Bernard Cazeneuve : « Il n’y aura pas d’unité de la gauche dans la division du pays »

  • l’année dernière
L'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve était l'invité du Grand entretien de France Inter, lundi 12 juin, après le lancement officiel de son mouvement La Convention. Il est revenu sur le premier meeting de ce mouvement mais aussi sur les divisions à gauche.

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Transcript
00:00 France Inter. Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7 9 30.
00:06 Et avec Léa Salamé nous recevons ce matin l'ancien Premier ministre, ancien ministre
00:10 de l'Intérieur de François Hollande. Question, réaction, 0145 24 7000 et application de
00:17 France Inter. Bernard Cazeneuve, bonjour. Bonjour. Et bienvenue à ce micro, c'était
00:22 un grand jour pour vous samedi, vous avez tenu le premier meeting de votre mouvement,
00:27 la convention lancée en mars dernier, il y avait plus de 2000 personnes réunies à
00:31 Créteil. Alors ça y est Bernard Cazeneuve, on peut le dire, ce matin vous êtes candidat
00:36 pour 2027. Mais ce n'était pas l'objet de cette réunion, l'objet de cette réunion
00:40 c'était de donner corps à un mouvement que nous avons créé il y a peu de temps,
00:44 c'était exactement le 9 mars à Lyon et en quelques mois nous avons accumulé 8000
00:50 adhérents, nous en avons enregistré 1000 simplement ce week-end et nous avons rassemblé
00:55 plus de 2000 personnes à Créteil samedi, 2300 exactement, dans un climat qui était
01:01 celui du rassemblement, du bonheur d'être ensemble, sans la malveillance qui règne
01:07 parfois dans les organisations politiques, ce rassemblement contrasté avec ce qui s'est
01:14 passé au moment du congrès du Parti Socialiste. C'est-à-dire que l'ambiance était à l'unité,
01:19 l'ambiance était au bonheur d'être ensemble, l'ambiance était à la préoccupation du
01:23 pays, l'ambiance était à la recherche de la crédibilité, de la responsabilité et
01:29 à la volonté de continuer à aller de l'avant. Oui mais à un moment pour créer une force,
01:34 pour qu'elle vive, il faut l'incarner. Êtes-vous prêt à ça ? Parce qu'on vous a reçus en
01:38 2019, on vous a reçus en 2020, vous répétiez en boucle "je veux être utile, je serai prêt
01:44 à prendre mes responsabilités" et finalement vous n'y êtes pas allé en 2022. Alors est-ce
01:49 que là vous avez vraiment... Mais en 2022 je n'y suis pas allé, Léa Salamé, parce
01:51 que les socialistes ont tout fait pour que cela ne se produise pas, c'est leur affaire,
01:55 c'était leur stratégie, on en a vu les résultats. Bon, moi j'ai décidé...
01:58 Ce n'est pas la faute au socialiste, vous vous avez décidé de ne pas y aller.
02:00 Non, non, non, il y a une direction du Parti Socialiste qui à ce moment-là a tout fait
02:04 pour que cette candidature ne soit pas possible. D'ailleurs j'ai constaté en étant président
02:07 du comité de soutien d'Anne Hidalgo qu'ils avaient aussi tout fait pour que la campagne
02:11 d'Anne Hidalgo ne décolle pas. Parce que je ne peux pas dire qu'à ce moment-là j'ai
02:15 vu beaucoup de dirigeants du Parti Socialiste, de l'actuelle équipe, se mobiliser pour la
02:18 candidature, ça n'a fait qu'en pas énorme décision. Mais sinon, vous y seriez allé ?
02:22 Mais si les conditions avaient été réunies et s'il y avait eu senti la possibilité
02:26 d'un soutien du Parti Socialiste, j'aurais pris mes responsabilités. Mais maintenant,
02:29 j'ai décidé de créer ce mouvement et nous sommes nombreux à nous y retrouver. Et si
02:34 votre question est "est-ce que vous prendrez vos responsabilités si les conditions sont
02:39 réunies pour que ce mouvement puisse, avec d'autres forces de gauche, créer des conditions
02:45 d'une espérance ?" la réponse est oui, je l'ai dit très nettement.
