z qu'on a vu devenir ado qui se frotte désormais
00:27 aux épreuves du bac et même à Parcoursup.
00:29 Esther a 17 ans, le 8ème tome de ses aventures sort aujourd'hui en librairie aux éditions
00:35 à Larry et on est avec son père spirituel et son dessinateur.
00:41 Bonsoir Riad Satouf.
00:42 Bonsoir.
00:43 Ravi de vous recevoir dans le studio de France Info.
00:44 Qu'est-ce qu'elle a grandi ?
00:45 Et oui, c'est un petit peu ce que je me dis aussi quand je la dessine, c'est incroyable,
00:51 j'ai l'impression que c'était hier que je commençais les histoires où elle était
00:53 en CE2 et où elle jouait à des jeux un petit peu inconscients dans sa cour.
00:59 Et là maintenant, comme vous le disiez tout à l'heure, elle attend Parcoursup ce soir
01:03 aussi.
01:04 Je vais avoir les résultats de ce qui va inspirer ma prochaine page je pense.
01:08 Vous imaginez à l'époque de l'histoire de ses 10 ans, l'avoir allé jusqu'au bac ?
01:12 Eh bien écoutez, au départ, j'avoue avoir lancé ce projet comme ça, en me disant que
01:18 j'allais suivre cette jeune fille jusqu'à ses 18 ans, en faire un album par an, bien
01:25 sûr en cachant sa vraie identité, en cachant un petit peu tout ce qu'est lui pour pas
01:29 qu'on puisse la reconnaître dans la réalité.
01:30 Mais je pensais pas que ça irait aussi vite.
01:32 Oui, c'est vrai.
01:33 Qu'est-ce qui va le plus vite, ses enfants qui grandissent ou son enfant de BD qui grandit
01:37 ?
01:38 C'est assez étrange parce que vous savez, en tant que dessinateur, moi je dessine le
01:43 jour, je fais une page toutes les semaines et je me pose jamais en me disant "tiens là
01:48 je vais faire grandir mon personnage, je vais observer comment elle grandit".
01:51 Je la dessine toutes les semaines.
01:52 Mais en fait elle grandit d'elle-même aussi en dessin.
01:55 C'est ça qui est assez étrange.
01:56 C'est-à-dire que quand je regarde la façon dont je la dessine aujourd'hui et la façon
01:59 dont je la dessinais il y a 10 ans, c'est plus la même façon mais ça s'est passé
02:03 de manière totalement inconsciente.
02:04 Et ce qui est formidable, c'est aussi qu'elle grandit, qu'elle change et que ça renouvelle
02:09 l'exercice pour vous à chaque fois ?
02:10 Ben oui, c'est vrai qu'il y a plusieurs choses qui changent.
02:14 Quand elle était plus jeune, elle était extrêmement volubile, un peu inconsciente
02:18 et cruelle.
02:19 Il y a des histoires un peu dures, elle était quelqu'un de très populaire dans sa classe.
02:25 Et là, évidemment avec l'adolescence, elle a un petit peu changé, un petit peu cynique.
02:29 Elle a pris un peu les hormones dans la tronche, la vague de plein fouet.
02:34 Donc c'est un peu moins facile mais c'est toujours aussi rigolo.
02:37 Et disons que les préoccupations ont changé.
02:38 Et puis c'est un âge formidable aussi où les changements sont permanents, où les expressions
02:43 évoluent.
02:44 On a l'impression d'être en permanence dans la cour ou sur les réseaux sociaux avec vous
02:47 parce que chaque expression de langage s'adapte à l'époque.
02:52 C'était aussi une des raisons pour lesquelles je me suis lancé dans les cahiers d'Esther,
02:55 déjà d'un point de vue purement personnel et humain.
02:59 Parce que comme tout le monde, je vieillis et donc j'avais envie de rester en contact
03:02 quand même avec ce qu'il y avait dans la tête des jeunes et de comprendre le monde
03:05 à travers eux et essayer d'explorer leur univers qui est un petit peu imperméable
03:11 quand même.
03:12 C'est une sorte d'agent secrète, d'agente secrète dans le monde des jeunes.
03:18 C'est vrai que je reste en contact.
03:20 - C'est votre espion dans la cour du lycée ?
