Réseaux sociaux et émeutes : le gouvernement ouvert à une évolution législative

  • l’année dernière
À l’occasion de l’examen du projet de loi de sécurisation de l’espace numérique, le sénateur Patrick Chaize a déposé un amendement pour obliger les plateformes à retirer les contenus « incitant manifestement à la violence », dans le cadre des émeutes de cette dernière semaine. Alors que le Président de la République envisage une « coupure » des réseaux sociaux dans ce cas de figure, le gouvernement se dit pour l’instant prêt à un travail sur une évolution législative. 

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Transcript
00:00 -Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs.
00:05 Monsieur le rapporteur, merci pour cet amendement
00:08 qui permet de rendre compte
00:11 de ce qu'a été l'action du gouvernement
00:14 au sujet du rôle que les réseaux sociaux ont joué
00:19 pendant la semaine tragique qui vient de s'écouler.
00:23 Pour dire d'abord que, oui, je partage le constat.
00:26 Il est indéniable que les réseaux sociaux
00:29 ont joué un rôle dans l'amplification de la violence,
00:32 même si je ne crois pas qu'il fallait aller chercher
00:35 sur les réseaux sociaux les racines de la violence
00:38 qu'on a vu se propager dans le pays.
00:42 Ce rôle d'amplification s'est manifesté de deux façons.
00:47 La première de ces deux façons,
00:48 c'est par certaines fonctionnalités
00:53 de ces réseaux sociaux,
00:54 indépendamment du caractère licite ou illicite
00:57 des messages qui y étaient postés,
01:01 que ces plateformes ont permis de faciliter
01:04 les regroupements et les dynamiques émeutières.
01:07 C'est, si l'on peut dire, la première façon
01:11 par laquelle les réseaux sociaux ont contribué
01:14 à l'amplification de la violence.
01:15 La deuxième, c'est en permettant la diffusion d'images
01:20 qui ont peut-être contribué à la glorification
01:24 ou à la banalisation des faits de violence.
01:29 Face à cela, le gouvernement, dès les premières heures
01:33 et les premiers jours, a appelé les plateformes
01:37 à leur responsabilité.
01:38 Vendredi à la mi-journée, j'ai convoqué,
01:41 avec le ministre de l'Intérieur,
01:43 les quatre principales plateformes pour les appeler à deux choses.
01:47 D'abord, les rappeler à leurs obligations légales,
01:49 obligation de retirer les contenus
01:51 qui leur sont signalés par les autorités
01:54 lorsque ce sont des contenus illicites.
01:56 Et deuxièmement, l'obligation de répondre promptement
02:01 aux réquisitions de l'autorité administrative et judiciaire
02:04 qui peut avoir besoin de données,
02:05 y compris de données identifiantes
02:07 de la part des détenteurs de comptes
02:09 pour pouvoir les incriminer ou pour les besoins de l'enquête.
02:12 C'est la première chose que nous leur avons rappelée,
02:15 leurs obligations légales.
02:18 La deuxième chose que nous leur avons demandée,
02:22 c'est d'aller un peu au-delà de leurs obligations légales
02:24 et d'anticiper les obligations qui vont s'appliquer à elles
02:28 au terme du règlement sur les services numériques
02:30 que ce projet de loi permet de mettre en oeuvre dans notre pays.
02:35 Quelles sont ces nouvelles obligations
02:37 qui s'appliquent au terme du DS1,
02:39 du règlement sur les services numériques ?
02:41 C'est notamment la nécessité pour elles d'analyser,
02:43 de corriger le risque systémique qu'elles font peser,
02:47 notamment sur la sécurité publique.
02:50 Autrement dit, auparavant,
02:52 avant le règlement sur les services numériques,
02:55 les plateformes n'avaient comme seule responsabilité
02:57 que de retirer les contenus qu'on leur signalait
03:00 et de répondre aux réquisitions
03:02 de l'autorité administrative et judiciaire.
03:04 Désormais, elles conserveront ces obligations
03:06 avec des sanctions plus lourdes encore,
03:08 mais en plus de cela, elles devront être beaucoup plus attentives
03:10 à la manière dont le fonctionnement de leurs plateformes
03:13 peut conduire par la viralité
03:15 à enclencher ou amplifier des dynamiques émeutières
03:18 comme celles qu'on a vues se produire cette semaine.
03:23 J'ai convoqué, avec les services du ministère de l'Intérieur,
03:31 aujourd'hui, une nouvelle réunion pour tirer le bilan de la semaine
03:36 et permettre de dresser un certain nombre de chiffres
03:43 et vérifier avec les quatre principales plateformes
03:45 qu'elles avaient répandu à ces obligations.
03:47 Et il faut dire qu'elles l'ont fait.
03:49 Ce sont plusieurs milliers de contenus illicites
03:52 qui ont été retirés.
03:53 Ce sont plusieurs centaines de comptes qui ont été supprimés.
03:56 Ce sont plusieurs dizaines de réquisitions
03:58 auxquelles les plateformes ont répandu,
04:02 et d'une certaine manière...
04:04 Et par ailleurs, elles ont toutes pris un certain nombre de mesures
