• il y a 2 ans
Découvrez l’histoire d’Helena Rubinstein, la première femme d’affaires la plus riche des États-Unis, racontée par l’historienne Virginie Girod dans un récit inédit en deux parties. Helena Rubinstein quitte sa Pologne natale pour l’Australie en 1896, à l’âge de 24 ans. Elle espère que l'Australie, où elle rejoint une de ses cousines, sera une terre d’avenir pour elle. Et la jeune femme voit juste. Dans le climat aride de ce pays presque désertique, Helena fait fureur auprès des femmes du village avec des pots de crème hydratante pour le visage, qu’elle tient de Pologne. Consciente du potentiel de ces crèmes, Helena Rubinstein a l’idée d’en fabriquer elle-même, pour les commercialiser. Et la période est propice : à cette époque, les femmes commencent à prendre soin d’elles, à se maquiller. La beauté peut devenir une arme d’émancipation pour la gent féminine. En 1902, la femme d’affaire ouvre son premier salon de cosmétique à Melbourne et y vend sa première crème. La marque “Helena Rubinstein” est née, entrainant avec elle le tourbillon du succès. En 1905, la femme d’affaires se lance à la conquête de l’Europe. Retrouvez Virginie Girod dans Madame Figaro en kiosques le 14 juillet avec un récit inédit. https://madame.lefigaro.fr “Au Cœur de l’Histoire” est un podcast Europe 1 Studio.

Sujets abordés : Cosmétique - Commerce - États-Unis - Maquillage - Crème


"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio.
Ecriture et présentation : Virginie Girod

- Production : Camille Bichler (avec Florine Silvant)

- Direction artistique : Adèle Humbert et Julien Tharaud

- Réalisation : Clément Ibrahim

- Musique originale : Julien Tharaud

- Musiques additionnelles : Julien Tharaud et Sébastien Guidis

- Communication : Kelly Decroix

- Visuel : Sidonie Mangin

Bibliographie : Michèle Fitoussi, Helena Rubinstein, la femme qui a inventé la beauté, Grasset, 2010.



