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Cette conférence aborde la question des changements dans les extrêmes du cycle de l’eau : les changements ressentis par la société sont-ils réels, ou n’assistons-nous qu’à des variations « naturelles » d’un cycle de l’eau ? Quelles pourraient être les mesures d’adaptation possibles face à une intensification du cycle de l’eau ? quel rôle pour les barrages-réservoirs et quelles alternatives imaginer ?
Avec Vazken Andréassian, hydrologue, directeur de l'Unité de Recherche HYCAR (Hydrosystèmes Continentaux Anthropisés - Ressources, Risques, Restauration) à l'INRAE

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Transcription
00:00:00 [C'est quoi votre métier ?]
00:00:04 Bonjour à tous.
00:00:06 Je suis Vasquin Andréassian, je suis hydrologue,
00:00:11 je travaille à ENRAE.
00:00:13 On m'a proposé de vous parler des inondations et des sécheresses.
00:00:20 Avec ce titre, le cycle de l'eau bouleversée.
00:00:23 Vous remarquerez qu'il y a un point d'interrogation,
00:00:26 et je pense que le point d'interrogation est important.
00:00:30 D'une part,
00:00:31 puisque je vous parle, il faut que je vous dise d'où je vous parle
00:00:36 et sur quelle base.
00:00:37 Qui je suis ?
00:00:39 Je suis hydrologue.
00:00:40 J'ai étudié dans une école qui s'appelait l'école des eaux et forêts,
00:00:46 lorsqu'elle existait encore.
00:00:48 Je suis hydrologue depuis une trentaine d'années.
00:00:53 Je n'ai pas 30 ans.
00:00:57 Actuellement, je suis directeur d'une unité de recherche
00:01:00 en hydrologie et en écologie à ENRAE,
00:01:06 en banlieue parisienne, à Antony.
00:01:09 Dans mon unité de recherche, on a un ensemble de compétences.
00:01:15 J'ai des collègues tout à fait compétents.
00:01:18 Parmi ces compétences, nous avons développé,
00:01:22 depuis presque une trentaine d'années,
00:01:27 des modèles de prévision des crues.
00:01:29 Nous avons un modèle de prévision des crues
00:01:31 que nous fournissons au service de l'État
00:01:33 pour faire la prévision des crues sur les rivières de France.
00:01:37 Nous avons également un système de prévision des basseaux, des étiages.
00:01:41 Tout ça me permet d'être au cœur
00:01:46 d'une activité de recherche intense dans une unité de recherche
00:01:52 qui me permet de vous parler de choses
00:01:55 et de m'appuyer sur mes collègues et sur les connaissances qu'ils apportent.
00:02:00 C'est bien utile de pouvoir s'appuyer sur ses collègues.
00:02:04 Une dernière chose que je voulais préciser.
00:02:08 Je pense que c'est important, lorsqu'on parle d'un sujet qui peut être polémique,
00:02:13 il n'a pas nécessairement besoin d'être polémique,
00:02:15 mais on n'est pas tous d'accord,
00:02:17 notamment lorsqu'on parle d'adaptation,
00:02:19 on n'est pas tous d'accord sur les moyens de l'adaptation.
00:02:21 Je pense qu'il faut que je précise les conflits d'intérêt.
00:02:25 Je tiens à préciser que je ne possède pas d'entreprise de génie civil,
00:02:32 je ne possède pas d'action de producteur de béton.
00:02:37 C'est important, car à la fin, je vous parle de barrages
00:02:41 comme une solution possible.
00:02:43 Enfin, je précise que Inraès est un grand établissement public.
00:02:50 C'est le nouveau nom de l'Inra,
00:02:53 qui était l'Institut national de recherche agronomique
00:02:55 et qui a étendu sa gamme de recherches en absorbant IRSTEA il y a quelques années.
00:03:02 Je suis tout à fait apprécié de ma hiérarchie,
00:03:09 mais je ne porte pas leur message.
00:03:13 Ce que je dis, c'est essentiellement ma vision des choses.
00:03:17 Ce que je vous présente, c'est ma vision des choses,
00:03:19 et non pas une vision qui m'a été donnée.
00:03:22 Je n'ai pas reçu de lettres du ministre
00:03:24 me demandant de vous dire quelque chose ou une autre.
00:03:28 Ce point d'interrogation, pourquoi est-ce que j'y tenais ?
00:03:35 C'est parce qu'on perçoit tous des changements.
00:03:41 Le "on" est aussi sujet à discussion.
00:03:46 "On", c'est vous, c'est moi.
00:03:48 Certains dans cette salle ne les voient pas,
00:03:52 certains en voient peut-être plus que d'autres.
00:03:56 C'est surtout dans les extrêmes que les changements sont importants
00:04:04 et sont impressionnants pour nous en tant qu'êtres humains.
00:04:07 C'est pour ça que les bouleversements, ces changements,
00:04:13 on les interprète très souvent comme une intensification du cycle de l'eau.
00:04:18 Bien sûr, il y a des changements réels
00:04:23 que l'on pourrait objectiver avec des mesures, avec des chiffres.
00:04:28 Il y a des changements qui sont ressentis
00:04:31 et qui ne sont pas toujours objectifs.
00:04:34 Et puis, il y a une variabilité naturelle.
00:04:38 Bien sûr, vous êtes sans doute venus, pour beaucoup d'entre vous,
00:04:42 voir cette exposition.
00:04:44 Je ne l'ai pas encore vue.
00:04:46 Je pense que vous êtes tous conscients des changements en cours.
00:04:50 La variabilité naturelle des événements climatiques
00:04:55 et des événements hydrologiques, de ces crues et de ces sécheresses,
00:04:58 vous n'y êtes peut-être pas sensibles.
00:05:02 Moi, comme je travaille, effectivement, j'y suis très sensible.
00:05:06 Si vous me demandez la liste des grandes sécheresses ou des grandes crues
00:05:11 sur un bassin versant, si je le connais un peu,
00:05:14 je peux vous donner cette liste.
00:05:17 Quand on parle de sécheresses,
00:05:20 de la même façon, les gens d'un certain âge,
00:05:24 ils aiment citer l'année 1976.
00:05:29 Et puis, les plus jeunes ne se souviennent pas de 1976.
00:05:34 Voilà.
00:05:36 On n'est pas tous égaux devant cette sensibilité au climat et à ses variations.
00:05:42 À la fin de cette présentation, avant de discuter,
00:05:50 je vous parlerai d'une vision des mesures d'adaptation.
00:05:54 Et surtout, ce qui sera intéressant sera de discuter du coût.
00:05:59 Et pas seulement du coût en euros.
00:06:01 En fait, toute mesure a un coût.
00:06:04 Mais ce qui me semble intéressant, c'est de préciser que la non-action a un coût.
00:06:11 Il s'agit de peser le pour et le contre
00:06:15 à chaque fois qu'on veut faire quelque chose ou qu'on veut ne rien faire.
00:06:19 Alors, je pense que ce n'est pas un secret.
00:06:25 Si, début 2023, on commence une présentation comme celle-ci,
00:06:35 c'est forcément que l'année 2022 y est pour quelque chose.
00:06:41 Alors, l'année 2022, vous l'avez vécue, tous.
00:06:48 Et vous l'avez vécue, comment ?
00:06:53 Chaudement ? Sèchement ?
00:06:57 Et pourtant, elle a commencé de façon tout à fait humide.
00:07:02 En fait, l'année 2022, pour nous, les hydrologues,
00:07:05 a surtout commencé par une crue très importante de la Garonne et de la Dour.
00:07:09 Donc, ce sont deux rivières du sud-ouest de la France.
00:07:17 Et donc, la Dour, à Tarbes, a une crue qu'on qualifie de 50 nales.
00:07:23 C'est un événement déjà rare,
00:07:25 auquel on attribuerait une probabilité de 1 sur 50.
00:07:30 La Garonne, à sa confluence avec la Riège, a porté sur Garonne
00:07:34 la crue qui a été mesurée de façon très objective.
00:07:41 C'était la quatrième plus forte crue depuis 1910,
00:07:44 donc depuis plus de 110 ans.
00:07:47 Voilà.
00:07:48 Donc, c'est comme ça qu'a commencé l'année 2022 pour nous.
00:07:52 Bien évidemment, ça me permet de vous dire que,
00:07:58 même si je vais beaucoup vous parler de sécheresse,
00:08:01 et je pense que vous attendez à ce qu'on vous parle de sécheresse,
00:08:04 mais une hirondelle ne fait pas le printemps.
00:08:08 Une année sèche ne signifie pas que les crues et les inondations
00:08:14 sont finies pour toujours.
00:08:16 Le risque d'inondation en France, c'est un risque qui est réellement important,
00:08:20 qui concerne une commune sur trois.
00:08:23 On pense que c'est de l'ordre de 18 millions de personnes.
00:08:27 C'est un risque qui est extrêmement important
00:08:30 et qui n'est pas effacé par le changement climatique en cours,
00:08:36 et je dirais même bien au contraire.
00:08:41 Les événements les plus importants de crues de ces dernières années,
00:08:46 on peut les estimer en termes de valeur, de dégâts assurés,
00:08:52 ou bien on peut bien sûr les illustrer en termes de nombre de victimes.
00:08:59 Mais l'événement de crues qui était le plus coûteux pour les assurances,
00:09:06 il est récent, vous l'avez tous vécu, vous n'en souvenez peut-être pas,
00:09:12 c'est un événement de fin mai, début juin 2016,
00:09:16 dans le bassin de la Seine, avec un de ses affluents,
00:09:21 qui pourtant en général est tout à fait tranquille et docile, le loin.
00:09:26 Il y a eu plus d'un milliard de coûts pour les assurances.
00:09:33 Je vous reparlerai tout à l'heure des assurances,
00:09:36 parce qu'on peut aimer les assurances, ne pas les aimer,
00:09:40 mais en tout cas c'est bien pratique lorsqu'on a une catastrophe naturelle.
00:09:43 Le changement climatique en cours et ses effets sur les crues,
00:09:49 va avoir un effet tout à fait bouleversant pour le fonctionnement des assurances,
00:09:58 notamment pour les catastrophes naturelles.
