BE SMART - Le sujet du jour du lundi 26 juin 2023

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Lundi 26 juin 2023, BE SMART reçoit Françoise Gri (administratrice) , Julie de la Sablière (Fondatrice, Little Wing) et Bénédicte Tilloy (Fondatrice, 10h32 et Ask for the Moon)

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00:00 On repart. Julie, tu voulais parler de croissance.
00:07 Non, parce qu'effectivement, ce débat sur la croissance, j'étais frappée en regardant
00:11 le programme des rencontres d'Aix. Donc c'est les...
00:14 Rencontres du cercle des économistes. Le cercle des économistes, voilà.
00:17 Les sommités du débat économique national qui se réunissent début juillet.
00:22 Et on a un thème qui s'appelle "Croissance soutenable, a-t-on vraiment le choix ?"
00:26 Oui. Ce qui est intéressant, qu'on pose encore
00:28 la question en termes de choix. C'est-à-dire que, effectivement, le débat,
00:32 il est plus qu'urgent sur la croissance. Et on voit bien, en fait, comment à partir
00:37 du moment où on dit "En fait, je suis pour la croissance, attention, je ne suis pas un
00:40 décroissance", qu'est le réflexe de beaucoup de dirigeants qui veulent surtout rester dans
00:43 le camp de la croissance. En fait, c'est un sujet qui cristallise totalement les opinions.
00:49 Sachant que les défenseurs de la décroissance disent "En fait, on n'est pas pour la récession,
00:54 on est pour la décroissance", c'est-à-dire un projet de société qui soit organisé,
00:59 dans lequel on fait le choix de prioriser ce qui est de la croissance soutenable, précisément,
01:04 et qu'on se désengage des autres volants qui sont de la croissance toxique ou de la
01:09 croissance qui dépasse les ressources planétaires.
01:11 Mais ce n'est pas de la décroissance, Julie. Enfin, pardon, mais puisque tu voulais en
01:16 parler, tu es beaucoup trop gentille avec les décroissants, pour peu que j'en parle.
01:20 Moi, ce que j'entends du discours sur la décroissance, ce n'est pas de la croissance soutenable,
01:24 c'est de la décroissance. Donc, ça veut dire qu'on va briser, casser, avec violence,
01:31 tout ce qui, de près ou de loin, pourrait en fait fabriquer cette croissance soutenable.
01:36 Tout le débat sur le nucléaire, à mon avis, il est là. C'est-à-dire que le sujet du
01:41 nucléaire pour l'ensemble des décroissants, c'est que ce pourrait être l'une des solutions
01:46 pour maintenir en fait un rythme de croissance, mais qu'il soit un rythme de croissance soutenable.
01:51 Tout le sujet sur les OGM, sur la recherche agricole, sur détruire les plants qui utilisent
01:57 moins d'eau, c'est exactement la même chose. Et en fait, ils veulent détruire le
02:01 système de croissance.
02:02 Non, c'est pas vrai. En fait, la plupart des tests de décroissance, c'est une phase
02:07 de décroissance qui est une phase transitoire pour arriver à une situation de post-croissance,
02:12 avec cette post-croissance qui est l'idée d'avoir une croissance qui s'intègre dans
02:15 les limites planétaires. Mais effectivement, le sujet, c'est est-ce que tu as besoin de
02:20 casser à un moment la dynamique de croissance ? Et la réalité des chiffres fait que oui,
02:26 tu vois comment il faut infléchir la courbe. C'est-à-dire qu'on n'y arrive aujourd'hui
02:30 pas du tout. Le découplage ne marche pas dans les conditions où on voudrait faire marcher.
02:34 On n'y arrive pas.
02:35 Julie, je ne vais pas rentrer dans un débat chiffré qu'en plus je maîtrise mal, mais
02:38 j'ai vu beaucoup de courbes qui montraient quand même le découplage très, très clair
02:43 entre la production et le carbone. Et ce que conteste fortement Jean-Marc Jancovici,
02:50 et pourtant, mais non pas tous.
