BE SMART - Emission du jeudi 15 juin

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Jeudi 15 juin 2023, BE SMART reçoit Wilfrid Galand (Directeur stratégiste, Montpensier finance) , Margault Phélip (Directrice associée, Archipel&Co;) et Clarisse Berrebi (Cofondatrice, Ether)

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00:00 [Musique]
00:08 Salut à tous, c'est Bismarck. Nous voilà repartis, émission interview.
00:13 Aujourd'hui, on va démarrer... alors on va aller faire le point notamment sur l'Asie, un petit peu comme on l'a fait en milieu de semaine.
00:19 Japon, Chine, et puis ça nous amènera de toute façon à l'Europe. Et puis ensuite, on s'intéresse aux entrepreneurs.
00:25 Le biais notamment de tout ce qui peut subventionner la recherche et qui est souvent méconnu.
00:30 Et puis, le biais de la régularisation du travail au noir. Vous allez voir ça, c'est parti, c'est Bismarck.
00:36 [Musique]
00:41 Donc, on démarre avec Wilfried Galland. Salut Wilfried.
00:44 Salut Stéphane.
00:45 Stratégiste, mon pensier finance. Alors j'ai mis Japon, Chine, ENCO.
00:49 Parce qu'une fois qu'on aura parlé du Japon et de la Chine, on verra s'il nous reste du temps pour parler du reste.
00:54 Et le reste, ce sera quand même la zone euro, l'inflation, toutes ces histoires-là.
00:58 Où le vent nous mène.
01:01 Mais donc, deux choses intéressantes. Le premier, c'est le Japon.
01:05 Donc, alors je t'ai dit, ah nouveau record. Ce que je voyais, c'est le marketing des marchés. Ça, c'est normal.
01:11 Donc, je voyais nouveau plus haut de 33 ans.
01:14 Oui, mais il faut remonter à 34 ans.
01:19 C'est ça qui est incroyable avec le Japon, c'est qu'en fait, on se dit, c'est le plus haut depuis 1990.
01:23 Tout le monde se dit, ça y est, c'est bon, on est au plus haut historique pour maintenant.
01:26 Et on en est loin encore. On en est loin puisqu'en 89, effectivement, vraiment toute fin décembre 89.
01:33 Le 28 décembre 89, c'est ça, le plus haut des plus hauts.
01:36 Exactement. Le Nikkei atteint quasiment 39 000 points.
01:40 Donc, aujourd'hui, tout le monde est effectivement très content qu'on atteint 34 000.
01:44 Mais on part de 35 000 il y a 34 ans.
01:47 C'est le vrai long terme pour les marchés.
01:50 C'est toujours l'exemple qu'on donne en disant, à votre avis, le long terme, c'est combien d'années ?
01:55 En fait, le vrai long terme, c'est effectivement au moins 35 ans.
01:58 En fait, ce qui se passe vraiment pour le Japon, ce qui est très intéressant avec le Japon.
02:02 Je donne quand même 28% de progression depuis le 1er janvier.
02:05 C'est qu'en fait, on a une accélération depuis le 1er janvier parce que, d'un seul coup, on a les autorités de marché japonaises
02:12 et ainsi que le ministère des Finances qui incitent les entreprises japonaises à renouveler leur gouvernance
02:19 et à accélérer leur retour à l'actionnaire.
02:22 Et donc, ce que ne faisaient jamais les entreprises japonaises, c'est-à-dire qu'en fait, les dividendes de la rachat d'actions,
02:28 tout ça, ça leur passait, mais alors largement au-dessus du comité de direction.
02:31 Il n'y a aucun intérêt pour eux. Et d'un seul coup, elles se sont mises effectivement à accélérer leur croissance de dividendes.
02:39 Alors, on est loin en termes de montant de ce qu'on a effectivement en Europe aux États-Unis,
02:43 mais on a plus de 30% d'augmentation de dividendes cette année par rapport à l'an dernier.
02:48 On a des bords qui se sont complètement renouvelés.
02:52 On a une gouvernance globalement qui laisse plus de place à l'actionnaire.
02:56 Ce qui est très intéressant, c'est quand on compare avec...
02:58 Alors, tout le monde se dit que c'est à côté de la Chine, mais quand on compare par exemple au marché indien,
03:01 le marché indien, c'est un des plus chers au monde.
03:04 C'est un de ceux dont le marché interne en termes de multiples par rapport aux bénéfices, c'est plus cher que Wall Street.
03:10 Il faut savoir que c'est historiquement plus cher.
03:13 Ce n'est pas juste en ce moment. Il y a toujours une prime d'à peu près 25% sur le marché indien
03:17 parce que le capitalisme indien est réputé comme portant une attention toute particulière à l'actionnaire.
03:23 Le retour sur investissement, le retour du capital investi, c'est très, très important pour les Indiens.
03:27 Ça ne l'était pas du tout pour les Japonais.
03:29 Ce n'était pas du tout leur sujet.
03:31 Ça l'est devenu, ils l'ont communiqué très largement.
03:33 Et donc d'un seul coup, on redécouvre que dans un monde très inflationniste,
03:36 on aura peut-être le temps d'en parler, celui qui était le plus en proie à la déflation,
03:40 c'est celui qui en profite le plus parce qu'on était à 4% d'inflation,
03:44 maintenant on est à 3%. 3% d'inflation, ça convient à peu près à tout le monde.
03:47 Donc tout va bien.
03:48 - Ce que Shinzo Abe a essayé d'arracher, c'était les flèches de Shinzo Abe, je me souviens.
03:53 - Voilà, exactement.
03:55 - Les abénomics, ça ne marchait pas et là, tout à coup, le flux mondial a permis...
04:02 - Exactement, si on veut être un peu caricatural, ça a marché parce que les Américains ont eu un déficit fiscal d'à peu près 30% du PIB.
04:10 - Oui, c'est ça.
04:12 - 28% au maximum et que d'un seul coup, quand vous mettez cet argent-là sur la table,
04:17 tout est entraîné en termes économiques et donc le Japon se retrouve...
04:21 - L'arrosage de la pelouse américaine, il y a de l'eau partout.
04:25 - Voilà, c'est carrément le camion, la lance à incendie.
04:27 Et donc effectivement, on se retrouve avec des investisseurs qui redécouvrent le Japon
04:32 et qui redécouvrent le Japon aussi en tant que point pivot d'une certaine stabilité asiatique.
04:36 - C'est ça.
04:37 - C'est-à-dire qu'on a la Chine, c'est très compliqué d'attirer des capitaux.
04:41 On voit que la Chine attire.
04:42 - On va y aller.
04:43 - Voilà, mais en fait, elle n'arrive pas à attirer des capitaux internationaux sur son marché financier.
04:48 C'est différent sur les autres, sur les investissements directs, c'est différent,
04:51 mais sur son marché financier, elle n'y arrive pas.
04:53 Et puis les autres pays, il y a des risques.
04:56 Quand on regarde par exemple la partie coréenne, on se dit
04:59 "Est-ce qu'on a vraiment envie d'investir dans la Corée ?"
05:02 alors que juste à leur frontière, ils ont...
05:05 En fait, régulièrement, il y a énormément...
05:07 En fait, il y a une prime géopolitique sur la Corée,
05:10 qui y a beaucoup moins sur le Japon, qui en plus est revenu dans le jeu géostratégique depuis deux ans.
05:16 Ils ont créé une alliance militaire avec les Australiens, ce qui n'a jamais été fait.
05:22 Donc en fait, je vous achète des minerais, des terres, du...
05:29 - Absolument.
05:30 - Et en échange, je vous fournis en matériel militaire,
05:34 parce qu'en fait, le Japon s'associe assez peu,
05:36 mais a une industrie exportatrice militaire assez importante.
05:38 Et donc tout le monde se dit "Si on veut jouer à la fois le dynamisme de la zone asiatique,
05:43 la protection américaine qu'il a n'a aucune ambiguïté."
05:46 Il peut y avoir une ambiguïté sur Taïwan, il peut même y avoir une ambiguïté sur la Corée,
05:50 il n'y a aucune ambiguïté sur le Japon.
05:51 Dans ce cas-là, on va vers le Japon.
05:53 Et en plus, ils nous disent "Vous inquiétez pas, maintenant l'actionnaire, on a compris, c'est important."
05:57 Allons-y.
05:58 Donc peut-être que d'ici, peut-être pas la fin de l'année,
06:01 mais d'ici, on va dire, quelques trimestres, on pourrait avoir ce fameux record.
06:05 - Non, non, t'as raison.
06:06 Et là aussi, c'est vrai que c'est des zones dont on ne parle pas,
06:09 mais on en a déjà parlé autour de cette table,
06:12 mais la façon dont l'Australie, avec beaucoup de courage d'ailleurs,
06:17 a fait ce que l'Europe ne fait pas.
06:20 C'est-à-dire à un moment, notamment au gré de ce qui a été bel et bien la prise d'otage
06:24 de deux de ses ressortissants par les Chinois.
06:26 On dit "Bon, maintenant ça suffit, c'est fini."
06:28 Et effectivement, ça a été la rupture du contrat de sous-marin
06:31 parce qu'il voulait une alliance beaucoup plus solide avec les Etats-Unis,
06:33 y compris avec le Japon.
06:35 Ce sont des environnements qui changent en profondeur,
06:39 mais qui sont très intéressants.
06:41 - Ce qui est intéressant, c'est que l'autre pays qui a fait ça d'une façon un peu similaire,
06:45 c'est le Canada, et que les deux se caractérisent par une très grande richesse
06:48 en termes de matières premières.
06:50 Le monde dépend des matières premières australiennes et canadiennes,
06:55 et même à un moment, la Chine ne peut pas se passer totalement
07:00 des pays extraordinairement riches dans certaines matières premières.
07:03 Et ça, c'est intéressant de le dire, c'est la même stratégie.
07:05 - Tout à fait.
07:06 Et les régimes politiques les plus stables du monde, le Canada et l'Australie.
07:09 - Exactement.