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Transcription
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire, je suis Virginie Giraud.
00:07 Elena Rubinstein a été la première femme d'affaires la plus riche des Etats-Unis.
00:12 Née dans le quartier juif de Krakowie, en Pologne, elle a fait fortune seule dans les
00:18 cosmétiques.
00:19 Elle a monté des centres d'esthétique dans toutes les grandes villes d'Europe et d'Amérique.
00:24 Elle a saisi l'air du temps et fait sienne l'idée que l'émancipation féminine allait
00:30 de pair avec la beauté.
00:32 C'est l'histoire passionnante de cette businesswoman qui a traversé le XXème siècle
00:37 que je vais vous raconter dans un récit en deux parties.
00:40 Elena Rubinstein, l'impératrice de la beauté.
00:46 Épisode 1 - Du travail comme soin de beauté Nous sommes à Paris en septembre 1945.
01:02 Elena Rubinstein revient en Europe pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.
01:07 La femme d'affaires issue d'une famille juive polonaise a préféré rester aux Etats-Unis
01:12 pendant cette période troublée.
01:14 Quand elle retrouve son bel appartement du 24 Quai de Béthune sur l'île Saint-Louis,
01:20 Elena est sous le choc.
01:21 Sa demeure a été occupée et vandalisée par la Gestapo.
01:26 Les meubles précieux sont cassés, il y a des brûlures de cigarettes sur les marqueteries
01:32 du buffet, un sofa a été lacéré.
01:34 La table de jeu Louis XVI transportée sur la terrasse a subi les attaques en règle
01:39 de la météo.
01:40 Les murs sont même couverts d'impact de balles.
01:43 Elena est révulsée quand elle apprend que les nazis ont passé des meubles par la fenêtre
01:48 avant de quitter définitivement son appartement pour le simple plaisir de détruire.
01:53 Tant pis, Elena Rubinstein est une femme de tête, pas du genre à courber les chines
01:59 face à l'adversité.
02:00 Elle va tout rénover et faire un choix surprenant.
02:05 Vous allez voir.
02:08 La success story d'Elena Rubinstein commence le soir de Noël 1872 dans le quartier juif
02:14 de Krakowie, en Pologne.
02:17 Madame Rubinstein met au monde Raya, l'aînée de ses huit filles.
02:22 Cet enfant ne s'appelle pas encore Elena, donc pour le moment, nous aussi, on l'appellera
02:27 Raya.
02:28 En cette fin de XIXe siècle, on attend des femmes qu'elles servent leur famille à
02:32 la maison.
02:33 En tant que fille aînée, Raya est censée aider sa mère à prendre soin de ses sept
02:38 petites sœurs.
02:39 Mais elle déteste ça.
02:41 Elle aime l'école, elle a soif d'apprendre.
02:44 Sauf qu'on est dans les années 1880.
02:46 La famille Rubinstein est modeste, pas question d'investir dans l'éducation des filles.
02:53 Pour elle, l'école se termine vers 16 ans.
02:56 Raya préfère aider son père dans son épicerie plutôt que de rester à la maison.
03:01 Et c'est tant mieux, parce que son père, qui est plutôt un intellectuel, n'a rien
03:06 d'ingénie des affaires.
03:07 En revanche, Raya a un culot monstre.
03:12 Elle a aussi un sens inné du commerce.
03:15 Elle vendrait des congélateurs à un Eskimo sur la banquise.
03:18 De fait, elle sauve plusieurs fois la boutique paternelle de la ruine.
03:22 Alors que Raya s'amuse derrière la caisse, ses parents lui cherchent un mari.
03:29 Ils lui présentent plusieurs candidats qu'elles évincent tous les uns après les autres.
03:34 Cette jeune fille de 1m47 aux regards perçants, aux cheveux noirs et aux lèvres fines ne
03:41 veut pas se marier.
03:42 Elle veut travailler.
03:44 Elle veut gagner sa vie et faire ses choix.
03:47 On est à la fin des années 1880, Raya ne correspond en rien aux filles de son temps.
03:53 Comme ses parents ne savent pas quoi faire d'elle, ils l'envoient à Vienne où elle
03:58 travaille quelques années dans la boutique de fourrure d'un oncle.
04:02 Elle parle déjà le polonais, le yiddish et l'allemand.
04:06 Et elle ne veut toujours pas se marier.
04:08 Raya sait qu'un destin plus grand l'attend ailleurs.
04:11 Mais où ? La réponse à sa question arrivera avec le courrier.
04:18 Sa cousine Eva lui écrit d'Australie.
04:21 Elle vient de divorcer et elle a besoin d'aide pour élever ses trois enfants.
04:25 Raya se met à rêver de ce pays de pionniers avec ses grandes villes.