00:10:00 Maintenant, je vous laisse tranquille avec les inondations pour un moment,
00:10:09 et puis je voudrais reprendre le cours de la sécheresse.
00:10:13 Le cours de la sécheresse en 2022, on peut l'illustrer comme ça,
00:10:17 avec la chronologie des arrêtées sécheresse.
00:10:20 Le 1er juillet, la France commençait à être jaune et orange,
00:10:26 et puis tous les dix jours, la couleur rouge est devenue plus présente,
00:10:32 et on a fini fin août avec une France qui était quasiment toute rouge.
00:10:38 Ça, il n'y a pas de secret, c'était lié au manque de pluie,
00:10:44 à la sécheresse, objectif, à un manque de pluie qui est cumulé,
00:10:49 parce qu'il ne faut pas une journée sans pluie pour qu'il y ait un état de sécheresse.
00:10:55 Les sols, les nappes souterraines, les rivières,
00:11:00 elles ont tous des moyens de stocker de l'eau.
00:11:02 C'est vraiment lorsqu'on a épuisé toutes ces réserves qu'on est en état de sécheresse.
00:11:12 Cette sécheresse, on a eu la carte la plus rouge depuis l'invention de cette carte.
00:11:19 Par contre, elle n'est pas très ancienne, cette carte des arrêtées sécheresse,
00:11:23 donc on n'a pas un énorme recul.
00:11:25 Il y a également une petite dimension politique.
00:11:29 Les arrêtées sécheresse, c'est la sécheresse vue par les préfectures.
00:11:34 Ça vaut le coup de comparer quand même aux années passées.
00:11:39 Si je compare à peu près à la même date, c'était autour du fin septembre, début octobre,
00:11:48 les cartes similaires, vous voyez que l'année 2022 était particulière.
00:11:57 Mais les sécheresses et les arrêtées de restriction d'utilisation de l'eau,
00:12:05 parce que c'est bien de ça dont il s'agit lorsqu'on a un arrêté préfectoral,
00:12:10 existent depuis plusieurs années.
00:12:15 J'imagine que vous vous souvenez, suivant l'endroit d'où vous venez ou pas,
00:12:21 d'autres événements.
00:12:25 Les plus anciens se souviennent, moi compris, de l'année 1976.
00:12:34 En année 1967, cette carte n'existait pas.
00:12:37 Je reconnais que celle-là n'est pas très lisible.
00:12:41 Mais ici...
00:12:44 Est-ce que cela fonctionne ?
00:12:46 Non, parce que je n'appuie pas au bon endroit.
00:12:50 Ici, c'est une carte qui représente,
00:12:53 pour une sélection de rivières françaises sur lesquelles on a des mesures,
00:12:58 l'état du débit par rapport à ce qu'on devrait avoir en moyenne à la même période.
00:13:06 Il s'agit d'une carte qui a été réalisée pour la fin du mois de juillet.
00:13:11 On voit bien qu'en 1976, comme en 2022, la carte est rouge.
00:13:19 On a des sécheresses.
00:13:20 En 2022, vous vous en souvenez.
00:13:22 En 1976, pour ceux qui n'y étaient pas,
00:13:25 croyez-nous, la France était bien sèche.
00:13:28 À la fin, cette carte compare les deux cartes, la sécheresse 1976 et 2022,
00:13:35 et elle montre que finalement,
00:13:39 les deux sécheresses étaient un peu différentes dans leur amplitude spatiale.
00:13:46 En 2022, on a eu une sécheresse qui a été plus étendue et plus accentuée,
00:13:53 notamment dans le sud-est.
00:13:56 Mais la sécheresse 2022, par rapport à celle de 1976,
00:14:01 était moins forte dans le nord-ouest.
00:14:04 Les sécheresses, pourquoi je vous ai montré tout cela ?
00:14:10 Ce n'est pas pour vous montrer qu'à Inrae, on sait faire des cartes.
00:14:15 C'est pour vous montrer que les événements,
00:14:18 il faut les remettre dans leur contexte climatique.
00:14:22 Dès lors qu'on s'intéresse à des événements extrêmes,
00:14:25 il faut faire appel à un temps plus long.
00:14:28 Ce n'est pas très long, je ne vous ai pas parlé de la sécheresse de 1921.
00:14:34 L'idée, c'était de vous montrer que ces événements,
00:14:40 que nous avons tendance à juger à l'aune des changements climatiques en cours,
00:14:48 on voit tous derrière la sécheresse 2022 le monstre du changement climatique.
00:14:55 Mais en 1976, alors un puriste pourrait présenter l'objection
00:15:03 qu'en 1976 les changements climatiques étaient sans doute déjà à l'œuvre,
00:15:08 mais alors qu'ils n'étaient pas du tout aussi accentués,
00:15:12 on avait déjà la possibilité, de façon naturelle,
00:15:18 d'avoir des événements extrêmes concernant toute la France
00:15:21 et des événements de sécheresse.
00:15:24 J'ai reçu l'aide d'un collègue du CNRS pour vous présenter cette carte,
00:15:34 qui vous présente l'état de l'année 2022 sous l'angle de la Haute-Montagne.
00:15:43 La Haute-Montagne, c'est particulier, elle stocke également de l'eau,
00:15:48 elle la stocke sous forme neigeuse.
00:15:50 Ici, vous voyez que l'année 2022, dans les Pyrénées, était pas mal du tout.
00:15:57 Ces graphiques représentent la ligne rouge,
00:16:00 c'est la quantité de neige en fonction du temps.
00:16:05 Vous voyez que l'accumulation commence vers novembre
00:16:08 et s'achève fin mai, début juin.
00:16:12 Et puis l'espace grisé représente ce qui se passe 8 années sur 10.
00:16:22 On voit bien qu'ici, dans les Pyrénées,
00:16:26 on avait des stocks de neige qui étaient plutôt importants pour la saison.
00:16:32 On remarque d'ailleurs qu'il y a eu un pic fin décembre, début janvier,
00:16:39 qui est bien descendu,
00:16:41 parce que cette fameuse crue de la Garonne et de la Dour
00:16:44 était liée à un redout qui s'est accompagné de pluies assez intenses
00:16:49 sur le manteau neigeux.
00:16:51 On voit le manteau neigeux qui est descendu d'un coup
00:16:54 et l'eau qui manque ici s'est retrouvée dans la Garonne et dans la Dour.
00:17:02 Mais en ce qui concerne le cycle de l'eau en montagne,
00:17:06 le cycle de l'accumulation nivale en montagne,
00:17:09 dans les Pyrénées, on avait quelque chose d'assez similaire à une année,
00:17:13 d'assez usuel.
00:17:15 Par contre, dans les Alpes du Sud,
00:17:20 on était à des niveaux extrêmement bas.
00:17:24 Ce manque de neige a également accentué le phénomène de sécheresse
00:17:36 pour toutes les rivières qui sont alimentées par cette fonte de neige
00:17:40 dans les Alpes.
00:17:46 Maintenant, puisqu'on a déjà parlé du changement climatique
00:17:52 et puisqu'il faut toujours se méfier de...
00:17:58 Comment dire ?
00:18:01 Puisque c'est une question qui revient
00:18:04 et que je ne voudrais pas que vous pensiez
00:18:06 que je suis éventuellement un horrible climato-sceptique,
00:18:10 je voulais vous parler de ces bouleversements possibles du climat.
00:18:15 Vous êtes sans doute maintenant très bien informés.
00:18:18 Ce que je vais vous présenter va vous sembler tout à fait naturel.
00:18:23 Les fameux scénarios d'évolution du CO2 atmosphérique
00:18:27 qui servent à alimenter les modèles climatiques du GIEC,
00:18:31 vous les connaissez.
00:18:34 Le scénario qu'on aimerait viser,
00:18:41 celui qui permettrait de limiter l'élévation de la température du globe
00:18:46 en dessous de 2 degrés en 2100, c'est ce scénario rouge.
00:18:50 Malheureusement, pour l'instant,
00:18:52 on ne suit pas du tout ce scénario en termes de concentration du CO2.
00:18:57 Le scénario d'I4.5 engendrerait, à l'échelle du globe,
00:19:09 une élévation de la température entre 2 et 3 degrés en 2100.
00:19:14 Les scénarios qui sont actuellement les plus plausibles,
00:19:17 ce sont des scénarios qui sont bien plus élevés
00:19:20 en termes de concentration en CO2 dans l'atmosphère.
00:19:25 Ils mèneraient, en 2100, à des températures globales
00:19:32 qui seraient entre 3 et 4 degrés, voire plus, à l'échelle globale.
00:19:38 Le scénario du pire, j'en reparlerai tout à l'heure,
00:19:44 c'est celui qui porte ce doux nom de RCP 8.5.
00:19:49 Il nous sert beaucoup à faire des études, des simulations
00:19:54 de l'impact du changement climatique sur les ressources en eau,
00:20:00 sur le régime et les débits des rivières.
00:20:07 Là, il s'agit de projections.
00:20:09 Pour ce qui est des projections,
00:20:11 on peut toujours remettre en cause la qualité des modèles.
00:20:16 Les modèles sont de toute façon des constructions mathématiques,
00:20:22 algorithmiques, des représentations du fonctionnement physique de l'atmosphère.
00:20:27 Aucun d'eux n'est parfait.
00:20:31 D'ailleurs, il n'y en a pas qu'un, il y a un ensemble de modèles.
00:20:34 Par contre, il y a quelque chose qui est absolument incontestable,
00:20:40 et c'est extrêmement facile à mesurer,
00:20:42 parce que la température, c'est quelque chose qu'on mesure avec facilité,
00:20:48 de tout à fait reproductible.
00:20:51 On est d'ailleurs très nombreux à le faire chez soi,
00:20:54 sur le bord de sa fenêtre, etc.
00:20:56 L'évolution des températures en France depuis 1900,
00:21:00 donc Météo France a produit une température de la France depuis 1900,
00:21:05 et là, il ne s'agit pas de modèle, il s'agit de mesure,
00:21:09 avec un être humain qui a été relevé et marqué au minimum deux fois par jour
00:21:15 la température de la journée.
00:21:19 Lorsqu'on regarde ça, on voit à l'évidence
00:21:25 que la température de la France augmente.
00:21:29 Bon, il n'y a pas besoin...
