Briseurs d'omerta - Corse

  • l’année dernière
Un militant nationaliste est assassiné. De nombreux corses y voient la main de la mafia… une mafia qui serait partout : dans l’économie, l’agriculture… Nous sommes allés à la rencontre de ces corses qui ont décidé de briser l’omerta pour dénoncer cette mafia qui gangrène leur île.

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00:00 ...
00:05 -Envoûtante, mais vénéneuse.
00:07 ...
00:10 L'île de beauté est malade, rongée par un poison.
00:14 -Le tireur était ici. Il a tiré là où on dort.
00:18 On est au contact de ce système mafieux avec des mafieux
00:21 qui nous dit ouvertement "on va vous dégager".
00:24 -Beaucoup de Corses ne veulent plus taire son nom.
00:29 Le mal, c'est la mafia.
00:31 -Cette mafia, elle existe toujours.
00:34 Je pense qu'elle est devenue plus violente qu'avant.
00:37 C'est eux qui tiennent le fusil quand ils vont tuer.
00:40 Ca continue.
00:42 ...
00:43 -Complices, l'Omerta est partout.
00:46 -La police sait très bien, par exemple,
00:50 que moi, je suis menacé directement.
00:52 Elle le sait très bien.
00:54 -Mais l'heure est venue de briser la loi du silence.
00:59 ...
01:02 -Il faut porter plainte.
01:04 J'ai été menacé, la dame. J'ai porté plainte.
01:07 ...
01:20 ...
01:25 -Derrière les persiennes, un homme attend d'être exfiltré.
01:29 Pour l'ouverture de son procès.
01:31 Au pied de l'immeuble, le RAID est en alerte.
01:34 Dispositif de sécurité exceptionnel.
01:38 Pour protéger le premier repenti de la mafia corse.
01:41 Claude Chaussin est en danger parce qu'il a choisi de parler.
01:45 -Je sais un petit mot.
01:48 -Comme tu l'as dit, ça y est, on y est.
01:51 C'est le début du procès. J'espère que ça se passera bien.
01:54 J'y crois, ce procès.
01:56 Il va bien arriver un moment où les gens vont se rendre compte
02:00 de tout ce qu'il a apporté.
02:02 Et l'envoyer en prison,
02:05 je pense que c'est l'envoyer se faire tuer.
02:09 -Devant les juges, enquêteurs et experts du crime organisé
02:14 vont défiler à la barre.
02:16 C'est le cas de Fabrice Rizzoli, spécialiste de la mafia,
02:20 pour qui ce procès est unique.
02:22 -Le procès Claude Chaussin est exceptionnel.
02:26 Certes, nous avons un soldat,
02:28 mais un soldat d'une des plus grandes
02:30 organisations criminelles en France,
02:33 la Brise de mer.
02:34 Nous avons pour la première fois une personne
02:37 qui livre plus d'un an au coeur du réacteur
02:40 d'une des plus grandes organisations criminelles.
02:43 Ca a donné des informations aux enquêteurs incommensurables.
02:47 Ceci a été confirmé par les policiers et les gendarmes,
02:51 même avant le procès.
02:52 -Par peur de la vente d'Etat,
02:54 de la vengeance, Claude Chaussin se cache depuis 8 ans
02:58 loin de son île et de ceux qu'il a décidé de trahir.
03:01 Quelques jours avant son procès, à visage découvert,
03:08 il évoque ouvertement son passé mafieux.
03:10 En 2006, il n'est qu'un petit malfrat
03:13 lorsqu'il intègre le gang de la Brise de mer,
03:16 connu pour l'audace de ses braquages.
03:19 -La Brise de mer, c'était une des plus grosses équipes
03:23 de voyous de Corse, qui était composée
03:25 d'une quinzaine de personnes,
03:28 qui régnaient sur l'île et sur le continent.
03:31 C'est-à-dire qu'ils étaient partout.
