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"Un kilo sur cinq de légumes est jeté, c'est tout juste scandaleux, c'est criminel…"

Il y un an, Karim a commencé à vendre des légumes frais que les supermarchés n'acceptent pas, car trop moches. Depuis, il a vendu plus d'un million de paniers, recruté 60 personnes, s'est mis à l'anti-gaspi de poisson et récupère jusqu'à 50 tonnes d'aliments qui devaient être jetés chaque jour.

Pendant ce temps-là, en Bretagne… #BrutenBretagne 2/4

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Transcription
00:00 Ça, c'est la bêtise humaine.
00:02 Quand un humain pêche un poisson, c'est seulement 50% du poisson qui est consommé.
00:06 Je me trouve dans un atelier de filetage sur le port de l'Orient.
00:09 C'est ici qu'on coupe le poisson pour ensuite être vendu.
00:12 Et tout ce que vous voyez derrière moi, ça part à la poubelle où c'est transformé en farine animale.
00:17 Alors que dedans, il y a encore beaucoup de restes qui sont propres à la consommation.
00:21 Ici, ça représente jusqu'à 10 tonnes de poissons par jour.
00:24 Tu vois, ça vlâne cher.
00:27 Tout ça, c'est du bon poisson.
00:30 Tu vois toute la chair qu'il y a.
00:32 Dans les 50% qui restent, il y a encore une partie qui est jetée
00:35 parce qu'ils ne respectent pas les standards de poids de la restauration et de la demande de consommation.
00:39 Le minimum, normalement, c'est 110 grammes le dos.
00:42 C'est une précision qu'on fait pour la précision.
00:45 Du coup, on est obligé de respecter les charges de huile.
00:48 On n'a pas le choix.
00:49 Sur les berlusques récupérées, il y a beaucoup de parties qui ne sont pas mangées par l'homme.
00:52 Là, on va dire que quand on fait des dos,
00:54 tout le ventre, on va dire que ça part malheureusement à la poubelle.
00:57 Il y a certaines personnes qui ne veulent pas, on va dire,
00:59 au niveau de la queue, au niveau de la tête.
01:01 Et avant, ce coup de filet, il partait à la poubelle.
01:07 Et c'est ce qu'on récupère.
01:08 On va le mettre dans des poches.
01:10 Et on va vendre ça sur nos poids roulés.
01:12 3 euros la poche.
01:14 On récupère à peu près entre 1 tonne à 2 tonnes par semaine.
01:18 Quand c'est destiné à être jeté ou en farine, forcément, c'est dévalorisé.
01:22 Les prix sont fracassés par 2, par 3 ou par 4.
01:25 Là, il se rapproche presque du prix d'un poisson normal.
01:28 Donc ça lui permet aussi, lui, demain, de mieux payer les marins-pêcheurs.
01:32 Le poisson que récupère Karim est ensuite vendu dans une dizaine de points roulés ici en Bretagne.
01:36 On y trouve aussi des paniers de fruits et de légumes
01:38 qui ne respectent pas les cahiers des charges de la grande distribution.
01:41 J'ai passé ma journée avec Karim pour mesurer à quel point on jetait des aliments plutôt que de les manger.
01:45 On va partir en production.
01:48 Je vais t'emmener voir des chouans, des choux, des artichous et autres.
01:51 1 kg sur 5 est jeté.
01:53 C'est tout juste scandaleux, c'est criminel.
01:55 Maintenant, il y a une prise de conscience.
01:57 Le Covid a aidé, les catastrophes écologiques ces dernières années nous aident aussi.
02:01 Et c'est justement maintenant qu'il faut appuyer fort.
02:04 - Ça va, mon gosse ? La forme ? - Et toi ?
02:06 - Bah ouais.
02:07 - Les tomates que je vois là, elles sont toutes les mêmes ?
02:09 - Ouais, c'est toutes les mêmes.
02:10 Elles sont toutes de la même forme, elles sont toutes du même poids.
02:13 Pourquoi ? C'est justement, on en revient dans les années 90.
02:16 Pour réglementer les achats de marchandises entre les producteurs et la grande distribution,
02:22 c'est là qu'on a standardisé les produits.
02:23 On a écrit le fameux cahier des charges,
02:25 dans lequel on a écrit le produit idéal qu'on aimerait recevoir tous les jours.
02:29 Donc on va écrire sa taille, son poids, sa longueur, son diamètre.
02:33 Et par exemple, pour le concombre, on va même écrire son degré de courbure,
02:36 qui va être de maximum 5%.
02:38 À chaque fois que ça ne rentre pas dans ce cahier des charges,
02:41 c'est retoqué, c'est-à-dire qu'on le détruit.
02:43 Je n'ai peut-être pas fait de grandes études,
02:45 mais pourquoi cette tomate-là serait vachement mieux que celle-là ?
02:49 J'ai toujours du mal à comprendre.
02:51 Donc ça, c'est tous les produits anti-gaspilles qu'on vend dans notre Super 8.
02:54 Contrairement aux tomates d'alors où tout est bien calibré,
02:57 tout fait bien la bonne taille, tout fait bien la bonne couleur,
03:00 eh bien là, regarde, c'est un détail complètement différent.
03:03 Ça, c'est du bio.
03:04 Et ça, ils en jettent 10 à 15 tonnes tous les jours.
03:08 Quand tu vois la qualité de la carotte,