00:21:31 Ici, il s'agit de l'anomalie, donc l'écart à la moyenne,
00:21:34 et on voit bien que depuis les années 1990,
00:21:38 on n'a plus que des années excédentaires par rapport à la moyenne.
00:21:42 Même pour ceux les plus prudents d'entre vous,
00:21:51 je ne sais pas si vous êtes beaucoup à être prudents,
00:21:55 et je ne veux pas être alarmiste non plus,
00:21:58 mais même pour ceux les plus prudents d'entre vous
00:22:01 qui regarderaient la science de la modélisation avec circonspection,
00:22:07 il y a quand même des éléments extrêmement tangibles
00:22:11 qui nous font penser que l'atmosphère se réchauffe.
00:22:15 Par contre, c'est effectivement quelque chose d'important, ce réchauffement,
00:22:22 mais ce n'est pas quelque chose qui, en ce qui nous concerne,
00:22:26 nous, les hydrologues, nous intéressons au débit des rivières,
00:22:30 au niveau des réservoirs, dans les lacs, dans les nappes souterraines,
00:22:34 ce n'est pas quelque chose qui est essentiel, qui est du premier ordre.
00:22:39 Ça a un rôle.
00:22:41 Plus la température est élevée,
00:22:43 plus la demande évaporatoire de l'atmosphère est importante,
00:22:48 plus l'évaporation des plantes est importante.
00:22:51 On est tous d'accord avec ça.
00:22:53 Mais ce qui conditionne la quantité d'eau disponible,
00:22:59 la quantité d'eau qui s'écoule dans les rivières et les nappes souterraines,
00:23:03 ce sont les précipitations.
00:23:05 Ce qu'il nous faut, c'est plus que la température,
00:23:08 il nous faut les précipitations.
00:23:10 Sur ce graphique, je vous montrerai,
00:23:12 pour un exemple pris quasiment au hasard, la Mayenne.
00:23:17 Ici, chaque point représente une année.
00:23:21 Comment l'écoulement mesuré dans la Mayenne à Chambelay
00:23:24 évoluait en fonction des précipitations ?
00:23:28 Vous avez une belle tendance, un nuage bien resserré.
00:23:32 La tendance n'est pas complètement linéaire,
00:23:36 mais sur le petit nombre d'années que j'avais de disponibles,
00:23:41 elle est linéaire.
00:23:43 Par contre, pour ce qui est de la température,
00:23:46 j'ai plutôt une grosse patate à vous montrer.
00:23:49 Si j'avais mis une droite descendante,
00:23:53 vous auriez peut-être eu l'impression qu'il y a une tendance.
00:23:56 Il y a sans doute un rôle de la température.
00:24:00 Ici, ce n'est pas la température,
00:24:02 c'est une dérivée de la température qu'on appelle évapotranspiration potentielle.
00:24:06 Les agronomes et les hydrologues aiment beaucoup ça.
00:24:11 Ça permet d'exprimer la température en millimètres d'évaporation possible.
00:24:17 Cette tendance est plus faible,
00:24:24 elle est moins claire.
00:24:28 Ce qu'il me faut pour vous parler de l'impact
00:24:33 que peuvent avoir les changements climatiques sur les sécheresses,
00:24:38 c'est des données sur les précipitations.
00:24:42 Ces données, les modèles climatiques nous les proposent.
00:24:49 Il y a beaucoup de modèles climatiques,
00:24:52 ils ne montrent pas tous la même chose.
00:24:54 Mais ils sont, pour l'essentiel, relativement d'accord sur deux choses.
00:24:59 À l'horizon 2100,
00:25:02 et à nouveau, il faut que je le précise,
00:25:06 c'est pour la pire des situations.
00:25:09 Pourquoi j'ai pris la pire des situations ?
00:25:11 Ce n'est pas parce que j'aime vous asséner des choses anxiogènes,
00:25:17 c'est parce que c'est essentiellement, d'une part,
00:25:21 une des plus probables actuellement,
00:25:23 et c'est aussi celle où on voit le plus de contrastes.
00:25:27 C'est quand même plus simple de regarder des choses contrastées
00:25:30 que de regarder des choses en couleur pastel sans arrêt.
00:25:34 Qu'est-ce que nous disent les modèles climatiques
00:25:38 sur le facteur qui m'intéresse, la précipitation,
00:25:43 et qui nous intéresse, si on s'intéresse aux ressources en eau et aux crues ?
00:25:48 Ces modèles climatiques nous disent,
00:25:51 je vous présente une carte à l'échelle de l'Europe,
00:25:55 que la France est au milieu d'une zone
00:26:03 où en hiver, on devrait avoir nettement moins de pluie.
00:26:07 Cette couleur ici,
00:26:10 le sud de la Méditerranée.
00:26:16 Tous les modèles sont d'accord pour prévoir une Méditerranée qui s'assèche.
00:26:24 Tous les modèles sont d'accord pour prévoir un nord de l'Europe,
00:26:29 une Scandinavie notamment,
00:26:32 et puis le nord de la Sibérie qui va être plus humide,
00:26:37 notamment en hiver.
00:26:39 Les îles britanniques aussi.
00:26:41 Entre les deux, il y a la France.
00:26:44 On ne sait pas vraiment ce qui va se passer.
00:26:48 Il se pourrait bien qu'il ne se passe rien.
00:26:52 Ce qu'il faut savoir, c'est que ce sont des résultats de modèles
00:26:56 et que la limite, ce n'est pas la Loire qui coule,
00:27:02 ça ne suit pas la Loire.
00:27:04 C'est quelque chose qui n'est pas extrêmement bien défini.
00:27:10 La précision des modèles n'est pas de l'ordre du kilomètre,
00:27:14 mais plutôt de l'ordre de quelques centaines de kilomètres.
00:27:17 Cette limite-là, on pourrait avoir toute la France
00:27:21 dans la zone brune ou toute la France dans la zone plutôt bleue.
00:27:28 Ça, c'est ce qui concerne l'hiver.
00:27:30 En hiver, la réponse à ma question,
00:27:35 "Que va-t-il se passer pour les précipitations ?"
00:27:39 c'est "Peut-être bien qu'il va pleuvoir plus,
00:27:42 "peut-être bien qu'il va pleuvoir moins,
00:27:44 "mais ça n'empêche que la scénario le plus probable,
00:27:49 "c'est qu'il pleuve moins dans le sud de la France,
00:27:52 "plus dans le nord de la France."
00:27:54 Par contre, en été, ce qui semble très clair,
00:27:57 c'est que toute l'Europe va être à un régime
00:28:01 qui devrait être bien plus sec.
00:28:04 Il faut aller chercher le nord de la Scandinavie,
00:28:08 de la Norvège et de la Suède, pour avoir des couleurs bleues.
00:28:14 On va vers des régimes de précipitations plus contrastés.
00:28:20 À ces régimes de précipitations plus contrastés
00:28:23 vont être associés, très certainement,
00:28:26 des régimes d'écoulement des rivières plus contrastés.
00:28:31 Les pouvoirs publics, dans leur grande sagesse,
00:28:38 ont lancé des programmes de recherche depuis assez longtemps
00:28:43 pour essayer de se projeter et d'avoir une évaluation quantitative
00:28:47 de l'impact de ces changements.
00:28:50 Le premier projet qui a été national s'est achevé dans les années 2010.
00:28:56 Il portait le nom de code Explore 2070.
00:29:00 Il cherchait à explorer l'avenir des ressources en eau en 2070.
00:29:06 Actuellement, avec des simulations plus récentes du GIEC,
00:29:13 le ministère de la Transition écologique et solidaire
00:29:24 a lancé un autre programme de recherche,
00:29:27 qui est sur le point de se finir.
00:29:30 Les résultats vont sortir en fin 2023.
00:29:34 J'avais le choix entre vous présenter les résultats d'il y a une quinzaine d'années
00:29:42 ou d'aller quémander à mes collègues des résultats en avant-première.
00:29:50 J'ai été leur demander, comme mes collègues participent à ce projet,
00:29:56 et j'ai sorti des cartes.
00:29:59 Par contre, il y a une mention en bas qui dit que les résultats sont provisoires.
00:30:07 Quand vous avez des programmes de recherche,
00:30:09 les gens n'aiment pas qu'on publie les résultats avant la date limite,
00:30:16 avant que le consensus n'ait été atteint.
00:30:19 Les résultats que je vous présente ne concernent pas l'ensemble de ce projet.
00:30:23 Ils concernent les simulations de mon unité de recherche, AINRAE,
00:30:31 avec le modèle hydrologique qui a été produit par mon unité de recherche.
00:30:36 C'est une vision.
00:30:37 Mais si j'ai mis "résultats provisoires",
00:30:40 ce n'est pas parce que je ne crois pas à la validité de ces recherches.
00:30:43 Au contraire, j'ai tendance à croire plus à ce que mes collègues proches disent
00:30:49 que à ce que mes collègues plus lointains disent,
00:30:54 tout simplement parce que je les connais mieux.
00:30:56 Je pense que ces cartes représentent bien l'avenir des possibles.
00:31:05 Commençons par regarder les moyennes.
00:31:09 C'est toujours plus lisse, plus doux comme évaluation.
00:31:13 Ici, il y a trois colonnes correspondant à trois scénarios.
00:31:18 Le scénario qu'on appelle tous de nos voeux et qui ne se produira probablement jamais,
00:31:25 cette stabilisation des teneurs en CO2 atmosphérique.
00:31:34 Ensuite, une vision plutôt optimiste et pessimiste
00:31:42 du comportement des êtres humains et de l'impact de ce comportement
00:31:49 sur les teneurs en CO2 de la planète.
00:31:53 C'est pour les trois colonnes.
00:31:56 Je vous propose de regarder la troisième colonne, la plus pessimiste.
00:32:02 Pour ce qui est des lignes, la première ligne, c'est le futur proche.
00:32:08 La deuxième ligne, c'est le futur lointain, vers les 2070-2100.
00:32:13 Qu'est-ce qu'on voit ?
00:32:15 On voit que la gamme de couleurs est assez intuitive.
00:32:20 Le blanc dit que ça ne change pas beaucoup par rapport à la situation actuelle,
00:32:24 qui nous sert de situation de référence.
00:32:28 C'est 2020 qui nous sert de référence.