03:33 C'est eux qui avaient la main mise sur les machines à sous,
03:37 les casinos, les affaires de nuit, le BTP,
03:40 toute l'économie locale.
03:42 Quand on en arrive à un certain niveau,
03:45 comme la Brise de mer faisait,
03:48 c'est-à-dire que les gens qui étaient
03:51 dans le cadre de la Brise de mer,
03:53 on leur disait qu'ils allaient voir
03:56 quel marché sortait pour eux.
03:58 Si les gens ne sont pas d'accord,
04:00 ils prennent une petite bombe devant leur porte,
04:04 une petite bombe sous leur voiture,
04:06 pour intimider, et les gens rentrent
04:09 dans le cadre.
04:10 C'est-à-dire que ça se fait tout seul.
04:13 Musique pesante
04:15 -Claude Chaussat était l'homme à tout faire
04:18 de Francis Mariani.
04:20 L'un des parrains du clan.
04:21 Un sanguinaire au sang-froid,
04:24 resté célèbre notamment pour une évasion de prison
04:27 grâce à un fax falsifié.
04:29 ...
04:35 -Francis Mariani, je l'ai véhiculé,
04:37 j'ai réceptionné des maisons,
04:40 je l'ai amené en Corse, sur le continent,
04:42 j'ai récupéré de l'argent pour lui.
04:45 Il avait besoin d'armes, il m'a demandé
04:48 de l'argent de la personne pour acheter un lot d'armes.
04:51 J'ai participé à cette transaction, je le reconnais.
04:54 Je n'ai pas été un saint pendant cette période.
04:57 -La justice l'entend, mais ne l'écoute pas.
05:00 Elle l'accuse d'avoir, en 2008, tué Richard Casanova,
05:04 l'ennemi de Francis Mariani, au sein de la brise de mer.
05:08 ...
05:10 -Je ne suis pas un assassin, je n'ai pas de sang sur les mains.
05:14 Je n'ai jamais tué personne,
05:16 et je n'ai jamais tiré sur personne.
05:18 ...
05:22 -Si Francis Mariani et les membres de la brise de mer
05:25 se sont pratiquement tous entretués,
05:28 la mafia n'a pas disparu en Corse.
05:30 ...
05:35 Selon Claude Chaussat,
05:37 elle serait même plus violente encore,
05:40 sans code d'honneur et sans complexe.
05:43 ...
05:46 (Tir)
05:47 (Tir)
05:51 -23 août 2018, au nord de la Corse,
05:55 un homme tire sur les caméras de vidéosurveillance
05:58 de la mairie de Tchentoury.
06:00 -Celle-ci a été remplacée, mais on peut voir sur le crépit
06:06 les impacts de petits plombs.
06:10 La caméra en face, c'est celle qui a pu filmer le gars
06:13 qui est venu tirer sur la façade de la mairie.
06:16 Sur cinq caméras, ils en avaient oublié une.
06:19 Quatre ont été détruites.
06:20 C'est carrément la façade de la mairie qui a été prise pour cible.
06:24 Le geste est fort, le symbole est fort,
06:27 pour dire que même à la mairie, on n'est pas à l'abri.
06:30 -Ce sont des gens que vous gênez ?
06:32 -Je pense qu'on gêne beaucoup de gens, oui.
06:35 On gêne beaucoup de gens.
06:36 -Élu en 2014,
06:38 David Brugioni dérange.
06:40 Lors de sa prise de fonction,
06:43 le nouveau maire fait une étrange découverte.
06:45 -En fait, quand nous sommes en rentrée en mairie,
06:49 ça se présente comme ça,
06:51 donc le registre de délibération.
06:53 Vous avez la vie communale,
06:55 avec toutes les délibérations qui sont prises,
06:58 toutes les séances,
07:00 et vous avez donc les signatures.
07:01 Et nous, on a trouvé tout de suite une anomalie,
07:04 c'est qu'il y avait, 2011 à 2014,
07:07 les documents, le livre était vierge.