02:47 Vous avez déclaré samedi en meeting "ma gauche est une gauche de gouvernement, c'est
02:51 un chemin d'espérance". Et c'est aussi, c'est l'expression qui a marqué le week-end,
02:56 c'est une gauche sans décibels. Ça veut dire quoi une gauche sans décibels ? Est-ce
03:00 que vous vous opposez au bruit et à la fureur théorisée par Jean-Luc Mélenchon par exemple ?
03:04 Et la gauche décibels, comment vous faites sans décibels pour qu'elle marque, pour
03:09 qu'elle fasse vibrer les gens, pour qu'elle enthousiasme ? Le bas bruit, il faut aussi
03:14 parler au trip, il faut aller aussi exciter, sinon ce serait la gauche, je sais pas, pour
03:19 somnifère. Comment vous faites pour que ça ne soit pas ça ?
03:21 Il y avait de la ferveur à la réunion de Créteil, vous avez des vidéos qui circulent,
03:26 vous pouvez regarder ce qu'ont été les discours. On n'a pas besoin pour susciter
03:29 la ferveur, pour créer l'enthousiasme, de raconter à peu près n'importe quoi sur
03:33 tous les sujets en convoquant toutes les outrances, toutes les provocations, toutes les injures,
03:37 toutes les insultes. D'ailleurs on voit à quoi cela aboutit. Ça aboutit à la perte
03:41 de crédibilité de la gauche, ça aboutit à un plafond de béton au-dessus de la gauche
03:45 puisque on ne décolle pas des 30%, il faut quand même plus de 50% pour être élu aux
03:51 élections présidentielles et avoir une majorité à l'Assemblée nationale. Et regardez le
03:55 dernier sondage concernant les élections européennes, s'il y avait une liste unique
03:58 autour de l'ANUPE, elle ferait 10 à 15 points de moins que des listes y allant chacune avec
04:04 leur identité. C'est donc bien qu'il y a un plafond de béton, c'est donc bien qu'il
04:07 y a un allié, un centre de gravité de cette alliance qui est l'ANUPES qui empêche le
04:14 rassemblement de la gauche dans son ensemble. Donc il faut créer les conditions 1) de la
04:19 crédibilité et on peut susciter l'enthousiasme avec la crédibilité, je dirais même que
04:22 la seule possibilité de susciter l'enthousiasme quand tout s'effondre, quand tout s'affaisse
04:28 c'est la crédibilité. 2) c'est l'unité du pays, c'est bien de se préoccuper de
04:32 l'unité de la gauche, c'est mon combat de toujours mais il n'y aura pas d'unité
04:36 de la gauche dans la division du pays et si chaque thème que l'ANUPES convoque est un
04:41 thème qui fracture le pays, qui oppose les Français les uns aux autres, il n'y aura
04:45 ni unité de la gauche, ni unité du pays. Mais la seule unité qu'on parviendra à
04:49 atteindre c'est celle de la droite extrême et de l'extrême droite pour le plus grand
04:52 malheur de notre nation. Et 3) il faut que nous parvenions autour de la crédibilité
04:59 et de l'unité de créer aussi les conditions de la constitution d'une grande force qui
05:04 se mette au centre de la gauche et qui parvienne à rassembler tout le monde. Mais avec tous
05:09 ceux qui aujourd'hui doutent au sein même de l'ANUPES de ce qui s'y passe. Vous
05:14 avez entendu Fabien Roussel, il s'exprime avec une très grande clarté sur les enjeux
05:19 auxquels notre pays est confronté lorsqu'il dit qu'il veut parler aux classes populaires,
05:24 aux classes moyennes, aux Français qui se sentent déclassés dans les villes moyennes,
05:28 dans les zones pavillonnaires qui n'ont accès ni aux transports, ni aux services
05:31 publics, ni à la santé, lorsque Ruffin dit vouloir être social-démocrate. Alors
05:40 quand Ruffin dit qu'il est social-démocrate, c'est une idée à la mode et quand les
05:43 sociodémocrates qui l'ont toujours été prétendent relever le flambeau, ça devient
05:46 une idée passée. C'est quand même très curieux comme raisonnement.
