La drépanocytose est la maladie génétique la plus répandue en France, mais elle reste peu connue. Atteinte de cette pathologie depuis la naissance, Kely, aujourd’hui âgée de 28 ans, a dû apprendre à vivre avec. Elle nous raconte son quotidien et son combat contre la maladie.
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00:00 La stigmatisation autour de la drépanocytose, la réponse est aussi évidente qu'affligeante malheureusement.
00:06 C'est le racisme qui est encore beaucoup trop ancré.
00:11 Je m'appelle Kelly, j'ai 28 ans et aujourd'hui on va vous parler de la drépanocytose.
00:16 La drépanocytose c'est une maladie génétique héréditaire qui touche les globules rouges.
00:20 Pour vous faire une idée, les globules d'une personne en bonne santé vont être rondes
00:24 et les globules d'une personne drépanocytaire vont être en forme de fossiles,
00:28 en petits croissants de lune, ce qui va faire qu'ils vont avoir du mal à circuler dans les vaisseaux sanguins
00:34 et créer des sortes de bouchons.
00:36 Ça va s'amasser dans les vaisseaux.
00:39 Ça peut résulter en crise douloureuse pour le patient drépanocytaire.
00:42 J'ai été diagnostiquée à l'âge de 2 ans.
00:44 Mes parents ne savaient pas que j'avais la drépanocytose, donc j'ai eu ma première crise à 2 ans.
00:49 C'est au moment de mon hospitalisation qu'on a annoncé à ma mère que j'étais drépanocytaire.
00:52 Aujourd'hui on peut la prendre beaucoup plus tôt,
00:55 car le dépistage néonatal depuis janvier 2023 est devenu systématique et obligatoire pour tous les nouveaux-nés.
01:02 J'ai tendance à dire que la drépanocytose est une maladie que je trouve très hétérogène,
01:07 dans le sens où on ne va pas tous souffrir de la même chose.
01:11 Pour ma part, la drépanocytose se manifeste dans mon quotidien par le biais d'une anémie,
01:16 une grosse fatigue, des douleurs articulaires qui peuvent se déclencher de temps en temps.
01:20 Il y a aussi des symptômes qui sont nombreux et qui peuvent aussi être imprévisibles.
01:24 On a des symptômes comme des crises vaso-occlusives,
01:27 qui sont des crises douloureuses, qui sont extrêmement aigües et violentes pour les patients.
01:32 On a aussi un risque d'AVC plus élevé, des risques de nécrose des organes et d'autres tissus, comme par exemple les os.
01:38 La maladie dans ma vie pro ou dans ma vie perso a un impact énorme.
01:43 Elle va peser énormément dans toutes les décisions que je vais prendre,
01:46 bien que je ne la laisse pas forcément me définir, parce que c'est quelque chose que je m'interdis,
01:50 mais elle est quand même là, il faut quand même la prendre en compte et je ne peux pas l'ignorer.
01:54 Je n'ai pas toujours parlé de ma maladie aussi ouvertement que je le fais aujourd'hui.
01:59 J'ai eu beaucoup de mal à l'assumer, parce que quand on est plus jeune, quand on est adolescent,
02:02 on a envie d'être comme tout le monde, on a envie de se dire « bon, on n'est pas malade »,
02:05 on veut se mettre un petit peu en « danger ».
02:09 Dans ma vie pro, ça n'a pas toujours été rose.
02:10 Les employeurs ne comprenaient pas toujours, parce que quand on me regarde,
02:15 on ne peut pas s'imaginer que je suis atteinte d'une maladie grave
02:18 et que dans une heure, je pourrais très bien être pliée en quatre aux urgences.
02:22 Ils ont du mal à assimiler le fait que je puisse partir en arrêt maladie de courte ou de longue durée,
02:28 ou avoir des rendez-vous médicaux qui s'enchaînent.
02:31 Et c'est très compliqué.
02:32 Je le vis vraiment comme un handicap invisible,
02:34 mais aujourd'hui, je travaille dans une entreprise qui est à l'opposé de tout ce que j'ai pu rencontrer auparavant,
02:38 c'est-à-dire qui est très compréhensive, très safe et où je me sens parfaitement à l'aise.