02:51 Tu ne sais pas démontrer, tu sais démontrer à l'échelle d'un pays, mais c'est jamais
02:55 global, c'est jamais absolu, c'est jamais des courbes qui sont inversées.
02:58 Mais dis donc, ça suffit à l'échelle d'un pays quand même, c'est pas mal à l'échelle
03:00 d'un pays.
03:01 Sauf si tu importes...
03:02 Ah ben non, c'est toujours le carbone importé, toujours pris en compte dans l'ensemble de
03:07 ces calculs.
03:08 Donc voilà, c'est un débat.
03:10 C'est parce qu'on enlève le carbone importé qu'on arrive à cette divergence entre le
03:16 PIB et l'intensité carbone.
03:17 On n'arrive pas à démontrer qu'on sait le faire de manière pérenne et de manière
03:21 absolue.
03:22 Et en fait, je trouve que la difficulté, c'est qu'aujourd'hui, on n'est plus capable
03:30 de voir ce dialogue croissance-décroissance.
03:31 On a les tenants de la croissance, les tenants de la décroissance, et qu'en fait, il n'y
03:35 a plus de dialogue.
03:36 Non, je suis d'accord avec toi, c'est hystérique.
03:37 Donc ça, c'est devenu...
03:38 Ça, c'est triste et c'est très pénible.
03:40 Si le Medef pouvait reprendre ce débat-là, effectivement, ça serait formidable.
03:44 Et pourtant, en fait, le sujet, il est très simple, c'est de trouver un modèle de développement
03:50 qui s'intègre dans le cas des limites planétaires.
03:52 En fait, la manière de mettre tout le monde d'accord, c'est d'arriver à dire ça.
03:55 C'est-à-dire que tout le monde sait déconstruire le concept de la croissance aujourd'hui, tel
04:01 que le font les décroissants.
04:02 Ce n'est pas compliqué d'expliquer que le PIB est un indicateur qui mesure très mal
04:06 la réalité du bien-être, des inégalités sociales, des destructions de l'externalité.
04:10 Mais bien sûr.
04:11 Donc ça, tout le monde est d'accord là-dessus.
04:12 La seule chose, c'est effectivement comment on donne des nouveaux indicateurs de pilotage
04:18 de la croissance économique à tous les niveaux, qu'on sache l'évaluer.
04:22 Ça, Julie, c'est un sujet, alors là, pour le coup, vieux comme depuis que je réfléchis
04:28 à l'économie.
04:29 Donc ça, c'est un sujet qui, dans les manuels d'économie sur l'imperfection du PIB, ça
04:33 fait 50 ans que ça dure.
04:35 Un accident de la route est une bonne nouvelle pour le PIB.
04:37 Donc ce débat-là, en fait, tout le monde l'a tranché.
04:40 On est tous d'accord là-dessus.
04:41 C'est pour ça que non, il y a une différence entre essayer, tu sais, c'est l'indice du
04:47 bonheur, etc.
04:48 Avec mon ami Emmanuel Lechypre, on avait essayé de lancer ça, BFM Business, il y a 5 ou 6
04:53 ans.
04:54 Bon, c'est quand même très, très compliqué à mettre en place.
04:57 Mais ça n'a rien à voir avec ce que j'entends moi autour de la décroissance, qui est une
05:02 modification profonde.
05:04 Et fondamentalement, c'est tous ceux qui refusent l'économie de marché, en fait, qui s'engouffrent
05:09 par cette voie-là dans le débat public où ils avaient disparu et qui est une modification
05:14 profonde de nos modes de vie.
05:15 Le calcul du PIB n'amène pas une modification profonde de nos modes de vie.
05:22 Au contraire, il veut essayer de mieux prendre en compte ce que sont nos modes de vie aujourd'hui.
05:26 Oui, pour mieux se rendre compte qu'il y a un problème.
05:28 Il y a un problème.
05:31 Je pense qu'on pourrait essayer de poser le problème de façon un peu plus concrète
05:36 et immédiate.
05:37 Sur des grands débats sur la croissance, décroissance, je pense qu'on a peu de chance,
05:42 effectivement, comme vous disiez, de réconcilier les parties.