05:49 Pourquoi vous dites ça ? Parce que vous avez l'impression qu'on vous accole l'idée
05:53 d'une forme de couleur sépia ?
05:57 Il y a chez moi un entomologiste toujours qui sommeille, qui regarde de façon un peu
06:03 clinique la vie politique et je m'amuse des commentaires. Lorsque l'on rassemble
06:07 à Créteil les sociodémocrates européens, Elio Di Rocco, Martin Schulz, Enrico Letta,
06:14 François Hollande, c'est une photo couleur. Mais il n'y avait pas que des anciens, il
06:20 y avait des jeunes derrière moi.
06:21 Claude Bartholone, Enrico Letta, Martin Schulz, beaucoup de personnalités du monde ancien.
06:26 Tout de même vous pouvez le reconnaître. Des mâles blancs de plus de 50 ans comme
06:31 on dit. Où était le monde nouveau pour le formuler autrement ?
06:35 Je vais vous dire une chose très simple. Vous pouvez à l'entrée de chaque meeting
06:42 ou de chaque réunion publique mettre une toise. Comptez les chauves, les cheveux blancs,
06:46 les petits, les grands, ceux qui viennent du bon endroit, ceux qui viennent du mauvais
06:49 endroit. C'est pas ça la République. La République c'est un ensemble de citoyens
06:53 auxquels on ne demande pas leur taille, leur âge. Et on ne construit aucun pays sans créer
06:58 des ponts intergénérationnels. On ne construit aucune force si on ne sait pas d'où elle
07:03 vient, si on n'a pas conscience de ce qu'est son histoire, si on n'a pas conscience de
07:08 ce que sont l'ensemble des combats qu'elle a pu mener et qui doivent la conduire à
07:12 se projeter vers l'avenir. On a fait le même reproche à Blum. Blum est entré dans
07:16 la vie politique à 47 ans, il a exercé des responsabilités très tard. Et lorsque vous
07:21 regardez les propos qui ont pu être tenus, je pense en particulier par Thores en 1939
07:26 sur Blum, vous aurez trouvé beaucoup des critiques qui sont adressées par un certain
07:30 nombre de commandateurs d'acteurs politiques.
07:31 En fait ça vous énerve, on va pas se mentir. Vous étiez un peu en colère de l'édito
07:34 d'Yael Ghos parce qu'on vous ramène à cette image du monde ancien, de l'homme blanc
07:40 de plus de 50 ans et de ce parterre d'hommes très prestigieux, parce que vous avez rassemblé,
07:44 il faut le dire, avoir plus de 2300 personnes dans une salle aujourd'hui pour un parti
07:48 politique, c'est très rare. - Léa Salamé, je regrette beaucoup de ne
07:51 pas vous avoir invitée et d'avoir beaucoup insisté pour que vous y veniez.
07:55 - C'est pas mon rôle. - Mais bien entendu. Mais par conséquent,
07:59 ça altère un peu la précision du commentaire, comme vous n'étiez pas là. Mais dans cette
08:04 salle, il y avait des gens venus de provinces que j'ai rencontrés d'ailleurs tout au
08:08 long des derniers mois, parce qu'on ne met pas 2300 personnes dans une salle comme ça
08:11 par hasard. Moi, sans bruit, sans décibels, j'ai sillonné le pays au cours des derniers
08:15 mois. J'ai tenu des réunions publiques dans des villes dans lesquelles personne ne va,
08:20 en parlant avec des femmes et des hommes que tout le monde méprise, puisqu'ils ne sont
08:23 pas dans le petit cercle parisien de ceux qui commandent, qui ricanent, etc. Mais ce
08:29 sont les Français qui, dans les territoires, souffrent, qui ont le sentiment de la relégation,
08:34 qui sont confrontés à des problèmes de pouvoir d'achat. Moi, je ne m'encombre pas
08:37 des commentaires. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas ce que l'on peut dire ici ou là
08:41 sur la structure d'une salle, le nombre de personnes présentes, leur âge. Ce qui m'intéresse,
08:51 ce sont les Français. Et ceux qui étaient là à l'occasion de cette réunion, on l'a
08:55 rassemblée, 2300 personnes. C'est quand même ça, quand même, l'événement le plus important.
