SMART IMPACT - L'invité de SMART IMPACT : Quentin Sannié (Genesis)

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Lundi 12 juin 2023, SMART IMPACT reçoit Quentin Sannié (cofondateur et président, Genesis)
Transcript
00:00 (Générique)
00:06 Bonjour Quentin Sagnier, bienvenue.
00:08 Bonjour Thomas.
00:09 Vous êtes donc le cofondateur, le président de Genesis,
00:11 créé en 2018 avec Adrien de Malray, agence de notation des terres cultivées.
00:16 Pourquoi vous l'avez créée ? C'est quoi le déclic, le point de départ ?
00:19 C'est l'état de l'environnement et l'impact de l'agriculture.
00:22 L'agriculture c'est l'activité dans le monde qui a le plus d'impact sur l'environnement.
00:27 En fait, il n'y a pas d'outil pour mesurer l'impact de cette activité,
00:30 mais ferme par ferme, parcelle par parcelle.
00:33 Et finalement, comme c'est des chaînes de valeur très longues,
00:35 avec des agriculteurs par centaines, par milliers, par millions,
00:39 et peu d'industriels et des chaînes de production,
00:42 on vend du blé à une coopérative qui vend à un meunier qui fabrique de la farine.
00:47 C'est très fractionné d'une certaine façon.
00:49 Donc finalement, la connaissance de cet impact-là n'existe pas à aucun moment de la chaîne,
00:54 et le désastre continue.
00:56 Donc il faut apporter des solutions.
00:58 Donc c'est un outil nouveau que vous avez créé.
01:00 Ça n'existait pas, l'agence de notation des sols cultivés n'existait pas.
01:03 Non, il n'y a pas d'outil pour mesurer l'impact de ces activités agricoles,
01:07 et donc il fallait apporter ça.
01:09 Le déclic, ça a été des discussions avec des agriculteurs qui m'ont dit
01:14 "Quentin, pour sortir de cette situation, il faut s'intéresser aux sols".
01:19 Et je me suis dit, il va falloir utiliser une mesure du sol.
01:24 Comme on fait de la mesure de notre sang, on fait des prises de sang,
01:27 on va faire des prises de sol pour évaluer l'état de santé dans lequel se trouvent les sols
01:31 qui sont utilisés pour les approvisionnements.
01:33 Et dès lors qu'on va prendre en compte le sol et son état de santé,
01:37 on peut changer la façon dont les gens résonnent.
01:40 Les externalités négatives reviennent dans les systèmes de décision des entreprises.
01:45 Ça permet même aux agriculteurs de ne plus être à l'aveugle d'une certaine façon,
01:49 parce que c'était ce qu'ils pouvaient dire auparavant,
01:52 et ce que beaucoup doivent dire encore aujourd'hui.
01:54 Comment ça marche ? Parce qu'il y a l'idée de départ,
01:56 puisque vous créez quelque chose qui n'existait pas.
01:59 Comment vous évaluez la santé écologique d'un sol cultivé ?
02:02 Il faut faire des prises de sol, prendre des échantillons de sol,
02:06 et il faut les analyser pour voir si le sol fonctionne,
02:10 si les fonctions du sol, le cycle de l'azote, l'oxygénation du sol,
02:15 pour pouvoir accueillir du vivant, avoir de la matière organique
02:19 qui va pouvoir être consommée par la biodiversité du sol,
02:22 pour voir si la pollution, etc.,
02:24 si tout ça est conforme à ce qu'on peut attendre de tel ou tel type de sol.
02:28 Donc il faut prendre des échantillons, analyser sur des critères spécifiques,
02:33 comme on analyse le taux de globules rouges, etc.,
02:36 on va analyser l'oxygénation du sol à travers de l'ADN de sol,
02:40 on va analyser les caractéristiques du carbone du sol, de la matière organique,
02:44 la part biodisponible de cette partie-là,
02:46 parce que les matériels organiques vont avoir un certain nombre de choses assez complexes,
02:49 la pollution du sol, on va mesurer tous ces indicateurs,
02:53 et puis après, ce qu'on doit faire, c'est transformer cette mesure
02:56 en une valeur normalisée, pour apprécier si cette valeur
02:59 est conforme à ce qu'on peut attendre de ce type de sol.
