GRAND FORMAT - Jo Briant, révolté de 20 à 87 ans

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00:00 Bonjour et bienvenue dans le grand format de la rédaction de France Bleu Isère.
00:03 Et bonjour à vous Laurent Gaglian.
00:05 Bonjour Véronique Puyot.
00:06 Cette semaine nous partons à la rencontre d'un éternel révolté.
00:10 Le grand format de France Bleu Isère.
00:12 J'ai 87 ans, le 3 juillet prochain.
00:15 Votre dernière manifestation ?
00:16 C'est d'hier.
00:17 Joe Briand, Joseph de son vrai prénom, est né en 1936 à Angers, mais c'est à Grenoble
00:23 qu'il s'est imposé dans le paysage associatif et militant, jamais en retard d'une cause.
00:28 Ces dernières années notamment, les sans-papiers et les sans-abri.
00:31 Des situations qui révoltent, Joe Briand, qui a été professeur de philosophie, qui
00:36 sait dire, mais qui n'a aussi jamais arrêté de faire.
00:39 Une conscience des difficultés et du malheur des autres, né et forgé à Grenoble.
00:45 Mon premier engagement, ça a été dans les années 58, quand je suis arrivé comme étudiant
00:51 en philosophie à Grenoble, contre la guerre d'Algérie.
00:54 Je suis même parti comme coopérant à Constantine à la fin de la guerre d'Algérie en 62.
00:59 C'était mon premier engagement.
01:02 J'ai toujours été un révolté, malgré que je suis originaire d'Angers, dans l'ouest
01:08 de la France, et mon père et ma famille étaient catholiques traditionnels, plutôt de droite.
01:13 Il a fallu que je quitte la famille, en un sens, pour que je rompe un petit peu avec
01:19 cette influence, tout en restant très attaché, bien sûr, à mes parents.
01:23 A ma famille.
01:24 Et c'est Grenoble qui m'a bouleversé, parce que Grenoble, c'est une ville quand même
01:28 plus ouverte, moins traditionnelle, moins catholique, au sens traditionnel du terme,
01:33 que Canger.
01:34 Et à Grenoble, j'ai rencontré notamment des étudiants algériens, qui étaient français
01:41 en fait, mais qui étaient algériens d'Algérie, qui faisaient leurs études et qui m'ont parlé
01:45 un peu de leur pays, de ce qui se passait en Algérie.
01:48 Bref, je me suis très vite, j'ai fait ce qu'on appelle une révolution copernicienne,
01:54 c'est-à-dire en quelques temps, j'ai changé de tout au rien, et je suis devenu,
01:58 j'ose pas dire révolutionnaire, mais en tout cas un révolté, contre les injustices
02:04 en général, après ça s'est élargi à beaucoup de champs, bien sûr, de la vie sociale
02:08 et de la vie même internationale.
02:10 Le jeune Joe Brion, qui après ses études, devient professeur de philosophie, avec un
02:15 premier poste en 1966 à Villard-Delon, et là bien sûr, il embrasse la révolte de
02:19 mai 1968, sur place dans le Vercors.
02:22 Moi, avec mes élèves de philo, là-bas, je leur parlais de ce qui se passait à Paris,
02:28 et il y en a deux, trois qui se sont engagés un peu à fond dans mes élèves, et donc
02:33 oui, il y a eu des manifestations extraordinaires.
02:36 Les villardiens n'avaient jamais vu de manifestation, c'était vraiment la révolution en essence,
02:42 un petit peu là-bas.
02:43 J'avais des collègues, un peu 68 ans, qui étaient tentés d'aller descendre à Grenoble
02:48 pour participer aux manifestations, moi j'ai voulu rester sur place, je suis villardien
02:53 pour l'instant, c'est sur place que je peux changer les choses, et j'ai participé,
02:57 je me suis engagé à fond, dans le mouvement 68 ans, si on peut dire, à Villard-Delon.
03:03 Toujours s'engager là où on est pour changer les choses, et se rendre aussi là où il
03:07 faut, c'est la vie de Joe Brion.