09:00 Ce sont des Français qui n'ont, pour beaucoup d'entre eux, aucune responsabilité publique,
09:05 ils n'en ont jamais exercé, qui sont là parce qu'ils ont envie d'une autre tonalité
09:09 politique, d'un autre discours politique. Et ce, ils sont venus avec enthousiasme. Parce
09:13 que dans la salle de samedi, il n'y avait que de l'enthousiasme. Il n'y avait pas
09:18 de querelles, de malveillance, de positionnements tactiques, de petites opérations d'arrière-boutique
09:23 assez médiocres pour essayer de se placer.
09:25 - Alors ça, c'est pour Olivier Faure.
09:26 - Non, ce n'est pas pour Olivier Faure, c'est pour tous ceux qui font de la politique ainsi.
09:30 - Olivier Faure, qui considère que votre mouvement est une impasse. C'était la semaine
09:34 dernière sur Public Sénat. Et il pose la question, comment arriver au bout quand vous
09:39 commencez à tirer sur votre camp ? La gauche a besoin de toute la gauche. Ça, ça vous
09:44 est adressé. Est-ce qu'il a forcément tort ?
09:45 - Alors, je vais, si vous me laissez le temps, apporter une réponse assez précise à Olivier
09:50 Faure. D'abord, si vous regardez le temps long de l'histoire politique, vous constatez
09:53 que très souvent, quand les leaders politiques mettent leur parti dans un corner, ils voient
09:58 des impasses chez tous les autres. Alors, regardons la situation de façon clinique.
10:02 Olivier Faure est à la tête d'un parti. Il a antagonisé la plupart de ceux qui, dans
10:08 ce parti, aspiraient à faire son unité. Carole Delga, antagonisé. Nicolas Maillol-Rossignol,
10:14 antagonisé. - Il est numéro 2 du parti.
10:17 - Hélène Joffroy, antagonisé. Votre serviteur, traité avec tous les noms d'oiseaux. Généralement,
10:24 d'ailleurs, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, on part des gens qui parlent à
10:27 visage découvert. C'est toujours dans les articles. Un hiérarque, quelqu'un de l'entourage
10:32 de "moi, quand je suis à votre antenne, quand je parle de politique, c'est à visage découvert".
10:36 Il a créé les conditions de la fracturation de son parti en mille morceaux. Il l'a fait
10:42 au nom d'une stratégie qui était celle de l'union avec la LFI au sein de la NUPES.
10:47 Quel est le résultat de cette stratégie ? Le résultat de cette stratégie, c'est
10:51 qu'ils sont en train maintenant de communiquer avec Jean-Luc Mélenchon par interview interposée,
10:57 que des leaders d'organisations constitutives de la NUPES, le leader du Parti communiste,
11:04 François Ruffin lui-même, Clémentine Autain se posent des questions sur l'organisation
11:09 démocratique dans laquelle ils ont adhéré, c'est-à-dire une organisation où Jean-Luc
11:13 Mélenchon décide de tout, tout seul, sans élection. Les candidats ne sont pas désignés
11:18 par le suffrage des militants, les dirigeants non plus. Voilà le résultat.
11:21 Olivier Faure a été désigné par le sondage des militants, des socialistes.
11:26 Oui, dans des conditions où chacun a bien compris que la fraude était à chaque coin
11:32 de rue. Donc ça c'est pas si un parti politique.
11:34 Mais comment vous voulez réunir en tapant aussi fort ?
11:37 Mais je ne tape pas aussi fort, je fais un constat clinique et je dis la vérité sur
11:41 ce qu'est la situation. Donc à partir du moment où la situation est celle-ci, vous
11:46 devez créer autre chose, vous devez créer un autre espace dans lequel les pratiques
11:50 politiques, la manière d'aborder les sujets, la manière d'organiser les relations avec
11:55 les autres formations politiques reposent sur une sincérité, sur une vision de la
12:00 France, sur la volonté de ne pas la diviser, sur la volonté de créer l'unité du pays
12:05 dans un contexte où le pays n'a jamais été aussi fracturé qu'il l'est aujourd'hui.
