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Face aux maires dont les villes ont été touchées par les émeutes, le président de la République a évoqué de potentielles mesures visant à bloquer l’accès aux réseaux sociaux.

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00:00 - Avec nous pour en parler Raphaël Grably, rédacteur en chef adjoint de Tech&Co qui connaît ces questions par cœur.
00:04 Alexandre Lazarek, bonjour. Vous êtes avocat au barreau de Paris, spécialisé dans le droit applicable à Internet.
00:09 Armel Montbouli, vous êtes le président de l'association Vox Populi en Seine-Saint-Denis.
00:13 Il y a également Mathieu qui est resté avec nous.
00:14 Avant de vous entendre, d'abord les mots d'Emmanuel Macron hier devant les maires.
00:19 Tendez l'oreille et attention, ça va très vite.
00:21 - Quand les choses s'emballent, pour en en se dire, on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper.
00:28 Il ne faut surtout pas le faire à chaud. Je me félicite qu'on n'ait pas eu à le faire.
00:31 Je pense que c'est un vrai débat qu'on a à avoir à froid.
00:34 - C'est un vrai débat qu'on a à avoir à froid. Raphaël Grably, en fait, quand vous avez entendu ces mots hier, vous êtes tombé de votre chaise.
00:39 - Oui, parce que d'abord, on a vu ces propos relayés par le maire de Béziers, Robert Ménard.
00:43 J'avoue qu'à titre personnel, je me suis dit bon, il a mal compris.
00:46 On a vu la vidéo et le son. Et c'est vrai que l'idée d'ouvrir, simplement d'ouvrir le débat sur la possibilité de couper les réseaux sociaux, ça nous met où ?
00:55 - Ça nous met dans une situation où on pense forcément à des pays autoritaires comme la Russie, la Chine, l'Iran ou la Turquie.
01:03 Donc rien que le fait d'ouvrir le débat est assez surprenant.
01:08 On se demande d'ailleurs par rapport au tweet qu'a publié ensuite Emmanuel Macron s'il n'y a pas déjà une forme de rétro-pédalage.
01:14 Mais c'est vrai que c'est un débat totalement inédit et qui est extrêmement rare, en fait, il faut le dire.
01:18 - Est-ce que techniquement, c'est possible de couper les réseaux sociaux ?
01:22 - Techniquement, sur le papier, c'est tout à fait possible.
01:24 Il suffit entre guillemets de demander aux fournisseurs d'accès à Internet en France de bloquer les adresses de l'ensemble des réseaux sociaux.
01:32 C'est-à-dire que quand on se connecte, que ce soit via un navigateur ou via l'application d'ailleurs sur TikTok, Snapchat, Facebook,
01:39 l'adresse soit bloquée et on soit renvoyé vers une page qui explique que le site n'est pas accessible dans notre pays.
01:45 C'est aussi parfaitement contournable techniquement, il faut le préciser, parce qu'aujourd'hui, tout le monde sait se servir d'un VPN.
01:49 D'ailleurs, on l'a vu, à chaque fois qu'il y a un coup d'État, à chaque fois qu'il y a une élection dans un pays, par exemple en Turquie,
01:54 on a une explosion des abonnements au VPN, justement pour contourner ça.
01:58 - C'est quoi un VPN ?
01:59 - VPN, c'est un petit logiciel, je le précise, c'est un petit logiciel ou une application qui permet de simuler une connexion depuis un autre pays.
02:07 Donc, en fait, quand il y a une interdiction d'un site localement, dans tous les pays, en Chine et en Russie, on utilise ça pour accéder à l'information.
02:14 - Alexandre Lazarek, ça vous inspire quoi, cette idée ?
02:16 - Deux choses, d'abord quelques chiffres. Les réseaux sociaux sont devenus un outil de communication absolument fondamental depuis une dizaine d'années.
02:24 Plus de 4 milliards d'habitants dans le monde utilisent quotidiennement ces réseaux sociaux.
02:28 Donc, les interdire seraient une véritable entrave à la liberté de communication.
02:33 Et d'un point de vue constitutionnel, je ne suis pas certain que ce soit possible.
02:37 Après, j'ajoute d'ailleurs cependant que depuis une dizaine d'années, le législateur a essayé de réguler les réseaux sociaux.