05:44 Mais se poser la question de qu'est-ce que ça veut dire la croissance durable, soutenable,
05:50 etc.
05:51 Et qu'est-ce que ça veut dire à l'échelle planétaire ? Parce que c'est d'abord un
05:52 sujet aussi de partage au niveau du monde et des populations.
05:57 Et ça, c'est un sujet quand même très, très compliqué compte tenu de la cartographie
06:01 que nous avons des parties prenantes.
06:06 Et je pense qu'il y a non seulement de la pédagogie à faire sur ces sujets-là, mais
06:10 il y a un vrai travail de réflexion qui va au-delà de ce que font la plupart des entreprises
06:17 aujourd'hui qui essaient de contrôler leurs émissions carbone et de se poser la question
06:23 de c'est quoi mon modèle.
06:24 Donc, s'il y a un livre sur ces sujets-là, je trouve que c'est intéressant.
06:27 Ça amène une pierre à l'édifice.
06:30 Donc, il faut amener des choses très concrètes.
06:32 Quand on n'est qu'au niveau des concepts, je crains qu'on ne soit pas du tout réconciliable.
06:38 C'est pour ça que c'est un sujet du Medef, parce qu'il devrait être en contact avec
06:44 la réalité.
06:45 Et du dialogue social.
06:46 Alors justement, ce qui clique Christopher Guérin, c'est que pour mettre en place ce
06:52 modèle que lui, il appelle E3, il faut revenir à des méthodes de micromanagement des années
07:01 90.
07:02 Et il dit que t'as pas le choix.
07:03 T'as pas le choix.
07:04 T'as pas le choix parce qu'effectivement, c'est chaque opérateur qui à un moment doit
07:10 modifier ou chaque commercial qui doit modifier la façon dont il négocie, qui doit modifier
07:16 sa façon de faire, qui doit modifier ses priorisations par rapport au client, qui doit
07:20 modifier ce qu'il dit au client, ce qu'il promet au client, les délais qu'il promet
07:23 au client.
07:24 C'est tout ça qui doit être transformé en profondeur.
07:27 Donc effectivement, c'est pas mal dans une entreprise comme Nexens qui se demandait si
07:33 elle allait survivre.
07:34 Parce que pour eux, c'est les digitales.
07:36 Voilà.
07:37 Tout le monde en fait, c'est là où je trouve le bouquin un peu… bon, mais on en parlera
07:41 jeudi.
07:42 Donc tout le monde finalement est assez volontaire pour rentrer dans un modèle qui tout à coup
07:45 redonne de la pérennité à l'entreprise.
07:48 Chez Total, ça va être plus compliqué.
07:50 Non, à la limite, chez Total, c'est moins difficile.
07:52 C'est moins difficile parce qu'ils sont tous aussi…
07:53 Moi je pense que ça va être très compliqué dans une compagnie aérienne.
07:56 Oui, voilà.
07:57 Dans un presse à terre qui propose des vacances à l'autre bout du monde.
08:01 Oui.
08:02 C'est existentiel.
08:03 Là, c'est vraiment profondément existentiel.
08:06 Mais c'est un enjeu de dialogue social.
08:07 C'est un sujet d'engagement des collaborateurs.
08:09 C'est ce que disait Bénédicte de manière très claire.
08:12 En fait, moi j'avais suivi un peu un syndicat qui avait essayé de se monter, qui s'appelle
08:15 le Printemps écologique.
08:16 Il dit qu'on veut une thèse sociale et écologique et pas juste tout passer au prisme
08:21 du social d'abord.
08:22 Et en fait, il y a une énorme barrière à l'entrée quand même.
08:25 La loi a dû favoriser ça.
08:27 Mais on a besoin aussi de ce type de force syndicale.
08:30 Et aujourd'hui, on voit des mouvements de collaborateurs fleurir parce que c'est
08:34 les collectifs, donc des mouvements spontanés de collaborateurs qui veulent faire accélérer
08:37 leur boîte et faire transformer leur boîte.