00:32:33 Quand c'est en bleu vert, on devrait avoir plus d'écoulement dans les rivières.
00:32:41 Quand c'est en brun, on devrait avoir moins d'écoulement.
00:32:45 Qu'est-ce qu'on voit ?
00:32:47 Si on regarde tout de suite, pour aller droit au but, cette case en bas,
00:32:52 si l'évolution des teneurs en CO2 se poursuit sur le même rythme qu'actuellement,
00:33:00 et si on regarde de loin, on devrait avoir une France coupée en deux,
00:33:06 avec un nord où on aurait plutôt une augmentation des écoulements,
00:33:12 et un sud où on aurait plutôt une diminution des écoulements,
00:33:17 et puis une diminution très forte dans le bassin de la Garonne,
00:33:22 dans le bassin de la Dour, et également dans le sud-est de la France.
00:33:27 Ça ressemble assez à la carte qu'on regardait à l'instant.
00:33:34 C'est à peu près...
00:33:36 D'ailleurs, ce sont les mêmes modèles climatiques qui ont forcé nos modèles hydrologiques.
00:33:43 Voilà comment on a traduit cette carte.
00:33:47 Chaque point, c'est une simulation pour une rivière de France.
00:33:52 Ça, c'est pour les moyennes.
00:33:54 Les moyennes, vous savez tous qu'elles cachent énormément de choses.
00:34:00 Si je regarde les basses eaux, les étiages des rivières,
00:34:06 c'est un indice d'étiage très utilisé par les hydrologues.
00:34:11 Ce serait trop long de vous expliquer exactement ce qu'il signifie,
00:34:21 mais c'est un indice qui traduit l'intensité des étiages.
00:34:24 On voit que la France devient vraiment toute brune.
00:34:31 Brune de façon...
00:34:34 C'est très clair, c'est généralisé et c'est plutôt foncé.
00:34:38 Ça veut dire que les étiages, à la fin du siècle, seront nettement plus bas.
00:34:46 On aura donc beaucoup plus de rivières à sec, beaucoup moins d'eau dans les rivières,
00:34:51 à la fin du siècle qu'actuellement.
00:34:55 Il y a une petite exception.
00:34:57 Ça, c'est pour les spécialistes de la montagne, qui concerne les Alpes.
00:35:02 En montagne, la période de basses eaux, en haute montagne notamment,
00:35:12 se situe en hiver, car c'est le moment où toutes les précipitations sont stockées sous forme de neige.
00:35:19 Là, comme on aura certainement moins de neige,
00:35:23 vu les températures, leur augmentation,
00:35:27 on aura des manteaux neigeux qui seront beaucoup plus éphémères,
00:35:31 beaucoup moins stables, donc on devrait avoir moins de sécheresse d'hiver.
00:35:39 Pour finir, les hautes eaux.
00:35:42 Les hautes eaux, ici, c'est un indice de crues.
00:35:47 Pour décrire les débits maxima qui peuvent être atteints une fois tous les dix ans,
00:35:56 vous voyez que la France devient toute bleue.
00:36:00 On devrait avoir, à l'horizon 2100, des débits de crues plus élevés
00:36:07 et presque partout, sauf ici, dans le sud-ouest,
00:36:15 où la baisse des précipitations devrait être telle
00:36:21 que même les crues vont être atténuées et atteintes par cette baisse de précipitation.
00:36:28 Voilà ce que donnent, en avant-première, les résultats provisoires de cette nouvelle évaluation
00:36:35 de l'impact du changement climatique sur les rivières.
00:36:40 Le cycle de l'eau ne sera pas, à proprement parler, bouleversé.
00:36:47 On n'aura pas de sécheresse en hiver et des crues en été,
00:36:51 mais il est tout à fait probable qu'ils deviennent plus saisonniers,
00:36:55 sauf en montagne, comme on l'a dit, qu'ils s'intensifient.
00:37:02 Voilà l'image que je peux vous livrer.
00:37:05 La question qui se pose, c'est peut-on trouver des solutions ?
00:37:09 C'est là que mon objectivité scientifique s'arrête.
00:37:18 Puisqu'il s'agit de proposer des solutions,
00:37:21 il y a forcément une place à l'interprétation.
00:37:27 Maintenant, je vous livre mon interprétation.
00:37:33 Je vous la livre en me disant que c'est la mienne, qu'elle est contestable.
00:37:39 Certains de mes collègues sont d'accord avec moi, d'autres ne le sont pas.
00:37:45 Tout à l'heure, je serai très intéressé de savoir si vous êtes d'accord ou pas.
00:37:50 J'ai commencé par traiter de l'agglomération parisienne.
00:37:55 Je vous poserai bien la question...
00:37:59 J'imagine qu'un bon nombre d'entre vous êtes parisiens.
00:38:04 Est-ce que vous avez ressenti la sécheresse 2022 à Paris ?
00:38:10 Vous a-t-on coupé l'eau ?
00:38:14 La Seine s'est-elle arrêtée de couler ?
00:38:17 Les péniches de touristes ont-elles raclé le fond de la Seine ?
00:38:23 Non.
00:38:25 La Seine est passée à travers la sécheresse 2022
00:38:31 de façon tout à fait simple et facile.
00:38:38 À l'amont du bassin de la Seine,
00:38:41 sur la Seine elle-même et trois de ses affluents,
00:38:46 Lyon, La Marne et l'Aube,
00:38:48 il y a des barrages réservoirs qui stockent de l'eau.
00:38:52 Vous ne les connaissez peut-être pas, car ils sont assez loin.
00:38:56 Ils sont loin pour une raison géologique.
00:38:59 Pour les trois plus grands, ils sont sur les argiles du Gau.
00:39:03 Ils sont dans la Champagne humide.
00:39:06 Pour des raisons géologiques,
00:39:09 pourquoi mettre un barrage réservoir sur une argile ?
00:39:13 C'est pour que l'eau ne s'infiltre pas immédiatement.
00:39:18 Il y a un contexte géologique bien propre au bassin de la Seine,
00:39:23 au bassin parisien,
00:39:25 qui fait qu'on ne pouvait mettre raisonnablement
00:39:30 de barrages réservoirs qu'à cet endroit.
00:39:34 Ces barrages réservoirs,
00:39:37 il y en a trois qui sont sur La Marne, la Seine et l'Aube,
00:39:41 qui sont en dérivation.
00:39:43 En dérivation, ça veut dire qu'ils ne sont pas directement sur la rivière.
00:39:48 Je sais que mes collègues n'aiment pas quand je dis ça,
00:39:53 mais en fait, ce sont des sortes de bassines
00:39:58 qui sont posées dans des endroits où il y a relativement peu de relief,
00:40:04 car il n'y a pas énormément de relief sur ces terrains argileux,
00:40:08 avec des digues latérales relativement nombreuses.
00:40:12 Et puis, il y a un canal qui prélève de l'eau.
00:40:15 Dans La Marne, par exemple, il y a un canal qui la restitue.
00:40:18 Ici, j'ai été prendre la courbe de remplissage du barrage réservoir Seine.
00:40:33 C'est la courbe de remplissage qui date d'hier.
00:40:39 C'est pour vous montrer comment ces réserves,
00:40:44 ces immenses réservoirs sont remplis.
00:40:48 Ils sont remplis en cherchant à suivre une courbe
00:40:54 qui est définie de façon très sérieuse par un arrêté tout à fait préfectoral.
00:40:58 C'est cette courbe qui est en noir pointillé.
00:41:01 En bleu, c'est la courbe telle qu'elle a été respectée.
00:41:06 Vous voyez qu'hier, on était au bout, là,
00:41:12 là où la ligne bleue s'arrête.
00:41:14 Sur l'axe des x, vous avez le temps qui passe.
00:41:20 Et sur l'axe des y, vous avez le volume du barrage
00:41:27 qui vous donne la quantité d'eau stockée dans le barrage.
00:41:31 On voit bien que c'est un ouvrage
00:41:37 qui est construit pour être quasiment vide en début d'hiver,
00:41:42 donc début décembre.
00:41:44 J'appuie toujours sur le mauvais bouton.
00:41:47 Quasiment vide en début décembre
00:41:50 et quasiment plein, si ce n'est pour cette tranche dite exceptionnelle,
00:41:55 en début d'été.
00:41:57 Au 30 juin, il est prévu qu'il soit plein.
00:42:00 Pourquoi y a-t-il des écarts ?
00:42:02 De temps en temps, il n'y a pas d'eau dans les rivières.
00:42:05 Vous vous souvenez peut-être qu'au mois de février,
00:42:09 il n'y en a pas beaucoup plus en France.
00:42:11 Le niveau des rivières, de la Seine à la Monte,
00:42:15 l'acque réservoir, était tellement bas
00:42:18 qu'on ne pouvait plus continuer à dériver de l'eau.
00:42:22 On a pris du retard à un moment,
00:42:25 et ce retard, on l'a rattrapé par la suite.
00:42:29 Voilà comment il fonctionne.
00:42:33 Tous les quatre barrages réservoirs
00:42:37 qui alimentent la Seine en été
00:42:42 et qui stockent de l'eau en hiver,
00:42:46 fonctionnent de la même façon.
00:42:49 Chacun a son arrêté préfectoral à lui.
00:42:54 Pas de jaloux.
00:42:56 Mais au total, ils fonctionnent tous de façon synchrone.
00:43:00 Qu'est-ce que ça permet ?
00:43:02 Ça permet de réduire le risque de cru
00:43:06 de façon importante en région parisienne.
00:43:09 Le risque de cru, pour les Parisiens d'entre vous,
00:43:14 en vous promenant dans les rues de Paris,
00:43:17 vous avez certainement vu ces marques
00:43:20 à certains endroits sur les murs marquées "1910".
00:43:23 Le risque Paris est-il soumis à un risque de cru ?
00:43:29 Oui, tout à fait.
00:43:31 La cru de 1910 était exceptionnelle,
00:43:34 mais elle peut à nouveau se produire.
00:43:37 Elle pouvait se produire dans le contexte climatique passé,
00:43:41 et elle peut se produire dans le nouveau contexte climatique,
00:43:45 du changement climatique actuel.