03:21 - Un petit peu, c'est comme dans 21 James Street.
03:24 Seul ceux des années 90.
03:25 - Alors ça c'est pas la génération Z.
03:26 - Excusez-moi !
03:27 - Le coup de vieux terrible.
03:28 Votre expression préférée ? Elle est en mode ?
03:29 - Oui en mode, oui j'avoue.
03:30 En mode, oui.
03:31 Dire que je suis en mode quelque chose de manière très sérieuse, moi ça me fait
03:42 rire mais en fait c'est pas drôle pour la personne qui le dit aujourd'hui.
03:45 - On suit Esther mais on suit évidemment toute une société autour d'elle avec toutes
03:50 les problématiques qui touchent aujourd'hui à la jeunesse.
03:53 Alors il n'y avait pas forcément la cigarette, la drogue quand elle avait 10 ans, forcément
03:56 ça fait son apparition.
03:57 C'est ça aussi qui vous passionne ? On n'ira pas jusqu'à l'œil du sociologue mais de
04:03 regarder comme ça comment une jeunesse se heurte aussi à des problématiques qui changent
04:08 en grandissant ?
04:09 - L'idée de faire cette bande dessinée sur une durée de temps entre guillemets aussi
04:13 longue parce que j'ai suivi un personnage, une personne qui a grandi.
04:16 Ce qui m'a aussi stupéfié c'est le nombre d'événements historiques qui ont traversé
04:23 la vie d'une si jeune personne et aussi de cette bande dessinée.
04:26 C'est-à-dire qu'il y a eu plusieurs présidentielles, il y a eu la victoire de Donald Trump, il
04:30 y a eu la pandémie, il y a eu la guerre en Ukraine.
04:34 - Elle a été en mode confinement.
04:35 - Voilà exactement.
04:36 C'est vraiment étonnant quand on relit ça parce qu'au jour le jour on ne s'en rend
04:39 pas compte.
04:40 C'est vrai qu'en regardant dans le rétroviseur, c'est vrai que ce n'est pas facile pour les
04:44 jeunes.
04:45 On a toujours tendance à leur faire peser beaucoup de choses sur les épaules, une grande
04:49 responsabilité.
04:50 Mais avec tout ce qu'ils vivent et tout ce dont ils ont conscience, justement avec ce
04:54 monde qui est de plus en plus conscient de lui-même où on sait exactement comment les
04:57 gens vivent à l'autre bout de la planète, il n'y a plus d'enchantement.
05:01 Le monde est désenchanté complètement.
05:03 On sait ce qu'on peut devenir quand on a 10 milliards sur son compte.
05:06 On sait comment on vit quand on est chanteur, quand on est chanteuse, acteur.
05:10 Il n'y a plus rien à se créer.
05:11 - Vous le trouvez dur ce monde pour les jeunes ?
05:13 - Oui, c'est vrai, je le trouve très dur.
05:18 On a toujours tendance à penser que les nouvelles générations sont catastrophiques par rapport
05:22 à celles d'avant.
05:23 Je ne pense pas du tout, c'est toujours un peu la même chose.
05:27 C'est très dur pour Esther, cette espèce d'être tout le temps avec les écrans, avec
05:34 les sollicitations permanentes, avec les harcèlements en ligne, avec les harcèlements
05:38 à l'école.
05:39 Et de réussir à garder quand même une vision très positive, comme elle le fait des choses,
05:45 je trouve ça très agréable à observer.
05:47 - Ça, c'est une obsession aussi pour vous, de laisser une part d'optimisme, de positif
05:51 dans ce personnage ?
05:52 - Bien sûr, de toute façon, c'est elle.
05:54 Elle est comme ça.
05:55 C'est quelque chose de très rassurant aussi, de dire "moi, évidemment, je vieillis, le
06:00 temps passe, je m'effondre lentement comme le climat sur cette planète".
06:04 Mais ça fait toujours plaisir de voir que les jeunes, ou en tout cas elle, elle a envie
06:09 de prendre les problèmes à bras-le-corps.
06:11 Et ce n'est pas du tout déprimant, c'est très positif, je trouve, de rester en contact
06:17 comme ça avec les jeunes.
