Zoom - Pierre Le Vigan : E. Macron est-il machiavélique ?

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Dans son ouvrage "La planète des philosophes" (tome2), Pierre Le Vigan s'attache à montrer ce qui fait système dans les œuvres examinées. Il les resitue dans leur contexte et montre que la philosophie fait partie de la bataille des idées. Il montre comment ses formes ne cessent de se renouveler. Il indique aussi ses propres positions philosophiques, entre Schelling et La Mettrie. Au programme dans cette entretien : Paul Ricoeur, le philosophe préféré d'Emmanuel Macron ; Nicolas Machiavel, le théoricien de la guerre ; Freud, le père de la psychanalyse ; Søren Kierkegaard, théologien danois existentialiste ; Schopenhauer qui invite à nous libérer du désir ; Marx, le théoricien de la lutte des classes...
Transcript
00:00 [Générique]
00:06 Bonjour à tous et bienvenue dans notre Zoom aujourd'hui en compagnie de Pierre Le Vigan.
00:10 Bonjour monsieur.
00:11 Bonjour.
00:12 Pierre Le Vigan est urbaniste de formation, il est également diplômé en histoire et en philosophie.
00:19 Son dernier ouvrage, le voici, "La planète des philosophes",
00:23 c'est le tome 2 de cet ouvrage que vous étiez déjà venu nous présenter.
00:27 Je crois que c'était même moi qui vous avais interviewé sur le sujet.
00:32 A l'époque c'était "comprendre les philosophes".
00:34 Donc voici le tome 2 à retrouver sur la boutique officielle de TV Liberté.
00:39 Alors vous commencez, vous abordez dans cet ouvrage, Pierre Le Vigan, 34 philosophes différents
00:46 et vous commencez par la présentation d'un texte de Paul Ricoeur.
00:51 Paul Ricoeur, le philosophe préféré d'Emmanuel Macron.
00:55 Mais alors qu'est-ce qui, dans la pensée de cet homme, peut expliquer
01:00 ce que le chef de l'État inflige à la France depuis 6 ans de présidence ?
01:05 À vrai dire, pas grand chose parce que Paul Ricoeur ne théorise pas le sadisme.
01:13 Il théorise surtout le récit, en fait.
01:18 Le principal apport de Paul Ricoeur, qui n'est pas toujours très facile à lire, il faut le dire,
01:24 mais le texte que je mets en préambule a le mérite d'être clair.
01:29 Paul Ricoeur a surtout l'intérêt de présenter ce qu'est le récit,
01:34 à la fois pour chacun d'entre nous, d'une façon personnelle et d'une façon collective.
01:39 Et pour lui, le récit, c'est quelque chose qui articule ce qui ne change pas chez nous,
01:45 qui est en quelque sorte ce qu'il appelle l'identité hypsée, l'hypséité,
01:50 ce qui change, c'est-à-dire la mêmeté, puisque la mêmeté consiste à ne pas être toujours le même,
01:57 tout en restant nous-mêmes.
01:59 Donc c'est le principal apport de Ricoeur, c'est la théorie de l'identité, pour faire très court.
02:03 Alors qu'Emmanuel Macron, lui, nous rabâche qu'il faut en même temps faire une chose et en même temps son contraire.
02:09 Oui, de toute façon, Emmanuel Macron, c'est une leçon d'incohérence vivante.
02:15 C'est un cas d'école.
02:17 C'est un cas d'école, oui, puisqu'il expliquait encore récemment qu'il avait des priorités en matière de réindustrialisation,
02:25 d'hôpital public, etc. alors qu'il envoyait une lettre de cadrage à tous les ministres leur demandant de baisser tous les budgets de 5%.
02:32 Donc, disons qu'on peut prendre Paul Ricoeur au sérieux, c'est souhaitable,
02:38 Paul Macron, Emmanuel Macron n'est pas sérieux sur le plan philosophique,
02:47 par contre, comme fondé de pouvoir de l'oligarchie, il est malheureusement à prendre très au sérieux.
02:52 Alors, Nicolas Machiavel, vous vous êtes penché sur son cas, c'est le théoricien de la politique de l'histoire et de la guerre.
03:00 Il explique que le pouvoir ne peut manquer d'être parfois cruel,
03:04 mais cela ne doit pas dépasser le nécessaire politiquement.
