L'interview d'actualité - Jérémie Gaillard

  • l’année dernière
Chroniqueuse : Julia Vignali


Les maires en ont ras-le-bol d'être menacés et agressés. Afin de soutenir ses confrères, le maire Jérémie Gaillard a parcouru depuis le 21 mai dernier plus de 640km à pieds en partant de son village à Caudrot pour arriver à Paris mercredi 7 juin dernier. 

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Transcript
00:00 Bonjour Jérémy Gaillard, merci d'avoir accepté l'invitation de Télématin.
00:03 Jean-Baptiste le disait, depuis le 21 mai, vous avez parcouru 640 km à pied.
00:09 Vous êtes parti de votre village de Caudreau en Gironde pour arriver hier à Paris.
00:13 Première question, ça va les jambes ?
00:14 Ça va, ça a été dur au début. Il a fallu faire un changement de chaussures au bout de quelques jours.
00:19 J'avoue que j'ai eu de grosses difficultés à démarrer, mais il a fallu s'accrocher
00:24 parce que j'aurais eu un peu l'air d'un imbécile si au bout de deux jours, il avait fallu rebrousser chemin.
00:28 Aujourd'hui, je n'ai jamais été aussi en forme que depuis que je suis arrivé hier.
00:31 C'est vrai, vous vous êtes arrêté, vous avez fait 18 étapes au-delà de vos confrères, différents maires qui vous ont accueillis.
00:37 On va en parler tout à l'heure, mais on est vraiment loin de la promenade de santé,
00:41 évidemment votre marche a un sens politique.
00:43 Racontez-nous ce qui a fait que vous avez décidé de faire un tel périple.
00:47 C'est parti d'un constat que sur notre territoire, sur la commune dont je suis le maire,
00:53 on a un certain nombre de besoins qui ne sont pas satisfaits, notamment par l'État,
00:58 sur énormément de domaines, que ce soit la santé, l'éducation, les difficultés aujourd'hui,
01:03 les impacts du réchauffement climatique et les lourdeurs administratives que ça engendre.
01:07 Aujourd'hui, un maire doit faire souvent plus avec moins, et aujourd'hui, on n'est pas efficace dans nos mandats.
01:12 On a besoin de l'État pour réaliser ce sur quoi on nous attend.
01:17 Et donc du coup, à un moment, c'était "qu'est-ce qu'on peut faire quand on demande poliment
01:21 et qu'on manifeste gentiment et qu'on n'obtient rien ?"
01:24 Je me suis dit qu'on allait sortir sur quelque chose d'un peu plus original et attirer l'attention.
01:28 Et justement, pour attirer l'attention, on a pu suivre votre parcours sur la page Facebook de Codroit Paris,
01:33 la capitale en ligne de maire, en marchant et justement en le faisant savoir sur les réseaux sociaux.
01:39 Vous vouliez médiatiser, c'est ça ce combat ? Parce que vous aviez tout essayé auparavant ?
01:43 C'est ça, à force de demander et de ne rien obtenir, on essaie de choisir d'autres options.
01:48 Et il y avait aussi une volonté dans ce parcours, dans cette aventure, c'était aussi "comment je peux mieux expliquer à mes habitants
01:55 la fonction d'élu, la complexité et pourquoi parfois on n'arrive pas toujours à répondre positivement à leur demande."
02:01 Alors vous parlez carrément d'un malaise de la ruralité, qu'est-ce que vous voulez dire concrètement ?
02:06 En fait, j'avais fait des constats avant de partir et au bout de ces 18 jours, je me rends compte qu'effectivement,
02:12 il y a une France où l'État est moins visible, il y a une France où beaucoup d'habitants disent "je ne vois plus les gendarmes,
02:18 c'est compliqué pour trouver un médecin". Et voilà, c'est cette difficulté que moi je souhaitais remonter.
02:24 J'avais fait mes constats en démarrant et en arrivant à Paris hier, je suis encore plus conforté sur ce que j'avais vu avant de partir.
02:31 Alors expliquez-nous concrètement, par exemple dans votre commune, vous manquez de quoi ? En quoi vous sentez-vous délaissé ?
02:36 Vous parlez de l'État qui n'agit pas suffisamment.
02:38 J'avais essayé en démarrant ce projet d'avoir 10 sujets pour voir comment on décline au niveau local des problématiques un peu plus nationales.
02:46 L'éducation par exemple, nous c'est l'absence d'enseignants spécialisés dans notre école alors que c'est une compétence de l'État.
02:51 C'est un gendarme pour 1000 habitants sur notre territoire, ce qui pose un tas de difficultés.