06:18 - Et puis, ça avait déjà commencé, mais c'est le rapport aux garçons aussi, en grandissant,
06:22 le rapport au genre aussi, aux questions de genre que vous installez dans la salle de
06:26 classe, parce qu'elles y sont.
06:27 Aujourd'hui, ça n'existait pas du tout, à ce point-là, il y a 20 ou 30 ans.
06:32 - Alors, est-ce que ça n'existait pas ?
06:33 Moi, j'ai l'impression que ça existait quand même un petit peu.
06:37 Mais les "Cahiers d'Ester", ce n'est pas non plus un journal intime.
06:40 Je ne raconte pas les secrets d'une jeune fille.
06:44 Toutes les histoires qu'elle me raconte, c'est des histoires qu'elle va raconter à ses parents,
06:48 par exemple.
06:49 Et moi, je les mets en bande dessinée.
06:50 C'est des histoires de rien et des histoires sans histoire, entre guillemets.
06:52 Et c'est vrai que toutes ces thématiques-là, de la recherche de qui on est, de qui on aime,
06:57 de pourquoi on aime, de pourquoi on déteste, etc., ça arrive forcément dans la bande,
07:01 dans la bande, justement.
07:02 - Est-ce qu'il y a un âge que vous avez trouvé plus intéressant qu'un autre ?
07:05 - Je crois que non, pas spécialement.
07:08 Les 17 ans, là, enfin, je ne dis pas ça parce que c'est le livre d'aujourd'hui, mais le
07:14 fait qu'elles grandissent comme ça, c'est comme, j'ai l'impression que c'est la somme
07:18 de tous les autres albums, quelque part.
07:20 On se dit que c'est marrant.
07:21 Par exemple, vous disiez tout à l'heure que c'était publié dans l'Obs.
07:25 Moi, j'avais une sorte de rêve secret qui était qu'avec le temps, elles deviennent
07:30 de droite, par exemple.
07:31 J'aurais bien aimé suivre un personnage comme ça.
07:34 Et c'est marrant de voir comment les expériences qu'elle a vécues et comment la façon dont
07:38 elle a envisagé les rapports avec les autres, ça en construit l'individu qu'elle est dans
07:41 sa façon de juger le monde ou d'avoir des valeurs, etc.
07:45 C'est très gratifiant, je trouve, et positif de voir un individu comme ça qui devient.
07:52 Et vous n'avez pas eu d'appel du Figaro ?
07:54 Non, mais je n'ai aucun a priori.
07:59 J'aurais bien aimé justement suivre.
08:00 C'est ce que je fais.
08:01 Vous le faites avec le grand frère.
08:03 Le grand frère, tout à fait, qui est complètement de droite et qui est très gentil aussi, d'ailleurs.
08:07 Un mot des piliers aussi, la famille qui est toujours là, cette relation particulière
08:12 aux parents et puis Cassandre, le pilier absolu de la vie d'Esther, sa copine Cassandre.
08:17 Et c'est marrant parce que je n'aurais pas pensé que ce personnage, qui la suit depuis
08:21 la primaire, depuis le premier album, prendrait autant d'ampleur dans les albums.
08:26 Et c'est marrant parce que c'est aussi une ode à l'amitié, parce qu'elles sont restées
08:31 copines pendant toutes ces années, elles arrivent au bout de leur parcours scolaire.
08:35 Elles sont toutes les deux de milieux sociaux très différents et il y a quelque chose
08:40 de très émouvant, je trouve.
08:41 - Qui vous fait le plus de réflexion, les jeunes ou les parents ?
08:43 - Vous voulez dire sur Esther ? Je crois que c'est les jeunes.
08:48 Et c'est marrant parce que c'est une bande dessinée qui n'a pas été pensée du tout
08:51 pour les jeunes au départ, c'était pour adultes en fait.
08:53 Il y a de plus en plus d'ados qui se sont mis à lire maintenant, la majorité c'est
08:56 des ados.
08:57 - L'histoire de mes 17 ans, les cahiers d'Esther, c'est le 8ème tome déjà et il vous reste
09:01 moins de 10 minutes pour Parcoursup, donc on va vous laisser filer à Riad Satouf.
09:05 Merci infiniment d'être repassé.

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