00:43:48 Le fait de pouvoir stocker de l'eau à l'amont
00:43:53 permet de réduire le niveau de l'eau,
00:43:57 mais ne permet pas d'annuler l'inondation.
00:44:01 Si la cru de 1910 devait se produire à nouveau,
00:44:06 avec ces barrages réservoirs,
00:44:08 on descendrait le niveau de la cru,
00:44:12 mais on n'arriverait pas à stocker toute l'eau.
00:44:15 Ce qui est sûr, c'est que ces ouvrages permettent
00:44:20 de stocker de l'eau, de lutter contre les crus
00:44:24 et de réalimenter la Seine en été.
00:44:30 C'est très utile.
00:44:32 Cette année, en 2022,
00:44:35 les péniches ne raclaient rien du tout,
00:44:38 et la Seine avait l'air tout à fait normale.
00:44:41 Entre 50 et 60 % de l'eau qui circulait dans la Seine à Paris
00:44:47 était stockée dans ces barrages réservoirs à l'amont
00:44:51 et qui était restituée à la rivière.
00:44:53 L'agglomération parisienne régule fortement les débits.
00:45:04 C'est important.
00:45:10 C'est important également pour l'alimentation en eau.
00:45:13 Pas de Paris, mais des banlieusards.
00:45:18 Vous savez qu'à Paris intramuraux, on boit surtout de l'eau de source.
00:45:23 En banlieue, on boit l'eau de la Marne, de la Seine et de l'Oise.
00:45:28 Pour pouvoir continuer à pomper dans de bonnes conditions
00:45:33 et rendre l'eau potable à un coût acceptable,
00:45:38 il faut qu'il y ait suffisamment d'eau.
00:45:41 C'est le rôle de ces barrages réservoirs.
00:45:44 Bien sûr, tout ça a un coût.
00:45:48 La construction des ouvrages a un coût.
00:45:52 Elle a une empreinte en tout ce que vous voulez,
00:45:55 en carbone, en CO2 également.
00:45:58 Ça a même un coût en eau,
00:46:01 puisqu'un réservoir évapore de l'eau.
00:46:06 Il y a certaines années où les précipitations sont plus importantes que l'évaporation,
00:46:12 mais en général, elles sont un peu moins importantes.
00:46:16 Il y a une perte d'eau par évaporation.
00:46:20 Il ne s'agit pas d'une disparition de l'eau.
00:46:23 Je n'ai pas besoin de vous en parler.
00:46:26 Rien ne se perd, rien ne se crée.
00:46:28 L'eau ne fait que changer de phase.
00:46:30 Elle passe sans arrêt de la phase liquide à la phase vapeur.
00:46:33 Parfois, elle passe par la phase solide.
00:46:35 Elle repart dans le cycle général.
00:46:38 La planète ne perd pas d'eau.
00:46:40 Mais ce qui ne veut pas dire qu'on a toujours de l'eau
00:46:44 lorsqu'on en veut ou lorsqu'on voudrait l'utiliser.
00:46:48 Ça a un coût écologique aussi.
00:46:52 De toute façon, tout aménagement a un coût écologique.
00:46:55 Il y a un coût sur la modification des écosystèmes.
00:46:59 La différence, c'est que je pense que l'établissement public
00:47:03 qui gère ces barrages réservoirs est très bon en termes de...
00:47:09 Pas seulement de communication,
00:47:11 il doit être très bon en termes de gestion,
00:47:13 mais il est aussi capable de communiquer.
00:47:16 Il y a une faune aviaire très riche
00:47:21 sur ce qu'elle appelle désormais les étangs de champagne humide.
00:47:27 Et elle communique beaucoup.
00:47:29 J'imagine que si je vous ai parlé de Paris, de cet exemple,
00:47:36 vous me voyez venir avec des gros sabots.
00:47:39 Vous vous doutez que parmi les possibilités d'adaptation
00:47:43 que je vais présenter, il y a le stockage de l'eau.
00:47:47 Ça n'empêche que si on veut imaginer s'adapter,
00:47:56 on préférerait, avant que je vous parle des possibilités de stockage,
00:48:06 que je vous parle de ces trois R dont on a l'habitude de parler.
00:48:11 Réduire, réutiliser, recycler.
00:48:14 Peut-on réduire l'usage de l'eau ?
00:48:17 Peut-on réutiliser l'eau une fois qu'on l'a prélevée ?
00:48:21 Peut-on la recycler ?
00:48:23 Il y a un autre terme qui est apparu,
00:48:28 même si le concept n'est pas nouveau du tout,
00:48:31 mais le terme est récent.
00:48:35 Je pense que c'est une traduction de l'anglais.
00:48:38 "Nature-based solutions", on a appelé ça "solutions fondées sur la nature".
00:48:42 Il y a pas mal de propositions sur des solutions
00:48:46 qui devraient améliorer les choses.
00:48:49 La dernière possibilité, c'est d'étendre l'exemple de la gestion des eaux à Paris
00:48:57 pour coupler la lutte contre les crus
00:49:00 et la lutte contre les débits trop faibles en été.
00:49:07 Pour ce qui est de la réduction des consommations d'eau,
00:49:15 les consommations urbaines ont été réduites de façon relativement importante
00:49:24 et elles sont actuellement assez stables.
00:49:28 C'est quelque chose qui est essentiellement lié à l'apparition
00:49:34 de quelque chose de très désagréable,
00:49:37 ça s'appelle un compteur d'eau, et ça coûte très cher.
00:49:41 Et l'eau est actuellement très chère.
00:49:45 L'époque de mes grands-parents, quand l'eau goûtait,
00:49:49 personne ne s'en inquiétait, elle est passée maintenant aussi.
00:49:56 Si l'eau goûte chez moi, je répare le robinet, je change le joint vite fait.
00:50:07 Ça, c'est pour les consommations urbaines.
00:50:12 Par contre, ce qui est vrai, c'est que la demande d'irrigation,
00:50:16 avec le changement climatique, est en croissance.
00:50:21 La grande plaine céréalière qui se situe au sud de Paris, la Beauce,
00:50:28 jusque dans les années 1990, vous n'imaginez pas qu'on puisse irriguer.
00:50:36 Or, il y a eu, autour des années 1990, trois années de sécheresse très forte,
00:50:44 qui font que les agriculteurs, après avoir perdu des récoltes,
00:50:50 se sont équipés pour l'irrigation.
00:50:52 Une fois qu'ils ont été équipés, ils ont valorisé leurs investissements
00:50:56 et ils ont commencé à irriguer.
00:50:58 L'irrigation évolue, pas partout,
00:51:02 mais il y a des endroits où l'irrigation était très ancienne,
00:51:07 notamment le sud de la France.
00:51:12 Notamment, le plus grand barrage réservoir de France,
00:51:17 qui est le lac de Serre-Ponçon.
00:51:20 C'est un barrage qui a été construit à la fois pour l'hydroélectricité
00:51:24 et l'alimentation et l'irrigation.
00:51:29 Une part de l'eau va aux irrigants,
00:51:32 une part de l'eau va à Électricité de France, qui la turbine.
00:51:36 Et Electricité de France la turbine avant de la donner aux irrigants,
00:51:40 c'est possible, ça va de soi.
00:51:43 Mais ensuite, dans les années 1950-1960, en France,
00:51:48 on a créé des sociétés d'économie mixte,
00:51:52 dont l'un des objectifs était de moderniser l'agriculture via l'irrigation.
00:51:58 Dans la plaine du Languedoc, quasiment jusqu'à Montpellier,
00:52:02 il y a un canal qui est alimenté par le Rhône
00:52:08 qui distribue de l'eau d'irrigation dans toute la plaine.
00:52:12 C'est le fameux canal qu'on voulait à une époque poursuivre jusqu'à Barcelone,
00:52:17 parce que Barcelone a de gros problèmes d'eau également,
00:52:23 de façon récurrente.
00:52:25 Actuellement, d'énormes problèmes d'eau,
00:52:28 mais ça fait longtemps que Barcelone avait des problèmes d'eau.
00:52:33 Il y a des endroits où on a développé l'irrigation de façon assez centralisée,
00:52:41 avec une intervention forte de l'État.
00:52:44 Et il y a des endroits où l'intervention forte de l'État...
00:52:50 Où le bras de l'État n'est pas parvenu.
00:52:53 Et où, par contre, il y a une demande des agriculteurs aujourd'hui.
00:52:57 C'était pour la réduction.
00:53:01 Réduction en ville peut-être un peu,
00:53:03 mais à la campagne, c'est plutôt vers une augmentation.
00:53:07 La réutilisation, on en parle beaucoup,
00:53:10 et elle est relativement peu pratiquée.
00:53:12 Il y a des freins réglementaires.
00:53:16 Et puis, il y a des freins...
00:53:22 La réutilisation pose des problèmes,
00:53:25 mais elle va se développer, c'est sûr.
00:53:27 Quant au recyclage, on n'en parle jamais,
00:53:31 mais le recyclage de l'eau est pratiqué partout.
00:53:35 Si on écarte les zones côtières du territoire
00:53:40 où les stations d'épuration rejettent l'eau après épuration directement en mer,
00:53:46 pour les grandes villes,
00:53:49 en général, le milieu récepteur,
00:53:52 toutes les stations d'épuration de France et de Navarre,
00:53:55 hors zone côtière, rejettent leur eau en rivière.
00:53:58 Et cette eau, en fait,
00:54:00 est recyclée par le réseau hydrographique.
00:54:04 D'où l'intérêt de l'épurer autant que possible
00:54:11 avant de la remettre dans le milieu,
00:54:14 parce qu'on ne souhaite pas avoir un réseau hydrographique
00:54:18 qui est un réseau d'égouts.
00:54:20 La deuxième chose dont on entend beaucoup parler,
00:54:28 ce sont des solutions fondées sur la nature.
00:54:31 Je n'ai pas prévu de vous en parler,
00:54:34 mais je suis assez intéressable dessus.
00:54:36 Si vous voulez me poser des questions, je vous en parlerai.
00:54:39 Il y a une solution fondée sur la nature
00:54:45 dont on a beaucoup parlé en France au XVIIIe et au XIXe siècles.
00:54:48 Comme j'ai fait ma thèse dessus il y a très longtemps,
00:54:51 je m'en souviens encore très bien, c'est la forêt.