08:39 On voit les shifters, on voit les fresqueurs, ceux qui ont fait la fresque du climat.
08:43 Tout ça fait des communautés assemblées de collaborateurs qui sont dans l'entreprise
08:47 et du coup, évidemment, qui ont des attentes qu'elles remontent puisqu'elles sont mobilisées,
08:52 elles agissent, etc.
08:53 Elles se fédèrent maintenant.
08:54 Et donc, il y a des choix et des choix qui ne sont pas simples et qui doivent évidemment
08:58 faire l'objet d'un dialogue social.
09:00 Mais c'est-à-dire que là où on va avoir beaucoup de mal, parce que c'est de toutes
09:04 les thèses des décroissants, etc.
09:06 Le moment où le bas blesse, c'est comment une société débat démocratiquement d'une
09:09 allocation de ressources face au coût des 4 billets d'avion de Jean-Marc Jancovici.
09:12 Comment on fait pour se mettre d'accord là-dessus ? À l'échelle d'une société, c'est ultra
09:16 complexe.
09:17 Comment tu le fais à l'échelle d'une entreprise ? Et là, je pense qu'il va y avoir deux choses.
09:21 Et à la limite, si tu avais deux générations pour le faire, tu pourrais toujours discuter.
09:23 En plus, il faut le faire en 3-4 ans.
09:24 Et en plus, il faut le faire rapidement.
09:25 Mais c'est passionnant.
09:26 Et qu'est-ce que tu mets ? Etienne Wassmer est venu nous voir récemment.
09:33 Etienne Wassmer, c'est un économiste spécialiste d'ailleurs du marché du travail, entre autres,
09:38 qui enseigne à Abu Dhabi, à l'antenne de la New York University qui est à Abu Dhabi.
09:44 Lui, il a des étudiants philippins, indonésiens, indiens, pakistanais.
09:50 Il le dit comme ça, Julie.
09:53 Ils s'en foutent, mais comme de l'an 40.
09:57 Eux, leur sujet, c'est de croître.
09:59 Eux, leur sujet, c'est de se développer.
10:01 Je ne sais pas si tu as vu cette vidéo qui était assez spectaculaire d'un paysan au
10:06 Kenya.
10:07 Il était avec son outil.
10:08 Et il parle comme ça.
10:10 Il dit « Et vous voulez me priver du fossil fuel pour un jour pouvoir labourer mon champ
10:15 plus rapidement, etc. ? Mais jamais de la vie.
10:18 Dès que je peux avoir un tracteur, j'aurai un tracteur.
10:20 » Donc, comment tu alignes les deux ?
10:22 C'est ça le vrai sujet.
10:23 C'est ça le vrai sujet.
10:24 C'est le partage.
10:25 Si tu demandes, il faut qu'on fasse plus.
10:27 On ne l'a pas, eux, c'est sûr.
10:30 Voilà, c'est le sommet de Paris.
10:31 On essaye aussi de faire des choses.
10:33 Tiens, Julie, puisque c'est Mathias Wischra qui, devant moi, a eu cette expression que
10:39 j'ai trouvé très intéressante.
10:40 « Après l'État Providence, c'est l'heure de l'entreprise Providence.
10:45 » Alors, j'ai deux, trois…
10:50 Geoffroy Hautebézieux dit aussi « Les chefs d'entreprise ont tendance à fuir les hommes
10:54 politiques dans le lobbying à l'ancienne, mais à intervenir de plus en plus sur les
10:57 sujets de société, à positionner l'entreprise sur ce sujet et en fait à trouver eux-mêmes
11:04 un certain nombre de réponses.
11:05 » Et l'exemple qui était donné dans ce que je lisais, c'était les 12 jours de
11:08 congé que donne Carrefour pour l'endométriose.
11:11 Donc, on n'attend pas en fait, on n'attend plus que ce soit la Sécu qui propose ça,
11:16 etc.
11:17 Et donc, Mathias Wischra dit « On va vers l'entreprise Providence, où on va se saisir
11:22 des sujets de la société et on va essayer d'apporter à nos collaborateurs les solutions
11:28 que l'État ne peut plus apporter.
