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L'actrice Anne Parillaud, autrice du roman "les Abusés", est à la Une de "l'Obs" dans le cadre de notre dossier sur l'emprise. Cette mécanique de destruction invisible s’enracine souvent dans le couple mais aussi au sein de la famille, au travail, dans certaines thérapies… Pour en savoir plus, regardez son témoignage.

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Transcription
00:00 Tout notre être est entièrement possédé par l'autre.
00:04 Comme l'autre le possède, il le manipule selon son souhait et selon ses désirs.
00:09 Et on devient sa chose, on devient son objet.
00:11 Moi, j'ai commencé à l'écrire il y a six ans.
00:18 Et il y a six ans, on ne parlait pas du tout de ces thèmes qui étaient effectivement
00:22 le phénomène de l'emprise, le rapport bourreau-victime,
00:27 les violences conjugales, les violences sous toutes ses formes, les abus.
00:31 J'avais besoin de démonter les mécaniques psychiques qui unis un bourreau à sa victime.
00:38 C'est comme un binôme pathologique en fait.
00:40 C'est comme deux muscles en synergie qui s'alimentent l'un l'autre.
00:43 Et c'est ça que j'avais envie de démontrer.
00:45 Même si évidemment on a une empathie première et évidente pour la victime,
00:50 dont je fais partie en plus, donc loin de moi,
00:53 l'idée de ne pas avoir cette empathie avec la victime.
00:58 Mais c'était important pour moi de démontrer que l'un comme l'autre,
01:02 à l'origine, quand ce sont deux âmes d'enfants,
01:06 ce sont deux âmes qu'on a totalement broyées, détériorées, voire violées,
01:10 et qui sont dans cette incapacité de pouvoir,
01:15 qui survivent en fait au lieu de vivre,
01:17 et qui essayent de construire un équilibre sur un déséquilibre.
01:21 En fait, on s'aperçoit que quand on touche les sujets de l'intime,
01:24 forcément, on parle de soi et en fait, on est ce qu'on écrit.
01:28 Et c'est vrai que je n'aurais jamais pu écrire cette histoire
01:31 si par ailleurs je n'avais pas vécu des situations analogues
01:35 qui me présentaient comme légitimes pour pouvoir écrire sur ce sujet-là.
01:42 Parce que je pense que c'est des sujets qu'il ne faut pas surfer dessus.
01:50 Avant la douleur, c'est le fait de ne plus être en possession de soi-même
01:54 parce qu'on est dépossédé.
01:55 On est dépossédé parce que notre matière intellectuelle,
01:59 notre matière physique, notre matière affective,
02:02 en fait, tout notre être est entièrement possédé par l'autre.
02:08 Et comme l'autre le possède, il le manipule selon son souhait et selon ses désirs.
02:13 Et on devient sa chose, on devient son objet.
02:16 Et on est comme une marionnette entre les mains du marionnettiste
02:20 et qui nous fait bouger et agir exactement comme il le désire.
02:26 Et c'est quelque chose, effectivement, de sournois
02:28 parce qu'on ne s'en rend pas compte tout de suite.
02:31 C'est vraiment l'histoire du processus de la grenouille
02:35 qui est, vous mettez une grenouille dans l'eau froide
02:39 et vous faites progressivement monter la température.
02:43 Quand la grenouille, parce que l'eau sera brûlante, osera s'échapper,
02:47 elle aura été anesthésiée, elle aura été amoindrie, affaiblie
02:51 et elle n'aura plus du tout la force de pouvoir s'échapper de la casserole et elle mourra.
02:57 Si vous plongez une grenouille dans l'eau bouillante,
03:00 au contact de la brûlure, elle va immédiatement s'échapper de la casserole.
03:06 Donc c'est vraiment ce processus-là.
03:08 C'est qu'on démarre dans un terrain qui est un terrain extrêmement séduisant,
03:16 extrêmement agréable, extrêmement confortable,
03:19 où on se sent aimé, apprécié, valorisé.
03:23 Et une fois qu'on a été piégé en se croyant totalement reconnu et aimé,
03:31 c'est le moment où, effectivement, l'eau va commencer à chauffer
03:35 et où vous allez être anesthésié et où vous ne réalisez plus que c'est l'autre qui agit à votre place.
03:45 Dès qu'on pense qu'on a compris la situation qu'on est en train de vivre,
03:51 lui, parce que c'est des magiciens les pervers narcissiques ou les bourreaux,
03:58 il y a quelque chose de magique, sinon on ne se ferait pas attraper, on ne se ferait pas avoir.
04:01 Et donc lui, d'un seul coup, remet une couche de bienveillance, d'amour, de vernis,
04:11 qui fait qu'on se dit « ah ben non, il a raison, je me trompe en fait et tout va bien ».
04:19 Et dès que, de nouveau, on est réconforté, re-belote.
04:24 Et donc c'est en permanence un va-et-vient entre la bienveillance et la maltraitance.
04:32 La maltraitance amène une telle souffrance qu'à un moment donné, on se dit « non, non,
04:37 il y a quelque chose qui n'est vraiment pas à sa place ou en tout cas qui ne me convient plus du tout ».
04:43 Parce qu'encore une fois, pendant un temps, ça convient aussi à l'approître.
04:46 Mais à un moment donné, effectivement, quand la souffrance devient trop importante, ça ne convient plus.
04:52 Et c'est à ce moment-là que les choses se délitent et qu'on appelle à l'aide, qu'on appelle au secours.
05:01 C'est très intéressant parce qu'effectivement, moi je me suis intéressée à l'emprise amoureuse.
05:11 Et on s'aperçoit qu'il y a la multitude des emprises.
05:19 Il y a l'emprise amoureuse, il y a l'emprise professionnelle, il y a l'emprise familiale,
05:23 il y a l'emprise religieuse, il y a l'emprise sexuelle.
05:26 Les emprises sont partout.
05:31 Et l'emprise de la société.
05:33 Et effectivement, le point de vue de Francis est cette emprise beaucoup plus large et beaucoup plus vaste
05:40 d'un monde, d'une société.
05:42 Et on s'aperçoit que le phénomène de l'emprise est un phénomène mécanique.
05:47 Qu'il soit entre deux individus ou qu'il soit entre des gouvernants et des gouvernés.
05:53 Voilà, c'est le même processus.
05:56 Et qu'il faut que l'individu soit constitué d'un équilibre à l'origine
06:02 qui lui permet de ne pas être manipulé et d'avoir cette clairvoyance sur qui est en face de lui
06:07 ou sur ce qu'on lui propose pour dire non, non, ça ne fonctionne pas.
06:14 Et je ne me laisserai pas attraper par une utopie, par un mensonge, par un rêve,
06:20 par une chimère, par un fantasme.
06:23 Parce qu'en fait, j'ai suffisamment de références pour voir clair,
06:28 pour savoir qui je suis, ce que je veux, et là où je veux aller,
06:33 et ce que je veux faire de ma vie.
06:36 [Musique]

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