07:10 Musique sombre
07:13 C'est la section de recherche qui a fait un travail d'investigation
07:17 et qui a découvert un certain nombre de choses.
07:19 Il y avait de la fausse facturation,
07:21 des faux en écriture publique,
07:23 puisque les délibérations du conseil municipal,
07:26 c'est ce qui est dénoncé dans notre plainte,
07:28 c'est l'absence de conseil municipal.
07:30 ...
07:33 -David. -Bonjour.
07:35 -Comment va ? -Ca va.
07:36 -Oui, très bien.
07:38 Très bien, très bien.
07:39 Bon, alors,
07:42 cette visite de monsieur le juge Mendel...
07:45 -Ecoutez, on avance. -D'accord.
07:47 -Depuis mercredi, nouvelle perquisition
07:51 à la mairie de Chantour. -Ah, d'accord, quand même.
07:54 -Requalification des faits.
07:56 C'est plus un délit, c'est criminel.
07:59 -Eh ben, voilà.
08:00 ...
08:02 -Il aura fallu plusieurs années
08:04 pour que le juge d'instruction mette sous sceller les registres vides.
08:08 Une victoire pour le maire
08:10 et pour le représentant de l'association anticorruption anticorps.
08:14 Les deux hommes veulent croire que c'est la fin d'une époque,
08:18 celle du non-droit à Chantoury.
08:20 Le précédent maire a été condamné
08:23 pour n'avoir pas respecté les procédures des marchés publics
08:27 dans la rénovation de l'église paroissiale.
08:29 Des travaux grossiers et surfacturés.
08:33 -Ca a été fait il y a 7 ans.
08:36 Là, regardez, ils ont bouché les trous avec du silicone.
08:40 L'expertise judiciaire, elle a prouvé que c'est de la non-façon.
08:45 Le crépin, là.
08:47 La toiture, donc, les infiltrations sur la toiture,
08:52 donc l'humidité permanente sur la façade,
08:55 et tout se décroche et tout s'en va.
08:57 -Il est évident que là, il y a des collusions.
09:00 Il y a tout à fait des collusions
09:02 entre les politiques, entre les entreprises.
09:05 Il y a un point qui est très important,
09:07 c'est que la collectivité de Corse a payé
09:10 pour des travaux qui n'ont pas été réalisés.
09:12 C'est de l'argent public. Qu'est-ce qu'on a fait de cet argent ?
09:16 -A Chantoury, l'activité économique est à l'arrêt.
09:22 Car le maire, aux mains propres,
09:24 a abrogé plusieurs permis de construire
09:27 accordés sous l'ancienne mandature sur des espaces remarquables.
09:31 Pour le faire reculer, on cherche à l'impressionner
09:34 en tirant sur la façade de son domicile,
09:37 toujours en pleine nuit.
09:39 -Voilà. Le tireur était ici.
09:44 Il a tiré, donc, si vous voyez le pilier, là-haut.
09:47 Si vous zoomez sur le pilier, vous voyez la rambarde,
09:50 il y a des impacts. Et derrière,
09:52 la petite fenêtre au-dessus et celle en dessous,
09:55 c'est nos chambres, c'est là où on dort.
09:58 Donc le tireur a bien visé là où on dort.
10:01 Nous, on n'est pas à l'abri, on est au quotidien,
10:04 on est au contact de ce système mafieux avec des mafieux
10:07 qui nous dit ouvertement "on va vous dégager".
10:10 -Des mafieux qui prospèrent avec la spéculation immobilière.
10:17 Sur l'île de Beauté,
10:20 près de 5 500 permis de construire sont déposés chaque année.
10:24 -Il est évident que la spéculation immobilière
10:27 attire la mafia parce qu'elle permet de blanchir l'argent,
10:30 notamment en payant au noir sur les chantiers, etc.
10:34 Quand on a déjà blanchi une partie de son argent,
10:36 alors on mise sur l'immobilier pour franchir un cap.
