Mercredi 17 mai 2023, SMART IMPACT reçoit Alexis Normand (Cofondateur, Greenly)
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00:00 [Musique]
00:06 Bonjour Alexis Normand, bienvenue.
00:08 Bonjour.
00:08 Heureux de vous retrouver.
00:09 Vous êtes donc le cofondateur de Greenly, plateforme de comptabilité carbone qui a été créée en janvier 2020.
00:16 On va évidemment parler de cette étude sur la nouvelle star de l'intelligence artificielle,
00:20 Chad Jpiti dans un instant et son bilan carbone.
00:23 Mais d'abord, on reparle de Greenly, même si vous êtes déjà venu dans cette émission.
00:27 C'est combien de clients aujourd'hui, René ?
00:29 Alors Greenly, on a 1150 clients actuellement,
00:32 beaucoup de PME, d'entreprises de taille moyenne,
00:37 qui peut-être hésitaient un peu avant d'avoir une plateforme digitale à leur disposition à faire un bilan carbone.
00:43 Et nous, notre mission, c'est de simplifier cette démarche-là, de les engager sur une trajectoire climat.
00:48 Donc simplifier le bilan carbone et ensuite, il y a un accompagnement,
00:52 parce que quand on a fait son bilan carbone, on définit une stratégie pour l'améliorer.
00:55 Alors bien sûr, la définition du bilan carbone, c'est un diagnostic, une évaluation des émissions de gaz à effet de serre.
01:02 Mais ça inclut également la sensibilisation, la formation des collaborateurs aux enjeux du climat.
01:07 Et puis, bien entendu, la définition d'une feuille de route pour décarboner.
01:13 Et ça peut aller jusqu'à l'accompagnement, à l'implémentation de ces plans d'action.
01:17 Quand en fait, l'objectif, qui est collectif, c'est de s'aligner sur une trajectoire compatible avec les accords de Paris.
01:24 Est-ce que pour certains de vos clients, ça peut aller jusqu'à un changement de modèle économique ?
01:28 Est-ce que ça va jusque-là, parfois ?
01:30 Alors, souvent, on perçoit la réduction des émissions de gaz à effet de serre
01:35 comme en quelque sorte incompatible avec la croissance d'une entreprise.
01:38 On se dit, finalement, plus je fais de business, plus je vais produire, plus je vais émettre, etc.
01:44 Mais nous, ce qu'on observe, c'est que la plupart de nos clients, en fait, viennent parce que,
01:49 s'ils prouvent qu'ils réduisent leurs émissions, ils voient ça comme une façon aussi de gagner des parts de marché.
01:55 Ils sont, en général, dans une démarche d'appel d'offres.
01:58 Ils sont en face d'un grand compte qui les demande de s'engager.
02:01 Et donc, c'est une façon pour eux... Enfin, pour eux, il y a un alignement très fort entre leurs démarches de réduction et leur croissance.
02:09 Et donc, en fait, concrètement, ce qu'on va voir, c'est que les entreprises qui proposent des alternatives plus décarbonées
02:16 vont gagner des parts de marché.
02:18 Et c'est une des manifestations de la transition énergétique, je pense.
02:22 – Alors, vous avez donc réalisé cette étude sur le bilan carbone de Chad J.P.T.
02:26 Pourquoi une telle démarche déjà, pour commencer ?
02:28 – Alors, ce qui est intéressant, c'est que les émissions du numérique,
02:31 c'est entre 2 et 4 % des émissions de gaz à effet de serre mondial.
02:37 Et ça augmente plus que proportionnellement à la croissance du secteur.
02:41 Donc, c'est un vrai sujet. Si on veut atteindre les objectifs de l'accord de Paris,
02:48 passer de 50 milliards de tonnes de CO2 équivalent par an à 10 milliards en 2050,
02:53 il faut s'intéresser au numérique. On ne peut pas avoir un secteur qui grossit plus que les autres.
02:57 Alors ensuite, j'ai eu la chance d'accompagner une délégation d'entrepreneurs français en janvier en Californie.
03:02 Donc, j'ai rencontré les fondateurs de Chad J.P.T.
03:05 Je leur ai dit "Bon, quel est l'impact carbone de tout ce que vous faites ?"
03:08 Ils m'ont regardé et m'ont dit "Pas grand chose quoi".
03:11 – Ils se sentaient pas vraiment préoccupés.
03:13 – Ils ne s'étaient pas trop posés la question.
03:15 Alors, ça m'a un peu agacé et puis j'ai trouvé que c'était faux.
03:18 Et donc, j'ai eu la chance d'avoir des équipes de data scientists
03:23 qui m'ont aidé à réaliser une étude spécifique sur le sujet.