03:08 Alors, est-ce qu'on pourrait dire, on va encore parler d'Emmanuel Macron, mais qu'Emmanuel Macron est machiavélique ?
03:14 Non, même pas, parce qu'être machiavélique sous-entend, ou être machiavélien plus précisément,
03:23 c'est-à-dire intégrer les leçons qu'a données Nicolas Machiavel,
03:28 ça sous-entend d'avoir un projet clair et un projet honorable,
03:33 et aussi un projet honorable par rapport au bien-être du peuple que l'on conduit.
03:38 Et à partir de là, effectivement, Machiavel dit, il est certain qu'on doit pouvoir mentir pour arriver à ses fins.
03:47 Oui, on peut signer un traité, puis le violer le lendemain, si c'est pour le bien commun.
03:52 Oui, ou en tout cas avoir une arrière-pensée, ça, ça fait partie de la politique.
03:58 Mais il dit malgré tout que l'objectif du chef de l'État doit être le bien de son peuple.
04:05 Alors, le bien, c'est-à-dire à la fois éviter la guerre civile, lui assurer une certaine puissance par rapport à l'extérieur,
04:14 avoir en fait un projet.
04:17 Et en fait, la dimension machiavélienne, elle existe dans la stratégie,
04:22 c'est-à-dire tout simplement, on ne peut pas tout dire de ce que l'on va faire, bien entendu.
04:28 C'est-à-dire pas forcément, il ne s'agit pas d'ailleurs forcément de mentir, mais de maintenir une zone d'ombre.
04:34 Ce n'est pas du tout ce que fait Macron quand il rend public des conversations avec Vladimir Poutine,
04:40 on est vraiment dans le n'importe quoi, on est dans l'anti-diplomatie.
04:45 Bon, si on veut prendre quelqu'un qui avait un certain sens, certains d'ailleurs, de la diplomatie,
04:50 il faut remonter par exemple à Dominique de Villepin.
04:53 – Alors, vous évoquez aussi, vous abordez la figure d'Anna Arendt,
04:57 et dans son ouvrage "La condition de l'homme moderne",
05:00 elle étudie le contexte qui a permis le totalitarisme.
05:04 Alors, c'est quoi la voie qui y conduit à ce totalitarisme ?
05:08 – Alors, effectivement, Anna Arendt est un philosophe important.
05:12 Ce qui mène au totalitarisme, en fait, c'est le délitement du lien entre les citoyens d'un même peuple.
05:21 C'est-à-dire qu'à partir du moment où il n'y a pas une filia, une amitié naturelle,
05:25 Anna Arendt emploie ce terme d'amitié, qu'elle reprend d'ailleurs d'Aristote,
05:30 à l'intérieur des concitoyens, des compatriotes, selon une belle expression qu'on utilise de moins en moins,
05:36 une expression superbe, mes chers compatriotes,
05:39 eh bien, à partir de ce moment-là, on essaye de faire descendre une solidarité qui n'est plus organique,
05:46 mais qui est mécanique d'en haut.
05:48 Et là, c'est le totalitarisme.
05:49 Alors, le totalitarisme, on l'a vu avec certains fascismes,
05:52 on l'a vu plus longtemps avec le communisme, ou les communismes, russes, chinois, etc.
05:59 Et, alors, pour l'instant, on le voit à certains égards avec le totalitarisme post-démocratique,
06:08 qui est le nôtre, consistant à applaudir tous au même moment les infirmières, voilà.
06:16 Tout ça est un peu pavlovien, même si, en l'occurrence, les infirmières,
06:20 c'est plutôt un cas d'école plutôt sympathique,
06:23 mais en même temps, il y avait un côté pavlovien dans ce genre de choses.
06:26 Puis surtout, pendant qu'on applaudissait les infirmières,
06:29 on ne mettait pas en cause les responsables du confinement et des déprivations de liberté.
06:35 – Et ce totalitarisme, vous dites que c'est la rupture de l'affiliation,
06:40 du rapport entre les citoyens,
06:43 finalement, c'est le communautarisme qui mène au totalitarisme ?
06:46 – Alors, je dirais plutôt que c'est quand il n'y a plus de vraie communauté,
06:52 on impose une solidarité mécanique, un lien mécanique, qui est le totalitarisme.