12:09 Sur le fond, au fond, ce que vous reprochent les Insoumis ou certains aux partis socialistes
12:13 ou certains chez les écologistes, c'est d'être extrêmement proche idéologiquement
12:17 et sur le fond d'Emmanuel Macron. Au fond, la politique de Cazeneuve, s'il était au
12:21 pouvoir, ce serait une différence de nuance par rapport à celle d'Emmanuel Macron, mais
12:24 pas plus. Ils vous accusent, ils vous reprochent de ne pas être assis de gauche, pour être
12:28 clair.
12:29 Oui, mais moi, je vais là aussi le répondre sur le fond. D'abord, l'argument, si vous
12:34 n'êtes pas à la NU, vous êtes macroniste, est le seul argument qu'ils ont en réalité.
12:38 Avec le deuxième argument, si vous avez à peu près 60 ans, vous êtes un ringard. Mais
12:44 ils ont à la tête de l'organisation quelqu'un qui a 11 ans de plus que moi, qui était déjà
12:49 là depuis 15 ans quand je suis rentré en politique, qui a été élu de tous les parlements,
12:53 de tous les territoires et qui les a tous abandonnés. Il paraît que ça, c'est moderne
12:56 et que ce que nous incarnerions serait le passé, que cela est de gauche et que moi,
13:02 qui étais fidèle à un seul territoire et qui ai toujours été dans une continuité
13:07 de conviction et de fidélité à ceux qui m'ont fait confiance, je serais un homme
13:11 du passé. Bref, laissons tout ça de côté tellement c'est médiocre. Mais allons maintenant
13:15 sur le fond. Lorsque l'on parle, par exemple, de transition écologique, il n'y a pas
13:20 de transition écologique possible si on ne crée pas les conditions de la décarbonation
13:24 de tous les modes de production énergétique. Est-ce que vous pensez très sérieusement
13:27 qu'on peut créer aujourd'hui les conditions de la décarbonation de tous les modes de
13:31 production énergétique, développer l'électricité pour développer le véhicule électrique,
13:35 pour faire en sorte que l'on puisse avoir des industries dans un pays qu'il faut réindustrialiser,
13:39 qui a accès à un prix de l'énergie à bon marché, si on sort du nucléaire ? Est-ce
13:44 que vous pensez que ça, c'est moderne ? Est-ce que vous pensez que ça, c'est de gauche ? Alors
13:47 même qu'il y a des milliers de travailleurs qui travaillent dans ce secteur et qui représentent
13:52 une chance pour la France. Est-ce que vous pensez qu'il est de gauche de préconiser
13:57 la décroissance et en même temps la lutte contre les injustices sociales, la juste répartition
14:05 de la richesse créée dans le pays ? Parce que s'il y a de la décroissance, il n'y
14:09 aura rien à répartir. Est-ce que vous pensez que tout cela est moderne ? Est-ce que vous
14:12 pensez qu'il est moderne de considérer la République comme autant de communautés auxquelles
14:16 on s'adresse, comme a autant de clientèles à conquérir, plutôt que de promouvoir la
14:21 République dans son unité, son indivisibilité ?
14:23 Mais là vous répondez encore contre ! Vous répondez contre les Insoumis. Là ma question
14:27 c'est votre différence avec Emmanuel Macron.
14:29 Mais vous me demandez si je suis plus à gauche qu'eux ou non. Je vous réponds. En quoi
14:33 j'estime être beaucoup plus à gauche ?
14:34 Sur les retraites. Vous revenez aux 62 ans ?
14:36 Je vais vous prendre plein d'exemples qui me différencient d'Emmanuel Macron et qui
14:40 m'ont conduit tout au long des dernières années à m'opposer à lui sur plein de sujets.