02:43 Les remarques des obligentes, quand on est drépanocytaire, bien sûr, on en reçoit.
02:47 C'est très compliqué de faire comprendre aux gens qu'on est malade,
02:51 il y a des choses qu'on ne peut pas faire, il y a des moments où on ne sera pas là.
02:54 On va avoir des remarques comme par exemple, "bon, elle est toujours fatiguée, c'est une flemmarde",
03:00 ou ce genre de choses qui sont tout simplement horribles.
03:03 La stigmatisation autour de la drépanocytose, la réponse est aussi évidente qu'affligeante, malheureusement.
03:10 C'est le racisme qui est encore beaucoup trop ancré.
03:14 Aujourd'hui, j'ai la chance d'être suivie dans des centres de référence par des médecins
03:19 qui ont fait le choix de se spécialiser dans les maladies du sang et dans la drépanocytose,
03:23 mais ce n'a pas toujours été le cas.
03:24 J'ai aussi connu les hôpitaux de campagne où quand j'arrivais et que je disais que j'ai la drépanocytose,
03:30 c'était des échanges de regards interrogateurs, des yeux exorbités.
03:34 C'est aussi très dangereux pour les patients drépanocytaires, cette méconnaissance
03:38 et cette volonté de garder cette maladie méconnue tout simplement,
03:42 alors qu'elle ne l'est pas et qu'elle est très répandue en France.
03:45 On pense que la drépanocytose, ce n'est qu'une maladie de noir et c'est là où est l'erreur,
03:50 parce que ce n'est pas qu'une maladie de noir, c'est une maladie génétique
03:54 qu'on peut aussi trouver en Italie du Sud, en Sicile ou en Grèce, au bord du bassin de la Méditerranée.
04:00 Donc ce n'est pas qu'une maladie de noir, tout le monde est concerné par la drépanocytose.
04:03 Donc le syndrome méditerranéen, on en est beaucoup victime parce qu'on croit que les communautés noires
04:10 ont tendance à théâtraliser leur douleur, à exagérer leur douleur.
04:13 On peut être victime de ces préjugés-là et par exemple recevoir un traitement beaucoup moins important
04:20 ou des doses d'antidouleurs beaucoup moins importantes parce qu'on se dit "bon ben celle-là, elle fabule encore".
04:25 Alors les risques d'avoir un enfant drépanocytaire quand on l'est soi-même sont très élevés.
04:30 Tout va se jouer au niveau de notre conjoint, c'est pour ça qu'il est très très important de se faire dépister de la drépanocytose.
04:36 Quand je suis tombée enceinte il y a six ans, c'est vrai que c'était quelque chose qui m'a traversé l'esprit,
04:41 qui m'a même terrorisée.
04:42 J'ai connu la panique normale, classique de devenir maman,
04:46 mais j'ai aussi connu cette petite peur supplémentaire de me dire
04:50 "j'ai peur de mettre au monde un enfant comme moi, un enfant qui va souffrir".
04:54 Ça s'est très vite dissipé car mon conjoint s'est fait dépister et au final il n'avait pas de gêne de la drépanocytose.
05:01 La drépanocytose, on ne peut pas en guérir, mais par contre on peut la contenir, on peut essayer de la soulager.
05:09 Donc ça va être par le biais de molécules qui vont essayer d'espacer les crises douloureuses,
05:13 par de l'acide folique aussi, qui va nous permettre de générer plus facilement des globules rouges,
05:18 par la self-care, on va dire le soin de soi-même,
05:22 faire attention de ne pas se mettre dans des situations qui pourraient nous déclencher des crises.
05:26 Le don du sang c'est primordial pour les patients de la drépanocytose car ça fait partie de nos traitements.
05:30 Si c'est possible pour vous de donner votre sang, faites-le,
05:33 surtout les populations afro-caribéennes car c'est votre sang qui va être priorisé et utilisé pour les patients de drépanocytère.
05:40 [SILENCE]