06:58 Alors, le communautarisme, c'est une caricature de la communauté,
07:01 c'est-à-dire, c'est quand un groupe humain, je ne sais pas,
07:05 par exemple, il y a 100 ans, vous alliez dans le Morvan, vous alliez dans le Béarn,
07:09 vous aviez des liens communautaires, des façons identiques de construire la maison,
07:15 d'utiliser certains matériaux, il y avait des liens communautaires,
07:19 mais ce n'était pas du communautarisme au sens où,
07:22 quand un Morvandieu ou quand un Béarnais venait à Paris,
07:26 ils ne gardaient pas pendant des décennies des coutumes
07:31 qui auraient pu être conçues, pu être perçues comme une provocation par les Parisiens.
07:36 Or, il y a certains communautarismes qui, malheureusement, fonctionnent d'une manière
07:44 qui est perçue comme un rejet de la civilisation du pays d'accueil, voilà.
07:50 Donc, ce n'est pas la même chose.
07:51 Le communautarisme est une caricature de la communauté.
07:54 – Alors, Freud également est dans votre ouvrage, on se demande pourquoi,
07:58 parce qu'on cite Freud plutôt comme étant le père de la psychanalyse,
08:01 vous le mettez dans un livre de philosophie, vous dites que l'échec du médecin
08:05 ne veut pas automatiquement dire l'échec du penseur.
08:08 En quoi la pensée de Freud est éclairante ?
08:11 – Alors, la pensée de Freud est éclairante parce qu'il a quand même écrit
08:14 sur le malaise dans la civilisation,
08:17 l'ouvrage qu'on trouve parfois sous le titre "Malaise dans la culture",
08:20 c'est quand même une question très philosophique,
08:24 parce que sa théorie du "ça", c'est-à-dire des pulsions les plus profondes,
08:30 du "moi" et du "sur moi", alors le "sur moi" c'est tout ce qui nous vient de la société,
08:35 et le "moi" qui, en quelque sorte, qui essaye d'arbitrer entre ce qui vient de la société,
08:40 – Entre le "ça" et le "sur moi"
08:42 – Et puis le "ça" qui vient de notre cerveau le plus archaïque,
08:45 ça renvoie aussi à la théorie des trois cerveaux,
08:48 c'est malgré tout très intéressant, c'est intéressant non pas pour soigner le freudisme,
08:53 encore que moi je ne suis pas médecin,
08:55 donc je laisse aux spécialistes le soin de répondre,
08:58 mais je pense que beaucoup de gens, j'en fais partie,
09:01 ne mettent pas le freudisme dans des méthodes qui ont vocation à être thérapeutiques,
09:08 mais par contre il y a une dimension philosophique tout à fait intéressante,
09:11 en expliquant finalement qu'une société c'est un équilibre entre des forces primaires
09:17 qui peuvent nous pousser au conflit,
09:19 et des forces de régulation qui viennent de l'État, des lois, etc.
09:23 Et que tout ça essaye de s'équilibrer au niveau du "moi",
09:27 mais aussi au niveau d'un "moi" social, d'un "moi" collectif.
09:30 Et c'est vrai que quand on… au fond, ça renvoie aussi à la crise actuelle,
09:35 quand finalement le citoyen n'a plus confiance dans les institutions,
09:39 les institutions sont en quelque sorte le "sur moi",
09:42 et bien finalement il y a une tentative, il y a une tentation en tout cas,
09:46 de laisser aller les instincts primaires, qui seraient de faire la révolution finalement,
09:51 qui seraient de tout casser.
09:53 Et ça finalement, Freud nous aide à le comprendre.
09:57 – Autre philosophe qui nous intéresse, Soren Kierkegaard,
10:01 théologien danois du 19ème siècle, il dit ceci, Soren,
10:06 "l'existence c'est vivre entre angoisse et désespoir",
10:10 d'où lui vient cette joie de vivre ?
10:13 – Oui, alors Kierkegaard est considéré comme l'ancêtre de l'existentialisme,
10:19 qui a eu son heure de gloire avec Sartre, avec Gabriel Marcel,
10:24 qui est bien oublié, avec d'autres.
10:27 En fait, Kierkegaard est un garçon extrêmement mal dans sa peau,
10:33 alors il n'a pas compris ce que nous dit et nous redit Houellebecq,
10:38 à savoir que l'homme a besoin d'un corps chaud, doux et rond,
10:41 qui est le corps des femmes.
