Le témoignage de Jason, 22 ans, qui explique comment il vit avec la schizophrénie.
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00:00 Je voulais plus aller chez moi tellement que j'avais peur de faire du mal à mes proches.
00:04 Ma maladie s'est déclarée à l'âge de 10-11 ans, où là ça a vraiment explosé.
00:17 C'était en entrant en 6e, où j'étais harcelé, etc.
00:21 Je commençais à devenir violent à la maison,
00:25 sachant que quand j'étais plus jeune, j'avais des troubles.
00:31 Tout le temps, on disait que c'était parce que j'étais précoce.
00:35 Quand je suis arrivé à l'adolescence, à mon entrée en 6e,
00:40 on s'est dit que la violence n'était pas forcément provoquée par le fait d'être précoce.
00:53 À ce moment-là, j'ai explosé.
00:55 J'ai eu beaucoup d'hallucinations visuelles et auditives,
00:59 accompagnées par de la violence.
01:01 J'ai été hospitalisé quelques jours plus tard,
01:06 après le premier rendez-vous chez mon pédopsychiatre.
01:09 Il m'a posé des questions.
01:14 Par exemple, si j'avais des hallucinations, je lui ai dit oui.
01:20 Ensuite, il m'a demandé si j'avais des envies de suicide, etc.
01:24 Si j'avais des hallucinations, qu'il me demandait ça.
01:26 Il m'a dit oui, et je lui ai dit oui également.
01:28 Du coup, il a pensé, et je pense que c'était judicieux,
01:34 de m'hospitaliser le plus vite possible,
01:36 parce qu'il avait peur que je passe à l'acte.
01:38 J'ai été hospitalisé 15 jours.
01:40 Ensuite, ça a explosé encore pire.
01:43 J'ai commencé à être surmédicamenté.
01:47 J'ai commencé mes quatre ans d'hospitalisation.
01:50 Au début, on m'avait diagnostiqué psychotique névrotique,
01:55 qui est un pronostic incertain,
02:00 parce qu'il y a beaucoup de pathologies
02:02 qui consacrent la psychotique névrotique.
02:05 Du coup, maman a fait des recherches de son côté,
02:08 en tapant tous les symptômes que j'avais,
02:13 et a vu qu'il y avait la schizophrénie.
02:15 Mon pédagogue psychiatre a dit oui, c'est ça,
02:18 mais il ne faut pas le dire,
02:20 parce qu'en France, légalement,
02:21 on ne peut pas être atteint d'une schizophrénie avant 16 ans.
02:24 Moi, j'avais 10-11 ans, voire 12.
02:26 Donc, ce n'était pas possible médicalement parlant.
02:29 Donc, il m'a dit ça, et il a dit qu'on n'en parle pas.
02:36 C'est vrai que les personnes soignantes,
02:38 pas tous, mais beaucoup, ne comprenaient pas ça,
02:41 parce que pour eux, quand ils ont été formés,
02:43 la schizophrénie, ce n'est pas avant 16 ans.
02:45 En gros, à la majorité,
02:47 parce qu'il faut savoir qu'en psychiatrie,
02:48 la majorité, c'est 16 ans.
02:50 On ne va plus dans des soins intensifs enfant, mais adulte.
02:53 Du coup, pendant ces 4 ans,
02:55 j'ai essayé tous les médicaments possibles,
02:57 et avant ce rendez-vous,
02:59 le médecin disait qu'on gagnait du temps.
03:01 En gros, il faisait des fenêtres thérapeutiques.
03:03 Qu'est-ce que c'est ?
03:04 En gros, on commence par un jour
03:06 où on va mettre une petite dose de médicament,
03:08 et ce médicament-là, tous les jours,
03:09 on va l'augmenter pendant une semaine à 15 jours.
03:12 Et on l'arrête totalement pendant une semaine.
03:15 On fait ça, on fait le youyou, en gros.
03:17 C'est vraiment pour gagner du temps,
03:19 le temps qu'on trouve un traitement.
03:21 Deuxièmement, il m'a mis sous clause lapine,
03:22 un traitement qui, pareil, n'est pas donné avant 16 ans,
03:26 sachant que j'avais 14 ans à l'époque.
03:28 Donc, j'ai fait partie des premiers en France
03:30 à l'avoir à cet âge-là.
03:32 Du coup, j'ai eu la chance,
03:34 parce que pour moi, c'était la dernière chance.