10:41 C'est là qu'on voit aussi qu'il peut y avoir mafia,
10:44 puisque c'est souvent des pressions
10:46 qui sont faites sur les maires, le conseil municipal
10:49 ou l'administration pour que le terrain non constructible
10:52 devienne constructible.
10:53 On est dans de l'activité mafieuse.
10:56 C'est pas de la terreur.
10:57 C'est-à-dire qu'on a les moyens de vous proposer
11:00 et de vous faire des propositions que vous ne pourrez pas refuser.
11:04 C'est-à-dire des grosses sommes d'argent.
11:07 C'est l'argent facile.
11:09 Depuis très vite, on se rend compte
11:12 que c'est pas la société qui est en train de faire
11:15 les choses les plus mal.
11:16 -C'est-à-dire que les gens qui sont en train de faire
11:19 les choses les plus mal,
11:21 c'est pas la société qui est en train de faire
11:23 les choses les plus mal.
11:25 -Et puis très vite, on s'est rendu compte
11:27 que c'était une espèce d'escroquerie, de magouille.
11:31 On a eu des procès, on a dû se battre
11:34 pour sortir de ce traquenard.
11:37 Et ça m'a coûté cher, ça m'a coûté très cher.
11:41 -C'est-à-dire ?
11:42 -J'ai perdu trois entreprises.
11:44 ...
11:49 Ecoutez, c'est très douloureux à en parler,
11:51 c'est très difficile.
11:53 Je me suis rendu compte que j'ai failli vraiment perdre
11:57 pas simplement que mon âme,
12:00 mais aussi ma santé et tout.
12:03 Voilà.
12:04 Mais c'est vrai que j'ai dit non à un certain moment.
12:09 Je veux pas... Comment dire ?
12:12 Je me souviens d'avoir dit "ce type demande de l'argent,
12:15 "je refuse de tomber dans ce traquenard-là".
12:18 Je me souviens de l'avoir dit.
12:20 ...
12:25 -Plus haut dans le Maquis,
12:27 les terres inconstructibles aussi ouvrent des appétits,
12:30 cette fois pour les subventions européennes.
12:33 C'est le constat de Dominique Yvon,
12:35 le représentant d'Anticor sur l'île.
12:38 Ce matin-là, il vérifie les déclarations
12:41 d'un agriculteur qui a bénéficié d'aide
12:44 de la politique agricole commune.
12:46 Ronflement
12:48 -Là, nous sommes sur une parcelle
12:50 d'une personne qui a été primo-déclarant en 2017.
12:54 Et il a déclaré 557 hectares.
12:56 Il a encaissé 127 000 euros
12:59 en vente de trésorerie en 2017.
13:01 -127 000 euros
13:04 pour seulement 17 vaches,
13:06 qui n'ont pas dû brouter souvent dans ces prairies sauvages.
13:09 -Comme vous pouvez le constater,
13:11 vous avez énormément d'épineux.
13:13 Il y a des épineux.
13:15 Vous voyez que ce n'est pas une végétation
13:17 qui peut vraiment nourrir des animaux,
13:19 à fortiori des bovins.
13:21 Vous avez du ciste, du rond marin.
13:23 Donc ça, ça fait partie de ces déclarations de surface.
13:27 C'est-à-dire qu'un îlot comme ça,
13:29 c'est pour augmenter la surface du déclarant.
13:32 Et à partir de ce moment-là,
13:33 évidemment, les primes sont en fonction de la surface déclarée.
13:37 C'est facile à imaginer pour quelles raisons
13:40 on déclare des surfaces qui sont très éloignées
13:42 les unes des autres.
13:44 ...
13:46 -Des animaux invisibles sur des terres à la propriété usurpée.
13:51 Un système qui a désormais un nom,
13:53 la grimafia,
13:55 des détournements de fonds organisés par quelques familles.
13:58 ...
14:02 -On a pu constater qu'il y a des familles
14:05 qui formaient des noyaux, et toute la famille était déclarée.