04:30 Tout ressemble à une conquête à faire.
04:33 Sa famille est d'accord, elle peut partir.
04:36 Nous sommes en 1896.
04:39 Raya a 24 ans quand elle s'embarque seule sur un paquebot vers Melbourne.
04:43 Une nouvelle vie l'attend.
04:49 Nouvelle vie, nouveau nom.
04:51 Raya a changé quelques petites choses sur ses papiers d'identité.
04:55 Elle s'appelle désormais Elena et elle sera jeunie de 9 ans.
04:59 Elena pose ses valises à Colerain, un village au sud de l'Australie, là où vit sa cousine
05:07 et ses oncles expatriés.
05:08 Quel dépaysement ! De l'herbe brûlée et des moutons à perte de vue.
05:13 Elena est déçue.
05:15 Ce sont les femmes du village qui vont lui inspirer l'idée qui va changer sa vie.
05:20 La mère d'Elena a mis dans sa valise douze petits pots de crème hydratante.
05:28 Il s'agit d'un ongan préparé par un pharmacien polonais.
05:32 Grâce à lui, Elena conserve une peau belle et souple en dépit du climat australien.
05:38 Toutes les femmes du village lui demandent son secret.
05:43 Elena pousse alors les fermières à hydrater et protéger leur peau comme elle.
05:49 Parfois, dans la boutique de son oncle Bernard, elle leur masse le visage avec une noisette
05:56 de crème et leur conseille d'éviter le soleil.
05:59 Les fermières adorent ce moment où elles se font chouchouter.
06:03 Mais le petit stock d'ongans touche bientôt à sa faim.
06:07 C'est trop long et trop cher de faire venir de la crème de Pologne.
06:11 Elena doit la fabriquer elle-même.
06:14 Pour trouver une formule, elle se fait embaucher chez un apothicaire.
06:21 Elle relancera son commerce en perte de vitesse contre un apprentissage des produits cosmétiques.
06:27 Tous les soirs, elle essaye sur son propre visage les mixtures inventées dans la journée,
06:34 jusqu'au jour où elle réalise que l'ingrédient le plus important pour sa crème est la lanoline,
06:40 la graisse qu'on obtient dans la toison des moutons.
06:43 Et des moutons, ce n'est pas ce qui manque à Coleraine.
06:48 Maintenant qu'elle a compris comment faire sa crème hydratante,
06:51 Elena Rubinstein quitte Coleraine pour Brisbane, puis Melbourne.
06:55 À elle, la grande ville en pleine expansion et ses ambitions.
06:59 Pour se faire un petit pécule, elle travaille d'abord comme serveuse.
07:04 Son bagout lui permet de sympathiser avec des clients,
07:07 des hommes à qui elle parle de ses projets commerciaux et qui lui donne tout un tas de conseils.
07:13 L'un lui dessine ses logos, un autre lui prête un laboratoire pour faire ses crèmes.
07:18 Elle ne se comporte jamais en cocotte qui profite de ses amants.
07:22 Elle se trouve des mentors.
07:25 1902 est une date à marquer d'une pierre blanche en Australie.
07:29 Les femmes viennent d'obtenir le droit de vote.
07:32 Elles sont parmi les premières au monde à en jouir.
07:36 Elena Rubinstein remarque que les Australiennes,
07:39 descendantes de pionnières et de forças, sont émancipées et sportives.
07:44 Elles prennent soin d'elles et portent du rouge à lèvres.
07:47 Ça, c'est une véritable rupture historique.
07:51 Depuis 2000 ans, le maquillage soutenu était l'apanage des prostituées.
07:55 Maintenant, il devient celui des femmes libérées.
07:58 C'est le moment pour se lancer dans la cosmétique.
08:03 Elena a appelé sa première crème hydratante "Valaz", dont du ciel en Hongrois.
08:09 Elle la vend désormais dans son tout premier salon qu'elle ouvre en 1902,
08:13 au 243 Collin Street, à Melbourne.
08:18 La marque Elena Rubinstein est née.
08:21 Elle veut faire de son institut un boudoir à la française.
08:24 Mais comme elle n'a pas d'argent pour le décorer,
08:27 elle repeint des vieux meubles en rotin et utilise des vieux jupons en guise de rideau.
08:32 Les premières clientes n'y voient que du feu.
08:36 Valaz ne coûte pas cher à produire,
08:38 mais Elena Rubinstein multiplie le prix de fabrication par 30 pour la vendre.
08:44 La crème pour le visage doit être, selon elle, un produit de luxe.
08:49 Ses clientes doivent l'acheter comme un objet précieux.
08:52 Il est même bon que certaines fassent des économies pour se l'offrir.
08:56 C'est du pur marketing, mais la cliente se sent privilégiée.
09:00 Et ça marche.
09:04 Elena Rubinstein sent l'air du temps.