11:29 » C'est la même discussion qu'on a eue tout
11:31 à l'heure.
11:32 C'est Focus client, Focus RH.
11:35 L'entreprise protectrice de ses collaborateurs, c'est un truc qui a existé dans les années
11:41 50, dans la fin du 5 février dernier.
11:43 On revient aux mines finalement et aux grandes forges.
11:48 L'entreprise doit apporter un certain nombre de services, d'aides parce qu'elle considère
11:57 d'abord que c'est bien pour ses collaborateurs et de réponses parce qu'il y a aussi une
12:00 attente sur ces sujets-là.
12:01 Moi, je ne pense pas que ce soit une connotation sociétale parce que c'est la façon de communiquer
12:06 aujourd'hui, mais ce n'est rien de différent de ce que l'on faisait probablement dans
12:11 les années 80 ou les années 70.
12:13 Tu vas rentrer dans davantage d'intimité quand même.
12:15 J'ai en tête certains exemples où on éduquait les familles des collaborateurs, où on a
12:25 rapporté des services à la santé.
12:27 J'avais une mère qui était monétriste d'enseignement ménager.
12:32 Elle était dans une entreprise qui formait les familles des collaborateurs à l'économie
12:41 domestique.
12:42 Ça, c'était une politique sociale des années…
12:46 Ça s'est terminé en 68, évidemment, tout ça a été balayé.
12:49 Dans les années 50, après-guerre, il y avait des entreprises très sociales qui faisaient
12:56 ce genre de choses.
12:57 Donc, cette espèce de cocon, ce n'est pas nouveau.
13:00 L'idée n'est pas nouvelle.
13:02 La façon de la mettre en œuvre, elle correspond au monde d'aujourd'hui.
13:06 Pour moi, c'est focus collaborateur.
13:09 C'est aussi lié au fait qu'il y a plein d'institutions qui ne jouent plus leur rôle.
13:14 Il y a l'église, l'éducation nationale.
13:19 L'entreprise se saisit d'un certain nombre de sujets de société et dont elle doit s'occuper.
13:25 Donc, elle s'occupe d'inclusion.
13:28 Inclusion peut aller jusqu'à apprendre à lire.
13:32 Elle s'occupe de la vie personnelle, de la vie du collaborateur en dehors du moment
13:40 du travail.
13:41 Et ça, c'est quand même une évolution assez significative.
13:46 En tout cas, je trouve, par rapport à une période où on disait que les questions personnelles
13:51 n'intéressent pas l'entreprise et vous les laissez au vestiaire.
13:53 Et aujourd'hui, les collaborateurs attendent que l'entreprise prenne en charge les moments
13:59 de la vie qui ont un impact sur le travail.
14:01 Donc, les trois fameux 3M de la femme, puisqu'on parlait d'endométriose, qui sont l'émenstruation,
14:09 la maternité, la ménopause, qui sont trois moments clés de la vie de la femme qui ont
14:15 un impact sur sa productivité, et qui sont attendus comme...
14:23 Ce qui donne une légitimité à l'entreprise de s'en occuper.
14:26 À vrai dire, ce n'est pas la question de la performance qui est mise en valeur.
14:29 C'est la question de l'intégration.
14:32 On est encore dans la question de la marque employeur.
14:34 Je trouve que l'entreprise est devenue le seul lieu, parfois, où on fait encore société.
14:46 C'est-à-dire où on rencontre des gens qui sont différents de soi et avec qui on doit
14:51 cohabiter.
14:52 Et du coup, elle devient Providence parce qu'elle doit traiter ces questions-là.
14:56 Moi, je ne trouve pas ça si mal.
14:58 Non, je ne trouve pas.
14:59 Mais c'est pas ce que je dis.
15:00 J'ai trouvé que la formule résumait parfaitement ce qu'on ressentait l'entreprise Providence
15:07 avec ce côté très, effectivement, forge du 19e.
15:11 Les corons des mines, on construit les maisons, on fait les mariages.
15:14 On revient à des choses.
15:15 On organise...