00:54:54 Avant de dire des travaux,
00:54:59 il y a eu beaucoup de théories sur le rôle de la forêt
00:55:02 sur les pluies, sur l'écoulement,
00:55:06 sur la lutte contre les crues, etc., au XVIIIe et au XIXe siècles.
00:55:13 Ça s'est arrêté au moment où les hydrologues américains
00:55:16 ont fait des mesures, ont rendu les choses plus objectives.
00:55:20 On s'est rendu compte que les rêves que l'on avait
00:55:24 sur la forêt-solution à tout, notamment aux crues et aux sécheresses,
00:55:29 n'étaient pas validés par l'expérience.
00:55:33 Au XXIe siècle, j'ai l'impression qu'on parle énormément de zones humides.
00:55:41 Les zones humides ont la côte.
00:55:43 Elles n'avaient pas la côte au XXe siècle.
00:55:48 Au XXe siècle, une zone humide, c'était une zone où il y avait des moustiques,
00:55:54 que l'on sentait éventuellement mauvais,
00:55:57 et qui n'était pas très productive.
00:56:00 Si on mettait des drains, ce sont des petits tuyaux percés,
00:56:06 on pouvait assainir cette zone et la transformer en zone de culture.
00:56:12 Il y a des zones très importantes en France
00:56:14 où ces zones humides naturelles ont été assainies.
00:56:17 Par exemple, tout près d'ici, vous avez la Brie.
00:56:20 La Brie, c'est à 70 km de Paris, vers Coulomiers, vers Provins.
00:56:27 Je ne sais pas si vous...
00:56:29 Est-ce que vous vous êtes promenés en Brie récemment ?
00:56:34 Par contre, le fromage, vous le connaissez certainement.
00:56:37 Le Brie, c'est très bon.
00:56:39 Mais actuellement, si vous essayez de voir une vache en Brie,
00:56:44 je ne dis pas que ce n'est pas possible, mais il faut aller les chercher.
00:56:49 La Brie, c'est comme la Beauce, c'est une grande zone céréalière.
00:56:53 Il n'y a plus du tout d'élevage laitier.
00:56:56 Enfin, plus du tout. Il y a très peu d'élevage laitier.
00:56:59 Qu'est-ce qui a permis de passer de l'élevage laitier à ces grandes cultures ?
00:57:06 C'est le drainage agricole.
00:57:08 La Brie, tous les limons qui peuvent être un peu hydromorphes,
00:57:16 comme on dit en agronomie,
00:57:18 et qui nécessitaient la présence de prés, et donc de vaches laitières,
00:57:24 ont été "assainies".
00:57:26 Je mets les guillemets autour d'assainir, par les drains.
00:57:31 Il n'y a plus de zones humides en Brie. Il n'y en a quasiment plus.
00:57:36 Les zones humides, on en parle beaucoup,
00:57:41 parce que c'est sûr que c'est en termes de diversité biologique.
00:57:47 C'est extrêmement important.
00:57:49 Est-ce que ça permet de résoudre tous les problèmes de crues ?
00:57:57 Probablement pas.
00:57:59 Mais c'est vrai qu'avoir des zones de débordement pendant une crue, c'est bien.
00:58:03 Et si l'eau peut déborder à l'amont d'une ville plutôt qu'en pleine ville,
00:58:07 en termes de dégâts, c'est tout à fait utile.
00:58:12 En ce qui concerne l'impact des zones humides sur les étiages,
00:58:20 en général, on n'est pas d'accord.
00:58:23 Les hydrologues et moi, j'ai tendance à dire que c'est un peu comme la forêt.
00:58:27 On pensait que la forêt faisait couler les ruisseaux.
00:58:30 Mais l'expérience montre qu'une zone humide consomme beaucoup d'eau,
00:58:35 comme une forêt.
00:58:37 Ce n'est pas sûr que ça permette de résoudre les problèmes de sécheresse.
00:58:41 Voilà ce que je dirais sur les zones humides.
00:58:44 Mais ça fait partie des choses qui sont actuellement très en vogue, proposées.
00:58:50 Au minimum, on imagine qu'il serait utile de protéger les zones humides restantes.
00:59:01 Certaines personnes voudraient voir les zones humides se propager à la surface de la Terre,
00:59:06 comme au XVIIIe, XIXe siècle, quand on voulait recouvrir une grande partie de la France de forêt.
00:59:14 Pour finir, stocker de l'eau.
00:59:18 Je pense que je n'ai pas à faire d'immense démonstration.
00:59:24 Je vous ai présenté l'exemple de Paris.
00:59:27 C'est l'exemple de Paris qui semble le plus...
00:59:34 répondre en partie aux problèmes combinés des crues et des sécheresses.
00:59:41 Donc, stocker de l'eau, pour des ingénieurs, c'est tout à fait simple.
00:59:46 Mais en France, actuellement, c'est une solution qui est très souvent conflictuelle.
00:59:54 Vous suivez l'actualité aussi bien que moi.
00:59:58 Et vous voyez qu'actuellement, il y a...
01:00:02 Je ne sais pas si...
01:00:04 En fait, on n'a pas fait de sondage pour savoir quelle était la proportion de la population qui était contre.
01:00:14 Mais il y a une tranche de la population qui est tout à fait contre
01:00:18 les dégâts écologiques qui sont engendrés par les retenus.
01:00:27 Actuellement, c'est quelque chose qui pose problème.
01:00:33 Comme il faut bien finir...
01:00:36 Comme j'ai enlevé mes lunettes, je ne sais pas si j'ai parlé beaucoup trop.
01:00:41 Aussi, j'ai parlé beaucoup trop.
01:00:44 Mais il faut bien conclure.
01:00:48 Je vous dirais que le stockage d'eau, c'est l'une des solutions.
01:00:54 Bien sûr, ce n'est pas la seule.
01:00:56 Mais il ne suffit pas d'avoir une solution technique pour qu'elle soit applicable.
01:01:02 Actuellement, le stockage est mal accepté par une partie des Français.
01:01:07 Donc, éventuellement, il est tout à fait inutile.
01:01:11 S'il n'est pas accepté et qu'on ne peut pas mettre en place,
01:01:17 par la négociation des retenus,
01:01:21 on n'aura pas ce moyen de s'adapter aux crues et aux sécheresses qui se profilent.
01:01:31 Et là, ça me semble relativement sûr qu'elles se profilent.
01:01:36 Mais ça n'empêche que, dans tous les cas, mobiliser de l'eau a un coût.
01:01:42 Un coût énergétique.
01:01:44 D'ailleurs, lorsqu'on fait des économies d'eau, on fait également des économies d'énergie.
01:01:51 On pourrait imaginer, puisque je vous ai dit que l'eau était recyclée...
01:01:56 Je pourrais laisser mon robinet couler, puisque de toute façon, l'eau que j'ai prise...
01:02:04 J'habite en banlieue.
01:02:05 L'eau que j'ai prise à l'amont de Paris, dans la Seine,
01:02:11 va se retrouver dans la Seine, à l'aval de Paris, vers Hachère.
01:02:14 On pourrait dire que ça n'a pas grande importance.
01:02:16 Mais c'est vrai que ça a un coût énergétique, puisque cette eau a été pompée, traitée.
01:02:23 Tout ça a un coût.
01:02:24 Mobiliser l'eau a toujours un coût écologique.
01:02:28 Mais ce que je disais, c'est que tout a un coût écologique.
01:02:33 Même l'inaction, éventuellement, a un coût écologique.
01:02:37 Une chose importante, c'est que mobiliser de l'eau, ça a parfois un coût en eau.
01:02:44 Effectivement, une retenue.
01:02:46 Même si la France n'est pas le Sahara.
01:02:49 L'exemple qui est parfois invoqué de celle du barrage d'Aswan,
01:02:56 du lac Nasser, au plein milieu du Sahara,
01:02:59 qui perd la bagatelle de 10 milliards de mètres cubes par an en évaporation,
01:03:05 ce ne sont pas des chiffres qui sont applicables à notre climat.
01:03:10 Mais ça n'empêche que toute retenue d'eau perd de l'eau.
01:03:18 Mais une zone humide perd autant d'eau, sinon plus, en évaporation.
01:03:25 Ce dont je ne vous ai pas parlé, parce que je pensais que ça ferait trop long,
01:03:38 c'était des problèmes d'assurance.
01:03:41 De toute façon, les assurances, je ne suis pas sûr que ça fasse rêver un public.
01:03:51 Mais les problèmes actuellement d'augmentation de la fréquence d'écru
01:04:01 vont poser un problème en France, puisqu'on a un financement des dégâts d'écru
01:04:09 qui est lié à une redevance dite "cat-nat", pour "catastrophe naturelle",
01:04:15 qui facilite le remboursement des pertes.
01:04:21 Si la fréquence d'écru continue à augmenter,
01:04:25 notamment en zone méditerranéenne,
01:04:28 et on sait tous qu'il y a une partie de la population, notamment âgée,
01:04:38 qui préfère aller passer ses vieux jours au soleil de la Méditerranée,
01:04:42 donc on a une concentration urbaine de plus en plus importante en zone méditerranéenne,
01:04:47 il se pourrait bien que notre système d'assurance ne tienne plus.
01:04:57 -Vous êtes sans doute fatigué de m'entendre parler.
01:05:01 Vous pourriez me reprocher de ne vous avoir présenté que des mauvaises nouvelles.
01:05:08 Vous pourriez me dire "mais qu'est-ce que vous faites ?"
01:05:12 Puisque, après tout, je vous ai dit que je n'ai pas d'actions,
01:05:16 donc je suis payé grâce à vos impôts. Je vous remercie, d'ailleurs, tous.
01:05:21 Nous, actuellement, à Inrae, on essaie de développer des outils de modélisation
01:05:30 pour prévoir à court terme l'écru, prévoir à plus long terme les sécheresses,
01:05:36 tout simplement parce qu'on pense que ça permet de mieux gérer et de réduire les dégâts.
01:05:43 Je pense qu'actuellement, on ne peut pas espérer mettre fin aux dégâts d'écru.
01:05:53 Vu l'image que je vous ai présentée de l'avenir,
01:05:59 on aura toujours des crues, probablement plus, toujours des sécheresses, probablement plus.