02:54 Aujourd'hui, les gens n'appellent plus les gendarmes. C'est des difficultés à avoir un médecin et un rendez-vous médical.
03:01 Dans le cas du réchauffement climatique, nous on est touché par les fissures dans les maisons avec les mouvements de terrain.
03:06 C'est un an entre le moment où les personnes se déclarent en mairie et le moment où on a l'arrêté ministériel.
03:12 C'est tout un tas de sujets qui font qu'aujourd'hui, nous on a du mal à répondre favorablement.
03:17 Je trouve qu'on n'est pas assez efficace dans un temps qu'ils le demanderaient beaucoup plus.
03:21 Qu'est-ce qui vous manque en fait des moyens ? Pourquoi l'État est aussi absent ?
03:24 C'est un ensemble de choses. Je pense qu'effectivement l'État doit être meilleur dans ses propres missions.
03:28 L'État doit nous laisser notre autonomie financière et de compétences aussi pour nous, dans nos propres missions, être efficace.
03:36 Aujourd'hui, on fait plus avec moins. On ne peut pas compenser toutes les absences de l'État sur notre territoire.
03:41 Vous avez à la fois trop de liberté et pas assez, c'est ça ?
03:43 C'est ça, on va dire que c'est ça. L'État nous laisse certaines de ses prérogatives.
03:47 Aujourd'hui, une collectivité doit dépenser de l'argent pour faire une maison de santé,
03:51 doit dépenser de l'argent pour sa gendarmerie, doit dépenser de l'argent sur des missions qui avant étaient dévolues à l'État.
03:56 Et aujourd'hui, cet argent nous manque aussi dans nos propres missions qui ont toujours été les nôtres.
04:00 C'est ce que vous avez dit hier à Dominique Faure, le ministre des Collectivités Territoriales et de la Ruralité, qui vous a rencontré.
04:07 Oui, c'est ça. L'objectif c'était de faire un point d'ensemble sur ce que j'ai vu.
04:10 Elle a été à l'écoute. Elle est ministre depuis neuf mois.
04:12 Il y a des points de convergence qui se sont faits sur des sujets sur lesquels elle était déjà bien informée.
04:17 Maintenant, je sais que mon aventure ne s'arrête pas là.
04:20 Et ce n'est pas parce que je suis arrivé que le combat ne continue pas en revenant pour obtenir les demandes qu'on a formulées.
04:25 D'autant plus qu'au départ, ce n'était pas Dominique Faure. Votre objectif c'était Emmanuel Macron. Il va vous recevoir ou pas ?
04:30 J'ai été reçu aussi à l'Élysée en suivant par le conseiller de territoire de l'Élysée.
04:34 J'en ai profité pour laisser mon écharpe de mer qui m'a suivi pendant 640 kilomètres.
04:38 Aussi pour ne pas oublier que si on veut aider à améliorer la vie des Français, ça passe inévitablement par les mers.
04:44 Alors, le début de votre périple est intervenu quelques jours après la démission du maire de Saint-Brévin-les-Pins, victime de menaces de mort.
04:51 Est-ce que vous, vous vous sentez en sécurité en tant que maire ?
04:54 Dans l'ensemble, oui. On a quand même le respect d'une bonne partie de notre population.
04:58 Après, sans naïveté, on sait très bien qu'on doit être vigilant. On anticipe quand même de potentielles situations qui pourraient être un peu dangereuses.
05:05 On se dit effectivement qu'on compartimente souvent notre vie privée et notre vie publique.
05:10 Et qu'il y a toujours l'angoisse effectivement que notre vie publique rattrape notre vie privée.
05:15 Avec le périple que vous avez fait, vous vous sentez plus exposé justement aux menaces éventuelles ?
05:21 Non, au contraire. J'avoue que ça m'a réconcilié. Des fois, quand on est maire, c'est un peu compliqué parce qu'on est confronté aussi aux gens qui sont en difficulté,
05:28 aux gens qui sont dans le besoin, aux mécontents. C'est quand même notre rôle aussi de traiter leurs demandes.
05:33 Et j'ai reçu tellement de générosité pendant ces 18 jours que c'était agréable aussi de voir cette majorité silencieuse qui est pleine de bienveillance
05:41 et qui m'a beaucoup soutenu et beaucoup aidé à réaliser tout ça.
05:44 Donc, vous ne ferez pas partie des 400 ou 500 maires qui démissionnent chaque année ?
05:48 Non, je l'annonce, dans trois ans, je serai candidat dans ma propre commune.
05:52 Donc, on termine avec effectivement une lueur d'espoir sur le rôle de maire. Merci beaucoup, Jérémy Gaillard, d'avoir accepté l'invitation de Télématins.
05:58 Merci à vous.

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