15:16 On revient à un mouvement de balancier parce que l'État Providence, c'est l'État qui
15:21 sort de son champ régalien pour aller dans le social et la prise en charge, etc.
15:24 Et c'est vrai que du coup, en particulier en France, c'est pas du tout vrai.
15:28 Par ailleurs, aux US où l'entreprise gère la santé de ses salariés depuis longtemps,
15:32 etc.
15:33 Mais c'est vrai que je pense qu'en France, du coup, le sujet du social pour l'entreprise
15:39 était quand même très limité à ses employés et uniquement ses employés.
15:44 Parce que l'État avait pris toute la place.
15:45 L'État faisait le reste et les entreprises n'avaient pas forcément envie de s'en charger.
15:49 Tu as raison.
15:50 Et c'est vrai que là, ce qui change, je pense, c'est à la fois l'appauvrissement de l'État,
15:54 qui a moins de moyens pour gérer ses politiques sociales d'un côté, et puis le fait que
15:58 les entreprises ont ces sujets aussi de recrutement, de fidélisation, et des sujets de performance.
16:04 C'est-à-dire que nouveau rapport au travail.
16:06 Si tu veux plus de femmes qui travaillent, tu as aussi des nouveaux sujets à traiter.
16:11 Donc tout ça est assez logique.
16:13 Et c'est vrai qu'on se dit que ces trois sujets, à part la maternité, où on était
16:17 obligé de quitter le bureau pour aller accoucher à un moment donné.
16:20 Mais les autres, c'était des invisibles.
16:23 C'est des sujets qui n'existaient pas.
16:24 On a tous vécu sans jamais en parler.
16:29 Dans mon monde des médias, j'en ai connu quand même qui ont fait ça de manière spectaculaire.
16:34 C'est à peine si elles se sont absentées pour accoucher.
16:37 La maternité ?
16:38 Oui, très très spectaculaire.
16:39 Je pensais que tu parlais du vrai.
16:40 Trop spectaculaire.
16:41 Moi aussi, je me disais.
16:42 Non, non, non, non, non, non.
16:43 Je parlais de la maternité.
16:44 Françoise, que le temps tourne très vite.
16:48 Assemblée Générale, beaucoup de bruit, plus rien.
16:51 Je titrerai les échos récemment pour évoquer les différents séans qui se multipliaient
16:55 partout.
16:56 La radicalisation des opinions, écrit Bénédicte Hautefort, qu'on peut saluer d'ailleurs,
17:01 qui fait un travail depuis des années sur les assemblées générales et la représentation
17:06 notamment des petits porteurs.
17:08 La radicalisation des opinions pousse petits porteurs et investisseurs institutionnels
17:13 dans le camp des management.
17:14 C'est ce que tu constates ?
17:15 Non.
17:16 Je ne crois pas.
17:19 Je crois simplement qu'on a là aussi un phénomène de maturation sur des pratiques
17:26 qui se sont mises en place relativement récemment.
17:28 Il y a un peu de technicité sur ces sujets-là.
17:31 C'est-à-dire que c'est ONP.
17:34 Le travail qui compte, c'est le travail en amont de l'Assemblée Générale.
17:38 Et le fait qu'il ne se passe pas grand-chose à l'Assemblée Générale, finalement, ça
17:41 prouve que le travail en amont, il a fonctionné.
17:43 Donc on va se rappeler ça.
17:44 Le fait qu'on ait des scores sur un certain nombre de sujets qui ne soient pas des scores
17:49 staliniens, c'est normal.
17:52 Et moi, je n'ai pas de problème avec ça.
17:53 Parce que la compliance, ça ne veut pas dire sticker des box sur tous les sujets de façon
18:01 indépendante de la situation de l'entreprise et des circonstances qui font qu'à un moment
18:07 donné, un conseil d'administration peut prendre une décision qui ne va pas strictement cocher
18:13 les cases ou les normes qui sont imposées par un certain nombre de codes extérieurs.
18:18 Et la soft law, elle a cet intérêt qui est que "comply" ou "explain".
18:24 Et c'est ça l'intérêt.