14:45 Sur les retraites, je n'ai cessé de dire, y compris à votre antenne, il semble que
14:49 les socialistes aient fait semblant de ne pas l'entendre, que cette réforme était
14:51 injuste, que de faire travailler longtemps et plus longtemps, en mettant en place une
14:58 réforme des retraites qui va conduire ceux qui ont commencé à travailler tôt dans
15:01 les métiers les plus pénibles jusqu'à 64 ans était une injustice. La manière dont
15:05 le pays est gouverné dans une techno-verticalité qui abaisse tout, le Parlement qui n'est
15:10 plus qu'un théâtre d'ombre, le gouvernement qui n'est plus qu'un groupe de collaborateurs
15:15 servile la plupart du temps, le fait que les partis soient totalement effondrés, le fait
15:21 que les organisations syndicales aient été tenues à l'écart d'une discussion qui,
15:25 si elle s'était organisée avec eux, aurait pu permettre d'aboutir à un compromis plutôt
15:29 qu'à des manifestations en ombre. Le fait qu'on ait mené une politique fiscale extraordinairement
15:34 injuste en mettant en place une réforme de l'impôt sur la fortune qui a conduit ceux
15:39 qui sont parmi les plus riches de France à payer un impôt qui est à un taux inférieur
15:45 au taux d'impôt sur le revenu que passent les plus riches.
15:47 Vous rétablissez l'ISF ?
15:48 Mais bien entendu qu'il faudra que nous prenions des dispositions pour rétablir la justice
15:53 sociale, bien entendu qu'il faudra que si la gauche revient au pouvoir, il y ait une
15:55 grande conférence sociale qui permette sur la question des retraites, sur la question
15:58 des services publics, sur la question de la protection sociale, de faire de grandes réformes
16:05 comme celles qui ont toujours présidé à l'arrivée de la gauche lorsqu'elle revient
16:09 au pouvoir. Bien sûr qu'il faudra faire tout cela, mais il faudra faire tout cela
16:12 dans la crédibilité, il faudra faire tout cela dans la responsabilité, il ne faudra
16:17 pas conduire ces réformes en convoquant tous les jours, comme c'est le cas aujourd'hui
16:22 avec l'alliance qui a été constituée, des propositions démagogiques, généralement
16:26 exprimées dans la plus grande outrance et dont on sait qu'elles n'auront pas la possibilité
16:30 d'être prises en œuvre et nous aurons une fois de plus un décalage considérable
16:33 entre ce qui est promis et ce qui est fait, au détriment de la confiance des Français.
16:37 La parole à Laurent, au standard d'Inter. Laurent, bonjour, vous nous appelez de la
16:41 ville de Metz, soyez le bienvenu.
16:44 Bonjour Nicolas, bonjour Léa, bonjour M. Cazeneuve.
16:47 Bonjour.
16:48 Alors, à l'apparition de votre mouvement, je vous ai envoyé un mail assez détaillé.
16:52 Alors, la question va résumer, comment peut-on incarner le renouveau de la gauche quand on
16:59 a fait partie de l'équipe qui l'a détruite ? Vous pouvez très bien accuser l'ancien
17:08 responsable du Parti Socialiste pour les délaires élections, mais je vous signale quand même
17:12 que l'implosion du Parti Socialiste vient de la politique, celui avec qui vous vous
17:17 êtes affiché, François Hollande.
17:19 Vous aviez le président, vous aviez l'Assemblée, vous aviez toutes les collectivités, vous
17:24 n'avez pas réformé, fait de réformes des collectivités, vous n'avez pas modernisé
17:29 notre pays, vous avez commencé à vendre les bijoux de la République et maintenant
17:34 vous vous accusez, vous avez accueilli dans vos gouvernements et à l'Elysée, M. Macron,
17:42 tout le monde était solidaire à l'époque et maintenant il serait l'alpha et l'oméga
17:47 de la décadence française.
17:48 Ce n'est que la continuité de ce qui a commencé sous François Hollande.
17:51 Merci Laurent pour cette question, il y en a beaucoup qui vont dans ce sens quasiment
17:56 homoprés, Claude, vous devriez vous rappeler que vous et vos amis, vous avez eu tous les
18:01 pouvoirs réunis pour lutter contre la finance, vous avez réussi à dégoûter les gens de
18:06 gauche, à les pousser au mieux vers l'abstention, seuls les insoumis et la NUP ont pu réunir
18:11 les mécontents fidèles aux idées de gauche.