09:07 Pour elle, la beauté, c'est le pouvoir.
09:11 Observons-la dans son petit boudoir.
09:14 Elle accueille ses clientes en blouse blanche comme une scientifique.
09:17 Ça fait plus sérieux.
09:19 Elle raconte qu'elle a fait des études de médecine,
09:21 mais qu'elle a arrêté avant la fin parce qu'elle ne supporte pas la vue du sang.
09:26 Mais Elena Rubinstein, ce n'est pas que la blouse blanche.
09:30 C'est aussi un visage à la peau claire et parfaite,
09:33 du rouge à lèvres rouge et des cheveux noirs tirés en arrière et coiffés en chignon.
09:39 Ce visage, c'est sa signature.
09:44 En plus de soigner son image, Elena travaille son storytelling.
09:48 Elle convoque des journalistes au salon à qui elle raconte être une comtesse viennoise
09:52 qui est venue offrir la beauté aux Australiennes.
09:56 Pour elle, la vérité se maquille autant qu'un visage.
10:00 Mais le storytelling, ce n'est pas suffisant.
10:03 Il faut aussi de la réclame.
10:05 C'est comme ça qu'on appelle la publicité au début du XXe siècle.
10:10 Elena Rubinstein comprend qu'elle a besoin du Nigérie
10:13 et elle s'offre une star de l'opéra australien.
10:17 La cantatrice Nellie Stewart devient l'ambassadrice de ses produits dans la presse.
10:22 Là encore, c'est une révolution.
10:25 À cette époque, on considère que toutes les femmes du spectacle sont aussi des prostituées.
10:31 Et là, en 1903, Elena donne en exemple aux femmes une actrice maquillée.
10:37 L'accès au glamour pour toutes, ça c'est profondément novateur.
10:43 Le succès est au rendez-vous.
10:44 Les clientes font la queue devant le salon.
10:47 Elena, vêtue de sa blouse blanche, fait le diagnostic de leur peau.
10:51 Grasse, normale ou sèche, puis elle leur apprend à se mettre la crème
10:57 en usant d'un cérémonial précis.
11:00 La jeune femme d'affaires vient d'inventer ce que nos influenceuses appellent aujourd'hui
11:04 des routines de beauté.
11:08 Les efforts d'Elena ont payé.
11:10 En 1905, elle a gagné 100 000 dollars australiens.
11:15 Elle rêve de les investir et d'innover.
11:17 Elle a envie de se former auprès de pharmaciens et de médecins
11:20 pour créer de nouveaux produits de beauté.
11:23 Pour ça, elle doit retourner en Europe.
11:27 En juin 1905, elle quitte donc l'Australie pour faire la conquête du vieux continent.
11:34 À partir de là, Elena Rubinstein sillonne toute l'Europe.
11:39 Elle rencontre des médecins qui mettent au point une technique rajeunissante novatrice,
11:44 le lifting.
11:45 À Spa, en Belgique, elle découvre les cures thermales qui font maigrir.
11:50 Mais c'est à Paris qu'elle a un coup de cœur.
11:55 Le Paris de la Belle Époque, entre la guerre de 1870 et la Première Guerre mondiale,
11:59 est la ville la plus joyeuse du monde.
12:02 On dit alors que Paris est une fête.
12:05 Cabaret, bordel, restaurant, théâtre promettent à tous les joies de la culture et de l'amour.
12:14 Mais il y a aussi les grands magasins et les couturiers.
12:17 Désormais, Elena ne s'habille plus qu'en haute couture.
12:20 Elle peaufine son image de riche femme d'affaires.
12:24 Elle remarque que le commerce des cosmétiques est aussi en pleine expansion, avec le développement,
12:30 entre autres, des marques bourgeois et rimmel.
12:32 Après Paris vient la découverte de Londres.
12:39 Les femmes y sont moins coquettes que les françaises.
12:41 Le maquillage est encore l'apanage des filles de mauvaise vie.
12:45 Mais Elena constate que les femmes de bonne famille dissimulent leur acné et leur coupe
12:50 rose sous des tonnes de poudre.
12:52 Ce sont donc ces femmes-là qui seront sa nouvelle cible.
12:56 Pour commencer sa conquête de l'Europe, c'est décidé, Elena ouvrira son nouveau
13:02 salon à Londres.
13:04 Mais avant cela, elle doit retourner à Melbourne établir ce qu'on appelle aujourd'hui un
13:08 business plan.
13:09 C'est là, sur la terre de sa première fortune, qu'elle va rencontrer la personne qui va
13:14 l'accompagner vers les sommets de la gloire.
13:16 Pour découvrir la suite de ce récit en deux parties sur Elena Rubinstein, je vous donne
13:23 rendez-vous sur votre plateforme d'écoute préférée.
13:26 A très vite.
13:27 Au revoir.
13:28 Sous-titrage Société Radio-Canada

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