07:10 Mais ce que je voulais dire sur le Japon,
07:13 c'est très intéressant, les histoires de gouvernance,
07:16 on se souvient tous de ce qui peut se passer dans une entreprise japonaise
07:21 très importante construisant des automobiles,
07:23 sans que le dirigeant de cette entreprise
07:25 même soupçonne ce qui est en train de se passer entre ses cadres dirigeants.
07:29 Donc c'est quand même quelque chose,
07:31 nul part ailleurs qu'au Japon, on aurait pu monter une telle opération.
07:37 Mais ça veut dire que ce n'est pas structurellement sur la solidité de l'économie,
07:42 ce n'est pas des changements profonds, la démographie est toujours anémiée.
07:46 Les sujets qui posaient problème au Japon restent entiers à ce moment-là, Wilfried ?
07:52 - Les sujets restent entiers, mais en fait, on a des facteurs de mise à l'écart
07:57 qui ont été progressivement enlevés.
08:00 La blague qui circule évidemment sur les marchés,
08:04 c'est que si vous n'avez pas été brûlé par les marchés japonais,
08:10 ça veut dire que ça fait probablement plus de 30 ans que vous êtes sur les marchés,
08:13 et on y croit moyennement.
08:15 Et donc tous ceux qui avaient un intérêt sur les marchés financiers d'une façon ou d'une autre,
08:19 les gérants économistes, stratégistes,
08:21 tous à un moment donné disaient "de toute façon on ne va pas s'intéresser au Japon"
08:24 parce que tout le monde à un moment a été rincé par le Japon.
08:28 - Voilà, c'est fait avoir par "cette année c'est l'année du Japon, ça va bien se passer".
08:31 Et en fait non.
08:33 Ce qu'on voit c'est que dans un monde où la géopolitique, la stabilité,
08:37 la capacité d'avoir finalement un projet géostratégique, géoéconomique,
08:43 stable et crédible,
08:45 si on rajoute à ça le fait qu'on vous dit "ne vous inquiétez pas,
08:48 en plus maintenant on sait que vous êtes important",
08:50 de nouveau le regard change.
08:53 - Je comprends, je comprends effectivement, stabilité.
08:56 C'est juste le terme rincé qui me fait penser à une phrase
08:58 que m'avait dite une économiste,
09:00 "mais si tu n'as pas connu la pluie au Japon, tu n'as pas connu la pluie".
09:03 - Voilà, c'est beaucoup plus politique sur les marchés.
09:07 - Il paraît que quand ça tombe, ça tombe.
09:09 Alors, et justement, j'allais dire à côté,
09:12 il y a quand même quelques milliers de kilomètres,
09:14 mais la Chine, et donc là on a ce chiffre spectaculaire,
09:20 doublement spectaculaire d'ailleurs,
09:22 donc taux de chômage de 20,8% pour les jeunes,
09:26 ce qui juste c'était la ligne derrière et j'avais pas conscience de ça,
09:29 mais le taux de chômage pour la population active en Chine,
09:31 il est quand même de 5,2% aujourd'hui.
09:33 - Oui, on n'est pas au...
09:35 - Il est supérieur à la moyenne de raison euro.
09:37 - Exactement, on n'est pas du tout sur un taux de chômage suisse par exemple.
09:40 - Ah exactement, ou même un taux de chômage américain, tout à fait.
09:43 - Alors c'est pas du tout ce qu'on imagine.
09:45 Et la pression sociale en Chine,
09:47 et c'est pour ça que depuis quelques jours,
09:49 on a de plus en plus de bruit ou d'informations
09:53 sur lesquelles il y a des réunions,
09:55 sur la nécessité au plus haut niveau des autorités
09:59 de relancer véritablement l'économie
10:01 avec des mécanismes très connus,
10:04 sur "je fais des ponts même s'ils arrivent nulle part",
10:06 "je fais des autoroutes",
10:08 "je relance les infrastructures parce que c'est la seule chose
10:10 qui peut me permettre de régler mon problème social",
10:13 tout simplement mon problème social.
10:14 Aujourd'hui, la Chine a un énorme problème
10:16 avec cette génération de jeunes qui souffrent du chômage,
10:21 c'est que c'est la première génération
10:23 qui a été biberonnée, j'allais dire,
10:27 à la supériorité du modèle chinois
10:29 et du modèle du socialisme à la chinoise.
10:32 Et là ils ressortent, ils sortent des études,
10:34 ils ont fait énormément d'efforts,
10:36 ils ont promu sur tous les réseaux sociaux
10:38 le fait que leur pays c'était le meilleur du monde
10:40 et que les autres ils n'avaient rien compris
10:42 et qu'ils allaient voir ce que vous allez voir,
10:43 et ils arrivent et il n'y a plus de travail.
10:45 Et ça, ça commence à être un véritable problème très important.
10:48 Et moi, ce qui m'intéresse aussi,
10:51 c'est de voir que depuis quelques jours,
10:54 par exemple à Wall Street,
10:56 les entreprises qui font des infrastructures
10:59 ou qui fournissent des éléments pour les infrastructures profondes,
11:03 comme par exemple Caterpillar,
11:05 sont en train de s'envoler, littéralement.
11:07 On parle beaucoup d'NVIDIA pour l'intelligence artificielle,
11:09 mais quand vous regardez une société comme Caterpillar,
11:11 depuis quelques jours,
11:13 la progression est quand même très spectaculaire.
11:15 Ce n'est pas aussi spectaculaire que NVIDIA,
11:17 mais ça progresse beaucoup plus vite que le S&P 500.
11:20 Pourquoi ? Parce que depuis 10 jours,
11:23 on a effectivement ces chiffres qui commencent à s'accumuler
11:26 et des bruits qui disent
11:28 qu'ils vont devoir véritablement accélérer
11:31 en faisant une vraie relance avec le crédit.
11:33 Ils ne veulent pas le faire, la relance avec le crédit,
11:34 parce qu'ils ont peur pour leur système financier.
11:36 Mais entre la peur de déstabiliser le système financier
11:38 et la peur de déstabiliser le régime tout court
11:41 parce qu'on est incapable de remplir le contrat social chinois,
11:44 c'est-à-dire que vous n'avez pas de liberté,
11:46 mais vous avez de la prospérité,
11:47 c'est ça le contrat social chinois,
11:49 vous n'avez toujours pas de liberté,
11:50 mais vous avez moins de prospérité.
11:52 C'est compliqué.
11:53 - Alors, on en discutait récemment avec Laurence D'Asiano,
11:57 qui vient nous voir très régulièrement,
11:59 maître de conférence à Sciences Po,
12:00 qui suit très très près ce qui se passe en Chine.
12:02 Elle racontait que ce qui commence à se dire,
12:07 et on se disait ensemble,
12:08 alors j'avais oublié que la famille de Xi Jinping
12:11 avait été victime de la révolution culturelle,
12:14 et que le petit Xi,
12:15 parce que ses parents étaient proches du pouvoir,
12:17 se sont retrouvés, je ne sais pas si c'était du coton,
12:21 oui je crois que c'était du coton,
12:22 dans les champs de coton,
12:23 dans les provinces chinoises,
12:25 et qu'il y avait un petit peu ça qui commençait à sortir aussi.
12:28 En gros, on dit à la jeunesse,
12:29 vous ne trouvez pas de travail,
12:30 vous n'êtes pas content,
12:31 barrez-vous dans les campagnes,
12:32 et si vous n'y allez pas,
12:33 on va peut-être vous y emmener de force.
12:35 Elle est tassée, elle, sur l'idée sortie du plénum
12:40 du Parti communiste chinois d'il y a maintenant 5-6 mois,
12:44 que c'est le retour de la politique,
12:46 que c'est le retour de l'autorité,
12:48 enfin voilà.
12:49 En fait, effectivement,
12:51 ce que promeut Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2012,
12:56 c'est la primauté du politique.
12:59 Je rappelle souvent que le premier des 14 principes de Xi Jinping
13:03 qui sont maintenant dans la constitution,
13:04 le tout premier,
13:05 c'est assurer le leadership du Parti communiste chinois
13:08 sur toute forme d'organisation sociale en Chine.
13:10 Ce n'est pas plus clair.
13:12 Le problème de ça,
13:13 c'est qu'effectivement quand vous poussez la logique au bout,
13:16 vous vous retrouvez à dire
13:17 "je dois piloter l'économie quasiment de A à Z".
13:20 Et quand ça ne marche pas,
13:22 en fait quand je veux faire diminuer un taux de chômage d'autorité,
13:25 je leur dis "je vous mets,
13:27 c'est un peu dur,
13:28 mais je vous mets en travail forcé,
13:29 comme ça je diminue le taux de chômage,
13:31 et la statistique montrera que le fils du ciel est toujours béni par les dieux,
13:35 donc il n'y a pas besoin de remplacer l'empereur".
13:39 - Exactement.
13:40 - Et c'est effectivement,
13:42 en fait je pense que le pouvoir hésite,
13:44 et va peut-être faire les deux choses,
13:45 c'est-à-dire à la fois des mesures très autoritaristes
13:48 pour déplacer des masses,
13:49 pour leur dire "l'important maintenant c'est la souveraineté,
13:52 donc soit vous travaillez à l'usine pour les semi-conducteurs
13:54 si vous n'êtes pas capable,
13:55 vous travaillez pour le bol de riz,
13:57 le fameux bol de riz en fer de Mao,
14:00 et puis en parallèle,
14:01 on va quand même s'assurer qu'il y a un peu plus de croissance,
14:04 et donc on va aussi remettre un peu d'argent dans la machine,
14:07 pour être sûr qu'au moins nos taux de croissance faciaux
14:10 ne nous fassent pas perdre la face.
14:11 Donc il doit y avoir un peu des deux,
14:13 probablement, qui se met en place,
14:15 mais c'est vrai que c'est un moment,
14:17 je pense que c'est un des points de bascule
14:19 de ce troisième quinquennat de Xi Jinping,
14:24 parce que je ne pense pas qu'il imaginait
14:27 que la réouverture post-Covid,
14:28 qui a quand même coûté extraordinairement cher en termes de vie...