18:13 En résumé, si cette prétendue gauche avait eu du courage politique, la NUP ne serait
18:17 même pas née.
18:18 Que répondez-vous ? Ça c'était Claude et nous avions Laurent, que répondez-vous à
18:23 nos deux auditeurs Bernard Cazeneuve ?
18:24 Moi je réponds par les faits.
18:27 Lorsque la droite détruit 80 000 postes dans l'éducation nationale et que nous en créons
18:33 60 000, que nous remettons en place la formation des enseignants, c'est une politique de droite.
18:39 Lorsque nous organisons la conférence pour le climat, qui est la première conférence
18:45 qui permet d'aboutir à un accord juridiquement contraignant sur le climat et qui est une
18:49 avancée considérable pour lutter contre le réchauffement climatique, c'est de droite
18:53 qui a obtenu ce résultat depuis.
18:54 Lorsque nous décidons de relancer la politique de l'asile en France pour que ceux qui sont
19:02 en France soient dignement accueillis, je me souviendrai toujours que lorsque je mets dans
19:06 570 centres d'accueil et d'orientation, dans 570 communes de France, les 20 000 migrants
19:12 qui sont dans la boue à Calais ou à Paris et que nous les mettons en situation de protection,
19:18 l'extrême gauche qui peut-être contribue à envoyer toutes ces questions à votre standard,
19:26 elle était en train de manifester pour dire que nous organisions la déportation des migrants
19:29 à partir de Calais alors que nous les mettions tous dans le dispositif national d'asile.
19:33 C'est de droite ou de gauche ? Je pourrais comme ça multiplier les exemples.
19:38 Lorsque nous mettons en place au plan européen l'union bancaire pour éviter que la finance
19:46 continue à se dérégler au détriment de l'économie réelle, lorsque nous nous battons
19:51 au sein de l'Union Européenne pour faire en sorte que la Grèce reste dans l'Union
19:56 Européenne alors que la plupart des pays conservateurs prétendaient l'en sortir, c'est de droite
20:00 ou de gauche ? Mais il y a une gauche qui affronte la réalité quand elle est difficile.
20:03 Nous, nous avons eu à affronter une crise terroriste, une crise financière, une crise
20:07 migratoire.
20:08 Nous avons accepté d'affronter la réalité, sans nécessairement tout bien faire.
20:12 Il y a beaucoup de choses qui...
20:13 - On va faire l'inventaire un jour du quinquennat Hollande ? Même chez Bernard Cazeneuve ?
20:17 - Bien entendu.
20:18 Et il a été fait d'ailleurs par de nombreux acteurs, y compris les socialistes, qui passent
20:23 leur temps à faire l'inventaire de François Hollande, alors qu'il ferait mieux aussi de
20:26 faire l'inventaire de ceux qui l'ont précédé et de ceux qui depuis lui ont succédé.
20:30 Mais il y a sur le quinquennat de François Hollande des propos extrêmement injustes
20:34 qui sont tenus et entretenus par ceux qui ont intérêt à le faire puisque ça leur
20:38 permet de faire leur chemin politique.
20:40 Mais ces propos sont injustes, ils ne correspondent pas à la réalité de ce qui a été fait.
20:44 Et le courage aujourd'hui c'est aussi de rétablir les faits lorsqu'il y a des campagnes
20:49 qui sont menées et qui sont des campagnes de manipulation de la réalité.
20:52 - Bernard Cazeneuve, le projet de loi immigration voulu par Gérald Darmanin qui veut durcir
20:56 les conditions d'entrée en France et qui veut prendre des mesures plus sévères pour
20:59 reconduire ceux qui ne doivent pas rester en France à la frontière, vous le soutenez,
21:03 ça va dans le bon sens ce projet de loi ? Il faut, d'abord il en faut un, il faut une
21:06 nouvelle loi sur l'immigration ?
21:07 - D'abord, Léa Salamé, le projet de loi de Gérald Darmanin ne contient pas ses dispositions.
21:11 Il en contient d'ailleurs, contrairement à ce que l'on pourrait croire, assez peu, qui
21:15 n'est pas une dimension technique.
21:16 Il demande par exemple ce projet de loi à ce que l'on puisse donner des titres ce séjour
21:21 aux étrangers qui sont pour les secteurs en tension.