14:08 Ce qui nous a paru très vite bizarre,
14:10 c'est que ces déclarations, on s'est rendu compte
14:13 que la boîte mail était la même,
14:15 les numéros de téléphone étaient les mêmes,
14:17 tout était identique, sauf que c'était dispatché.
14:20 Là, on a parfaitement compris que c'était un moyen
14:23 de capter encore plus d'argent à travers un groupe familial.
14:27 ...
14:29 -Selon Anticor, avec ce système,
14:32 8 à 10 millions d'euros sur les 36 donnés par la PAC à la Corse
14:36 seraient ainsi volés chaque année.
14:38 ...
14:50 Détournements, escroqueries, corruptions, intimidations,
14:54 sur l'île de beauté, le poison, c'est aussi la drogue.
14:58 -C'est au niveau de ces locaux
15:00 que se situent les enquêteurs spécialisés
15:03 en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants,
15:06 qui sont au nombre d'une quinzaine,
15:09 et qui sont chargés de lutter contre les réseaux organisés
15:13 en matière de trafic de stupéfiants.
15:16 ...
15:18 Tous les produits sont concernés, le cannabis,
15:20 la cocaïne et l'héroïne,
15:22 et dans des quantités qui sont parfois importantes,
15:25 surtout au regard de la population
15:27 et des caractéristiques de cette population,
15:30 qui reste une population qui est rurale,
15:33 aussi un petit peu âgée.
15:35 Ce sont des réseaux qui sont souvent animés
15:39 par les jeunes générations du banditisme corse,
15:42 qui bénéficient souvent du soutien
15:44 ou qui ont des liens avec le narcomanditisme marseillais.
15:48 Il est important de souligner que c'est un trafic
15:51 qui n'est pas saisonnier, contrairement à ce que l'on peut penser,
15:54 et qui se déroule tout au long de l'année.
15:57 -Dans les couloirs de la PJ,
15:59 on ne veut pas encore parler de mafias,
16:02 seulement de crimes organisés,
16:04 aux mains d'une dizaine de clans,
16:06 avec des chefs emblématiques,
16:08 surveillés ou mis sur écoute.
16:10 Musique douce
16:12 ...
16:15 Malgré le contingent de policiers le plus important de France,
16:19 peu d'enquêtes aboutissent.
16:21 ...
16:25 -C'est difficile de mener des enquêtes en Corse,
16:28 car elles sont difficiles.
16:30 Elles sont difficiles parce qu'on est confronté
16:33 à des réseaux, à des groupes criminels,
16:35 qui sont structurés, organisés.
16:37 Très souvent, sur les scènes d'infraction,
16:39 on a peu ou pas d'éléments scientifiques,
16:42 de traces génétiques, de traces papillaires.
16:44 Les véhicules qui ont servi aux auteurs sont incendiés,
16:47 immédiatement après les faits.
16:49 Ces enquêtes sont difficiles par rapport à la configuration du lit.
16:53 Avec une population peu nombreuse, notamment en période hivernale,
16:57 les enquêteurs sont souvent connus, identifiés,
17:00 et puis parce qu'on a globalement peu ou pas de témoignages.
17:04 Les victimes, leurs proches ou même des témoins extérieurs
17:07 apportent rarement leur concours à ces enquêtes,
17:11 souvent par crainte.
17:13 ...
17:19 -Il y a 10 ans, la Corse était même devenue
17:22 la zone géographique la plus criminogène d'Europe,
17:25 avec près d'une trentaine d'assassinats chaque année.
17:28 Le plus souvent, des règlements de compte entre clans mafieux.
17:32 ...
17:35 Entre-temps, ils ont passé des alliances,
17:38 alors le nombre d'homicides est en baisse.
17:40 En revanche, cette pègre n'hésite plus à mettre des contrats
17:45 sur la tête de ceux qui la défient.
17:47 ...
17:50 ...