02:45 Et force est de constater qu'il n'y est pas parvenu comme il le souhaitait.
02:48 Et cette phrase révèle une forme d'impuissance politique à l'égard de ces monstres froids que sont les réseaux sociaux, qui ont une puissance d'État.
02:57 Et aujourd'hui, on peine à les réguler comme on le souhaiterait dans l'intérêt général.
03:03 - Armel, est-ce que vous voyez où il veut en venir, Emmanuel Macron ?
03:06 - Je dirais que je vois et même j'entrevois quand je fais la différence entre 2005 et aujourd'hui.
03:14 - 2005, les émeutes en banlieue après la mort d'Isaya Debona.
03:19 - Et on peut dire la virulence et la vitesse de propagation des événements via ces réseaux sociaux.
03:25 Et pour ça, je vais me baser sur deux éléments importants.
03:29 Un, les propres propriétaires et créateurs de ces réseaux sociaux, les GAFA, ont demandé est-ce qu'il y a un arrêt temporaire sur ces sujets-là ?
03:38 Parce qu'effectivement, ils sentent qu'il y a un emballement, que finalement, le "monstre" qu'ils ont créé commence à leur échapper.
03:46 Ensuite, deuxièmement, nous sommes dans une période où il y a pas mal de conflits géopolitiques.
03:50 On a déjà vu dans le passé comment ces réseaux sociaux ont été utilisés pour modifier la perception des choses et orienter des votes, des suffrages.
03:58 Et en termes de contenu, entre ce qui est diffusé sur les plateformes TikTok en Chine et dans nos pays, ce n'est pas la même chose.
04:08 D'un côté, chez nous, c'est du divertissement, c'est entre guillemets de l'abrutissement, et de l'autre côté, c'est de l'éducation.
04:14 Donc, faisons attention à ce qu'on laisse entrer dans nos maisons.
04:17 Et donc, s'il faut s'arrêter temporairement pour dire "pause" et "je regarde", moi, je suis favorable à ça.
04:23 Le chef de l'État disait "quand les choses s'emballent", mais quand les choses s'emballent, c'est pas déjà un peu tard ?
04:27 C'est-à-dire que si, je veux dire, mercredi soir ou jeudi soir dernier, on avait dit "on arrête", ça aurait changé quelque chose ?
04:32 Je dirais que oui, parce que vous savez, quand ces jeunes utilisent Snapchat ou d'autres réseaux, en temps réel, ils communiquent à leur entourage ce qu'ils font et où ils sont.
04:43 Donc, si à un moment, temporairement, on coupe la 4G et qu'il n'y a plus de moyens de communiquer entre les uns et les autres,
04:50 comme ils n'ont que cette référence-là, cette génération-là, entre 10 et 18 ans...
04:54 Ils ne savent pas se parler autrement.
04:55 Ben voilà.
04:56 Mais Raphaël Grabhi, c'était étonnant, la semaine dernière, vous nous montriez justement et communiquez aussi sur SnapMap, une fonction de Snapchat.
05:04 Ça a établi en fait une carte des rassemblements violents.
05:07 Oui, c'est une carte des rassemblements.
05:09 En fait, à la base, la SnapMap, c'est une carte qui permet de publier des vidéos qui sont géolocalisées.
05:14 Et c'est vrai qu'en fin de semaine, on a vu Emmanuel Macron appeler les réseaux sociaux à la responsabilité.
05:18 Qu'est-ce qu'on a vu ce week-end ?
05:19 On a vu la SnapMap non seulement afficher plus de vidéos, mais en plus les nommer, cette fois, émeutes.
05:24 On a vu sur TikTok des mots-clés qui étaient propulsés, qui étaient liés aux émeutes.
05:29 Donc cet esprit de responsabilité, on ne l'a pas tellement vu.
05:33 Et c'est vrai qu'il faut aussi rebondir sur quelque chose, c'est que ces plateformes, quelque part, on peut imaginer qu'elles laissent assez peu de choix aux politiques.
05:40 C'est un dilemme très complexe parce qu'on parle...
05:43 Tu le disais, Mathieu, tout à l'heure, il faut réguler les contenus.
05:46 Oui, en théorie.
05:47 Sauf que le problème, c'est que ces contenus, en fait, on n'a pas de prise juridiquement.