14:31 - Bah Wilfried, les ratios sont à peu près les mêmes que les nôtres,
14:35 je suis désolé de le dire, mais...
14:37 Enfin en tout cas, les ratios officielles sont à peu près les mêmes que les nôtres.
14:41 - C'est ça, les ratios officielles.
14:42 Quand on lit des commentaires de personnes
14:47 qui étaient dans les campagnes chinoises,
14:49 ça a été...
14:50 Parce qu'en fait, toutes les statistiques en général chinoises
14:52 concernent les villes.
14:53 D'ailleurs, le taux de chômage, c'est le taux de chômage urbain.
14:55 - Oui, c'est le taux de chômage urbain.
14:56 - Et en fait, les campagnes n'ont quasiment pas de système statistique.
14:59 Et le sentiment qu'on a,
15:02 ce n'est que juste un sentiment,
15:03 c'est qu'effectivement, ça a été, dans les campagnes,
15:05 extraordinairement violent en termes d'impact.
15:09 Et il y a toujours des liens qui sont quand même très forts
15:11 entre la population des villes et la population des campagnes.
15:13 Donc là, il va falloir rééquilibrer les choses.
15:16 - Mais c'est quand même, j'y pensais aussi,
15:18 en termes statistiques, puisqu'on dit beaucoup,
15:20 j'ai toujours entendu, moi, depuis que je m'intéresse à ça,
15:22 qu'il ne faut pas croire les chiffres chinois.
15:24 Bah, force est de constater qu'ils n'ont pas non plus
15:27 la volonté de les manipuler plus que ça.
15:29 Là, le chiffre, il sort bel et bien
15:31 des bureaux de statistiques chinois.
15:33 - Exactement. Soit effectivement, ils n'ont pas la volonté
15:36 de les manipuler, soit même en les manipulant,
15:38 ça sort très, très mal.
15:40 Je ne sais pas quelle est la vraie...
15:45 - La vraie explication.
15:47 - La vraie explication. En tout cas, ce qui est certain,
15:50 c'est que les statistiques chinoises...
15:53 Pourquoi est-ce que les statistiques chinoises
15:55 attirent toujours le scepticisme ?
15:56 C'est parce qu'elles sortent extraordinairement vite.
15:59 Ce sont les statistiques mensuelles
16:01 qui sortent toujours le plus vite de la planète.
16:04 C'est-à-dire que le mois est à peine fini,
16:06 et on a automatiquement les chiffres qui sortent.
16:09 Soit effectivement, ils ont des outils de projection
16:11 tellement extraordinaires que, dès le premier du mois,
16:13 ils sont capables de savoir précisément
16:15 tout ce qui s'est passé dans les 31 jours ou les 30 jours précédents.
16:17 Soit effectivement, il y a quand même des biais statistiques
16:20 qui sont très forts, qui permettent d'avoir ces chiffres-là.
16:24 Mais l'important, c'est de les comparer en séquence
16:27 et de les prendre à valeur faciale.
16:29 En séquence, ça veut dire que ça se dégrade ou ça augmente.
16:32 A priori, il n'y a pas de changement
16:34 dans les méthodes statistiques chinoises.
16:36 Donc prenons-le à cette valeur-là.
16:38 Après, ça nous amène au troisième point.
16:41 C'est-à-dire que si, effectivement, la relance chinoise
16:43 est moins efficace que ce qu'ils pouvaient penser,
16:45 c'est parce que la demande occidentale
16:48 est moins importante que ce qu'ils avaient pu anticiper.
16:51 Et on arrive sur nos fameuses banques centrales.
16:54 Je préfère parler sur notre banque centrale européenne.
16:58 Je sais que tu l'as vilipende.
17:04 -Beaucoup, oui.
17:05 -Moi, je trouve qu'on est très sévère
17:07 avec ces gens qui font face à une crise exogène,
17:10 qui n'ont pas les armes adaptées
17:13 pour essayer de juguler cette crise exogène
17:16 et qui font ce qu'ils peuvent.
17:18 Et c'est pas si mal, quoi.
17:22 Je sais pas. Tu vois ?
17:25 Comment on voit les choses ?
17:27 -Ce qui me surprend toujours,
17:30 c'est que lorsqu'on a une arme aussi puissante
17:33 que la politique monétaire à disposition,
17:36 qu'on a la capacité d'agir sans limite, en fait.
17:40 Il n'y a pas de contrôle démocratique,
17:42 il n'y a pas de contrôle juridique, il n'y a rien du tout.
17:45 Pour moi, un des premiers éléments
17:48 qui doit rentrer en ligne de compte,
17:51 pour définir la politique monétaire,
17:54 c'est faire le moins de mal possible.
17:57 Et c'est ça que je reproche profondément
18:00 à la Banque centrale européenne,
18:03 c'est que ce principe fondateur
18:06 de tout détenteur d'un outil
18:09 ou d'une arme extraordinairement puissant
18:12 ne me paraît pas être aussi haut
18:15 dans l'ordre des priorités
18:18 parce que lorsque l'on voit
18:21 la diminution des indices d'inflation,
18:24 elle est extraordinairement rapide.
18:27 On peut raconter ce qu'on veut,
18:30 on peut être un entrepreneur en affolement inflationniste
18:33 comme j'en entends énormément,
18:36 ça n'est pas vrai.
18:39 Même l'inflation allemande est élevée,
18:42 on est à 6 %, en mars on était à 9.
18:45 On est passé de 9 à 6
18:48 en l'espace de 3 mois, c'est un effondrement.
18:51 Les prix à la production en Allemagne
18:54 sont en déflation.
18:57 On n'est pas en inflation minimale,
19:00 on est en déflation.
19:03 Lorsqu'on regarde l'ensemble des indicateurs les plus avancés,
19:06 tous les indicateurs nous laissent à penser
19:09 qu'effectivement il y a des poches qui résistent d'inflation,
19:12 si on a l'intégralité des prix
19:15 dans une économie qui est inférieure
19:18 en rythme annuel à 2 %, ça veut dire qu'en gros
19:21 on est quasiment proche de la déflation.
19:24 - C'est le résultat en partie ?
19:27 - La vraie question c'est en partie.
19:30 - En partie ? De la politique de la BCE ?
19:33 - Ce qui est très étonnant avec la BCE,
19:36 c'est qu'elle nous dit depuis peu de temps
19:39 qu'il faut du temps pour que notre politique se propage en économie.
19:42 - Exactement.
19:45 - François Villeroy de Gallo, une de mes idoles,
19:48 - Gouverneur de la Banque Centrale française.
19:51 - A récemment expliqué qu'il fallait,
19:54 même pour moi ce que je trouve déjà quand même beaucoup,
19:57 au moins 24 mois.
20:00 Il a ensuite fait, pour que la politique monétaire se propage,
20:03 une prévision qui est digne des meilleurs stratégistes
20:06 et économistes, c'est-à-dire que l'inflation
20:09 redescendra à 2 % d'ici, entre maintenant et 2025.
20:12 - Je suis d'accord.
20:15 Je supporte totalement cette précision.
20:18 - Lorsqu'on a aussi peu de précision,
20:21 et je comprends, et là je suis totalement d'accord avec toi,
20:24 la situation est très incertaine parce qu'on a modifié
20:27 énormément de mécanismes dans l'économie.
20:30 - C'est pas le cycle.
20:33 - On fait une pause,
20:36 et on fait ce qu'a fait la Réserve fédérale,
20:39 à mon avis un peu tard, même pour elle,
20:42 on fait un petit pas de côté pour dire "laissons-nous du temps
20:45 pour voir comment l'économie réagit à ce tour de vis extraordinaire".
20:48 On parle beaucoup d'immobilier, de la catastrophe
20:51 que sont en train de vivre les professionnels de l'immobilier en ce moment.
20:54 La matière première de l'immobilier,
20:57 c'est ni le bois, ni le béton, ni la pierre, ni le cuivre.
21:00 La matière première de l'immobilier, c'est le crédit.
21:03 On a fait un choc de cette matière première, on l'a multiplié par 4,
21:06 on est passé de 1% à 4%.
21:09 C'est au moins aussi important, voire plus, que le premier choc pétrolier
21:12 de la guerre du Kipour de 1973.
21:15 Et là on se dit "c'est horrible, vous imaginez, on est en train de mettre
21:18 des pans entiers de l'économie à l'arrêt et on va avoir des..."
21:21 Voilà le premier impact.
21:24 Et donc ça nécessite quand même, plutôt que de se dire "je vais encore en faire 2 ou 3
21:27 et après on verra", de dire "là aujourd'hui,
21:30 quand on parle de taux de croissance potentiel de l'économie européenne,
21:33 on doit être entre 1 et 1,5%".
21:36 On est aujourd'hui avec un taux européen,
21:39 on sera tout à l'heure, avec un taux européen pas loin de...
21:42 Entre 3,5 et 4% sont le taux qu'on garde.
21:45 C'est considérable, c'est extraordinairement restrictif.
21:48 - Et donc tu trouves qu'ils avancent là-dessus avec un peu trop de légèreté ?
21:51 - Je trouve qu'une fois qu'ils ont changé leur logiciel,
21:54 et là aussi, je rappelle quand même que Christine Lagarde,
21:57 les yeux dans les yeux, le botox dans le front,
22:00 nous disait en septembre 2021,
22:03 "il n'y aura pas d'augmentation de taux en 2022".
22:06 C'est la même qui nous dit aujourd'hui "je ne baisserai jamais les taux".
22:09 C'est les mêmes. Dans ce cas-là, un peu d'humilité
22:12 ne fait jamais de mal, c'est-à-dire qu'il y a eu énormément de hausses...
22:15 - On ne peut pas anticiper qu'en février 2022,
22:18 Poutine va attaquer l'Ukraine...
22:21 - On ne peut pas anticiper qu'en février 2022.
22:24 - C'est comme les gars qui n'avaient pas prévu l'Eman, c'est imprévisible ce genre de choses.