03:37 Moi, si ça ne marchait pas, j'en avais ras-le-bol.
03:39 J'avais fait un pacte avec ma mère
03:41 que c'était fini si je n'y arrivais pas.
03:43 Je n'en pouvais plus.
03:44 Je ne voulais plus aller chez moi,
03:46 tellement que j'avais peur de faire du mal à mes proches.
03:48 D'accord.
03:49 Voilà.
03:50 Du coup, j'ai eu la chance.
03:51 La clause lapine a marché.
03:52 Ça a duré 5-6 mois.
03:54 On a commencé à fonctionner.
03:56 J'ai pas fait de crise depuis…
04:02 Ça fait 3 ans, je pense, 3-4 ans.
04:04 J'ai eu des épisodes.
04:06 Ce ne sont pas des crises,
04:07 c'est des épisodes, des moments où ça commence à revenir,
04:09 mais que je gère le truc.
04:10 Là, je suis actuellement en train d'essayer d'entraîner
04:13 dans une formation pour devenir soignant.
04:15 Oui.
04:16 Et j'ai une vie à peu près normale.
04:18 Non, je préfère le garder
04:24 parce que je n'ai pas envie d'avoir des problèmes.
04:26 C'est vrai qu'il y a quelques…
04:28 Ça fait un an, on avait eu l'idée
04:31 d'essayer de baisser les médicaments,
04:33 mais j'ai eu un petit épisode qui est revenu.
04:35 Du coup, on s'est dit non, non, non.
04:37 Qu'est-ce qui est dangereux pour les gens qui sont en crise ?
04:42 D'abord, ce n'est pas ce qu'on voit dans les films.
04:45 Souvent, ce qu'on voit dans les films,
04:46 ce sont des personnes complètement tarées,
04:48 des tueurs en série et tout.
04:50 Et forcément, quand on va diagnostiquer la personne,
04:53 c'est un schizophrène.
04:55 Pareil, dans les documentaires,
04:57 les pompiers vont intervenir sur quelqu'un qui est en crise,
05:00 ça arrête tout de suite, c'est un schizophrène.
05:02 Souvent, ils vont très, très mal
05:04 et ce sont plus dangereux pour eux que pour les autres.
05:07 Ensuite, j'ai un message qui va passer au grand public,
05:10 à tous ceux qui disent tous que oui,
05:13 il faut plus de lit dans la psychiatrie, etc.
05:16 Écoutez, je ne suis pas d'accord.
05:18 Pour une bonne raison, c'est qu'en France,
05:21 ce qu'on attend, on attend la crise, la rupture en gros,
05:24 le moment où on n'en peut plus et on explose.
05:26 Le problème, c'est que si on venait à diagnostiquer la maladie
05:30 avant la crise, la grosse crise,
05:33 on pourrait la prévoir et médicamenter,
05:36 ou pas, mais faire un suivi pour éviter la grosse crise justement
05:40 et donc l'hospitalisation.
05:42 Moi, je serais d'accord que je serais pour qu'on ait
05:45 plus de moyens de détection de la maladie.
05:49 Il y en a des médecins qui me diront,
05:52 parce que je sais très bien qu'il y en a qui me le diront,
05:54 ils me diront « Ouais, mais à cet âge-là,
05:56 c'est dur de poser un diagnostic. »
05:58 Je n'ai pas dit « poser un diagnostic »,
06:00 j'ai dit « faire un suivi ».
06:02 C'est la même chose.
06:03 Après, mon entourage me connaît bien.
06:09 J'encourage les autres personnes.
06:12 Il ne faut pas avoir peur d'aller vers la personne,
06:14 parce qu'en fait, la personne justement, on en a besoin.
06:16 Parce qu'elle, elle se sent toute seule,
06:18 elle a ses hallucinations et tout.
06:20 Et en fait, c'est super important d'aller vers elle,
06:22 même si on se fait enfoirer, là, on part, on ne reste pas.
06:26 Mais quand même, c'est important d'aller voir la personne,
06:29 parce que souvent, pas tous, mais souvent,
06:31 elle s'isole, etc.
06:33 Et c'est bien d'aller vers cette personne-là,
06:35 parce que ça lui permet de « illuminer sa journée »,
06:38 parce qu'elle va se dire « Tiens, je ne suis pas une personne à part ».
06:41 [Musique]