03:02 - Oui, pour comparer deux fermes qui peuvent être mitoyennes,
03:07 ou deux régions, etc., etc.
03:09 - Alors pour, dans un premier temps, savoir si ce sol-là est en bonne ou en mauvaise santé,
03:14 c'est-à-dire qu'on comprend votre rythme cardiaque,
03:18 le vôtre il est peut-être à 80, celui d'un bébé il est à 130,
03:22 mais un bébé à 130 c'est tout à fait normal,
03:24 et bien pour un sol sableux, les valeurs qu'on attend sont différentes des valeurs de sol argileux.
03:29 Et donc pour pouvoir faire poser un diagnostic,
03:31 il faut être capable de créer ces références-là.
03:33 La deuxième chose, c'est comme vous le dites,
03:36 pour pouvoir comparer, il faut aussi pouvoir faire ça,
03:39 pouvoir dire, cette ferme-là, qui a tel type de sol,
03:42 telle autre ferme située 5000 kilomètres plus loin,
03:45 qui a tel type de sol dans tel ou tel contexte,
03:48 est-ce qu'elles sont en bonne santé ?
03:49 Et en fait mes problèmes, en tant qu'agriculteur,
03:52 mais aussi en tant qu'industriel dans mes approvisionnements,
03:54 ils se situent où ?
03:55 Ils se situent ici en France, dans mes approvisionnements,
03:58 en Roumanie où j'ai d'autres approvisionnements,
04:00 au Brésil où j'ai d'autres approches, etc.
04:02 - Ça prend combien de temps, entre, comme vous le dites,
04:05 les prises de sol, ces prélèvements, et les résultats ?
04:08 C'est très long, parce que les rythmes agricoles sont longs parfois.
04:11 - C'est quelques semaines.
04:13 - Ah, quelques semaines, c'est pas énorme.
04:15 - C'est 6 à 8 semaines.
04:16 - D'accord.
04:17 - Après, dans notre modèle, il y a cette prise de sol,
04:20 ces analyses, etc., mais il y a énormément de data.
04:22 Il y a énormément de data pour tous ces systèmes
04:26 qui vont permettre de normaliser la valeur,
04:28 mais après aussi, on va relier ces données mesurées
04:32 à des pratiques agricoles pour pouvoir comprendre
04:36 pourquoi on est dans cette situation-là.
04:38 De le même qu'on le fait en santé humaine.
04:39 On a un problème de fer dans le sang.
04:42 - Oui, on va pouvoir le traiter.
04:43 - Voilà, on va le traiter, et ça, de deux façons,
04:46 en apportant des remèdes, mais d'abord en essayant
04:48 de comprendre pourquoi on est dans cette situation-là.
04:51 Et en fait, donc...
04:52 - Pardon de vous interrompre, vous donnez une sorte...
04:54 Ça permet de définir une feuille de route, en quelque sorte,
04:58 pour l'exploitation, c'est ça ?
04:59 - Exactement.
05:00 C'est de pouvoir dire, au-delà de mon état que je constate,
05:04 comment je peux améliorer cet état, c'est-à-dire,
05:07 quelles sont les pratiques que je dois changer,
05:09 quels sont les problèmes que j'ai,
05:10 et quelles sont les pratiques que je dois changer.
05:12 Et quand vous analysez des centaines ou des milliers
05:15 de parcelles, vous avez tous les ventailles des possibles,
05:19 le pire et le meilleur aussi.
05:22 Et donc, le meilleur, ce sont des voies,
05:24 des indications sur les voies à suivre possibles
05:28 pour s'améliorer.
05:29 - Oui, et les bonnes pratiques.
05:30 Comment vous avez été accueillis ?
05:31 Parce que vous nous l'avez dit, il y a des agriculteurs
05:33 qui sont en demande, mais il y en a d'autres
05:34 qui ont dû vous voir arriver comme, je ne sais pas,
05:36 un chien dans un jeu de quilles, quoi.