03:10 c'est tout juste un scandale de pouvoir jeter ça.
03:11 Chaque jour, nous ici, on fabrique 4000 paniers,
03:14 soit des paniers de légumes normaux, dits conventionnels,
03:17 soit des paniers de légumes bio.
03:19 Et on en est déjà à un million de paniers.
03:21 L'équipe panier !
03:24 En bio, tu vois, c'est super diversifié.
03:31 T'as de l'oignon bio, de la pomme de terre bio, de la carotte bio,
03:34 du radis bio et du chou bio.
03:37 Donc voilà ce qu'on propose pour un peu moins de 7 euros.
03:40 Alors quand un producteur, il donne ça aux vaches,
03:42 il touche rien, il gagne rien.
03:44 Et à ce jour, chez nous, il gagne plusieurs centimes d'euros au kilo.
03:48 Ça varie selon les produits,
03:49 ça varie selon la quantité qu'on a à prier.
03:52 Évidemment, c'est une fierté déjà de ne pas gaspiller
03:55 avec la crise mondiale en ce moment.
03:58 Et d'un autre côté, essayer que tout le monde
04:01 ait accès aux fruits et légumes,
04:03 parce qu'il y en a plein qui ne peuvent pas acheter ça.
04:05 Si c'est l'idée de redonner une nouvelle vie
04:07 à tous les produits alimentaires,
04:09 avec des prix bien étudiés, pas chers par rapport à tout ce qui se passe,
04:14 tout le monde sera gagnant.
04:15 Donc tu vois, on est en train de préparer des palettes.
04:18 Donc tu vois, même dans le légume, on a des biscuits.
04:20 Souvent, ces gâteaux, ils sont refusés.
04:22 Tu vois, parce que, pareil, dans l'épicerie,
04:24 il y a aussi des cahiers des charges.
04:26 Et bien, la plupart des enseignes, des fois, ils refusent
04:28 parce que le trait, il n'est pas droit, tu vois.
04:31 C'est vachement embêtant.
04:32 J'ai travaillé presque 25 ans dans la grande distri,
04:35 intermarché, continent, au champs et casinos.
04:39 J'ai souvent été patron des achats de fruits et légumes.
04:41 C'est pour ça que je ne jette la pierre à personne,
04:44 parce que j'ai été de l'autre côté de la barrière à l'époque,
04:46 quand on a écrit les cahiers des charges.
04:48 Mais je pense que je cherche surtout une paix avec moi-même.
04:50 Tu sais, quand je travaillais dans la grande distri,
04:53 quand ma gamine allait à l'école, je lui disais toujours,
04:54 tu ne dis pas ce que fait papa, parce que j'étais le méchant.
04:58 Ceux qui travaillent dans la grande distri, c'est le méchant.
05:00 Là, je me reviens juste que ma fille, elle soit fière de moi.
05:04 Je t'emmène dans l'intermarché de Meyac.
05:08 Et dans la galerie marchande, il y a un petit commerce
05:12 qui est devenu point relais chez nous,
05:15 maintenant, depuis presque un an.
05:16 À ce jour, on est présent dans les cinq départements bretons,
05:19 on a 60 points relais.
05:21 Par exemple, ici, c'est combien de paniers de légumes
05:23 qui partent en moyenne chaque jour ?
05:24 On a deux livraisons hebdomadaires.
05:27 Je crois qu'au mieux, des semaines,
05:29 on a fait dans les 250 paniers, peut-être ?
05:31 - Par semaine ? - Oui.
05:33 Ça ne pèse pas trop long ?
05:35 J'ai acheté un panier fruits du soleil.
05:38 Donc pourquoi ? C'était 7 euros pour à peu près 4 kilos.
05:41 Je vais voir, je pense qu'ils sont tout à fait mangeables,
05:44 comestibles en fait, tels qu'ils sont.
05:46 Donc moi, je vais partir là-dessus, on va voir.
05:49 Mais c'est sûr qu'économiquement, c'est vachement intéressant.
05:52 - Merci. - Au revoir.
05:54 J'y suis toujours, on vit un truc de dingue.
05:56 C'est un rêve éveillé.
05:57 Jamais, ou sinon, on aurait été super prétentieux
06:00 de dire qu'on espérait un tel engouement
06:03 de la part des consommateurs, une telle réussite.
06:05 Le projet, à la prochaine rentrée,
06:06 c'est d'ouvrir 1000 super-êtes anti-gaspilles.
06:09 Je vous rappelle, on a démarré il y a 12 mois, 12-15 mois.
06:13 On avait zéro salarié, j'étais le seul salarié.
06:15 À ce jour, on est déjà à plus de 60 salariés.
06:18 - Ça montre aussi qu'il peut y avoir un business de l'anti-gaspille.
06:23 - Oui, il peut y avoir un business de l'anti-gaspille.
06:25 Alors, je n'aime pas le terme business,
06:26 parce que tout de suite, les gens disent
06:28 "il fait plein de pognon, machin, etc."
06:30 C'est toujours souvent péjoratif.
06:32 Mais oui, on peut entreprendre dans l'anti-gaspille.
06:35 Et oui, on peut changer les choses en devenant membre anti-gaspille.
06:41 En tout cas, il est urgent de se bouger pour devenir acteur.
06:45 On ne peut plus regarder les trains passer.
06:47 Et puis, quand on est en Bretagne,
06:48 on a un devoir d'être les premiers et de faire bien les choses.
06:52 Parce qu'on est les plus gros producteurs,
06:54 donc on est les plus gros gaspilleurs.
06:55 Donc, c'est à nous de prendre notre destin en main.
06:57 [Générique de fin]
06:59 [SILENCE]

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