03:26 – Et alors, qu'est-ce que vous avez ? Parce que c'est vaste ce que Chad J.P.T. peut faire.
03:30 Donc, qu'est-ce que vous avez ciblé pour définir son bilan carbone ?
03:33 – Alors, dans les modèles d'intelligence artificielle en général, il y a deux phases.
03:37 Il y a une phase d'entraînement du modèle.
03:39 Donc, en l'occurrence, tout ce qui a été produit sur Internet a servi à éduquer un modèle.
03:44 Et ça, c'est des data centers qui lisent tous ces documents,
03:48 s'entraînent dessus, créent des modèles stochastiques.
03:50 Et puis ensuite, il y a l'usage.
03:52 Donc, l'entraînement, en réalité, c'est à peu près 1% des émissions de Chad J.P.T.
03:58 Donc, c'est environ 1000 tonnes.
04:01 En gros, c'est la consommation électrique des data centers et leur refroidissement
04:07 pendant cette phase d'entraînement.
04:09 Et donc, c'est important en soi.
04:11 C'est environ 1000 allers-retours Paris-New York, si vous voulez.
04:14 Mais surtout, maintenant, il y a 25 millions d'utilisateurs par jour
04:17 qui font deux requêtes par jour, en moyenne, quand ils s'en servent.
04:21 Et l'usage de Chad J.P.T. c'est à peu près comme envoyer un e-mail.
04:25 C'est 5 grammes.
04:26 Donc, en fait, ce qui n'était pas prévu, c'était l'explosion de l'usage.
04:30 Et donc, ça devient très important.
04:32 Dès qu'on commence à s'en servir, c'est addictif.
04:35 Et donc, c'est cet usage, on va dire, vraiment addictif du numérique
04:39 qui devient très important.
04:41 Et là, on est plutôt sur, en gros, 100 tonnes par jour.
04:44 Donc, c'est l'équivalent de 100 avions qui font un aller-retour Paris-New York chaque jour.
04:49 Et plus on va s'en servir, plus ça va être important.
04:52 Cette question-là, est-ce qu'à chaque fois qu'il y a une innovation,
04:56 une avancée technologique, notamment, là, évidemment, ça va être dans le numérique,
05:00 est-ce que c'est forcément synonyme d'augmentation des émissions de CO2 ?
05:03 Et est-ce qu'il ne faudrait pas se poser la question avant ?
05:06 Historiquement, à chaque fois qu'on crée un produit nouveau, on augmente nos émissions.
05:11 Et quand bien même ce service réduit la part de quelque chose de plus carboné,
05:17 en fait, ça libère un budget, ça libère un usage,
05:20 ça libère de la capacité électrique pour faire autre chose.
05:23 C'est ce qu'on appelle l'effet rebond.
05:25 Et puis, il y a quand même un risque que ça s'accumule.
05:28 Après, si on regarde les choses, c'est quand même plus facile de déplacer des électrons
05:32 que de déplacer des atomes, ça consomme moins.
05:35 Donc, l'intelligence artificielle, tout ce qu'on fait de façon numérique,
05:40 quand on fait des visioconférences, on ne prend pas l'avion.
05:43 Quand on fait des requêtes, quand on crée des modèles sur l'intelligence artificielle,
05:49 on n'utilise pas de papier, on ne fait pas déplacer des gens.
05:53 Le GIEC parle de ces effets dans certaines conditions.
05:56 Malheureusement, c'est nuancé. Dans certaines conditions, ça réduit les émissions.
05:59 Et dans d'autres, ça les augmente.
06:01 Donc, c'est pour ça qu'il faut se poser la question de comment on réduit l'impact carbone de l'intelligence artificielle.
06:05 Et comment on l'utilise. Et le fait que l'utilisateur soit conscient qu'il y a quand même un impact carbone.
06:09 Parce que c'est aussi toute l'histoire du numérique, ou en tout cas des débuts du numérique,
06:13 cette espèce d'immatérialité qui fait que l'utilisateur a l'impression que ça ne consomme rien.
06:18 C'est surtout les entreprises qui ont un gros usage du numérique et qui ont un emprunt de carbone important.
06:25 Les grandes entreprises qui se fixent des feuilles de route de réduction de leurs émissions,
06:30 en fait, très souvent, le numérique, c'est leur principal poste.
06:34 Et donc, une direction des achats d'une banque, d'une société de logiciels,
06:40 entre 10 et 40% des émissions liées aux achats, donc du scope 3, c'est le numérique.
06:47 Donc la première chose qu'elles vont regarder, c'est comment je réduis l'empreinte carbone de mon usage de Microsoft, Google, Azure.