22:27 - Alors quand tu regardes les chiffres d'inflation,
22:30 si tu es banquier central et qu'en regardant les chiffres d'inflation en janvier 2022,
22:33 tu ne te rends pas compte qu'il y a un problème, dans ce cas-là, il faut vite faire autre chose.
22:36 Je les aime beaucoup, mais il faut vite, vite, vite faire autre chose.
22:39 Il y avait une pression inflationniste qui était déjà très forte,
22:42 simplement liée à la réouverture publique et à l'engorgement.
22:45 Et ça se voyait.
22:48 Et donc par rapport à tout ça, elle a démarré trop tard
22:51 et elle veut compenser en allant très vite, très fort et très loin.
22:54 Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.
22:57 Donc je pense qu'un peu de prudence...
23:00 La prudence est une vertu, y compris pour les banquiers centraux.
23:03 Et ce n'est pas parce qu'on est très agressif qu'on est forcément les plus efficaces.
23:06 Là, on vient d'aller très vite, très fort...
23:09 - Je sais, la réponse va être, écoute,
23:12 l'inflation est à terre,
23:15 mais elle bouge encore, on va lui mettre deux balles dans la tête
23:18 pour être sûr de la terminer. Voilà.
23:21 Et après, on tourne la page, on passe à autre chose.
23:24 - Mais moi, ce qui m'interpelle là-dedans,
23:27 c'est que ce discours-là, normalement, vient avec
23:30 "et ne vous inquiétez pas, si on doit supporter l'économie, soutenir l'économie,
23:33 on le fera". On a vu que ça ne marchait pas.
23:36 C'est-à-dire qu'il a fallu la relance Covid et l'extraordinaire
23:39 apport à la fois des États,
23:42 soutenus par les banquiers centraux, d'ailleurs, pour relancer tout ça,
23:45 pour sortir du monde déflationniste dans lequel on a été.
23:48 Et là, on nous explique "ne vous inquiétez pas, de toute façon, on sera là".
23:51 Mais quelle blague ! Mais quelle blague !
23:54 Donc, d'abord, effectivement, ne pas casser.
23:57 Et ensuite, là, on est vraiment déjà restrictif.
24:00 Quand on dit qu'on a minimum 24 mois,
24:03 la Banque centrale européenne, c'est depuis juillet seulement qu'elle a monté cette hausse.
24:06 Ça ne fait même pas un an. Donc, il est temps, effectivement...
24:09 - En même temps, oui, comme tu le dis, les restrictions de crédit...
24:12 - Le boulot est fait ! - Oui, et puis les restrictions de crédit, on les voit là, aujourd'hui.
24:15 - Exactement. Donc, arrêtons d'être monomaniaques sur ce sujet-là.
24:21 Et si on a 2,5% d'inflation ou 3% d'inflation,
24:24 ce n'est pas grave par rapport à un choc social qui serait monstrueux.
24:27 On ne parlera plus de la même chose. Si, effectivement, on se rend compte
24:30 qu'on a un choc social très important du fait du crédit...
24:33 - Mais je ne suis pas sûr du tout qu'on ait un choc social très important. Moi, c'est ça, le sujet.
24:36 - Je n'espère pas. - C'est-à-dire que les conditions de recrutement sont...
24:39 Alors, c'est ça qui est intéressant. On n'a pas le temps, on en reparlera ensemble,
24:43 et puis on verra à la rentrée, mais visiblement, ils regardent les indicateurs d'emploi.
24:48 Sauf que le monde de l'emploi est en train de se transformer en profondeur.
24:51 Et j'attends de voir, moi-même, sur le secteur du BTP,
24:56 les conditions de recrutement sont tellement dures
24:59 qu'avant que les gars licencient, il va falloir vraiment qu'ils soient au fond du trou.
25:04 - C'est sûr, mais en fait, c'est un vrai...
25:08 Le débat, toujours, c'est quels sont les indicateurs retard et quels sont les indicateurs avancés de l'économie.
25:14 Comment est-ce que des banquiers... - Tu te rends compte de ce qui se passe.
25:17 - On parle de banquier central, on ne parle pas de celui qui, à Bercy, va dire
25:21 "Comment est-ce que je soutiens l'économie ?" C'est pas la même chose.
25:23 Chacun doit être dans son rôle. Le banquier central, il doit regarder très loin.
25:27 Il doit regarder ce qui est en train de se passer en disant "J'essaie de me projeter".
25:30 Moi, ce qui m'a beaucoup marqué dans la conférence de presse de Jérôme Pauwel hier,
25:33 je parle quand même un tout petit peu de Jérôme Pauwel,
25:35 peut-être la phrase la plus importante, c'est "Je reconnais que depuis deux ans,
25:38 nos modèles d'inflation n'ont pas marché et qu'en fait, on n'y comprend plus rien."
25:44 Quand on est à ce point dans le brouillard, ce que je comprends, et c'est extrêmement difficile,
25:49 on vient de faire un mouvement très important... - Oui, on marque une pause.
25:52 - On marque une pause et puis on se donne trois...
25:56 Et éventuellement, après, on dit "Je repars, je reprends, j'ajuste."
26:00 Mais une fois que l'économie est cassée, elle est véritablement cassée.
26:04 - C'est ça dont je suis pas...
26:06 C'est là où je suis moins pessimiste que toi, du fait des tensions sur le marché du travail.
26:11 - Je trouve qu'on n'a pas encore tout l'impact sur une économie qui a fonctionné à crédit.
26:17 L'économie européenne, l'économie mondiale, l'économie américaine, fonctionnent à crédit depuis 2008.
26:22 - Et c'est là que c'est vrai qu'on est en train de basculer dans des trésoreries négatives.
26:27 Et le choc que constitue la hausse de taux sur cette masse de dettes,
26:32 on en est au tout début des conséquences. Au tout début.
26:35 Seuls quelques ménages endettés à taux variables...
26:39 - Mais ils peuvent redescendre aussi vite qu'ils sont montés, les taux, Wilfried, dans ces conditions-là.
26:43 - Oui, mais dans ce cas-là... - C'était bien sûr que le cas-là aurait...
26:46 - Dans ce cas-là, ça veut dire que...
26:49 - Bah t'auras tué l'inflation, t'auras fait ton job et on repart.
26:52 - Ça veut dire que tu rebaisse les taux et là tu viens...
26:55 Tu donnes tout un discours en ce moment en disant "je ne baisserai pas les taux avant",
27:00 Powell l'a dit hier, "avant de nombreuses années". Enfin, avant plusieurs années.
27:04 Donc je suis d'accord avec toi, mais dans ce cas-là c'est incohérent.
27:07 Donc moi j'ai besoin de cohérence. En fait j'ai besoin de banquiers centraux qui regardent de loin
27:11 et qui sont cohérents avec leur mission, qui est une mission d'équilibre.
27:14 La mission d'un banquier central, même si traité ou pas traité,
27:20 c'est d'abord et avant tout de piloter les équilibres macron-financiers.
27:23 - C'est l'engagement des médecins, la primum...
27:28 - Exactement, primum notna chere.
27:30 - Voilà, c'est ça.
27:31 - Exactement.
27:32 - D'abord ne pas faire de mal.
27:34 - Exactement, d'abord ne pas nuire.
27:36 - Bon, mon cher Wilfried.
27:38 - Serge Stéphane.
27:39 - On se souhaite un bon été.
27:41 - Exactement.
27:42 - Et puis on verra.
27:43 - On verra où les bons nous menons.
27:45 - On verra en septembre dans quel état on sera.
27:47 On continue Be Smart.
27:50 [Générique]
27:54 - Et donc Clarisse Béréby est avec nous.
27:56 Bonjour Clarisse.
27:57 - Bonjour Stéphane.
27:58 - Co-fondatrice d'Ether.
28:00 - C'est ça.
28:01 - Alors on va parler...
28:02 - Ouais, bravo, magnifique, le magazine.
28:05 Alors j'ai mis moi le levier fiscal autour de la recherche.
28:08 - C'est ça.
28:09 - Mais donc on va parler de tout ça, ce sujet qui m'intéresse énormément.
28:12 Le business de la complexité, bienvenue en France.
28:14 Mais pourquoi Ether ? C'est quoi le... ?
28:17 - Il y a plusieurs origines au niveau du nom.
28:20 Mais je dirais que...
28:21 Mais voilà, il y avait une dimension, c'est un peu le cinquième élément.
28:23 C'est un peu ce qui transcende un petit peu tout le reste.
28:26 - D'accord.
28:27 L'idée d'aller dans la recherche justement.
28:29 - Exactement.
28:30 - Dans la recherche fondamentale alors.
28:31 - Exactement.
28:32 - Donc, cabinet dédié aux enjeux fisco-innovants des entreprises.
28:36 - C'est ça.
28:37 - Est-ce que je peux commencer comme ça, Clarisse ?
28:41 C'est pas normal qu'un business comme le tien existe.
28:43 - Je comprends, je comprends la réaction.
28:45 Nous, on est avocat fiscaliste, déjà.
28:47 On est un cabinet d'avocats et notre métier, c'est la sécurité et la conformité fiscale.
28:53 Donc, notre métier, c'est d'aider les clients à faire des dossiers qui soient corrects
28:56 et à demander des ressources fiscales quand c'est cohérent et justifié.
29:00 Tant en termes d'éligibilité qu'en termes d'assiette.
29:02 - Oui, mais c'est pas un reproche évidemment que je te fais.
29:06 C'est un reproche que je fais à...
29:08 Enfin, même pas à l'administration fiscale d'ailleurs.
29:10 Au paquet de lois qui se sont empilées les unes sur les autres,
29:15 accumulées effectivement, qui font qu'on est quand même obligé de créer ce truc qui s'appelle le droit à l'erreur.
29:20 C'est complètement fou. J'ai reçu un petit courrier de l'Ursaf, moi, il y a quelques jours.
29:24 On me dit de cocher la case si ta réponse n'appartient pas à la catégorie droit à l'erreur.
29:28 C'est complètement dingue.
29:29 Et donc, enfin, c'est là où il y a un sujet.