21:27 Mais il y a une circulaire qui a été adoptée en 2012 sous le gouvernement de François
21:32 Hollande et qui permet d'ores et déjà de le faire.
21:35 Il n'y a pas besoin d'un texte de loi pour ça.
21:36 Il y a d'ores et déjà des dispositions législatives qui le permettent.
21:39 Il y a quelques dispositions concernant l'harmonisation des délais juridictionnels, le traitement
21:45 de l'OQTF, ce n'est pas une révolution.
21:48 Donc il y a assez peu de choses en réalité dans le texte du gouvernement qui constituent
21:52 en matière de politique migratoire une évolution, une rupture considérable.
21:56 Et je pense que le vrai sujet n'est pas là aujourd'hui.
21:59 Le vrai sujet est de donner les moyens à l'administration française de bien conduire
22:03 des missions qui sont les siennes, notamment l'OFPRA et l'OFI qui, si l'on veut créer
22:07 les conditions d'une bonne intégration des étrangers et d'un accueil digne des demandeurs
22:13 d'asile, doit avoir ses moyens rehaussés.
22:15 Et nous avons par ailleurs besoin de continuer à négocier avec l'Union européenne des
22:21 dispositifs qui soient plus efficaces que ceux qui existent aujourd'hui.
22:24 Et de ce point de vue-là, les discussions qui ont eu lieu au Conseil européen la semaine
22:27 dernière ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels le pays est confronté en matière
22:32 de politique migratoire.
22:33 Michel nous attend au Standard.
22:35 Bonjour et bienvenue.
22:36 Oui, bonjour M.
22:38 Cazeneuve.
22:39 Pensez-vous que la France insoumise et le Rassemblement national se nourrissent l'un
22:46 l'autre ?
22:47 Merci pour cette question courte et réponse rapide de Bernard Cazeneuve, le temps file.
22:54 Je pense que lorsque la stratégie est une stratégie qui consiste sur tous les sujets
22:59 à organiser la confrontation, qui consiste à banaliser l'injure, qui consiste à
23:05 multiplier les insultes à l'égard de ceux qui ne pensent pas comme soi, lorsque la
23:09 démagogie la plus grande est convoquée sur les sujets les plus sérieux, on permet effectivement
23:13 au Rassemblement national de se donner les apparences de la respectabilité à bon compte.
23:18 Et si l'on veut que le Rassemblement national soit combattu, il faut une stratégie qui
23:23 favorise un, l'unité du pays et deux, la crédibilité des propositions pour avoir
23:27 une alternance qui soit crédible, possible et dont le Rassemblement national ne bénéficie
23:33 pas.
23:34 Et si je combats la stratégie en cours, c'est parce que je pense qu'effectivement elle
23:38 favorise beaucoup trop, pour ne pas dire presque exclusivement, le Rassemblement national.
23:43 Pour vous aujourd'hui, la hausse de le fait que Marine Le Pen monte dans les sondages,
23:46 c'est à cause de Jean-Luc Mélenchon ?
23:47 Non, je ne dis pas ça.
23:48 Vous dites exclusivement, elle favorise exclusivement ?
23:50 Non, non, non.
23:51 Ce que j'ai dit, c'est que la stratégie de Jean-Luc Mélenchon a pour résultat exclusif
23:57 de tout autre, de faire monter le Rassemblement national.
23:59 Je n'ai pas dit qu'il était le seul responsable de cela.
24:02 Je pense que le techno-verticalisme du président de la République, la brutalité avec laquelle
24:09 il a mis en œuvre certaines mesures, conduit effectivement le Rassemblement national, alors
24:13 qu'il devait nous en protéger, à prospérer.
24:15 Je pense que le national-conservatisme des Républicains, dont on voit à quel point
24:20 il pratique sur la question migratoire, une stratégie qui consiste à aller toujours
24:28 plus loin vers les thèmes du Rassemblement national, tout cela contribue à entretenir
24:34 le Rassemblement national, son score, son audience dans les sondages.
24:38 Merci Bernard Cazeneuve d'avoir été à ce micro ce matin.

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