03:10 Mon engagement, j'irai ici et là-bas, à la fois j'essaie d'avoir une vision globale,
03:17 internationale, j'ai fait beaucoup de voyages, j'irai en solidaire, j'ai été au Chili
03:21 et au Sopinochet, j'ai été aussi en Argentine, j'ai été au Brésil, j'ai été en Afrique
03:26 du Sud.
03:27 Stop, pause, rembobinons et détaillons un peu.
03:30 Il y a un contre-préquel que j'ai beaucoup lutté, c'est contre l'apartheid en Afrique
03:33 du Sud.
03:34 J'ai fait partie moi-même, j'ai fondé avec un autre ami un comité anti-apartheid
03:40 agrandable dans les années à peu près 90 par là.
03:47 On a lutté énormément jusqu'en 95, qui est l'année où Nelson Mandela a été élu.
03:55 Voilà, et puis après, je ne vais pas tout lister également, pour moi c'est un engagement
04:03 très très profond, c'est contre le Chili de Pinochet.
04:07 Quand les exilés chiliens sont venus à Grand-Nam, après le coup d'état de Pinochet, il y a
04:13 environ 300 chiliens qui sont venus à Grand-Nam.
04:15 J'ai participé au comité d'accueil, j'ai connu, j'ai même créé avec eux un comité
04:20 qui s'appelle Chili et Solidarité.
04:23 Et en 86, je suis parti au Chili, c'était encore Sopinochet, pendant cinq semaines,
04:29 d'où j'ai apporté à écrire un livre qui s'appelle Chili au quotidien.
04:32 J'ai pris des risques, parce que c'était Sopinochet, ce n'était pas évident pour
04:37 moi en tant qu'étranger.
04:39 J'ai pris contact un petit peu avec l'opposition, etc.
04:42 J'ai pris quand même quelques risques.
04:44 Mais bon, pour moi ça m'a beaucoup marqué.
04:47 Et puis, après, je ne vais pas lister tous les combats.
04:52 Il y a aussi le combat, c'est vrai, le combat pour la Palestine, pour moi, je reconnais
04:57 qu'on peut être d'accord ou pas, mais je crois qu'à la fois Israël a droit à un
05:02 État, absolument, et j'ai toujours lutté contre la Shoah, etc.
05:06 Dénoncer les crimes, c'était évident.
05:09 Mais n'empêche qu'objectivement, il y a une colonisation ancien-jordanique qui est
05:16 inadmissible.
05:17 Et j'étais quatre fois cinq ans, et je suis moi-même parent d'un enfant palestinien
05:21 de Gaza, où je verse une certaine somme tous les mois pour aider la famille.
05:26 C'était un engagement important, mais je ne vais pas lister tous mes engagements parce
05:30 qu'ils sont très nombreux, aussi bien ici que là-bas.
05:34 Ici, je suis par ailleurs le porte-parole de la 6e, qui est la Coordination aiséroise
05:39 de solidarité avec les étrangers migrants.
05:41 J'ai toujours lutté depuis 1996, qui a été la date où les églises ont été occupées
05:45 à Paris par des familles de sans-papiers.
05:48 J'ai moi-même créé, à ceux de ça, avec des amis, un comité de soutien aux sans-papiers
05:53 à grand nombre.
05:54 C'est pour moi, les migrants, c'est aussi les raisons par lesquelles les migrants viennent,
05:59 souvent parce qu'il y a la misère, la famine, ou la malnutrition, ou la guerre, ou la torture,
06:04 ou la dictature dans leur pays.
06:05 Donc, j'essaye toujours de lier.
06:09 Pour moi, ce n'est pas une cause uniquement humanitaire, c'est aussi une cause économique
06:13 et politique au sens large.
06:14 Et pour Joe Brion, ce sont quasiment toujours les mêmes logiques qui excluent là-bas et
06:18 ici.
06:19 Agir ici et là-bas a été pendant quarante ans, entre 1980 et 2020, la devise du Centre
06:24 d'information interpeuple qu'il a créé et animé à Grenoble avec Marie-Thérèse
06:28 Lioret.