04:10 pour éviter que les paramètres de leur fonctionnement,
04:13 indépendamment des messages et des personnes inscrites
04:16 sur leurs plateformes, mais que les paramètres
04:17 qui peuvent conduire par la viralité
04:19 à une amplification de la violence, s'atténuent.
04:22 Ceci étant dit, je comprends, évidemment,
04:26 l'intention de cet amendement,
04:28 mais comme j'ai eu l'occasion d'en échanger
04:31 avec son auteur, monsieur le rapporteur,
04:34 je ne peux que donner un avis très défavorable
04:37 à cet amendement. Pourquoi ?
04:39 Bien tout simplement parce qu'il présente un risque
04:43 extrêmement élevé d'inconstitutionnalité.
04:47 Je rappelle que sur réquisition, si l'on peut dire, du Sénat,
04:52 la loi Avia a été cassée,
04:55 alors que ce que prescrivait la loi Avia,
05:00 c'était la charge des hébergeurs et des éditeurs,
05:04 une obligation de retrait en 24 heures des contenus illicites
05:07 en raison de leur caractère haineux,
05:10 dont le non-respect était pénalement sanctionné.
05:13 Ici, nous n'allons pas à 24 heures, nous allons à deux heures,
05:17 c'est-à-dire beaucoup plus rapidement
05:19 que ce qui était prévu par la loi Avia.
05:21 Et pourquoi est-ce que la loi Avia a été cassée,
05:23 sans doute à juste titre,
05:25 à juste titre, évidemment, par le Conseil constitutionnel ?
05:27 Parce qu'elle a dit, les hébergeurs
05:31 qui vont recevoir les demandes de retrait
05:33 et qui devront retirer ces contenus très rapidement,
05:37 sous peine de peine d'emprisonnement
05:39 et de centaines de millions d'euros d'amende.
05:41 Que vont-ils faire ?
05:43 Eh bien, si les contenus,
05:46 parce que c'était le cas des contenus visés par la loi Avia,
05:49 ne sont pas manifestement illicites,
05:52 ce que vont faire les hébergeurs, pour éviter la sanction,
05:55 c'est de se mettre à retirer,
05:57 sans véritablement regarder si les contenus
06:01 qui leur sont signalés sont manifestement illicites,
06:04 et donc retirer potentiellement des contenus
06:08 qui ne le sont pas, tout simplement pour échapper à la sanction.
06:12 Et c'est un argument qui, à mon sens, s'entend parfaitement.
06:18 Autrement dit, il faut évidemment être très exigeant
06:22 vis-à-vis des hébergeurs, des plateformes, etc.
06:25 Et d'ailleurs, le règlement sur les services numériques
06:28 prévoit des sanctions qui vont jusqu'à 6 %
06:29 du chiffre d'affaires mondial
06:31 et le bannissement, en cas de manquement répété,
06:32 de l'Union européenne. Ce sont des sanctions lourdes.
06:34 Il faut leur mettre des responsabilités.
06:36 Mais si la responsabilité les conduisent
06:40 à enfreindre la liberté d'expression,
06:41 alors là, ça veut dire que nous n'avons pas tout à fait
06:43 trouvé les bonnes formules.
06:46 Mais à nouveau, je le dis,
06:47 je comprends l'intention de M. le rapporteur,
06:51 et je crois qu'il faut trouver le moyen
06:54 de faire en sorte que, de manière la plus constructive possible
06:58 et la manière la plus structurée et préparée possible,
07:01 dans des cas comme ceux que nous avons vécus,
07:03 les plateformes puissent, dès la 1re heure,
07:06 mettre en place les mesures pour éviter
07:08 ces phénomènes de viralité, ces phénomènes de géolocalisation
07:11 qui, indéniablement, ont, dans le cas d'espèces,
07:14 pu conduire à faciliter les dynamiques émeutières.
07:17 C'est la raison pour laquelle,
07:20 puisque nous avons devant nous une navette et un examen
07:23 à venir à l'Assemblée nationale.
07:25 Puisque, vous l'avez dit, M. le rapporteur,
07:28 le président de la République a lui-même dit tout à l'heure
07:31 qu'il ne fallait surtout pas, à froid,
07:34 prendre des mesures trop dures, qu'on peut regretter par la suite,
07:38 mais il nous faut engager cette réflexion.
07:40 Je vous propose, M. le rapporteur,
07:41 que cette réflexion, nous l'engagions ensemble.
07:44 Vous, moi, le ministre de la Justice
07:48 ou son représentant, le rapporteur,
07:52 ou les rapporteurs avec les rapporteurs du Sénat,
07:55 les rapporteurs de l'Assemblée,
07:58 pour que nous puissions, d'ici la rentrée,
08:02 d'ici le mois de septembre, trouver la rédaction
08:05 qui nous conviendra,
08:07 et que ce soit cette rédaction collective
08:12 qui soit adoptée, et je me porte garant de cela,
08:15 à l'Assemblée nationale.
08:16 Je vous propose que, dès la semaine prochaine,
08:19 nous puissions nous réunir pour,
08:23 en tout cas, dans l'attente de la désignation
08:25 des rapporteurs à l'Assemblée nationale,
08:27 commencer à travailler le sujet.
08:31 Si vous acceptez cette proposition
08:33 et retirez cet amendement à ce stade,
08:35 vous en serez gré,
08:37 et nous pouvons ainsi engager le travail
08:39 sur des bases sereines.
08:41 (Générique)
08:43 ---

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