01:06:03 La seule façon de continuer à vivre, ce sera de s'adapter.
01:06:10 Pour s'adapter et pour mieux gérer l'eau en période de crise,
01:06:18 il faudra des outils de prévision.
01:06:20 C'est ça que nous, dans mon unité, on produit.
01:06:25 C'est ce qu'on essaie d'améliorer.
01:06:28 Voilà. J'ai trop parlé, mais si vous avez des questions ou des critiques,
01:06:35 à nouveau, je vous dis qu'une grosse partie de ce qui concerne l'adaptation,
01:06:41 c'est mon interprétation, qui est tout à fait contestable.
01:06:45 Si vous voulez la contester, j'aime bien discuter avec vous.
01:06:49 Merci beaucoup, M. Andréassian.
01:06:59 C'était très clair et ça pose des questions.
01:07:02 Peut-être en avez-vous ?
01:07:04 Je vais faire circuler un micro. N'hésitez pas à lever la main.
01:07:07 Bonsoir. Merci.
01:07:14 Je viens des Pyrénées-Orientales.
01:07:17 C'est un département qui est touché par une sécheresse.
01:07:20 Ça fait plus d'un an qu'il n'a pas vraiment plu.
01:07:23 J'ai vu que les solutions étaient soit de puiser dans des nappes ratiques
01:07:28 encore plus profondes, d'aller chercher l'eau du Rhône.
01:07:31 Quelle est l'avenir pour ce département, vu les risques que ça prend ?
01:07:37 Les Pyrénées-Orientales,
01:07:42 je dirais que c'est actuellement le département le plus touché
01:07:48 par une sécheresse très longue.
01:07:50 On peut dire que la sécheresse 2022 n'a même pas interrompu cet hiver.
01:07:55 C'est vraiment une situation catastrophique.
01:08:01 Dans les Pyrénées-Orientales, il y a des choses qu'on ne peut pas faire.
01:08:08 Si on les fait, il faut bien les mesurer.
01:08:13 Il y a quand même des nappes souterraines dans la bande côtière.
01:08:18 Mais l'utilisation des nappes souterraines dans la bande côtière
01:08:24 pose le problème de l'eau salée.
01:08:27 Il ne faut surtout pas faire trop descendre le niveau de cette nappe,
01:08:32 sinon on va attirer le sel.
01:08:37 La nappe de Beauce, on peut la surexploiter cette année,
01:08:41 certaines années, à condition de la laisser ensuite remonter,
01:08:46 parce qu'on ne risque pas d'attirer l'océan.
01:08:50 Dans les Pyrénées-Orientales, c'est le risque.
01:08:53 On a des nappes, mais il faut être très prudent.
01:08:57 On n'a pas beaucoup...
01:08:59 Il y a les trois fleuves, le Tec, la Tete et la Gli,
01:09:04 dans les Pyrénées-Orientales, qui ont des alimentations un peu complexes.
01:09:11 Il y a notamment la Gli, qui est karstique et qui a un fonctionnement compliqué.
01:09:20 Le Tete a un fonctionnement plus pyrénéen, parce qu'il vient d'assez loin.
01:09:27 Mais ça n'empêche que les réservoirs qui sont construits sur les rivières
01:09:35 sont quasiment vides actuellement.
01:09:37 Donc ça ne va pas du tout.
01:09:42 Les Pyrénées-Orientales ont un petit morceau de son territoire
01:09:46 qui coule vers la Catalogne.
01:09:51 C'est le haut bassin du Sègre.
01:09:54 Là, c'est aussi très compliqué,
01:09:58 puisque les Espagnols regardent l'utilisation de l'eau de cette zone
01:10:05 de façon très précise.
01:10:07 Il y a eu même un conflit entre la France et l'Espagne dans les années 1950.
01:10:13 Ça n'a pas fait de guerre, je vous rassure.
01:10:17 Vous en auriez entendu parler.
01:10:20 L'Espagne avait porté l'affaire devant un tribunal arbitral,
01:10:27 parce qu'il y avait un grand lac.
01:10:31 On appelle ça l'étang du Lanou.
01:10:35 Je ne sais pas le dire en catalan.
01:10:37 Je ne sais pas pourquoi ça s'appelle un étang.
01:10:40 C'est un grand lac dont EDF voulait turbiner l'eau vers la Riège.
01:10:47 Ça avait fait une longue dispute juridique.
01:10:51 Aujourd'hui même, EDF turbine l'eau vers la Riège,
01:10:55 parce que la chute est plus importante,
01:10:58 mais elle restitue l'eau par un tunnel vers le Sègre.
01:11:01 Le consul d'Espagne à Toulouse a droit de visite du tunnel à toute heure.
01:11:09 On ne peut pas aller chercher l'eau des Catalans, du lac Lanou.
01:11:21 On ne peut pas aller trop pomper dans la nappe.
01:11:28 Je ne sais pas quel est le niveau actuel de la nappe
01:11:33 et quel serait le niveau seuil.
01:11:38 Ça dépasse mes compétences, mais il faut faire attention.
01:11:42 Est-ce qu'on pourrait faire venir l'eau du Rhône ?
01:11:46 Ce n'est peut-être pas une bonne idée.
01:11:49 C'était une idée qui m'était passée par la tête
01:11:53 en voyant qu'on avait voulu prolonger le canal du Barone,
01:11:58 qui est alimenté par cette prise d'eau à l'amont du delta, vers Barcelone.
01:12:07 Puisque les Catalans ne voulaient plus de l'eau du Rhône à Barcelone,
01:12:12 peut-être qu'on aurait pu arrêter cette prolongation à Perpignan.
01:12:17 Actuellement, je n'ai pas de solution.
01:12:24 Je ne suis pas le seul à ne pas avoir de solution.
01:12:30 Je ne veux pas me moquer des croyances religieuses de qui que ce soit,
01:12:35 mais j'ai entendu dire qu'à Perpignan, on faisait des processions religieuses
01:12:41 pour essayer de faire revenir la pluie,
01:12:45 ce qui montre que je ne suis pas le seul à être désemparé.
01:12:50 Est-ce qu'on gaspille beaucoup d'eau dans les Pyrénées-Orientales ?
01:12:58 Il y a certainement des économies d'eau à faire.
01:13:01 Ensuite, est-ce qu'il faudrait réduire les surfaces irriguées ?
01:13:10 J'imagine que s'il n'y a plus d'eau,
01:13:12 s'il n'y a pas de solution alternative qui vient, ce serait une solution.
01:13:17 Les surfaces irriguées,
01:13:20 notamment pour la diversification de l'agriculture, sont importantes.
01:13:27 On accuse parfois les agriculteurs de vouloir irriguer à tort et à travers.
01:13:38 Un des problèmes de l'agriculture française,
01:13:41 c'est le problème du renouvellement de génération.
01:13:44 Pour que de jeunes s'installent en tant qu'agriculteurs
01:13:48 et pour qu'on n'ait pas des fermes et des exploitations toujours plus grandes,
01:13:56 il faudrait faire rêver un peu les jeunes.
01:14:00 Est-ce qu'on fait rêver des jeunes qui veulent s'installer en agriculture
01:14:03 en leur disant qu'on va réduire leurs droits d'eau ?
01:14:09 Je ne sais pas.
01:14:11 -Est-ce qu'il y a des cultures qui seraient plus résilientes par rapport au manque d'eau ?
01:14:24 Allez-y.
01:14:27 -Par exemple, à Sardine, il y a eu des incendies récemment.
01:14:30 Il y a les vignes qui ont cramé, mais sur ces terres cramées,
01:14:33 il y a des cactus qui repoussent.
01:14:35 Il y a plein d'associations qui prônent la consommation du cactus,
01:14:41 parce que ça se mange.
01:14:43 Par exemple, il y a la culture du cactus qui, sur la durée,
01:14:48 pourrait s'installer dans ce département.
01:14:51 -Il y a aussi d'autres choses qui sont des solutions anciennes.
01:14:59 Par exemple, l'olivier.
01:15:01 Pour produire de façon rentable, il faut irriguer.
01:15:08 Par contre, les doses d'irrigation sont moindres
01:15:11 que d'autres variétés en agriculture.
01:15:15 Et surtout, l'olivier, pendant les années sèches,
01:15:18 on ne peut pas irriguer, et il ne meurt pas du tout.
01:15:21 Bien sûr, le rendement est réduit.
01:15:24 Ça, c'est une autre solution.
01:15:27 Je ne sais pas s'il y a des plans pour développer la culture...
01:15:33 -Il y a le micro. On va prendre une autre question.
01:15:42 -Bonjour, merci beaucoup. Je voudrais creuser plus cette notion.
01:15:48 Le problème lié à l'eau en France est relativement récent.
01:15:53 Est-ce qu'il y aurait dans les méthodes agricoles anciennes,
01:15:59 avant l'intensification de l'agriculture intensive,
01:16:04 est-ce qu'il existait ou existerait des alternatives anciennes
01:16:08 qui seraient vertueuses et possibles aujourd'hui ?
01:16:11 Ou est-ce que la population française est telle
01:16:14 que même ces alternatives ne seraient plus suffisantes ?
01:16:17 Et du coup, à quoi ressemblerait l'impact ?
01:16:23 Comment ça affecterait nos modes de vie actuels ?
01:16:26 -Je ne peux pas répondre à tout ce qui concerne l'agriculture,
01:16:30 ce n'est pas ma spécialité, donc je risque plus de dire de bêtises.
01:16:35 Votre question est très bonne, d'une part.
01:16:41 La deuxième, en fait...
01:16:44 Je ne sais pas de m'échapper, mais ce qui m'intéresse...
01:16:49 Une des choses qui m'a toujours intéressé,
01:16:54 c'est de réfléchir que l'agriculture...
01:16:58 Où est-ce qu'est née l'agriculture néolithique ?
01:17:02 Elle est née dans des endroits irrigués.
01:17:06 Enfin, la Mésopotamie...
01:17:08 Je ne sais pas si l'agriculture est vraiment née en Mésopotamie
01:17:13 ou si elle est née sur le territoire israélien actuel,
01:17:16 mais dans toute cette zone, l'agriculture, très vite,
01:17:19 a été liée à l'irrigation.