18:27 On est sur des sujets où on ne peut pas mettre toutes les entreprises, toutes les situations
18:32 strictement au cordeau.
18:34 C'est pour ça qu'on est dans la soft law.
18:35 Et du coup, il faut donner la possibilité d'expliquer pourquoi on n'est pas compliant.
18:41 Et dans ces cas-là, on peut ne pas avoir un vote à 95%.
18:47 Et alors ? Et alors ?
18:48 Si on passe, on passe.
18:50 C'est ça le sujet.
18:51 Et je pense qu'il faut effectivement que petit à petit ce "explain", on se le réapproprie.
19:01 Parce qu'on voit trop de...
19:05 Oui, oui.
19:06 Ne pas prendre effectivement 55, 60% etc. pour une défaite.
19:11 C'est l'entreprise qui affirme un point de vue d'une certaine manière.
19:14 Absolument.
19:15 Et on est droit dans ses votes, on explique.
19:17 Ça passe, ça passe pas très bien.
19:18 Mais c'est pas un sujet en tant que tel.
19:21 Après, c'est très différent sur le sujet des rémunérations et le sujet du climat.
19:24 Parce que je pense que c'est vraiment des problématiques qui rentrent pas dans les
19:28 mêmes classes.
19:29 Et il faut se méfier du rôle des intermédiaires dans ces sujets-là.
19:33 C'est-à-dire que sur les votes des assemblées générales, il y a des agences de vote, des
19:37 proxys.
19:38 C'est pas les gens qui investissent qui votent.
19:41 Quand on dit que c'est les petits porteurs qui prennent les décisions, non.
19:44 C'est des structures de compliance.
19:47 Moins vraies aux Etats-Unis quand même.
19:49 Les petits porteurs ont un rôle un peu plus...
19:52 Oui, enfin, les grands investisseurs, les BlackRock, machin, etc.
19:55 Des armées de gens qui cochent les cases et qui sont déterminants sur ces sujets.
20:00 Alors ça veut pas dire qu'on n'est pas capable d'expliquer et de modifier leur rôle.
20:04 Mais de temps en temps, c'est quand même un peu...
20:07 Il faut être strictement...
20:09 Donc on est un peu loin.
20:10 Je pense que le travail à fond...
20:12 Donc ça veut dire que tu retires de tout ça un débat légitime, sain, et qui permet
20:18 à l'entreprise d'affirmer ses principes.
20:20 Et de devoir communiquer.
20:23 Et c'est quand même ça qui est important.
20:25 Oui, tout à fait.
20:26 Vous avez un commentaire là-dessus ?
20:28 Bon, alors à ce moment-là, juste on termine.
20:38 Alors à ce moment-là, c'est moi qui vais terminer sur...
20:41 Juste un petit mot autour des retraites quand même.
20:44 Parce que c'est quand même un peu fou.
20:46 Mais il nous reste trois minutes.
20:47 Donc un quart de page.
20:49 Je ne sais pas si on va le voir d'ailleurs.
20:51 Le CORE exécute trois mois de débat.
20:53 Non, la réforme n'est pas injuste.
20:55 Ni pour les plus pauvres, ni pour les femmes.
20:57 Point à la ligne.
21:00 Le rapport du CORE, il est largement disponible.
21:03 Et puis surtout, il y a une synthèse qui fait 400 pages, je crois.
21:06 Il y a une synthèse qui est très bien faite.
21:08 Vous lirez ça vous-même.
21:09 Est-ce qu'on réforme le CORE ?
21:11 Non, mais comme instants, ce qui ne sert à rien, c'est quand même que ça se pose là.
21:15 On va faire de mauvais genoux avec CORE et Anticore.
21:17 Voilà, je vous le montre.
21:18 Je ne sais pas si on peut le voir d'ailleurs.
21:20 C'est un quart de page qui dit non, je vais vous dire.
21:22 Ça ne passe pas du tout.
21:24 Qui montre en deux tableaux que non, c'est les plus riches qui vont payer plus cher et
21:29 les moins riches vont payer moins.