17:55 -C'est à proximité de cet établissement
17:57 que Maxime Souzini a été tué ce matin.
17:59 Il ouvre son commerce quand il aperçoit ses agresseurs.
18:02 Il tente alors de s'échapper,
18:04 mais il est touché à 2 ou 3 reprises par arme à feu.
18:07 Il décède quelques instants plus tard.
18:09 ...
18:11 -Le 12 septembre dernier, le meurtre de Massimou Souzini
18:15 est un électrochoc pour les Corses.
18:17 Le mort de trop.
18:19 ...
18:22 Partout, le visage de ce militant nationaliste
18:25 est tagué sur les routes et dans son village de Carges.
18:28 ...
18:29 -Ce point levé, c'est le point de la résistance,
18:32 c'est le point de...
18:34 Voilà, de la conviction et de l'éthique.
18:38 ...
18:40 -Eh ben, c'est mon bigotande, hein ?
18:44 Non, oui.
18:45 -Massimou est devenu le symbole de la lutte anti-mafia.
18:50 Pour son oncle, il a été tué
18:52 car il s'opposait aux raquettes des bandes mafieuses.
18:55 Son courage a poussé Jean Toussaint,
18:58 Plazaine Zotti et d'autres Corses à se rassembler.
19:01 Ils ne veulent plus se taire.
19:03 -Nous avons souhaité que ce collectif
19:06 voit le jour à Carges,
19:09 parce que c'est à Carges qu'a été fait le mal.
19:12 ...
19:14 -Briser la loi du silence en assumant les risques.
19:17 ...
19:20 -Moi, j'ai eu des menaces directes.
19:22 Des personnes de ma famille ont eu des menaces directes, directes.
19:26 Et n'importe qui du collectif
19:30 peut, demain, faire l'objet d'une attaque physique,
19:35 parce que, précisément, on dérange.
19:38 -Comment ça se traduit ?
19:39 -Bon, vous savez, on ne reçoit pas de lettres anonymes.
19:43 Ca se passe par quelqu'un qui vient vous dire,
19:45 quelqu'un qui vous appelle ou qui appelle à l'ami,
19:50 qui vous dit "ne descends pas travailler".
19:52 Voilà.
19:53 On est un petit pays, un certain nombre de choses se passent,
19:57 et la police sait très bien, par exemple,
20:01 que moi, je suis menacé, directement.
20:03 Elle le sait très bien.
20:05 Bon, mon neveu était en danger aussi.
20:07 Vous savez que tant que ça n'arrive pas,
20:10 vous pouvez toujours dire "mais non, tu exagères", etc.
20:16 "Non, ça se passe pas."
20:18 Eh bien oui, ça se passe.
20:19 Lui, il savait qu'il était en danger,
20:22 il était prudent,
20:24 mais il n'a pas pris de mesures radicales.
20:27 -Jean, tout simple à Zenzotti,
20:30 a dû bousculer ses habitudes pour ne pas être une cible.
20:34 Dans sa croisade contre la mafia,
20:37 il aimerait l'aide de l'Etat,
20:39 mais encore faudrait-il parler le même langage.
20:41 Dans un communiqué,
20:43 la préfecture refuse d'utiliser le mot "mafia",
20:46 un terme trop politique, qui visiblement gêne l'Etat.
20:49 -Les polémiques sémantiques ne m'intéressent pas,
20:52 surtout lorsqu'elles relèvent de postures
20:55 qui ne sont que les paravents de l'inaction.
20:57 -Le mot "mafia" gêne aussi les autorités insulaires.
21:03 L'homme fort de la Corse,
21:06 le président nationaliste du Conseil exécutif,
21:09 Gilles Simeoni...
21:10 -Le soleil est libéré.
21:12 -...évite soigneusement de l'employer.