06:55 Et donc comment je réduis mes data centers.
06:57 Et ChadGPT, l'intelligence artificielle, vient rajouter une surcouche.
07:01 Et alors, la bonne nouvelle quand même, c'est que si on adopte les bonnes stratégies,
07:05 on peut réduire de presque 50% ces émissions du numérique.
07:08 Ça veut dire quoi ? C'est quoi une bonne stratégie d'utilisation de cette intelligence artificielle ?
07:12 Alors, je pense que de manière générale, l'usage du numérique, on peut réduire son empreinte carbone.
07:18 C'est des machines électriques. Et comme une voiture électrique, sauf que ça n'a pas de roues.
07:25 Mais en gros, on peut réduire la consommation d'électricité et on peut réduire l'empreinte carbone de cette électricité.
07:31 Donc réduire la consommation électrique d'un data center, ça veut dire, est-ce que je m'en sers à des heures de pointe ou à des heures creuses ?
07:40 Quand tout le monde, il y a des modèles, on peut entraîner un modèle d'intelligence artificielle la nuit.
07:46 Quand les gens s'en serrent pas, il n'y a pas d'usage immédiat de ce genre de choses.
07:51 Vous avez la Xbox qui maintenant fait ses mises à jour de firmware la nuit pour des raisons carbone.
08:00 On peut à l'intérieur d'un data center utiliser des processeurs, donc des machines qui consomment plus ou moins.
08:07 On n'est pas toujours obligé d'utiliser une Rolls-Royce pour aller acheter sa baguette de pain.
08:12 On peut prendre un moteur plus petit.
08:14 On peut optimiser les usages de processeurs, enfin quelle machine on utilise.
08:20 Et on peut l'utiliser à des heures creuses, ce qui réduit le besoin de capacité.
08:26 Et ça, on peut faire quasiment 20 à 30 % de réduction de consommation.
08:31 Et puis après, d'où vient l'électricité ?
08:33 Exactement.
08:34 Comment elle est produite ?
08:35 En Europe, la plupart des data centers ont tendance à être localisés en Europe, en Allemagne, en Italie.
08:41 Ce sont des pays qui n'ont pas un mix énergétique incroyable.
08:44 C'est beaucoup de gaz, de charbon.
08:46 Il y a du solaire, il y a de l'éolien.
08:49 Pour donner quelques ordres de grandeur, vous avez 400 grammes de CO2 par kWh en Irlande.
08:56 En France, c'est plutôt 50 grammes.
08:58 Parce qu'on aime ou qu'on n'aime pas le nucléaire, c'est quand même assez décarboné.
09:01 Donc un data center en France consomme beaucoup moins qu'un data center en Irlande, en Norvège, dans les pays nordiques.
09:09 Ils ont beaucoup d'hydraulique, donc là, c'est encore moins.
09:11 Et en plus, c'est plus froid, donc il y a moins de réchauffement.
09:14 Donc vous pouvez décider où vous mettez vos données.
09:17 Ce qui, moi, me fait penser que la France a quand même une carte à jouer pour développer une offre de cloud
09:23 qui ne serait pas souverain, mais qui serait décarboné, en fait.
09:27 Je termine. Je reviens vraiment à l'intelligence artificielle.
09:30 Qu'est-ce qu'on sait des futures intelligences artificielles développées par d'autres entreprises que OpenAI
09:36 et de leurs conséquences environnementales ?
09:38 Alors apparemment, d'après Google, beaucoup de gens peuvent créer maintenant des modèles d'intelligence artificielle dite générative.
09:47 Et la barrière à l'entrée est considérablement réduite.
09:50 Donc il est probable que ça se multiplie.
09:52 Parce qu'en fait, 1 000 tonnes de CO2 pour entraîner un modèle d'intelligence artificielle, c'est à la portée de pas mal de monde.
09:59 C'est pas tant que ça.
10:01 Et donc, il y a des chances que ça se multiplie de façon exponentielle.
10:06 Et c'est pour ça qu'on se pose la question.
10:09 Et que toutes les entreprises se mettent à s'en servir.
10:12 Donc, je n'ai pas de boule de cristal, mais je pense que quand on regarde ce qui s'est passé avec les data centers,
10:18 c'est plus 20 % par an chaque année depuis 10 ans.
10:22 Et donc, c'est pour ça que cette consommation électrique, carbone, du numérique explose.
10:28 Et vous avez remis une pièce dans la machine.
10:32 Merci beaucoup Alexis Normand et à bientôt sur Bismarck.
10:35 On passe à notre débat. Comment, on reste dans l'évaluation,
10:38 comment évaluer les émissions de gaz à effet de serre des villes françaises et européennes ?