10:43 Voilà, donc ça c'est ce que Kierkegaard a refusé de comprendre,
10:46 et il en a été très malheureux, ce garçon.
10:49 – Parce qu'il était homosexuel ?
10:51 – Non, mais parce qu'il avait un rapport très compliqué avec les femmes,
10:54 et sans doute avec le sexe en général.
10:57 – Noble cause.
10:59 Schopenhauer, il dit ceci,
11:01 "il nous faut libérer du désir et du vouloir vivre",
11:05 il faut nous libérer du désir et du vouloir vivre.
11:08 C'est quoi, c'est une promotion du suicide ça ou quoi ?
11:10 – Non, alors c'est un peu une promotion du bouddhisme à l'européenne,
11:14 alors Schopenhauer…
11:16 – On a vu ce qui s'est passé avec le Dalai Lama,
11:18 donc là le bouddhisme il en a pris…
11:20 – Absolument, oui, oui, oui, récemment.
11:22 Oui, alors…
11:24 – Le Dalai Lama, pour ceux qui ne l'auraient pas vu,
11:26 a demandé à un petit garçon de lui fixer la langue en public.
11:29 – Oui, oui, oui.
11:30 – Donc peut-être qu'il pète un câble, mais on peut se demander aussi
11:32 s'il ne demandait pas ça aussi à des petits garçons dans le privé
11:35 pendant des années et des années, et que là il est devenu trop vieux
11:39 et il a oublié qu'il y avait des caméras, quoi.
11:41 – Oui, alors…
11:42 – Mais revenons à Schopenhauer.
11:44 – A priori Schopenhauer ne demandait pas aux petits garçons
11:46 de lui fixer la langue en public.
11:48 Il a beaucoup influencé Nietzsche.
11:53 En fait, son thème de refuser la volonté,
12:01 c'est vrai que c'est un thème d'inspiration orientale,
12:04 d'inspiration bouddhiste.
12:06 – Vous libérez du désir, oui.
12:08 – En fait, dans un premier temps, le besoin de sérénité
12:13 qu'exprimait Schopenhauer a pu séduire Nietzsche
12:16 et ensuite Nietzsche a beaucoup critiqué Schopenhauer.
12:18 – C'est quoi, c'est une nirvana indienne ?
12:20 – À mon avis, il l'a critiqué à juste titre,
12:22 parce que le problème c'est que si on veut supprimer le désir
12:26 et la volonté, toute volonté pour supprimer la souffrance,
12:30 on supprime aussi toute joie.
12:32 Et finalement, on supprime tout intérêt à la vie.
12:36 Donc c'est une impasse, fondamentalement c'est une impasse.
12:40 Alors c'est vrai que par ailleurs, c'est un philosophe intéressant,
12:43 ses aphorismes sont intéressants, l'art d'être heureux, etc.
12:46 Mais fondamentalement, c'est une impasse,
12:50 comme Kierkegaard, pour des raisons un peu différentes,
12:53 bien que leur époque soit d'ailleurs pratiquement la même époque.
12:56 – Marx, théoricien de la lutte des classes
12:59 et de la dictature du prolétariat, dit ceci,
13:01 "Le travail ne semble plus vraiment faire partie
13:04 du processus de production, au contraire,
13:07 l'être humain devient davantage un surveillant
13:10 et un régulateur de ce processus."
13:13 Alors, lui qui a vécu la révolution industrielle,
13:17 Marx, est-ce qu'il a encore raison aujourd'hui avec la robotisation ?
13:22 – Oui, alors ce qui est intéressant, c'est que Marx,
13:24 qui est mort en 1883, avait anticipé ce rôle
13:30 de plus en plus important des surveillants.
13:32 Et finalement, la robotisation, c'est la mécanisation de la surveillance,
13:39 puisque finalement, les robots sont produits
13:42 pour surveiller un processus, etc.
13:45 Pour mener à bien ce processus, en le surveillant en temps réel
13:50 et en pointant immédiatement en temps réel les dysfonctionnements.
13:53 – Et l'homme devient un surveillant des robots
13:55 et non plus un producteur.
13:56 – Absolument, l'homme devient un surveillant des robots,
13:59 et pourtant l'homme est lui-même surveillé par l'intelligence artificielle.