29:31 Et c'est ça qui te rend indispensable, j'imagine.
29:33 - C'est-à-dire que de toute façon, aujourd'hui, on est dans un environnement de plus en plus juridique,
29:36 de plus en plus complexe sur tous les types de lois.
29:38 Ce n'est pas lié exclusivement à la fiscalité.
29:40 Tous les domaines du droit se complexifient.
29:42 On vit dans un monde de droit.
29:43 Tout est échange juridique.
29:45 Et de toute façon, les avocats, par nature, ont toujours une place, je dirais, importante dans le paysage économique.
29:51 Alors, je dirais que sur les leviers fiscaux, notre rôle à nous, ça va plutôt,
29:54 en tout cas, c'est comme ça que moi, je le vis avec ETHER,
29:57 ça va plutôt d'inciter les entreprises qui ne savent pas avoir droit à ces ressources,
30:03 qui sont très importantes, surtout dans l'environnement actuel, où on ne va pas se mentir,
30:07 il y a de moins en moins de crédits, les levées de fonds sont devenues compliquées.
30:10 Donc, avoir accès à des ressources extérieures qui, en plus, ne sont pas dilutives pour l'entreprise, c'est important.
30:15 Et donc, notre rôle à nous, c'est de les aider à comprendre le système et à les accompagner tout au long du chemin.
30:20 Ce n'est pas en soi si compliqué, la fiscalité.
30:22 La seule chose...
30:23 Si.
30:24 Si, Clarisse.
30:26 Vas-y, pardon, continue.
30:28 Mais si, c'est affreusement compliqué.
30:30 Tu ne comprends pas les mots qu'ils emploient.
30:33 C'est aussi simple que ça, si tu veux.
30:35 Des fois, tu lis des trucs, tu dis "on ne parle pas la même langue".
30:38 Je comprends la réaction.
30:41 Non, c'est sûr.
30:42 Si on peut comparer à d'autres États où, effectivement, sur le plan administratif, il y a beaucoup plus de simplicité et de facilité, je l'entends.
30:48 Après, je dirais qu'on est quand même, au niveau entrepreneurial, dans un pays qui est un paradis fiscal.
30:55 On ne le réalise pas.
30:56 Tiens, Xavier Niel a beaucoup dit ça.
30:59 Oui, absolument.
31:00 Ravie de pouvoir parler comme ça.
31:02 Oui, nous sommes un paradis fiscal pour l'entrepreneuriat.
31:05 Bien sûr, on est un paradis fiscal.
31:06 On est peut-être un cauchemar sur le plan des cotisations sociales, mais sur le plan fiscal, on est un paradis fiscal pour les entreprises.
31:12 Et donc, maîtriser ces dispositifs, ça fait un petit peu partie du rôle de l'entrepreneur.
31:18 Mais paradis fiscal pour les jeunes entreprises, quand tu dis entrepreneuriat, non ?
31:22 Non, non, non, pour toutes les entreprises, et en particulier sur ces leviers fiscaux, les recherches et l'innovation.
31:27 C'est le sujet.
31:28 C'est précisément le sujet.
31:30 L'ETER, c'est positionné sur l'innovation sociale.
31:34 On va y aller, mais d'abord, c'est le terme paradis fiscal pour toutes les entreprises.
31:38 On ne fait pas l'audience de TF1, mais un certain nombre de chefs d'entreprise qui viennent là de bondir sur leur chaise, leur fauteuil ou leur voiture.
31:48 À chaque fois que je le dis, les gens bondissent, mais c'est la réalité.
31:51 D'abord, l'IS n'est pas très élevé.
31:53 Si on va dans d'autres pays, on voit que c'est beaucoup plus important.
31:55 Ensuite, il y a beaucoup plus.
31:56 On est à la moyenne.
31:57 On est à 25, enfin, il y a une petite partie à 15 et une grosse partie à 25.
32:01 Mais 25, c'est bas par rapport à ce que ça a pu être aussi dans le passé.
32:04 C'est bas par rapport à ce que ça a pu être chez nous, mais on est dans la moyenne.
32:06 Chez nous et par rapport à l'extérieur.
32:08 Même au niveau sur le revenu, ça reste encore totalement accessible.
32:11 Et ensuite, il y a des dispositifs, c'est-à-dire que l'État choisit de réinjecter dans l'économie un certain nombre de ressources publiques qui sont importantes.
32:20 On est aujourd'hui à 7 milliards.
32:21 On sait qu'on a pris un engagement vis-à-vis de l'Europe de porter ces dépenses.
32:25 7 milliards, qu'est-ce que tu dis ?
32:26 7 milliards, c'est juste le crédit d'impôt recherche.
32:28 C'est l'ensemble des dispositifs.
32:29 Parce que l'ensemble des dispositifs...
32:31 Liés à la recherche et l'innovation.
32:33 Liés à la recherche et l'innovation.
32:34 Parce que sinon, l'ensemble des dispositifs, c'est 140 milliards.
32:36 Donc, voilà.
32:37 Oui, oui, oui.
32:38 Mais c'est important.
32:39 Donc, aujourd'hui, c'est 2,2% du PIB.
32:42 On a un engagement de les porter à 3% du PIB.
32:45 Donc, de pousser encore ces recettes publiques réinjectées dans l'économie.
32:49 Et ça, c'est quand même substantiel.
32:51 C'est beaucoup, beaucoup d'argent pour les entreprises.
32:53 Alors, allons-y sur les dispositifs de recherche.
32:56 J'avais lu un point de vue qui m'avait beaucoup inspiré récemment.
33:01 Donc, si on parle du crédit d'impôt recherche,
33:04 je dois avouer que j'ai fait partie de l'ensemble de ceux qui ont,
33:08 d'une certaine manière, sanctuarisé ce dispositif.
33:10 Tous les ans, on arrivait, t'avais toujours le député qui voulait remettre en cause le truc.
33:14 Et on disait, est-ce que tu es d'accord avec ça,
33:16 la stabilité est indispensable à ce dispositif.
33:19 Exactement.
33:20 Alors, non seulement c'est un dispositif fondamental,
33:23 mais je dirais même vital pour les entreprises aujourd'hui en France.
33:26 Alors, ça existe depuis 1983,
33:28 donc effectivement, ça commence à avoir une certaine stabilité.
33:30 Le problème, c'est que c'est utilisé à 80% par les grands groupes.
33:34 Et c'est ce qui pose problème en réalité.
33:36 Bon, ça assure aussi, d'une certaine façon, la pérennité du système.
33:39 Mais, il est important de comprendre que pour les petites et moyennes entreprises,
33:43 c'est vital aujourd'hui.
33:44 Donc, il est évident que ce dispositif ne doit pas disparaître.
33:47 Au contraire, on doit même le pousser davantage.
33:49 Et c'est le rôle d'Ether qui, précisément, s'est positionné sur l'innovation,
33:53 mais pas uniquement dans les sciences dures.
33:56 Et donc, notamment, tout ce qui est tech, tout ce qui est labo,
33:59 tout ce qui est médallurgie, etc.
34:01 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a des innovations sociales,
34:03 en sciences humaines et sociales,
34:05 qui vont permettre aux entreprises de gagner en compétitivité,
34:08 mais surtout, et c'est très important dans le dispositif,
34:10 de maintenir les talents sur le territoire français.
34:14 Est-ce qu'elles sont reconnues par ceux qui...
34:17 Parce que, moi, j'ai vécu ça avec quelques entrepreneurs.
34:21 Notamment, je me souviens du patron de Gravotech, en larmes.
34:24 En larmes.
34:25 Parce qu'à un moment, il y a un contrôleur qui vient lui dire
34:28 "Monsieur, ce que vous faites, ce n'est pas de la recherche,
34:30 vous devez nous rembourser le crédit d'impôt recherche quand vous aversez."
34:33 Tout à fait. C'est le vrai sujet du crédit d'impôt recherche.
34:35 Et c'est pour ça que nous, on fait de la sécurité, de la conformité.
34:38 C'est pour ça que nous, en tant qu'avocat, on a un positionnement très spécifique.
34:41 La problématique, c'est que c'est une question de méthode.
34:44 C'est pour ça que tout à l'heure, on parlait de complexité fiscale.
34:47 En réalité, comme tout dispositif, il y a une méthodologie à appliquer
34:50 qui est extrêmement stricte.
34:52 Oui, il peut y avoir des contrôles de l'administration.
34:55 Mais il faut raisonner avec l'administration fiscale
34:57 comme si vous discutiez avec un fonds d'investissement.
35:00 Quand un entrepreneur va voir un fonds d'investissement pour une monnaie d'argent,
35:03 il défend son projet, bec et ongle, pour obtenir les deniers.
35:07 Évidemment, la différence, c'est que s'il n'est pas convaincant,
35:09 il n'obtiendra pas les deniers.
35:11 Mais avec l'administration fiscale, c'est différent.
35:13 Vous pouvez les demander.
35:15 Et si, quand on vient vous demander des explications, vous n'êtes pas convaincant,
35:17 on vient vous les reprendre.
35:19 Et la problématique de ce dispositif, c'est qu'il est parfois utilisé de façon un peu légère,
35:23 non pas sur le fonds, mais parfois sur la forme.
35:26 Ce qui fait qu'il y a des demandes d'explications qui sont données.
35:28 Moi, ce qu'on m'expliquait, les fonds d'investissement,
35:31 d'abord parce que c'est leur pognon,
35:34 s'ils n'ont pas la compétence, ils vont chercher la compétence
35:37 pour discuter avec l'entreprise qui fait la recherche
35:40 dans des domaines, par définition, puisque c'est de la recherche complexe.
35:43 L'administration fiscale, pas du tout.
35:45 - Si, quand même, on a des experts du ministère de la Recherche
35:48 qui sont souvent appelés dans les dossiers.
35:50 - Et sur ce que... Parce que quand tu parlais de dispositifs de sciences humaines,
35:54 de choses comme ça, justement, qui sont en dehors des sciences dures,
35:56 est-ce qu'on ne se retrouve pas quand même face à une forme d'arbitraire ?