05:37 Vous voyez, comment vous avez été accueillis ?
05:39 - Alors, d'abord, nos clients, c'est des industriels,
05:41 c'est des coopératifs, c'est des grandes organisations
05:45 qui font appel aux agriculteurs.
05:47 Donc, les agriculteurs qu'on va voir,
05:49 c'est des agriculteurs que ces entreprises
05:51 nous demandent d'aller voir.
05:53 Et donc, on doit les convaincre de travailler avec nous,
05:56 d'accepter qu'on fasse des prélèvements, etc.
05:58 - Oui, il y a une sorte d'effet domino
05:59 des impératifs environnementaux.
06:00 - Exactement.
06:01 - D'accord.
06:02 - Et 100 % des agriculteurs acceptent.
06:04 Parce que l'agriculteur, pour lui,
06:06 sa terre, c'est son premier actif.
06:08 Que dans les conditions actuelles,
06:10 les situations climatiques, voilà,
06:12 on a un mois de pluie, un mois de chaleur, etc.
06:15 Il sait qu'il doit s'adapter.
06:17 Il sait qu'il y a des choses qu'il fait
06:19 qui peuvent avoir à changer.
06:21 - Il y a des questions,
06:23 alors il y a ces questions environnementales
06:24 qui sont centrales.
06:25 Il y a aussi les questions du rendement.
06:26 Est-ce que ça permet d'avoir un meilleur rendement
06:28 ou est-ce qu'au contraire, parfois,
06:29 on est obligé de prendre des décisions
06:30 qui vont rendre la terre moins fertile ?
06:33 - Alors, la question...
06:34 - Moins productive, quoi.
06:35 - Oui, mais la question, en fait,
06:36 la question du rendement,
06:37 c'est une très bonne question
06:38 parce qu'il faut que la terre produise.
06:40 On doit se nourrir.
06:41 Et pas uniquement s'habiller.
06:43 Enfin, tout ça vient de la terre.
06:45 Mais en fait, la vraie question,
06:47 c'est la durabilité des rendements
06:50 et la volatilité des rendements.
06:53 Est-ce qu'on va avoir des rendements
06:55 dans la durée
06:56 qui vont être des rendements importants
06:58 ou est-ce qu'on est capable,
07:00 certaines années,
07:01 d'avoir des rendements exceptionnels,
07:03 mais comme on est en train de matraquer son sol,
07:05 quand les conditions sont différentes,
07:07 on va se prendre des mauvais rendements.
07:08 C'est ça, là.
07:09 En fait, l'arbitrage,
07:10 il se fait un peu plus à moyen terme
07:13 qu'il ne se faisait sans doute autrefois.
07:15 - Avec des sols qui ont plus de capacité,
07:17 ce que je comprends dans ce que vous nous dites,
07:18 à résister, justement,
07:20 aux effets du dérèglement climatique.
07:22 C'est ça, aussi.
07:23 - Exactement.
07:24 C'est le propos, par exemple,
07:25 de l'agriculture de régénération,
07:27 que d'avoir des sols
07:28 qui fabriquent du vivant en permanence,
07:30 qu'on n'épuise pas,
07:31 et donc des sols qui deviennent
07:33 de plus en plus résilients
07:34 aux conditions météo,
07:36 qui stockent mieux la matière organique,
07:38 qui stockent mieux de l'eau,
07:39 dans lesquelles les plantes vont aller chercher
07:42 la ressource plus en profondeur, etc.
07:45 Donc tout ça, en fait,
07:46 ça permet aux sols
07:47 et aux exploitations agricoles
07:49 de mieux résister.
07:50 - Est-ce que ça part aussi
07:51 d'un aiguillon réglementaire,
07:54 soit français, soit européen ?
07:56 C'est-à-dire que vos clients,
07:57 qui sont l'industrie agroalimentaire,
07:59 des collectivités,
08:00 est-ce qu'ils se sont dit
08:01 "Ouh là là, il y a la réglementation
08:02 qui est en train de changer,
08:03 il faut qu'on se mette aux normes, quoi."