14:02 Donc finalement, d'amont en amont, on est dans une société
14:05 où on remonte, à chaque fois on crée un échelon de surveillance,
14:09 plus en amont, toujours plus en amont.
14:12 Donc effectivement, Marx pointait en fait, la dématérialisation du travail,
14:21 c'est-à-dire le fait que de plus en plus, le producteur,
14:25 que ce soit un rempailleur de chaises ou un menuisier,
14:30 serait dans son activité dissocié de la visibilité du produit de son travail.
14:38 C'est-à-dire qu'il y aurait de plus en plus d'intermédiations
14:41 qui fait que finalement, le menuisier serait quelqu'un
14:47 qui surveille le robot, qui met en place le processus de coupage du bois, etc.
14:52 Mais en fait, le menuisier de maintenant, si j'ose dire,
14:56 sera en fait un ingénieur d'une entreprise
14:59 qui ne verra qu'une fois de temps en temps le produit fini,
15:03 entre-temps, sa tâche sera de vérifier
15:07 si le robot chargé de concevoir la coupe du bois fonctionne bien.
15:12 Donc il y aura finalement, en fait, ça sera un surveillant de processus,
15:18 et non plus quelqu'un qui, à la fin de sa journée,
15:23 aura devant lui le produit concret de son travail.
15:28 – Donc Marx n'a pas eu tort sur tout.
15:30 – Ah non, non, il a eu raison sur beaucoup de choses en fait.
15:33 Marx a surtout eu tort dans sa téléologie,
15:37 c'est-à-dire dans l'idée que nous passerions automatiquement
15:40 du capitalisme au socialisme et puis au communisme.
15:45 Voilà, surtout que pour lui le communisme c'était la fin de l'aliénation,
15:49 et les seuls communismes qui ont existé historiquement
15:52 n'ont pas du tout été la fin de l'aliénation.
15:55 Demandons leur avis aux gens qui ont vécu en Union soviétique.
15:59 C'était une société plutôt grise, semble-t-il.
16:04 – Oui, il disait "le mode de production capitaliste s'effondrera
16:07 sous le poids de ses contradictions et laissera la place
16:10 à une société sans classe".
16:12 Et quand on parle d'une société sans classe,
16:14 on voit qu'on n'en prend pas le chemin.
16:16 – Oui, alors en même temps, oui et non.
16:19 – Est-ce qu'on peut en rêver d'une société sans classe ?
16:22 – Alors disons que ce qui apparaît pour l'instant,
16:26 c'est une société dans laquelle il y a une hyper-classe
16:29 et dans laquelle les classes moyennes sont finalement
16:33 réléguées à peu près au même niveau que les classes populaires.
16:37 Donc c'est vrai qu'en ce sens, il y a une radicalisation
16:43 de la domination du capital qui fait qu'avant,
16:46 il y avait une stratification assez différenciée
16:49 entre différentes couches populaires de différents degrés,
16:52 différentes couches moyennes et différentes couches bourgeoises.
16:55 Maintenant, finalement, les riches sont beaucoup plus riches
17:00 et une bonne partie des classes moyennes tombe dans la même trappe
17:04 que les classes populaires, c'est-à-dire ont du mal à,
17:07 ne serait-ce qu'à accéder à la propriété d'un appartement
17:09 ou tout simplement ont du mal à donner à leurs enfants
17:12 ou à faire donner à leurs enfants une éducation digne de ce nom.
17:15 – C'est ce qu'on appelle le socialisme Fabien
17:17 qu'on enseigne dans certaines grandes écoles en Angleterre.
17:20 – Disons que c'est, moi je dirais tout simplement que c'est malheureusement,
17:23 c'est un mauvais socialisme, c'est le socialisme par le bas
17:25 qui pousse tout le monde vers le bas au lieu de tirer tout le monde vers le haut.
17:28 – Oui, enfin sauf quelques-uns quoi.
17:30 – Oui, alors sauf effectivement une hyper minorité.
17:33 – Oui, voilà, un zéro en pourcentage.
17:35 – Il y a eu des études comme quoi les très riches
17:38 sont devenus nettement plus riches depuis 2017,
17:41 comme quoi Macron a bien fait le boulot pour lequel on l'a mis là.