35:59 - Alors, pas du tout. Au contraire, ce que je vois aujourd'hui,
36:02 c'est que ça s'est véritablement ouvert,
36:04 et ça s'est ouvert aussi dans les manuels qui sont la base du crédit d'impôt recherche.
36:08 Dans le manuel de Frascati, le terme "sciences humaines et sociales" existe depuis 2015,
36:12 donc c'est quand même assez récent.
36:14 Dans le bulletin officiel des impôts, depuis 2021, donc encore plus récent.
36:18 Mais ça y est, il y a un basculement qui est en train de se faire.
36:21 Aujourd'hui, on a des dossiers... Nous, on fait des rescrits,
36:24 notamment pour le JEE. On n'en fait pas sur le SIR, on le fait rarement,
36:27 ou pour des raisons spécifiques, mais sur le statut "jeune entreprise innovante",
36:31 on fait des rescrits, et on obtient...
36:33 - Alors, le rescrit, c'est une garantie de l'administration des impôts
36:36 et ça ne sert à rien, c'est ça ? - Oui et non, c'est toujours pareil.
36:38 Le rescrit, il est valable l'année où on le fait.
36:40 Il ne faut pas oublier que chaque année, il faut vérifier qu'on est toujours dans les conditions.
36:43 - Oui, tu as raison. - Donc, sur le principe, oui, ça garantit.
36:46 Ça garantit, disons, sur l'éligibilité du projet au niveau scientifique.
36:50 Mais chaque année, il faut vérifier qu'on est bien toujours sur les opérations de recherche.
36:53 N'oublions pas qu'en matière de crédit d'impôt, c'est opération par opération que l'on résonne.
36:58 - Revenons sur le crédit d'impôt recherche.
37:00 Donc, tu le disais, les grands groupes, en fait, le chiffre, c'est...
37:04 Donc, sur ces 7 milliards, tu as une vingtaine de grands groupes
37:08 qui captent un peu plus de 2 milliards à eux tous seuls.
37:11 Quand on sait que ce n'est pas dans les grands groupes que la recherche est la plus efficace,
37:15 tu te dis que ce n'est pas une utilisation optimale de la dépense publique.
37:18 Est-ce qu'il ne faudrait pas, et c'était le point de vue que je reprenais moi,
37:21 tout simplement le plafonner ? Parce qu'il n'est pas plafonné, en fait, notre crédit d'impôt recherche.
37:25 Je crois qu'il est plafonné à 4 millions d'euros en Allemagne.
37:27 Un plafonnement, par exemple, à 20 millions,
37:30 n'exclurait aucune des jeunes entreprises que tu accompagnes,
37:35 mais éviterait d'arroser le sable des grandes entreprises.
37:39 Pourquoi pas ? Je n'ai pas d'avis précis là-dessus.
37:41 Tu n'as pas d'avis précis là-dessus ?
37:42 Non, je n'ai pas d'avis précis sur la question. Pourquoi pas ?
37:44 En tant que citoyenne qui paye des impôts, tu devrais avoir un avis, Clarisse.
37:46 Moi, ça m'aiderait que tu aies un avis.
37:48 Il est évident que mon rôle à moi, c'est de faire en sorte que toutes les petites entreprises
37:52 aient accès de façon massive. Voilà, c'est ça, notre objectif.
37:56 Après, pour autant, est-ce que je dois dire que les grands groupes
37:58 vont bénéficier moins ? Je n'ai pas d'avis spécifique.
38:01 Il y a quand même de l'embauche forte qui est permise grâce à ce crédit d'impôt recherche.
38:05 Je ne veux pas être excluante dans mon discours par rapport aux grands groupes.
38:09 Ce ne sont pas mes clients.
38:11 C'est ce que je voulais dire. Tu ne veux pas perdre des clients.
38:13 Non, non, non, du tout. Ce ne sont pas mes clients.
38:15 De toute façon, ce n'est pas dominatif. Ce ne sont pas les cassettes.
38:17 Je ne suis pas du tout positionnée sur ce type de clientèle-là.
38:20 Au contraire, moi, ça va être les entreprises beaucoup plus petites.
38:23 Donc, effectivement, pour qui le plafonnement ?
38:25 Ça a été le cas sur le C2I. Il a été plafonné.
38:27 Mais enfin, le C2I, aujourd'hui, on sait que ça fonctionne beaucoup moins.
38:30 Mais la réalité, c'est que pourquoi pas ? Pourquoi pas le plafonner ?
38:33 Ça n'empêcherait rien. Mais le dispositif en lui-même a quand même un avantage.
38:38 Déjà, il faut savoir que sur l'embauche des jeunes docteurs,
38:41 c'est quand même extrêmement favorable. C'est le rémunération.
38:45 Et c'est un sujet très important.
38:46 C'est un sujet fondamental. Et en sciences humaines et sociales…
38:48 Que des docteurs aillent en entreprise, c'est vraiment quelque chose de fondamental.
38:51 Aujourd'hui, il n'y a pas de débouchés pour les docteurs en sciences humaines et sociales en entreprise.
38:54 Ces deux années de leur rémunération, ça permet quand même de structurer
38:58 et d'amener un niveau intellectuel et efficient dans l'entreprise qui est incroyable.
39:06 Donc, voilà. Je ne veux pas dire qu'il faut que ce soit plafonné.
39:10 Sachant que… Et ce sera la conclusion… Non, parce que les chefs d'entreprise qui pourraient penser
39:15 « Oui, mais bon, subventionner les recherches en sciences sociales et tout… »
39:18 Mesdames, Messieurs, c'est le capital humain, votre sujet, aujourd'hui.
39:21 C'est le capital humain, le sujet, absolument.
39:23 Et ils le savent parfaitement. C'est le capital humain, leur sujet, aujourd'hui.
39:26 Et l'innovation managériale en sciences sociales va être fondamentale.
39:32 Merci, Clarisse, pour tout ça.
39:34 Merci à vous.
39:35 Donc, cofondatrice d'Ether, qui était avec nous sur Bismarck.
39:40 On repart donc avec Margot Philippe. Bonjour, Margot.
39:48 Bonjour, Stéphane.
39:49 Directrice associée Archipel & Co. Vous nous raconterez ce que c'est que Archipel & Co.
39:54 Ce qui m'intéresse, donc, c'est un point de vue que vous avez publié sur le forum du Figaro.
40:02 C'est ça, avec l'économiste David Menassé.
40:05 David, il était venu… Ça a été un des tout premiers invités de Bismarck.
40:09 C'était l'époque… Mais on va en reparler.
40:12 C'était l'époque La France du Bon Coin, qui est un bouquin qu'il a écrit il y a quelques années maintenant.
40:17 Voilà, il y a 10 ans.
40:18 Et puis, vous vous êtes mis, alors, ensemble à vous intéresser à la façon dont l'entrepreneuriat plus ou moins légal se développait,
40:26 mais dans les pays en développement, et notamment autour de l'Inde, ce qui s'était passé en Inde, etc.
40:31 C'était très intéressant.
40:32 Et là, on va en parler.
40:35 C'est un petit peu ce qui se passe chez nous avec ce que vous appelez les entrepreneurs de la débrouille.
40:40 Alors d'abord, c'est qui les entrepreneurs de la débrouille, Margot ?
40:45 Ce qu'on appelle les entrepreneurs de la débrouille, c'est les personnes en France, d'ailleurs partout dans le monde,
40:50 mais là, le sujet qui nous intéresse, c'est en France, qui développent un petit business en complément d'autres revenus potentiellement.
40:56 Parfois, c'est l'intégralité de leurs revenus.
40:58 Ça peut être des revenus de salariat, ça peut être aussi des prestations sociales ou autres, mais les réalités sociales sont très différentes.
41:05 Qui développent un petit business, plus ou moins florissant, mais qui le développent au black, qui n'ont pas encore immatriculé leur structure.
41:12 Je ne vous parle pas des quelques semaines ou mois d'informel qu'on fait tous si on entreprend,
41:16 mais là, plutôt des gens qui s'ancrent dans cette réalité-là, qui font ça depuis 2, 3, 12 ans.
41:21 Et néanmoins, vous dites qu'ils n'ont pas encore.
41:23 Est-ce que votre conviction... D'abord, il y a une estimation, il y a un chiffre, une idée. Ils sont combien ces entrepreneurs de la débrouille ?
41:31 Évidemment, c'est la question difficile, parce que par définition, ce n'est pas quantifié.
41:34 Les études, les rares études parlent de travail au noir, d'économie informelle, et ça, c'est estimé à 8% du pub.
41:41 C'est quand même assez énorme, c'est l'OCDE qui le dit.
41:43 Ça concerne plusieurs millions de personnes. L'économie informelle, nous, on se concentre...
41:47 8% du pub sur la France ?
41:48 Oui, c'est frappant.
41:50 Oui, mais attends, attends.
41:51 Nous, on se concentre sur des entrepreneurs informels. Je ne vous parle pas des gens qui font la plonge au restaurant des salariés au black.
41:57 Ou pas l'artisan qui va te poser deux fenêtres, et puis les deux autres, elles vont être au black.
42:02 Exactement.
42:03 Et donc ça, nous, on l'estime, et honnêtement, il n'y a pas d'études. On l'estime à quelques centaines de milliers de personnes.
42:08 En tout cas, ce qui est clair, c'est que c'est significatif, et pourtant, c'est toujours sous le radar de la moindre politique publique,
42:14 ou en tout cas, réflexion dans un contexte où on essaie de développer l'entrepreneuriat en France.
42:18 C'est quand même un peu dommage.
42:19 Oui, mais c'est là où... Alors, on va y arriver tout de suite. Je vous trouve très généreuse avec ces gens-là.
42:24 Enfin, on a le statut de l'auto-entrepreneur.
42:26 Oui, je sais. Le statut paraît simple, et pourtant...
42:29 Oui, il l'est.
42:30 Il l'est. Et pourtant, cette réalité existe.
42:33 Et donc, évidemment, la première question, c'est... Bon, ben, c'est des fraudeurs ?