21:15 -Est-ce qu'il y a une mafia en Corse,
21:17 au sens de la mafia sicilienne,
21:19 c'est-à-dire une organisation structurée, pyramidale, militaire,
21:23 avec des décisions stratégiques
21:25 et une connexion institutionnalisée
21:27 avec le pouvoir économique et le pouvoir politique ?
21:30 Je ne le pense pas.
21:32 Tous les observateurs avisés disent que non.
21:34 Est-ce qu'il y a en Corse des formes de criminalité organisée
21:38 qui font que dans un milieu insulaire,
21:40 qui est aussi une société de proximité,
21:42 on produit véritablement souvent des phénomènes d'interaction
21:46 entre le pouvoir économique, le pouvoir politique
21:49 et la criminalité organisée ?
21:50 Oui. Donc ça crée un contexte
21:52 dans lequel les citoyens ont l'impression,
21:56 et plus que l'impression,
21:58 ont le sentiment corroboré par des faits,
22:01 qu'il y a une forme de pression,
22:03 une forme d'emprise sur la société,
22:05 et ça, ce n'est pas acceptable.
22:07 -Je ne suis pas surpris que les nationalistes,
22:10 même si ils ne veulent pas employer le mot "mafia",
22:13 ils sont dans un réflexe de ne pas jeter l'opprobre
22:16 sur toute la Corse,
22:18 comme si on allait dire que toutes les Corses sont des mafieux.
22:21 La nouvelle majorité,
22:23 en prise à l'assassinat de Massimo Suzini,
22:26 a une lourde responsabilité.
22:28 Laquelle ?
22:29 Pourquoi ne monte-t-il pas à Paris
22:31 pour demander des outils anti-mafia ?
22:34 Pourquoi les députés nationaux,
22:36 qui sont nationalistes,
22:38 ne demandent-ils pas une commission parlementaire d'enquête ?
22:42 Les élus nationalistes sont, comme tous les élus,
22:45 piégés par le calendrier électoral
22:47 d'élections municipales qui arrivent.
22:50 Musique sombre
22:53 ...
23:02 -Les politiques se bouchent le nez,
23:04 alors que la fumée du crime organisé se propage.
23:08 ...
23:09 Bergerie et hangars agricoles brûlés,
23:12 ...
23:13 restaurants incendiés,
23:15 ...
23:20 et maisons plastiquées.
23:22 ...
23:28 Face à ce regain de violence,
23:30 et malgré le déni général,
23:32 plusieurs personnalités corses
23:34 ont créé un 2e collectif anti-mafia.
23:36 ...
23:38 Le groupe "Non à la mafia, oui à la vie"
23:40 invite les citoyens à briser l'omerta
23:43 et à proposer des solutions.
23:45 ...
23:49 -Nous sommes là pour parler,
23:51 mais surtout pour vous écouter.
23:53 Il ne s'agit pas de dénoncer les gens,
23:55 on n'est pas des délateurs.
23:57 Il s'agit que vous nous disiez comment vous sentez les choses,
24:00 de manière à ce que nous puissions nous adresser
24:03 aux élus corses et à l'Etat pour leur dire
24:06 qu'il ne faut pas rester comme ça,
24:07 qu'il y a des gens qui sont conscients
24:10 qu'il se passe quelque chose en Corse.
24:12 Vous verrez, on a des propositions pour les uns et pour les autres.
24:15 -Je crois que l'Etat, il ne faut pas attendre
24:18 tellement de choses tant qu'il n'y a pas une vague de fond,
24:22 une lame de fond qui vient de la société
24:25 et que les gens se lèvent et se tiennent debout
24:28 face à des gens qui les menacent,
24:30 qui leur font peur,
24:31 qui les sèchent, qui les rendent malades.
24:34 Je crois qu'il faut accepter d'être malade
24:37 mais se tenir debout parce que la Corse,
24:39 elle est en train de mourir.
24:41 J'ai dit ça.
24:42 Applaudissements
24:44 ...
24:47 -J'ai été menacé dernièrement, j'ai porté plainte,
24:50 mais il n'y a plus de tabou.
