Tour de France: le duel entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogačar décrypté par nos experts
Après 10 jours de course, nos experts Stéphane Thirion et Eric Clovio font un premier bilan de ce Tour de France 2023. Interview: Damien Poncelet. Réalisation: Cédric Baufayt
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00:00 Bonjour et bienvenue sur sudinfo.be et lesoir.be.
00:07 On vous parle du Tour de France 9 jours après le grand départ de Bilbao
00:10 et plus spécialement de la lutte pour le maillot jaune entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar.
00:15 Nous accueillons dans notre studio Stéphane Thériault, notre expert cyclisme.
00:18 Bonjour Stéphane. Bonjour Damien.
00:19 Et nous rejoignons Eric Cloviaux, notre envoyé spécial sur les routes du Tour.
00:22 Bonjour Eric. Bonjour Damien, bonjour à tous.
00:26 Eric, vous avez donc suivi au plus près des coureurs ces 9 premiers jours de course
00:30 et notamment cette lutte attendue et acharnée entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar pour le maillot jaune.
00:37 Vingegaard a désormais 17 secondes d'avance sur Pogacar seulement.
00:41 Pogacar, on a l'impression qu'il a pris l'ascendant psychologique.
00:45 Est-ce que c'est un avis que vous partagez depuis les routes du Tour ?
00:50 Oui, certainement. Avant le départ de Bilbao, les deux noms émergeaient nettement du reste du peloton.
00:58 On avait bien du mal à définir ou à essayer de dénicher un troisième homme.
01:02 Et aujourd'hui, plus que jamais.
01:04 Le Slovene a montré beaucoup de fraîcheur dans les côtes basques les premiers jours.
01:10 Donc ça, c'était un bon signe.
01:11 On sait qu'on avait un peu de doute sur son état physique après une blessure au poignet, une fracture au poignet.
01:18 Donc il a donné de premiers signes rassurants et surtout beaucoup de gaieté à ses premières journées
01:23 en prenant un premier avantage psychologique.
01:26 Et puis ça a basculé du côté de Vingegaard quelques jours plus tard dans les Pyrénées avec la prise du jaune.
01:33 On a craint à ce moment-là que le Tour puisse être fini en deux ou trois étapes et que Vingegaard enfonce le clou.
01:40 Ça n'a pas été le cas parce que ce diable de Pogacar est un combattant et un compétiteur hors pair
01:47 qui prend du plaisir dans ces duels-là.
01:50 Ça se sent, ça se voit.
01:52 Et je trouve qu'hier, les quelques images que l'on a vues dans cette finale un peu surréaliste du Puy de Dôme,
01:58 sans public, sans bruit, où ils sont restés en équilibre dans leur duel pendant plusieurs centaines de mètres,
02:05 a résumé l'état d'esprit de ce Tour.
02:10 C'est un match, un duel.
02:12 Et effectivement, même s'il est dans la position du chasseur à 17 secondes du maillot jaune,
02:18 Taddeï Pogacar a probablement pris un ascendant psychologique et est dans une position qui lui convient à merveille
02:25 avant d'autres massifs assez exigeants.
02:31 Stéphane, du côté de Vingegaard, on a l'impression que son équipe Jumbo-Visma tâtonne un peu,
02:37 que sa tactique n'est pas toujours lisible.
02:39 C'est votre avis ?
02:41 Oui, parce que non seulement ils ont la meilleure équipe,
02:44 mais je dis pas non seulement, ils ont la meilleure équipe clairement par rapport à UAE,
02:48 que je trouve quand même, je trouve que Pogacar est assez rapidement isolé,
02:53 on n'a pas encore tout vu de Yates, mais j'ai peur qu'il soit déjà à son plafond.
02:58 Mais malgré ce matériel extraordinaire à commencer par Wout van Aert,
03:03 ce que ils font n'est pas toujours compréhensible, je ne sais pas pourquoi ils se mettent en avant comme ça très souvent
03:10 pour finalement ne rien obtenir, on l'a vu dans la deuxième étape des Pyrénées,
03:14 où le travail colossal de Van Aert n'a servi qu'à lancer Pogacar sur orbite,
03:19 donc je pense que là ils doivent changer de manière de procéder.
03:22 Mais leur souci quelque part c'est d'avoir ce maillot jaune.
03:27 Donc je me demande si la meilleure tactique pour Jumbo-Visma aujourd'hui n'est pas de céder ce maillot jaune.
03:32 A qui ? Ça peut encore se faire, dans les 5-6 premiers, il y a des gens 6-7 minutes qui ne rêvent que de cela.
03:39 On a vu hier qu'une échappée pouvait prendre un quart d'heure, pourquoi pas une semblable dans la deuxième semaine.
03:45 La deuxième semaine est souvent une semaine où il se passe pour les baroudeurs,
03:51 et où les types en profitent pour peut-être prendre le pouvoir.
03:55 Donc il y a cette solution-là de céder le maillot jaune, ou alors de le céder à Pogacar,
04:01 qui de toute façon, quoi qu'il advienne et quel que soit l'arrivée, sera plus rapide que Lingengard.
04:06 Donc à un moment donné les modifications feront leur jeu.
04:10 Donc prendre la course en main c'est bien, mais la prendre en main en troisième semaine ce sera suffisant,
04:16 il ne faudra pas la prendre en deuxième semaine.