42:36 Ben oui.
42:37 Ou c'est les sans-papiers ?
42:38 Ou... Voilà. Donc, en fait, c'est beaucoup plus compliqué que ça.
42:40 Les deux ?
42:41 C'est pas du tout que ça.
42:42 Et ce qu'on voit, et ça nous a étonnés, parce qu'évidemment, quand on a commencé...
42:45 Vous avez dit, on a commencé par des études.
42:47 Oui.
42:48 Ensuite, on est passé à l'action. On a créé le programme "Mon Business Carré", justement,
42:51 parce qu'ils disent tous qu'ils veulent mettre leur business au carré.
42:54 "Mon Business Carré", en se disant, ben, on va essayer d'accompagner ces entrepreneurs vers la formalisation.
42:58 En se disant, il y en a 9 sur 10 qui vont nous mettre une porte.
43:01 Pas du tout.
43:02 Et en fait, c'est ça qui est assez frappant, et qui est à la fois triste et en même temps enthousiasmant.
43:05 C'est que vous en avez beaucoup qui ne se déclarent pas, mais plus par méconnaissances administratives.
43:11 Et Dieu sait que c'est simple, potentiellement.
43:13 Et aussi, je pense que c'est intéressant, parce qu'ils n'arrivent pas à s'assumer comme des vrais entrepreneurs
43:17 en se disant "Je me formaliserai quand ça marchera vraiment".
43:19 Et pourtant, notre conviction, quoi.
43:21 Moi, je dirais, je prendrais Aaron qui fait des sites web, qui, du haut de ses 24 ans,
43:25 a des clients satisfaits, qui a investi 15 000 euros dans du matos.
43:29 Il est peut-être déjà dans cette posture entrepreneuriale, et il faut l'aider à s'assumer.
43:33 - Non mais alors, Margot, le gars qui fait des sites web, je veux bien entendre, on va en parler,
43:37 j'en sais rien, moi, le gars qui a monté une espèce de...
43:40 Dans le papier que vous écrivez, vous donnez l'exemple d'une casse-auto,
43:45 d'un gars qui répare comme ça, qui peut réparer au black, deux, trois machines.
43:51 Ok.
43:52 Le gars qui fait des sites web, s'il n'est pas capable d'aller sur,
43:56 je ne sais pas comment s'appelle le site maintenant, autoentrepreneur.fr,
44:00 de faire les quatre clics qu'il faut pour s'y matriculer,
44:03 c'est qu'il ne veut pas payer les 20% de charge.
44:05 Point à la ligne.
44:06 - Alors, je vais vous dire, je l'ai fait il y a trois semaines,
44:08 donc c'est simple, et pourtant ça ne le paraît pas forcément,
44:11 et que vous avez des acteurs comme Legal Start qui facilitent énormément ça,
44:14 et pourtant, la réalité qu'on a, c'est que deux tiers des entrepreneurs qu'on va chercher,
44:18 et on va les chercher, et ils sont potentiellement informels depuis dix ans,
44:21 se déclarent pendant notre programme d'accompagnement.
44:23 Et une fois de plus, c'est aussi une question de posture,
44:25 c'est aussi une question d'administratif,
44:27 et vous allez me dire, c'est une blague.
44:29 Non, ce n'était pas une blague.
44:30 Et c'est aussi une question de comment est-ce qu'ensuite je fais évoluer mon business,
44:33 une fois qu'ils se déclarent, ça veut dire qu'on augmente les charges.
44:35 Bien sûr, c'est une réalité.
44:36 Et nous, on propose aussi un accompagnement pour se dire,
44:38 comment est-ce que je repense mon prix ?
44:40 Est-ce que je vais devoir changer de client ?
44:41 Ça pose cette question-là aussi, parce que ce n'est pas complètement anodin.
44:44 - Oui, il faut peut-être leur dire aussi, avant d'augmenter les charges,
44:48 tu te mets à cotiser pour un certain nombre d'institutions
44:53 qui à un moment pourront te rendre au service quand même.
44:56 Ça peut être un argument qu'on entend quand même.
45:01 - C'est ce qu'il faut avoir en tête.
45:02 - Sécurité sociale, tu peux en avoir besoin à un moment ou à un autre.
45:04 - C'est ce qu'il faut avoir en tête, c'est que nous, on rencontre
45:06 beaucoup plus que ce qu'on pensait des gens qui aspirent à se formaliser
45:09 et qui n'y arrivent pas.
45:11 Alors vous allez me dire, ce sont des freins psychologiques ou autres, c'est là.
45:13 C'est là, et pour autant, l'accompagnement qu'on propose permet de passer ce cap.
45:17 C'est une réalité massive.
45:19 Et on n'est pas sur des démarches qui sont frauduleuses, qui se sentent frauduleuses
45:22 et malignes par nature.
45:23 On est sur des freins qui peuvent être psychologiques,
45:25 qui peuvent être administratifs, qui peuvent être les démarches.
45:28 Et une fois de plus, qui peuvent être cette capacité à s'assumer,
45:30 à se dire "oui, je suis entrepreneur".
45:32 - L'Ursaf, tu le sais, a regardé ce qui se passe.
45:36 C'est un truc un peu ballot d'ailleurs, parce que les gars, c'est normal,
45:39 n'ont pas le temps de s'intéresser à l'actualité, mais tu as su assez vite
45:41 que l'ensemble des plateformes allaient devoir maintenant déclare à Bercy,
45:46 déclare au Fisc, déclare aux Ursaf, l'ensemble des revenus qu'ils versent
45:52 à leurs livreurs, salariés, divers et variés, mais à l'ensemble des indépendants.
45:59 Mais en face, les indépendants ne se sont pas rendus compte.
46:01 Et donc l'Ursaf a vu que les gars déclaraient à peine 5 à 10% de leur activité.
46:08 Ce qui est ballot, parce que l'activité, elle est déclarée par la plateforme.
46:12 Donc ils sont très très vite rattrapés par la patrouille.
46:14 Ça prouve bien là quand même qu'il y a une volonté, j'ai pas de jugement à porter là-dessus,
46:21 si tu gagnes très très peu, tu peux avoir quelques réticences à en donner une partie à l'État,
46:26 mais il y a quand même une volonté de travailler au noir là-dessus, Marco.
46:30 En fait, ce qu'on voit, je pense que nous, le public sur lequel on se concentre,
46:34 c'est bien qu'ils ne sont pas du tout immatriculés, qu'ils n'ont pas fait ce passage-là.
46:37 Oui, mais je prenais cet exemple de ceux qui sont immatriculés,
46:40 qui déjà eux-mêmes, massivement, pensent qu'ils peuvent travailler au noir.
46:45 C'est aussi pour ça qu'on parle de stratégie de débrouille,
46:47 et de se dire comment est-ce qu'aujourd'hui chacun, à son échelle,
46:50 se débrouille dans ce qui peut être son niveau de vie, dans ses enjeux,
46:54 et que nous ce qu'on a envie c'est de provoquer un élan de formalisation.
46:57 C'est-à-dire comment est-ce qu'aussi on restaure cette envie-là,
47:00 et comment est-ce que chez les gens qui de toute façon seront sous le radar
47:02 de tout type de politique réprécive quand vous n'avez pas du tout immatriculé,
47:06 vous serez toujours sous le radar.
47:08 Donc ce qu'on dit, là ce n'est pas la répression qui sera efficace,
47:11 c'est de donner envie globalement de générer des coming-out,
47:14 si je peux me permettre de parler comme ça,
47:15 et de se dire comment est-ce qu'on communique aussi plus sur les intérêts,
47:19 et vous l'avez dit, de la formalisation, de l'immatriculation.
47:22 Et moi ce qui m'a frappée, d'ailleurs dans des ateliers qu'on a fait
47:24 auprès de jeunes entrepreneurs qui étaient pour le coup vraiment jeunes,
47:28 l'envie de contribuer fiscalement était un moteur.
47:30 Quand ils disent je veux faire mon business au carré, je veux faire ça bien.
47:34 Et c'est un moteur.
47:35 Ça a du sens.
47:36 C'est un moteur.
47:37 Et en face de ça, vous avez les moteurs et les freins.
47:39 La balance est comme ça.
47:41 Et comment est-ce que nous on fait en sorte d'inverser la balance ?
47:43 Ce qu'on pense c'est que l'accompagnement,
47:45 et aujourd'hui on n'est pas en train de marteler une demande de simplification de la norme,
47:50 même s'il y a des enjeux, il faut se poser la question de à qui profitent les règles.
47:53 Dans certains secteurs, vous prenez la coiffure, la coiffure fabrique de l'informel.
47:57 Parce que si vous n'avez pas le diplôme, vous ne pouvez pas.
47:59 Là sur certains secteurs, je suis d'accord avec vous.
48:02 Et en fait l'État est d'accord avec vous aussi.
48:06 Et en même temps ça ne change pas.
48:07 Je crois que c'est Emmanuel Macron lui-même qui a parlé du diplôme de coiffeur,
48:10 que ça lui semblait surréaliste.
48:12 Ce qui est intéressant c'est comment, est-ce que les diplômes sont à la hauteur du marché aujourd'hui ?
48:16 Vous avez le métier de barbeur qui s'est développé, donc oui le diplôme a beaucoup de force.
48:19 Non, non, mais là je suis tout à fait d'accord.
48:20 Ce qui s'est passé pour les taxis, globalement.
48:22 À un moment, quand ta barrière est manifestement inadaptée, la barrière saute.
48:27 Là, on est d'accord.
48:28 Donc nous ce qu'on pense c'est qu'il y a des leviers qui sont réglementaires.
48:31 Il y a un levier qui est fort, qui est l'accompagnement finalement.
48:33 Et puis ne serait-ce que de briser le tabou.
48:35 C'est-à-dire que quand vous allez voir votre conseiller de Pôle emploi,
48:37 vous ne lui dites pas que vous avez un business à côté.
48:38 Pourtant c'est une réalité qui est intéressante.
48:40 C'est peut-être des compétences, c'est peut-être justement des compétences qu'on peut valoriser.