24:52 Il faut oser porter plainte.
24:55 Je préfère disputer avec les gendarmes
24:57 qu'avec le curé, le grand mort,
25:00 ou le gardien du cimetière.
25:02 Applaudissements
25:04 ...
25:06 -Il y a une seule arme
25:08 qui a fait cesser la mafia en Sicile, une seule,
25:11 c'est la brigade financière ayant tout pouvoir.
25:14 Cette brigade financière, qui démêlera tous les fils,
25:17 permettra la protection de tous les témoins
25:20 et permettra justement de vraiment ouvrir nos paroles.
25:24 Ça s'est passé comme ça en Sicile.
25:26 Ça ne pourra pas se passer autrement
25:28 si on parle de grandes pratiques mafieuses
25:31 comme celle de la brigade financière.
25:33 Applaudissements
25:35 ...
25:38 -Libérer la parole des citoyens...
25:40 ...
25:42 et celle des truands,
25:44 ce fut l'une des clés de la lutte anti-mafia en Sicile.
25:48 -Vous savez que l'imputé Tommaso Buscetta,
25:51 qui a renoncé à s'enfuir,
25:53 est à disposition de la Corte.
25:55 ...
25:57 -Lors du maxi-procès de 1986,
26:00 les aveux d'un repenti
26:02 permettent le démantèlement du clan Cosa Nostra.
26:05 ...
26:10 Des centaines de mafieux sont condamnés
26:13 et dépossédés de leurs biens.
26:15 ...
26:18 -Tommaso Buscetta était protégé,
26:20 il est arrivé devant le tribunal,
26:22 et là, il y a eu un avant et un après
26:24 coopérateur de justice.
26:26 On a pu savoir ce qui se passait à l'intérieur de la mafia,
26:30 mais on ne le savait pas.
26:31 Et comme on combat bien ce qu'on connaît,
26:33 il faut avoir la parole des anciens gangsters.
26:36 Enfin, ça a permis de limiter les violences,
26:40 notamment de meurtres,
26:42 puisque, comme on fait condamner les donneurs d'ordre,
26:45 la mafia tue moins.
26:47 En Sicile, aujourd'hui, il y a 5 homicides mafieux par an
26:52 pour 5 millions d'habitants,
26:54 c'est-à-dire le niveau zéro de l'homicide
26:56 des organisations mafieuses.
26:58 ...
27:01 -Condamner ou non les repentis,
27:03 c'était aussi l'enjeu du procès de Claude Chaussat.
27:06 Son avocat espérait la clémence pour son client,
27:10 qui a collaboré avec la justice contre la mafia.
27:13 -Là, vous avez un résumé
27:17 de beaucoup d'affaires
27:20 qui ont été résolues grâce à la parole de Claude Chaussat.
27:23 C'est bien évidemment pour cette raison
27:25 qu'il est devenu une cible.
27:27 Il parle dans le dossier des cercles.
27:30 A partir du moment où il va empêcher
27:32 les gens qui sont organisés pour prendre cet argent
27:35 de le toucher, vous imaginez la déflagration
27:38 que ça peut représenter.
27:40 Là, on lui en veut, et on le sait,
27:43 pas pour une discussion orageuse, non.
27:45 On lui en veut à mort.
27:47 Musique douce
27:49 ...
27:52 -Si, à l'issue du procès,
27:54 j'ai une condamnation,
27:57 avec un retour en détention,
27:59 c'est l'arrêt total du statut de repenti.
28:03 Plus personne ne parlera.
28:04 ...
28:07 -Le 8 novembre dernier,
28:09 Claude Chaussat a finalement été condamné
28:11 pour complicité d'assassinat
28:13 à huit ans d'incarcération.
28:16 ...
28:20 Un repenti réduit au silence,
28:22 et c'est toute la Corse qui risque de plonger.
28:25 ...
28:27 Dans l'opacité de l'Omerta.
28:29 ...
28:38 [SILENCE]

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