21:30 Et que c'est un peu moins, ce qu'on savait tous quand on se penchait sur le truc, c'est
21:37 un peu moins déséquilibré pour les femmes que l'actuel système.
21:42 Mais encore une fois, tu en fais cette lecture.
21:45 Sophie Binet en fait une autre lecture qui me justifie.
21:47 Ah bah non, c'est écrit noir sur blanc.
21:48 Non, non, mais je te jure.
21:49 Alors il faudrait mes lunettes de vieux pour que je te puisse te lire.
21:51 Tu vois en fait, cet instant ce qui serait extraordinairement précieux dans le débat
21:55 public.
21:56 Il ressort de ces analyses.
21:57 Donc c'est génération 66.
21:58 Il ressort de ces analyses que la génération 66 verrait sa pension cumulée diminuer de
22:03 1% avec la réforme, les femmes étant un peu moins touchées que les hommes et ensuite
22:10 et que les plus hauts revenus un peu plus touchés que les plus bas revenus.
22:15 Non mais ce qui est terrible, c'est comment on produit ces rapports où personne n'est
22:20 d'accord sur le constat au point de départ alors que c'est la seule instance qui est
22:23 censée faire un diagnostic partagé sur la situation des retraites.
22:26 Toutes les lectures, tout le monde était éperdu, tout le monde a essayé de lire les
22:31 rapports et de comprendre.
22:32 Il y avait autant de gens qui disaient le rapport du corps dit qu'il y a un problème
22:36 et d'autres qui disaient qu'il n'y en avait pas.
22:38 Non, il y a un problème sur l'équilibre financier.
22:39 Il est temps qu'ils s'en rendent compte le corps.
22:41 Mais sur l'injustice, moi je parle juste de l'injustice.
22:43 Oui, oui.
22:44 Non mais tu vois, et même dans ce qui en sort, c'est-à-dire qu'on a un vrai sujet.
22:48 Moi, je pense que dans le débat public, je prends souvent en référence les scénarios
22:53 énergétiques des RTE qui, je trouve, ont fait un boulot formidable de mettre d'accord
22:57 les gens qui pouvaient pencher sur la méthodologie, sortir des scénarios sur lesquels aujourd'hui
23:01 tout le monde peut discuter, nucléaire, pas nucléaire, et sortir du débat entre ENR,
23:07 nucléaire, où en fait les deux étaient en train de s'entretuer alors qu'on a besoin
23:10 des deux et on a besoin des deux à fond, massivement, plus de la sobriété.
23:15 Mais au moins, ce rapport, je trouve qu'il a apaisé le débat public.
23:19 Il nous a permis de débattre sur une base de faits très solide.
23:23 Et si on avait la même chose sur les retraites, je pense que ça serait utile, sur les retraites
23:27 et sur tous les sujets d'ailleurs dont on discute.
23:29 Puisqu'on parlait d'orange tout à l'heure.
23:30 Mais alors on a 20 secondes.
23:31 Ah, malheureusement je n'ai pas le temps.
23:34 Allez lire, c'est ce que dit le corps d'ailleurs.
23:37 Franchement, allez lire la synthèse.
23:39 Je ne vois pas où est-ce qu'on pourra trouver, je l'ai lu, la synthèse, je ne vois pas
23:42 où est-ce qu'on pourra trouver de quoi nourrir l'injustice de la réforme.
23:45 Ce qui n'est pas l'équilibre financier, mais ça on le savait.
23:47 Mais l'injustice de la réforme, non.
23:49 Au contraire.
23:50 Merci mesdames.
23:51 Merci.
23:52 Merci à vous.
23:53 Et donc on continue cette discussion, Bertrand Martineau, Emmanuelle Barbara sont avec nous
23:59 demain.
24:00 On continuera cette discussion sur le travail et notamment grâce à l'enquête de l'Institut
24:04 Montaigne.
24:05 Contre les idées reçues, disait Bertrand à l'époque.
24:08 On essayera d'aller encore un peu plus loin.
24:11 A demain.
24:12 Au revoir.
24:12 Au revoir.
24:13 [Musique]

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