48:44 Donc nous ce qu'on voit aussi c'est qu'il faut qu'on travaille.
48:46 Parce qu'en fait là il y a une espèce de pièce de théâtre générale au quotidien.
48:49 De se dire que je n'en parle surtout pas.
48:51 Vous ne pouvez pas le dire au conseiller de Pôle emploi.
48:52 Si vous le dites au conseiller de Pôle emploi, ça veut dire que vous avez des revenus que vous ne déclarez pas.
48:55 Et lui il est chargé aussi de vous verser les allocations.
49:00 Ce qu'on peut pas dire c'est que ce statu quo est inintelligent.
49:03 C'est ça le problème.
49:04 Et nous on ne fait que poser ce constat.
49:05 C'est une réalité.
49:06 Donc bien sûr qu'on préfère regarder derrière.
49:08 C'est une réalité.
49:09 Et ce qu'on voit c'est que c'est inefficace d'ignorer totalement cette réalité sociale et économique de la France.
49:16 Je ne dis pas une fois de plus que la baisse...
49:18 Mais qu'est-ce qu'il pourrait faire de plus ?
49:20 Par exemple, rendons hommage à la Fédération des auto-entrepreneurs qui est tout à fait capable.
49:25 Si vous avez... Je peux concevoir qu'il y a deux trois cas qui sont un peu complexes à remplir.
49:30 Ils vont vous donner un coup de main.
49:31 Ça va être fait mais vraiment en dix minutes.
49:34 Qu'est-ce que les autorités publiques pourraient faire de plus, Margot, que ce qu'elles ont fait à l'occasion de la création du statut de l'auto-entrepreneur ?
49:42 Et on sait que ça a secoué.
49:44 Notamment du côté des artisans.
49:46 Rappelons-le.
49:47 Les auto-entrepreneurs ne sont pas soumis à la TVA.
49:49 Il y a des conditions de concurrence qui peuvent toujours être discutées.
49:52 Donc ils se sont engagés quand même massivement à essayer de régulariser l'ensemble de ces gens.
49:57 Là, on parle de simplification objective des démarches administratives.
49:59 Une fois de plus, et ainsi sur ça...
50:01 D'un statut particulier, on parle.
50:03 21% de charges seulement.
50:05 Encore une fois, pas soumis à la TVA.
50:07 On leur a même fait un statut sur mesure.
50:09 Mais si justement la simplification administrative était le seul problème, on n'en serait pas là.
50:13 Aujourd'hui, il y a aussi une vraie réalité qui est comment est-ce qu'on accompagne les personnes
50:17 qui entreprennent et qui ne se sentent pas entrepreneurs.
50:20 Je vais vous prendre un exemple.
50:21 Vous avez aussi beaucoup d'entrepreneuriat informel dans le business des traiteurs à domicile.
50:26 Vous allez avoir des femmes qui vendent beaucoup de plats régulièrement, qui ont des clients.
50:31 Vous en avez même qui s'organisent en collectivité et qui vont aller livrer à des acteurs du BTP ou autre.
50:35 C'est intéressant économiquement.
50:37 Et en même temps, elles disent "je ne vais quand même pas dire que je suis entrepreneur".
50:39 Et donc je ne vais pas...
50:40 Ce serait me la péter.
50:41 C'est vraiment comme ça qu'elles disent.
50:42 Ce serait me la péter que de créer mon entreprise.
50:44 Là, je suis d'accord, ce n'est pas la simplification du statut qui agira.
50:47 C'est vraiment un travail aussi d'accompagnement.
50:50 Et donc là, je pense qu'il y a une réponse aussi sociale à le faire.
50:54 Je vous prends un autre exemple.
50:55 On accompagne...
50:56 Non, juste me permet de dire un truc.
50:57 Olivier Sadran, entrepreneur toulousain extraordinaire, qui est aujourd'hui un des leaders mondiaux du catering,
51:03 a commencé comme ça, en allant distribuer des sandwiches sur les chantiers du métro de Toulouse.
51:09 Donc ça t'emmène très très loin après.
51:11 Exactement.
51:12 Et je pense qu'on a besoin, quand je dis on a aussi besoin de nouveaux narratifs et de générer des coming-out.
51:16 Moi, je cherche justement des structures à succès qui ont commencé comme ça.
51:20 Et on va commencer...
51:21 Tous les entrepreneurs commencent un peu comme ça.
51:23 Nous, ce qui nous intéresse, c'est les gens qui se sont enfermés, pour tout un tas de raisons,
51:26 dans cette dimension informelle.
51:28 Et là, il y a des petits verrous à débloquer.
51:30 Et je serais ravie de le rencontrer.
51:32 Olivier Sadran, ah bah oui, oui.
51:33 Si on peut organiser ça.
51:34 Et puis je crois qu'il sera ravi lui aussi.
51:35 Il raconte cette aventure incroyable.
51:38 En plus, je dis d'un mot, mais...
51:41 Fortement diplômé, Olivier.
51:43 C'est simplement, à un moment, il voyait ces ouvriers galérer sur le chantier pour manger à midi.
51:51 C'est pas possible, y'a un business.
51:53 Et c'est parti, c'est devenu New-West.
51:54 Et aujourd'hui, c'est plusieurs milliards de chiffre d'affaires.
51:57 C'est le propre aussi de beaucoup de business informels, c'est ce pragmatisme.
51:59 Mais attends, attends, parce que tout ça est passionnant.
52:01 Et le temps tourne vite.
52:02 Je ne comprends toujours pas ce que tu attends de l'État, Margot.
52:05 Parce que c'est ça, votre point de vue, vous attendez quelque chose de l'État.
52:08 Oui, on appelle à un élan de formalisation.
52:10 Mais quel...
52:11 Qui prend plusieurs formes.
52:13 On a formulé un certain nombre de propositions qui vont de la question du récit et du fait de briser le tabou.
52:17 Vous avez raison, c'est pas simple.
52:18 Et moi, j'aimerais que les conseillers Pôle emploi soient sensibilisés à aborder cette question.
52:22 D'accord.
52:23 Sans faire fuir la personne en face.
52:24 Dans le cadre de France Travail, ça peut être pas mal.
52:25 Exactement.
52:26 Et on est justement en train de dialoguer avec Thibault Guilhuissure,
52:29 dans quelle mesure on peut expérimenter des choses dans le cadre de France Travail,
52:32 des expérimentations RSA.
52:33 Je crois que vous l'avez reçu.
52:35 C'est un invité régulier de Bismarck.
52:37 On travaille sur ça.
52:38 On travaille avec lui.
52:39 Développer massivement les initiatives qui existent.
52:41 Il y en a plein.
52:42 Sauf que personne ne veut financer de l'informel.
52:44 Donc une fois qu'on brise le tabou, est-ce qu'on peut financer les solutions qui fonctionnent ?
52:47 Notre solution fonctionne.
52:48 L'ADI a développé un programme tremplin.
52:50 Ils ont plus de 50% des gens qui se formalisent.
52:52 Donc il y a des solutions qui fonctionnent, il faut les financer.
52:55 Et puis il faut aussi générer des nouvelles initiatives avec une approche sectorielle.
52:59 Et puis troisièmement, il y a la question de la norme dans certains secteurs.
53:02 Pour certains publics.
53:03 Je prends un exemple.
53:04 Le demandeur d'asile n'a pas le droit de travailler pendant un certain nombre de mois.
53:07 Évidemment qu'il prépare un peu son coin.
53:10 Évidemment qu'il survit et qu'il développe une activité informelle.
53:12 Il a aussi certains statuts.
53:13 Margot, ce sujet-là, malheureusement, est...
53:17 Compliqué ?
53:22 Pourri.
53:23 Mais non, il est pourri par la politique.
53:25 Ce sujet des sans-papiers et du travail même, globalement, des immigrés récents est complètement...
53:34 Le demandeur d'asile a le droit d'être en France, mais il n'a pas le droit de travailler.
53:37 Son pragmatisme va le faire développer un petit business.
53:40 Bon, très bien.
53:42 Oui, donc en gros, il faudrait des subventions pour Archipel & Co.
53:46 Pour les solutions qui existent, et mieux qu'une subvention.
53:49 Nous, on parle d'investissement social.
53:51 Notre proposition, c'est de se dire "Et si on réinvestissait, ne serait-ce que 0,1% des recettes de la lutte contre la frause fiscale dans cet investissement social-là ?
53:58 Je pense qu'on pourrait adosser une évaluation économique, je pense qu'on y gagnerait beaucoup.
54:04 Donc pour nous, c'est un investissement social.
54:06 Ce ne sont pas des subventions pour notre structure.
54:07 En revanche, c'est aussi de mobiliser la puissance publique au niveau État et collectivité.
54:11 Et c'est quel chiffre d'affaires, votre jeune gars qui fait des sites web ?
54:15 Aujourd'hui, en moyenne, on est sur des personnes qui font entre 10 000 et 30 000 euros de chiffre d'affaires.
54:22 Et ça de plus, c'est parfois un complément de revenu pour des travailleurs publics.
54:26 30 000 euros de chiffre d'affaires, ça ne se fait pas en liquide ça, Margot ?
54:29 Non.
54:30 Donc il y a quand même à un moment aussi des donneurs d'ordre.
54:33 Non, mais on voit que pour le coup, vous avez beaucoup.
54:36 Je pense que c'est un vrai sujet dans quelle mesure les banques ou certains moyens de paiement comme Paypal,
54:40 qui sont assez utilisés, peuvent être un levier aussi pour détecter et pour encourager cet élan.
54:46 Une fois de plus, on ne parle pas de répression.
54:48 On a envie de générer l'envie justement de se mettre au carré.
54:51 Margot Philippe donc, qui nous accompagnait, directrice associée Archipel & Co.
54:57 Merci de nous avoir suivis à l'occasion de cette émission de Bismarck.
55:02 Demain, Aurélie Planek, c'est nous évidemment.
55:05 On se retrouve, alors non pas lundi d'ailleurs, mardi.
55:08 [Musique]

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