04:18 Jumbo-Visma doit calmer ses ardeurs et surtout veiller à économiser ses coureurs.
04:23 Vous parliez de la deuxième semaine, Lingengard avait l'air de dire qu'elle lui convenait mieux,
04:27 avec des montées plus longues, moins sèches.
04:29 Eric, est-ce que cette deuxième semaine doit être le moment pour Lingengard pour accroître son avance sur Pogacar ?
04:35 En tout cas, il se dit plus à l'aise, lui-même l'a dit hier en conférence de presse,
04:40 à distance, puisque nous étions à quelques kilomètres du sommet interdit, au Média.
04:46 Il se dit lui-même plus à l'aise dans l'école de 15, 20 kilomètres,
04:51 donc qui demande un petit peu moins d'explosivité que certaines montées avec des paliers plus secs,
04:58 qui eux sont plus adaptés à Pogacar a priori,
05:02 avec cette vitesse dont Stéphane vient de parler.
05:05 Oui, effectivement, il y a notamment le Grand Colombier qui va arriver,
05:10 qui est une montée certes qui sera sèche, mais de 17 kilomètres,
05:14 donc en fin de semaine ce sera déjà un des premiers rendez-vous dans le Jura.
05:20 Effectivement, les deux massifs qui se profilent lui donnent en tout cas confiance.
05:25 On sentait hier que le visage était assez fermé,
05:27 il a été assez sec dans certaines réponses qui, on le sent en tout cas pas très détendu,
05:33 enfin certaines allusions d'anciens champions qui parlent de manque de charisme,
05:37 d'un petit peu de manque de rayonnement.
05:39 Il a une réponse très courte qui témoigne d'une certaine nervosité, en tout cas pas de bien-être.
05:47 Hier, il a préféré directement briller sur cette perspective des prochains jours
05:52 et de cols qui a priori, d'étapes qui a priori devraient mieux lui convenir à l'emploi du prochain week-end.
05:58 On sent que, en tout cas pour l'instant, on ne voit plus le sourire que l'on voyait sur le visage de Vingegaard
06:08 l'année dernière au-dessus d'Allemarck ou au fil du tour, il semble plus préoccupé.
06:15 Après neuf jours de course et avec tout ce qu'on a observé entre les deux,
06:19 Stéphane, qui est votre favori pour le maillot jaune à Paris ?
06:23 Ça reste Vingegaard parce que, par rapport à ce que j'expliquais tout à l'heure au niveau de sa formation,
06:29 par rapport à cet inconnu de Pogacar sur sa condition, qui va certes s'améliorer,
06:36 mais le programme des Alpes est vraiment très très lourd et convient mieux à Vingegaard, je pense.
06:43 Ce qu'il avait réalisé l'année dernière dans l'étape où il prend le pouvoir et où Pogacar est lâché,
06:50 il va pouvoir le refaire, je pense, en troisième semaine.
06:54 Maintenant, c'est facile de dire que c'est Vingegaard le favori avec l'équipe qu'il a.
07:00 Je dis simplement que je pense qu'ils sont à égalité à beaucoup de points de vue,
07:06 mais UAE malheureusement n'a pas la formation, n'aura pas l'air insolide dans la troisième semaine
07:12 pour supporter tout le poids de la course, tout le poids de ces longs cols où Pogacar risque d'être scellé très vite.
07:21 Eric, vous partagez ?
07:23 Pour appuyer ce que Stéphane vient de dire, l'équipe n'est quasiment pas apparue,
07:28 c'était une stratégie pour s'épargner au maximum.
07:32 Il n'y a eu aucune déperdition d'énergie dans l'équipe UAE qui a probablement besoin de traverser les jours
07:41 sans excès et sans maîtrise de la course parce que c'est physiquement sans doute impossible.
07:49 À moins d'une énorme défaillance ou d'une chute, d'une catastrophe pour un des deux,
07:53 ils finiront sur les deux premières marches du podium à Paris.
07:55 Mais qui est le favori pour monter sur la troisième marche ?
08:00 On a titré cette semaine que Djey Inle était ce troisième larron potentiel.
08:08 On sait qu'il a gagné une belle étape d'ouverture dans les Pyrénées et endossé le maillot jaune.
08:13 Il n'a certes gardé que 24 heures, mais c'est un garçon qui a gagné le Giro,
08:17 qui a eu aussi un autre podium.
08:19 Il sait ce que c'est de gérer trois semaines de compétition à ce niveau-là.
08:22 Il sait ce que ça implique, sans pression,
08:25 puisque le tour est déjà réussi globalement pour lui et pour l'équipe Bora,
08:30 qui est quand même une chouette équipe, mais qui n'a pas l'expérience de la gestion de la défense d'un podium.
08:38 Mais il me semble qu'il est troisième du général aujourd'hui,
08:41 à une distance de plus de deux minutes, qui reste menaçant pour les deux premiers,
08:48 qui est quand même un coureur régulier,
08:50 et le principal candidat à ce que j'appellerais un autre tour,
08:54 c'est-à-dire ce deuxième tour, ce tour dans le tour,
08:57 pour la troisième place ou la dernière marche sur le podium,
09:01 qui sauf accident sera la seule accessible derrière les deux ogres de l'épreuve.
09:07 Merci Eric, merci Stéphane,
09:09 et on vous retrouve pendant les deux prochaines semaines
09:11 sur toutes les plateformes du Soir et de Sudinfo pour la suite de ce Tour de France.