08:04 - Si on veut que ça bouge,
08:05 il faut que la réglementation bouge.
08:07 C'est indispensable.
08:08 Les entreprises,
08:09 elles peuvent avoir
08:10 les meilleures volontés du monde.
08:11 Le premier objectif n'est pas
08:13 la protection de l'environnement.
08:14 Elles vont le faire
08:15 parce qu'elles vont être incitées
08:16 à la fois par des risques
08:17 liés à leur gouvernance,
08:18 à leur image, etc.,
08:20 mais aussi à des risques juridiques
08:22 liés au fait qu'il y a
08:23 une réglementation en Europe
08:25 qui vient et qui est
08:26 de plus en plus importante,
08:27 et en France, la loi climat,
08:29 la CSRD, la corporate directive
08:36 sur l'environnement
08:39 de l'Union Européenne,
08:41 qui impose aux entreprises
08:42 d'avoir un reporting
08:43 sur ce qu'on appelle le scope 3,
08:45 c'est-à-dire sur tout leur scope,
08:47 sur tout l'ensemble
08:48 de leurs approvisionnements,
08:50 agricoles en particulier.
08:52 Et aujourd'hui, jusqu'à présent,
08:53 il n'y avait pas d'outils.
08:55 Maintenant, ces outils sont là.
08:56 Il faut aussi que la loi
08:58 contribue à l'imposer.
09:00 Est-ce que l'Europe est mieux disante
09:01 par rapport à d'autres parties du monde ?
09:03 La sensibilité en Europe
09:05 est incomparable de ce qu'elle est
09:07 aux États-Unis, par exemple.
09:08 Notamment sur ces questions agricoles.
09:10 C'est absolument déterminant.
09:13 Vous arrivez avec votre produit,
09:16 votre proposition aux États-Unis,
09:17 aujourd'hui, on vous regarde
09:18 comme un extraterrestre ?
09:19 Je pense que les entreprises
09:20 américaines qui ne travaillent pas
09:22 sur le sol européen,
09:23 sur ces questions-là,
09:24 ne comprendraient à peine
09:26 de quoi il s'agit.
09:27 On a des partenaires américains.
09:29 On a déjà fait des travaux
09:30 aux États-Unis.
09:31 Mais l'endroit dans lequel
09:34 ce projet peut se développer,
09:36 c'est vraiment l'Europe.
09:38 Et c'est un atout majeur aussi
09:39 pour l'agriculture européenne.
09:41 J'allais vous poser la question
09:42 et on va conclure là-dessus.
09:43 Pour vous, c'est plus un atout
09:44 qu'un boulet ?
09:45 On pourrait considérer,
09:46 et on entend parfois ce discours-là,
09:48 dire "attention, on finit par se mettre
09:50 tellement de règlements
09:51 au niveau européen
09:52 que ça nous rend moins compétitifs
09:54 par rapport à nos concurrents
09:56 sur d'autres continents."
09:57 Mais c'est globalement assez faux.
10:00 Quand la réglementation est bien faite,
10:01 regardez ce qui s'est passé
10:02 dans l'automobile.
10:03 Les mieux-disant en matière
10:05 de réglementation,
10:07 c'étaient les Allemands.
10:08 Ils ont été les plus durs
10:09 en matière de réglementation automobile.
10:11 Ce sont les leaders.
10:13 Ils ont été très longtemps,
10:14 en tout cas les leaders
10:15 du marché mondial de l'automobile.
10:17 Grâce aussi à leur capacité
10:19 à créer un certain nombre
10:21 de contraintes positives
10:22 qui assurent la sécurité des voitures,
10:25 parfois sans respecter
10:26 leurs propres règles.
10:27 C'était ce à quoi je pensais.
10:29 J'ai vu ça dans votre travail.
10:31 Mais ça, c'est un autre débat.
10:32 Effectivement.
10:33 Merci beaucoup, Quentin Sagné.
10:34 Et à bientôt sur Bismarck.
10:36 On passe à notre débat.
10:37 On va parler du plan vélo.
10:38 du plan vélo.

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