«Je m'attendais à voir l'enfer et j'ai vu pire» : Infiltré en hôpital psychiatrique, ce journaliste témoigne

  • l’année dernière
Pour décrire au plus près la réalité d'un internement en psychiatrie, le journaliste Alexandre Macé-Dubois s'est fait passer pour schizophrène.

#schizophrenie #psychiatrie #hopital #sante

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Transcription
00:00 infiltré un service psychiatrique pendant une semaine.
00:02 Je m'attendais à voir l'enfer et j'ai vu pire.
00:05 J'ai vu des patients complètement délaissés,
00:07 des patients défoncés aux médicaments à longueur de journée,
00:10 des patients qui bavent, qui font des malaises, qui tombent.
00:15 Je m'appelle Alexandre Massé-Dubois, j'ai 32 ans, je suis journaliste
00:18 et j'ai infiltré un service psychiatrique pendant une semaine.
00:21 Pour me faire passer pour schizophrène, j'ai adopté plusieurs symptômes.
00:26 Il y avait le discours décousu.
00:30 Quand je suis arrivé devant le psychiatre,
00:33 j'avais un discours complètement incohérent.
00:35 J'ai expliqué aussi que j'entendais des voix depuis six mois,
00:38 j'avais expliqué que je fumais du cannabis,
00:41 que mon père était schizophrène,
00:43 parce qu'il y a un facteur héréditaire de la schizophrénie.
00:46 Je ne m'attendais pas à un diagnostic aussi rapide.
00:48 Je pensais que ça allait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois,
00:52 ou que le psychiatre n'allait pas croire à cette supercherie.
00:55 Et finalement, au bout de douze minutes,
00:58 elle m'a demandé d'aller me faire interner.
01:00 Je ne veux pas accabler le psychiatre qui m'a fait interner,
01:03 il a fait son boulot.
01:05 Aujourd'hui, il y a une responsabilité pénale qui peut engager les psychiatres.
01:09 Donc le psychiatre qui m'a interné, je pense qu'il a bien fait,
01:13 parce que je représentais un danger, non pas pour les autres,
01:17 parce que j'expliquais que les voix que j'entendais n'étaient pas menaçantes,
01:21 mais je représentais sans doute un danger pour moi.
01:23 Donc je pense qu'il a bien fait de me faire interner.
01:25 Je suis resté une semaine dans cette unité psychiatrique,
01:29 dans un GHU du 19e arrondissement de Paris.
01:32 De l'extérieur, on ne peut pas se douter une seule seconde
01:36 de ce qui se joue derrière ces murs.
01:38 On ne peut pas se douter une seule seconde du drame qui se joue derrière ces murs.
01:41 C'est un immeuble de quatre étages.
01:45 À chaque étage, il y a à peu près 35 patients.
01:47 J'ai vu des patients complètement délaissés, complètement abandonnés,
01:51 des patients défoncés aux médicaments à longueur de journée,
01:54 des patients qui bavent, qui font des malaises, qui tombent.
01:58 Les patients en hôpital psychiatrique, ceux que j'ai rencontrés,
02:01 vivent leur quotidien avec une grande résignation.
02:05 On se croirait en prison.
02:06 Une odeur de mort, une odeur d'ennui.
02:08 C'est très aseptisé, il n'y a pas de décoration, il n'y a rien.
02:11 Et puis il n'y a rien pour égayer le quotidien des patients.
02:15 Il y a juste des murs blancs et un sol jaune,
02:18 et quelques chaises qui se battent en duel.
02:23 Il y a un baby-foot sans balles et une télé qui ne fonctionne pas.
02:27 C'est tout.
02:27 Faute de moyens, on va donner des traitements.
02:30 Parce que donner des traitements, ça anéantit les patients,
02:34 ça les met hors d'état de nuire.
02:37 Et en fait, ça arrange tout le monde.
02:38 En fait, on ne va pas les aider à se réinsérer dans la société.
02:42 Ils sont abandonnés par la société,
02:44 abandonnés par une société qui ne veut pas d'eux,
02:46 qui les invisibilise,
02:49 qui ne veut pas d'eux parce qu'ils ne répondent pas
02:50 aux normes que la société veut nous imposer.
02:52 Mais dans l'hôpital, ils sont aussi abandonnés.
02:54 On gave les personnes de médicaments
02:56 parce qu'on ne sait pas quoi faire d'autre.
02:58 On ne sait pas les accompagner, on ne sait pas les écouter.
03:00 On n'a pas les moyens.
03:02 En fait, je pense que les infirmiers comme les psychiatres
03:04 sont victimes eux-mêmes d'un système.
03:07 Et au bout de trois jours, moi je m'étais convaincu
03:09 qu'il fallait que je sorte de ce guet-pied.
03:11 Il fallait que je sorte la semaine suivante,
03:13 je ne pouvais pas rester plus.
03:14 C'était dangereux.
03:16 Donc je me suis préparé, je me suis apprêté
03:19 et j'ai préparé tout un discours
03:21 pour convaincre la psychiatre de l'établissement
03:23 que j'allais mieux.
03:24 Donc je lui ai expliqué que j'avais retrouvé un cadre,
03:27 que j'avais repris contact avec mes proches,
03:29 que l'hôpital psychiatrique m'avait aidé,
03:31 là pendant ces quelques jours, à aller mieux.
03:34 Et que par conséquent, je voulais partir la semaine suivante.
03:37 Elle m'a répondu "C'est pas possible,
03:39 vous ne pouvez pas aller mieux sans médicaments.
03:42 Vous êtes malade, vous ne pouvez pas aller mieux sans traitement."
03:44 Donc il y a un bras de fer qui s'est mis en place.
03:47 Et elle m'a dit "On en reparle dans 4 jours."
03:49 Et on en a reparlé 4 jours plus tard
03:51 et j'ai réussi à la convaincre de sortir.
03:54 En tout cas, elle a compris que j'étais dans mon droit.
03:56 Moi, je retrouvais finalement mon confort de vie,
03:59 je retrouvais la liberté.
04:00 J'ai passé une semaine dans l'hôpital psychiatrique.
04:02 D'autres étaient internés depuis 6 mois, depuis un an.
04:05 Et j'abandonnais finalement à leur sort
04:08 ces personnes que j'ai rencontrées,
04:10 qui m'ont apporté énormément d'humanité.
04:13 J'ai rencontré des gens qui avaient de 18 à 75 ans,
04:18 qui viennent de tous les milieux.
04:19 Tout le monde peut finir en hôpital psychiatrique.
04:21 Ça peut être votre frère, votre père, votre voisin.
04:26 Aujourd'hui, c'est une personne sur cinq
04:28 qui est touchée par une maladie mentale.
04:30 Donc on est tous concernés.
04:31 [SILENCE]

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