17:44 – Sur Rousseau vous dites que le progrès nous a fait perdre les vertus antiques
17:50 au profit de vertus intellectuelles de bien peu de valeur.
17:54 Rousseau dit ceci "Nous étions heureux et nobles, nous avons cessé de l'être".
17:59 Qu'est-ce qui nous détruit dans le progrès ?
18:02 – Alors ce que nous explique Rousseau, ce sont les dangers de l'hypercivilité
18:07 et du soi-disant "doux commerce" dont parlait Montaissieu.
18:10 Il nous explique qu'au final ça peut nous faire perdre le sens de l'honneur.
18:16 Finalement dans le règne du "doux commerce"
18:20 nous pouvons considérer que tout est marchandable, y compris notre honneur,
18:25 et c'est ce que regrette Rousseau.
18:27 Il y a certainement un équilibre à trouver
18:29 consistant à avoir des relations "régulées", civilisées,
18:35 mais l'excès de civilisation aboutit à une sorte de démasculation de l'homme,
18:41 comme disait Maurice Bardech, qui n'est pas souhaitable.
18:45 Donc il y a certainement un équilibre à trouver,
18:47 d'autant que quand on n'accepte pas une certaine ritualisation de la violence,
18:52 la violence fait partie du "ça", comme disait Freud,
18:56 on ne la supprime pas, mais alors elle surgit sans règles et sans rites.
19:02 Et donc là elle est pire, parce qu'elle devient démoniaque.
19:07 Donc c'est ce que nous dit Rousseau,
19:12 qui était un bon psychologue, y compris un bon psychologue de lui-même
19:16 et de ses propres faiblesses.
19:17 D'ailleurs un petit point commun entre Nietzsche et Rousseau à certains égards.
19:20 – Alors vous commentez aussi le travail de nombreux autres,
19:23 mais on ne peut pas en parler, saint Thomas d'Aquin, philosophe, Voltaire,
19:27 et puis j'en ai d'autres ici, Erasme, Epictète, Plotin, Blaise Pascal, etc.
19:32 Pierre Le Vigan, comment vous définiriez philosophiquement,
19:36 de quel philosophe vous vous sentez le plus proche ?
19:39 – Alors je me sens le plus proche de Schelling en fait,
19:46 mais aussi de gens comme, alors qui fera l'objet d'un petit volume supplémentaire,
19:53 de gens comme Lamétrie qui…
19:56 – Alors Schelling, est-ce que vous pouvez nous en faire un portrait philosophique ?
20:00 – Voilà, c'est tout simplement la philosophie de la nature,
20:03 il est né vers 1775 me semble-t-il,
20:07 et mort relativement âgé, vers 1850, et les poussières.
20:11 C'est un contemporain de Hegel,
20:14 et c'est quelqu'un que Hegel d'ailleurs a critiqué.
20:18 En fait Schelling considère que, au lieu d'avoir le schéma hegelien,
20:24 la logique trouve son antithèse dans la nature,
20:27 et la synthèse dans l'esprit,
20:29 il considère que cette dialectique ne trouve pas de résolution,
20:32 d'ailleurs c'est le point commun entre Schelling et Proudhon,
20:35 qui considère que contrairement à Hegel et à Marx,
20:38 la dialectique ne doit pas forcément trouver un point d'achèvement.
20:41 Et Schelling considère qu'au fond,
20:46 l'autre de nous-mêmes qui nous permet d'exister, c'est en fait la nature.
20:53 Fichteux par exemple explique que la philosophie,
20:57 c'est le dialogue du moi et du non-moi.
20:59 Et bien ce que dit Schelling, c'est que la philosophie,
21:02 c'est le dialogue du moi et de la nature.
21:04 C'est-à-dire qu'en fait, nous faisons partie de la nature,
21:07 nous faisons partie du cosmos,
21:09 et que c'est dans notre façon de gérer notre relation
21:12 avec ce qui nous entoure, avec ce dont nous faisons partie,
21:15 que nous devons trouver le sens de notre vie.
21:18 Donc voilà, c'est une philosophie de la nature,
21:21 c'est du panthéisme, ça rejoint Goethe,
21:24 ça rejoint Diderot, qui expliquait que le plus important
21:28 quand on étudiait un fait social, c'était de le voir dans sa totalité,
21:32 et qu'il ne fallait jamais étudier un fait isolé
21:36 par rapport à ce qui l'entourait.