01:17:23 Elle a été développée avec de l'irrigation.
01:17:27 Je ne sais pas s'il y a des traditions ancestrales
01:17:33 qui permettent d'économiser beaucoup d'eau.
01:17:37 Tout à l'heure, on parlait d'oliviers.
01:17:41 Actuellement, les olives qu'on achète au supermarché
01:17:44 sont importées d'Espagne,
01:17:47 où elles sont très certainement irriguées.
01:17:51 Je ne suis pas spécialiste de l'Espagne non plus.
01:17:54 Est-ce qu'on pourrait avoir...
01:17:56 C'est vrai que l'olivier, c'était quand même une culture intéressante.
01:18:00 Les années où on avait de quoi l'irriguer,
01:18:02 les rendements étaient très élevés.
01:18:04 Les années où on n'avait pas de quoi l'irriguer,
01:18:07 les rendements étaient plus faibles,
01:18:09 les larves ne disparaissaient pas.
01:18:12 C'est une culture résiliente.
01:18:16 Ensuite, toutes les cultures...
01:18:19 On est tous d'accord pour dire
01:18:25 que cultiver du maïs lorsqu'on n'a pas beaucoup d'eau,
01:18:29 ce n'est peut-être pas la meilleure idée.
01:18:32 Même s'il y a des gens qui m'ont démontré
01:18:35 comment le rendement...
01:18:37 Si on avait 100 000 m3 à dépenser,
01:18:41 il valait mieux produire du maïs qu'autre chose,
01:18:45 car c'était plus rentable.
01:18:47 Ce genre de calcul, il faut les regarder aussi.
01:18:50 Il ne faut pas taper sur le maïs pour le plaisir de taper sur le maïs.
01:18:56 Même si quand vous me posez la question,
01:18:59 ça ne me vient pas à l'idée de vous dire
01:19:01 de cultiver plus de maïs dans les Pyrénées-Orientales.
01:19:04 Le maïs a besoin d'eau à un moment où tout le monde en a besoin.
01:19:10 Probablement, ce n'est pas la meilleure combinaison.
01:19:15 Mais bon, je n'ai pas de réponse, disons, magique.
01:19:21 -Merci.
01:19:27 Je voulais parler de ce qui est dans votre exposé.
01:19:30 Je ne vous ai pas tellement parlé.
01:19:32 Sur Paris, vous avez étudié un peu, sur les rivières, etc.,
01:19:37 vous avez beaucoup parlé de ça.
01:19:39 Mais je trouve relativement peu des nappes phréatiques à Paris.
01:19:43 Je ne sais pas, les nappes phréatiques, c'est ce qui vient de...
01:19:47 C'est l'autre chose, un peu, c'est ça ?
01:19:50 Mais la hauteur des nappes phréatiques, tout ça, ça joue un rôle.
01:19:56 C'est important pour savoir les réserves en eau qu'on a, etc.
01:20:03 -Elle a été finie.
01:20:05 -Je voulais dire, vous avez parlé pour les retenues d'eau.
01:20:09 Mais vous avez parlé pour dernièrement, il y a la retenue d'eau,
01:20:13 il y a deux choses, c'est les retenues d'eau sur des cours d'eau,
01:20:17 que vous avez parlé, etc.
01:20:19 Le problème qu'il y a eu, pour ne pas rien se cacher à Saint-Étienne-la-Pauline,
01:20:23 c'est qu'on allait puiser, à ce que j'ai compris,
01:20:26 dans les nappes phréatiques.
01:20:28 À ce moment-là, c'est autre chose, c'est un autre problème.
01:20:33 Ce n'est pas pareil que faire une retenue d'eau sur un cours d'eau,
01:20:37 parce que sinon, l'eau qui passe les cours d'eau va à la mer.
01:20:42 Tandis que d'aller puiser dans les nappes phréatiques,
01:20:45 c'est un problème, parce que les nappes phréatiques appartiennent à tout le monde.
01:20:50 C'est un autre problème.
01:20:52 -Je pense que vous avez raison, bien sûr.
01:20:56 Pourquoi je n'ai pas parlé de nappes phréatiques ?
01:20:59 Vous savez, chacun a sa déformation.
01:21:01 Les gens qui ont appris l'hydrologie dans un cours de géologie
01:21:05 ou les gens qui ont appris l'hydrologie dans un cours de génie rural
01:21:10 regardent le même objet de deux façons différentes.
01:21:16 -Par contre, ce que je veux dire,
01:21:19 c'est que même s'il y a toujours deux façons de regarder le même objet,
01:21:23 nous, c'est le territoire, le bassin versant,
01:21:26 ça n'empêche qu'il n'y a qu'un seul cycle de l'eau.
01:21:29 L'eau des nappes phréatiques,
01:21:32 elle va peut-être pour un tout petit pourcentage, 2-3 % à l'échelle de la France,
01:21:39 circuler et aller directement en mer.
01:21:43 Mais sinon, elle circulera et ira alimenter les rivières avant d'aller en mer.
01:21:49 L'eau dans les nappes souterraines, elle circule aussi.
01:21:54 L'eau dans la rivière circule très rapidement.
01:21:57 L'eau dans les nappes souterraines circule très lentement.
01:22:00 Mais toutes ces eaux circulent.
01:22:02 Ce n'est pas des réserves...
01:22:04 Ce n'est pas comme du pétrole.
01:22:06 Le pétrole attend juste qu'on vienne le puiser.
01:22:12 L'eau dans la nappe est en circulation.
01:22:17 Les nappes souterraines...
01:22:22 Dans le bassin parisien, on a beaucoup de nappes.
01:22:25 Le bassin parisien, géologiquement,
01:22:28 on décrit ça comme des assiettes empilées avec des couches d'âge différent
01:22:35 et qui ont des propriétés de transmissivité, de porosité,
01:22:40 qui en font des bons aquifères.
01:22:43 Même sous Paris, vous savez que...
01:22:46 J'imagine que vous savez tous ça.
01:22:48 On a un aquifère dans une couche géologique qu'on appelle l'Albien,
01:22:52 qui est fait d'eau qui a à peu près 15 000 ans.
01:23:00 C'est la réserve stratégique de Paris en cas d'accident nucléaire.
01:23:07 On ne pourrait plus pomper d'eau dans les nappes superficielles
01:23:12 ou dans les rivières.
01:23:14 C'est cette eau-là qu'on fournirait aux Parisiens.
01:23:17 Il y a quelques endroits dans Paris où il y a des puits.
01:23:20 Ils appellent ça "puit à l'Albien".
01:23:22 Je ne sais pas pourquoi on a le droit de dire "à l'Albien",
01:23:25 mais Haute-Paris fait ça.
01:23:28 Vous pouvez la boire.
01:23:30 Elle a alimenté une piscine il y a longtemps.
01:23:32 Je pense même qu'elle alimente le réseau de chaleur de la maison de la radio.
01:23:37 Il y a des choses comme ça.
01:23:39 Elle est un peu chaude, cette eau.
01:23:41 Elle doit être vers 50-60 degrés.
01:23:44 C'est à la Buttaucaille.
01:23:49 Dans les années 1840-50, on a foré à 600 mètres de profondeur.
01:23:56 On a eu un geyser.
01:23:59 Malheureusement, la pression n'a pas duré très longtemps.
01:24:02 Au bout de 2-3 ans, elle s'est retombée.
01:24:05 Dans le square de la Buttaucaille, on peut aller la chercher.
01:24:08 Il y a le square Lamartine dans le 16e, et il y en a deux ou trois autres.
01:24:12 Je ne les connais pas.
01:24:13 - Dans le 18e ? - Dans le 18e aussi.
01:24:15 - J'ai une question.
01:24:22 - Est-ce que j'ai répondu à votre question ?
01:24:25 Ce que je voulais surtout dire, c'est que l'eau souterraine et l'eau de surface,
01:24:31 c'est la même eau.
01:24:33 Un des risques qu'il y a toujours quand...
01:24:37 J'imagine que vous avez déjà lu des statistiques qui vous disent
01:24:43 qu'en France, l'eau potable, c'est à 60 % dans les eaux souterraines
01:24:48 qu'on la prend, ou à 40 % dans les eaux de surface, etc.
01:24:51 Mais de toute façon, l'eau de surface a été...
01:24:57 Elle a aidé probablement à un moment de son existence de l'eau souterraine.
01:25:01 Tout ça, ça circule. Il n'y a qu'un cycle.
01:25:03 Une fois qu'on l'a prélevée, si on la prélève dans l'eau souterraine,
01:25:09 ça aura un impact sur l'eau de surface.
01:25:12 Si on la prélève dans l'eau de surface, ça aura un impact également.
01:25:19 -J'ai une question par rapport aux économies d'eau pour le maraîchage,
01:25:23 l'agriculture.
01:25:24 Est-ce qu'il y a une collaboration
01:25:26 ou est-ce qu'on n'a pas quelque chose à apprendre des Africains
01:25:30 dans les zones un peu arides d'Afrique, au Sahel ?
01:25:36 Est-ce qu'on peut apprendre d'eux ou est-ce qu'il y a une collaboration ?
01:25:41 Est-ce que ça se fait ? J'en ai aucune idée.
01:25:44 -Moi non plus.
01:25:45 Si vous me posez la question, j'ai tendance à dire
01:25:48 qu'il y a énormément de choses à apprendre de toutes les sociétés,
01:25:52 qu'elles soient traditionnelles ou pas.
01:25:55 La réponse est oui, certainement.
01:25:58 Moi, je ne suis pas spécialiste de l'Afrique.
01:26:02 Nous, à Inrae, on ne travaille pas beaucoup, un peu, mais pas beaucoup.
01:26:08 C'est surtout le CIRAD, un autre institut, qui travaille avec l'Afrique.
01:26:13 Je ne peux pas vous répondre.
01:26:15 Mise à part, oui, il y a certainement des choses à apprendre,
01:26:18 mais je ne sais pas qui le fait, je ne sais pas comment le faire.
01:26:24 -Est-ce qu'il y a encore une intervention ?
01:26:29 Non. Nous allons nous arrêter là pour ce soir.
01:26:32 Merci beaucoup, Pascal-André Assian. -Merci.
01:26:35 Merci.
01:26:36 (...)

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