05:50 Ce sont des entreprises qui sont établies en Irlande, en Angleterre, à l'étranger, qui peuvent répondre aux autorités françaises ou ne pas répondre.
05:57 Quand on demande à Snapchat, à TikTok de supprimer un contenu, de ne pas mettre en avant un mot-clé, elles choisissent de répondre ou pas.
06:03 Idem quand on demande d'ailleurs d'identifier quelqu'un.
06:06 Donc on peut imaginer qu'en fait, le message envoyé par Emmanuel Macron, c'est "si vous ne nous laissez pas le choix, on pourra être amené à vous couper".
06:16 Mais c'est vrai qu'elles ne laissent pas beaucoup de choix dans leur comportement.
06:20 Mais c'est une question politique qu'il faut résoudre.
06:22 Parce qu'il faut rappeler à nos téléspectateurs que les hébergeurs disent "on n'est pas responsables de ce qui est publié chez nous".
06:27 À la différence de BFM TV, si on passe quelque chose à l'antenne qui est un appel à la violence ou qui est illicite, BFM se fera condamner.
06:33 Eux, ils s'enlèvent les mains.
06:34 Donc il y a un bras de fer qui est engagé.
06:35 Mais est-ce qu'il faut pour cela piétiner la démocratie, la liberté d'expression, la liberté d'information aussi ?
06:39 Parce que les réseaux sociaux sont devenus des vecteurs d'information pour les médias traditionnels comme pour des médias nouveaux, à mon avis.
06:45 On ne peut pas imaginer que ce soit une hypothèse sérieuse.
06:49 C'est plus, à mon avis, un message qui est envoyé aux réseaux sociaux.
06:52 Un petit ballon d'essai aussi ?
06:54 Peut-être.
06:54 Il n'y a pas autre chose à faire avant de couper ?
06:57 C'est le cœur de votre métier.
06:58 Il y a surtout ne pas couper.
07:01 Parce que quand on dit "l'expression, les choses s'emballent", c'est aussi l'expression utilisée par des régimes autoritaires
07:06 lorsqu'il y a des formidables révolutions démocratiques qui ont été rendues possibles grâce à ces réseaux sociaux.
07:11 La réalité, c'est qu'il y a des algorithmes, quand il a été dit, ils n'ont pas la main sur les messages qui sont publiés.
07:17 Ils ont la main sur les messages qui sont publiés.
07:19 Parce qu'il y a des algorithmes qui orientent la manière dont son message…
07:23 Iérarchisent les messages.
07:24 Les références.
07:25 Oui, bien sûr.
07:26 Il y a une véritable ligne éditoriale.
07:28 Et donc, comme BRFM TV, en réalité, ils participent…
07:32 Ils choisissent ce qu'ils veulent censurer.
07:33 Regardez les photos de nudité sur Facebook, c'est interdit.
07:35 Dès qu'il y en a une, votre compte est supprimé.
07:37 Donc ils pourraient très bien le faire sur les scénarios violents.
07:39 Oui, ce qu'on arrive à faire avec les tétons sur Instagram, il n'y a pas de raison qu'on n'arrive pas à le faire.
07:42 Oui, alors après, les algorithmes, ils sont efficaces pour certaines choses et ils sont totalement stupides pour d'autres choses.
07:47 La vérité, c'est qu'il n'y a pas de modérateur, il n'y a pas suffisamment de modérateurs pour gérer tout ça.
07:52 Et puis les plateformes, elles se cachent derrière leurs algorithmes.
07:54 Elles ont une ligne éditoriale.
07:55 Je suis désolé, quand Twitter affiche une liste de tendances, c'est un choix de Twitter.
08:00 Après, c'est leur choix, j'ai envie de dire, c'est à leur cuisine interne de déléguer ça à des algorithmes.
08:03 Si nous, BFMTV, on publiait des articles écrits par ChatGPT et qu'il y avait des bêtises dans ces articles,
08:08 on ne dirait pas "oui, mais ce n'est pas nous, c'est ChatGPT, c'est nous qui choisissons de les publier".
08:11 Donc il y a une ligne éditoriale de ces plateformes qui sont certes juridiquement des hébergeurs,
08:16 mais qui choisissent de mettre en avant certains contenus.

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