21:38 Donc c'est une sorte de holisme ou de totalisme,
21:41 non pas de totalitarisme, mais de totalisme dans la méthodologie.
21:45 Chez Rousseau, le plus important, c'est non pas tant ce qu'il dit
21:49 que sa méthode, sa démarche en quelque sorte, "methodos",
21:52 c'est-à-dire le chemin.
21:54 Et donc effectivement, en ce sens, Schelling, Goethe,
21:59 Diderot, la maîtrise, le panthéisme en fait,
22:03 et l'homonisme, c'est-à-dire le refus de la distinction
22:08 entre la substance matérielle et la substance spirituelle,
22:11 l'idée que finalement, la substance spirituelle,
22:14 c'est jamais que la substance matérielle,
22:17 dans tout son développement, dans toute sa floraison.
22:21 Donc c'est une vision continuiste de la substance
22:25 qui fait l'être même du cosmos.
22:27 – Homonisme, c'est quoi ? C'est d'abord le refus du Christ, l'homonisme ?
22:32 – Non, un monisme, c'est le…
22:34 alors, il y a… au-delà de Moran, il peut y avoir un christianisme homoniste,
22:39 mais c'est vrai que c'est forcément un christianisme hérétique.
22:43 Non, l'homonisme, c'est surtout le contraire du dualisme.
22:45 C'est l'idée qu'il n'y a qu'une substance.
22:47 Alors que le dualisme dit, généralement, il y a deux substances,
22:50 une substance matérielle, la chose étendue, la res extensa,
22:54 nous dit Descartes, et une substance spirituelle,
22:58 les choses de l'esprit, res cogitans, nous dit toujours Descartes.
23:03 Et ça, c'est ce contre quoi s'élève Diderot,
23:06 ce contre quoi s'élève, notamment, Poncheling.
23:11 – Et enfin, dernière question, vous dites que dans le monde actuel,
23:15 le bien, le beau, le vrai ont disparu au profit de ce que vous appelez
23:20 la post-vérité, qu'est-ce que vous entendez par là ?
23:23 – Oui, alors la post-vérité, c'est-à-dire finalement,
23:26 maintenant, c'est un catéchisme, la post-vérité, c'est croire
23:32 au réchauffement climatique comme une nouvelle religion, finalement,
23:37 c'est croire que la solution à la mondialisation,
23:43 ça sera toujours plus de mondialisation, finalement,
23:46 croire que la solution aux problèmes techniques,
23:49 ça sera plus de technique, voilà.
23:52 – La post-vérité, c'est un mélange de vérité et de mensonge ?
23:56 – C'est surtout de fausses vérités, de vérités de confort,
24:03 c'est surtout des vérités de confort, et c'est surtout remplacer les valeurs,
24:08 c'est remplacer plutôt la recherche de la vérité par ce qu'on appelle
24:12 les valeurs actuellement, les valeurs qui sont un catéchisme,
24:17 notamment les valeurs des droits de l'homme,
24:19 alors aux valeurs, moi personnellement, je préfère les principes.
24:23 Donc effectivement, là on est dans la poste…
24:26 – Oui, les valeurs sont amovibles, les principes un peu moins.
24:28 – Les principes, normalement, ce n'est pas négociable,
24:31 alors que les valeurs, c'est très flou, au nom des valeurs…
24:34 – C'est surtout.
24:35 – Au nom de la fraternité comme valeur,
24:37 comme on ne définit pas le périmètre de la fraternité,
24:40 vous avez le droit, par exemple, de faire venir des sans-papiers
24:43 au nom de la fraternité, conçue comme une notion mondiale
24:46 et non pas comme une notion concrète entre compatriotes.
24:50 Donc c'est une notion, fondamentalement, qui amène à la post-vérité,
24:58 c'est-à-dire à ne jamais rechercher le vrai,
25:00 mais à se contenter du politiquement correct, du mentalement correct,
25:04 du moralement correct, de la moraline, comme disait Frédéric Nietzsche.
25:07 – "La planète des philosophes", c'est le titre de votre ouvrage,
25:12 publié chez Dualphare, retrouvé sur la boutique officielle de TV Liberté,
25:16 Pierre Le Vigan, merci. – Merci.
25:19 [Générique]

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