06:29 Et une cause, ou au moins un constat, s'est ajouté depuis, celui du dérèglement climatique
06:34 et de la destruction accélérée de la planète.
06:36 Joe Brion a écrit plusieurs livres, mais il ne peut pas rester assis dans un fauteuil.
06:40 Oui, bien sûr, bien sûr.
06:42 Moi, j'ai toujours été très engagé dans la rue, si on peut dire, au sens d'un engagement
06:51 de hauteur avec tous ceux qui agissent ou qui souffrent, notamment certains migrants
06:57 ou des gens qui sont discriminés, ou même, peu importe, avec les peuples.
07:04 Ici et là-bas, pour moi, c'est très, très, très fort.
07:08 Et oui, je ne peux pas, même si je suis un peu désespéré, étant lucide dans le monde
07:13 dans lequel on est, je suis un pessimiste actif, si on peut dire, au lucide.
07:17 C'est marrant, parce que quand on est actif, en principe, c'est qu'on est plutôt optimiste,
07:22 c'est-à-dire qu'on pense encore pouvoir changer les choses.
07:23 Oui, oui, mais c'est vrai qu'en même temps, j'essaie de ne pas me cacher la réalité
07:31 et la logique qui est en train de détruire le monde en ce moment.
07:35 Je suis bien conscient.
07:36 Par conséquent, j'essaie d'allier à la fois la lucidité et l'engagement.
07:42 Et ce n'est pas facile.
07:43 Votre combat ou vos combats, Joe Briand, ils sont politiques ou ils sont humanistes ?
07:49 Je me méfie un peu des qualificatifs.
07:51 C'est à la fois social, économique, humaniste et politique.
07:57 Parce que ce qui fait qu'il y ait des gens qui sont à la rue, par exemple, c'est bien
08:03 lié en fonction d'une série de politiques qui ne s'attaquent pas assez à ce problème-là
08:08 et qui ne fait pas en sorte qu'il n'y ait plus d'un jour à la rue, par exemple.
08:12 La politique au sens des idées, parce que vous vous êtes très rarement engagé dans
08:15 des élections.
08:16 Ce n'était pas votre truc ?
08:17 J'y étais un petit peu.
08:18 J'étais en 92.
08:19 J'étais candidat aux élections cantonales.
08:23 J'avais quand même 18% quand même.
08:25 Ce n'était pas mal.
08:26 Et puis j'avais aussi fait partie de certaines listes.
08:28 Mais pour moi, c'était assez secondaire.
08:31 Et si, ce n'était pas secondaire parce que justement, je voulais mettre en pratique
08:35 mon engagement social.
08:37 Mais je suis avant tout un militant de terrain, de toutes les causes, aussi bien sociale,
08:45 économique et avec aussi les peuples qui luttent pour leur liberté.
08:50 Une vie d'engagement dont ont pu bâtir sa famille, sa compagne, ses trois enfants.
08:55 Mais ils ont aussi compris, dit Joe Briand, ils ne pourront pas, quoi qu'il arrive,
08:59 et tant qu'il le pourra, empêcher ce révolté de 87 ans de monter sur son vélo pour aller
09:04 manifester et s'engager.
09:06 Fidèle toute sa vie à ses principes et à ses opinions, quels souvenirs vous aimeriez
09:11 laisser, Joe Briand ?
09:12 De quelqu'un qui s'est toujours engagé pour les causes qui lui paraissaient justes,
09:19 qui je crois l'ont été.
09:21 Pour tous les peuples qui luttaient pour leur droit et pour leur liberté.
09:24 En France, pour les plus exclus, quels qu'ils soient.
09:28 Et par conséquent, qui a été un révolté perpétuel.
09:32 Même si je suis lucide, et même si j'essaie de résister, quand on est très conscient,
09:42 on est forcément tenté par désespoir, parce qu'on a bien conscience que ce sera très
09:45 difficile de revenir en arrière et de lutter sur les causes profondes qui font que le monde
09:51 va mal.
09:52 Joe Briand, révolté de 20 à 87 ans, c'était le grand format de la rédaction de France
10:00 Bleu.
10:02 A bientôt.
10:09 [Musique]
10:24 [Musique]

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