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Samedi 15 juillet 2023, SMART @WORK reçoit Stéphane Amarsy (CEO, The Next Mind et auteur de "Mon directeur marketing sera un algorithme") , Maurice Ndiaye (Fondateur et directeur général, Descartes & Mauss) et Sylvie Collombet (Directrice Marketing Client Digital, Manutan International)

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Transcription
00:00 Smart at Work vous est présenté par Manu Tan.
00:04 Bonjour à tous, bienvenue dans Smart at Work, votre émission mensuelle autour du concept du bien travailler.
00:21 Alors ce mois-ci, je vous propose de nous intéresser d'un peu plus près au métier du marketing
00:27 et notamment plus précisément à leur évolution à l'ère du digital.
00:32 D'ailleurs, est-ce qu'on peut encore faire aujourd'hui du marketing sans le digital ?
00:36 Dans quelle mesure l'IA et la data peuvent-elles prendre le pas sur l'humain, les compétences humaines ?
00:43 Comment s'adapter face aux évolutions technologiques et réglementaires quand on travaille dans ces métiers ?
00:48 Qu'est-ce que ça signifie également en termes de compétences, de déroulement de carrière, de formation ?
00:53 Autant de questions auxquelles on va tenter de répondre avec mes invités.
00:56 Tout de suite dans Smart at Work.
00:58 Et pour commencer cette émission, j'ai le plaisir de recevoir Stéphane Amarcy. Bonjour.
01:08 Bonjour.
01:09 Vous êtes CEO de The Next Mind, une entreprise qui propose des expériences qui permettent aux clients d'appréhender le futur.
01:17 Et vous êtes aussi l'auteur de Mon directeur marketing sera un algorithme.
01:22 Donc ma première question c'est est-ce que marketing et digital sont à ce point dissociables aujourd'hui ?
01:28 Est-ce qu'on peut, en d'autres termes, encore faire du marketing sans le digital ?
01:33 Si on ne veut pas évoluer, oui. Mais si on veut être performant, il n'y a absolument pas le choix.
01:37 Aujourd'hui, il faut embrasser la technologie et pas que la technologie telle qu'on la présente aujourd'hui.
01:41 Parce qu'il y a les nouveaux défis, vous l'avez vu avec les IA génératives.
01:44 Et l'intelligence artificielle va totalement changer le marketing du futur.
01:49 Et on pourrait déjà le changer aujourd'hui.
01:51 Alors justement, ces technologies commencent effectivement depuis déjà un certain nombre d'années à impacter ces métiers du marketing.
02:00 Dans quelle mesure pour ceux qui ne seraient pas très familiers avec ces métiers-là ?
02:04 Si vous voulez, le métier du marketing aujourd'hui, il est censé être scientifique ou technologique.
02:11 Dans la mesure où tout repose sur la partie des données.
02:14 Et les données, elles sont à disposition. C'est pour ça que les entreprises créent des programmes de fidélité.
02:17 C'est pour ça que c'est natif sur les sites internet ou autres.
02:20 Et ces données, il va falloir les prendre en considération de façon à reconstruire derrière des actions, des plans d'action, de la stratégie.
02:29 Le sujet, soit on le regarde de façon globale.
02:32 Ce que nous sommes capables de faire, nous humains, c'est de faire des compromis, c'est de regarder le sujet de façon globale.
02:37 Soit on veut profiter de cette donnée à titre individuel pour chacun des consommateurs, par exemple.
02:42 Là, humainement, je ne sais pas faire.
02:44 Et donc c'est à ce moment-là que va commencer à naître une nouvelle façon de travailler avec la technologie.
02:48 Qui n'est pas juste pour aider les humains à prendre des décisions.
02:51 Mais qui va se substituer au fur et à mesure au travail humain pour aller rencontrer la singularité de chaque personne.
02:56 C'est ce que permettrait de faire, par exemple, une IA générative ?
02:59 Entre autres, mais pas suffisamment.
03:01 Parce que l'IA générative, elle va en effet créer du contenu.
03:04 Que ce soit du contenu vidéo, audio ou visuel.
03:08 Mais elle va, au-delà de ça, ça ne suffit pas.
03:11 Parce qu'il va falloir prendre des décisions.
03:13 De quoi je dois vous parler là, maintenant, tout de suite.
03:15 A vous.
03:16 Et peut-être que le mieux, c'est de me taire. C'est surtout de rien dire.
03:19 Et donc vous voyez que cette dualité, imaginez ça avec 10 000, 100 000, 1 million de clients.
03:23 Humainement, je ne sais pas du tout faire ça.
03:25 Et donc, il y a un mélange entre les IA génératives qui vont apporter une dimension créative.
03:30 Et des IA qui sont plus traditionnellement là pour prendre des décisions.
03:34 Qui, elles, vont définir ce qu'il faut faire.
03:36 A quel moment, quel contenu.
03:38 Elles vont donner l'ordre aux IA génératives de créer ce contenu.
03:41 Donc ça permet un marketing qui soit davantage personnalisé, alors ?
03:44 Alors pour moi, c'est au-delà de la personnalisation.
03:46 Le terme personnalisation, c'est une projection de ce qu'on fait naturellement.
03:52 Typiquement, vous allez dans une boulangerie, la personne vous connaît.
03:57 Et bien, elle va adapter son discours à ce que vous aimez, vos habitudes ou autre.
04:01 Donc ça, c'est la personnalisation.
04:03 Maintenant, imaginez que ça soit de façon réciproque.
04:06 C'est-à-dire que vous, vous êtes acteur autant que la personne qui vous sert.
04:10 Et donc là, ce n'est plus de la personnalisation, c'est une interactivité totale.
04:15 Et qu'on doit être en capacité de traiter.
04:18 Et on ne peut la traiter que par des méthodes technologiques.
04:21 Humainement, encore une fois, ce n'est pas possible.
04:23 C'est-à-dire que ce n'est pas seulement les directions marketing qui vont interagir avec leurs IA ou leurs analystes de data.
04:30 Mais aussi le consommateur final qui, lui, peut renvoyer des messages à ses IA pour nourrir la relation ?
04:36 Exactement, c'est exactement ça. Il faut considérer l'IA comme un intermédiaire entre une équipe humaine qui est au marketing et le consommateur qui est de lui aussi humain.
04:46 Et on a une couche d'IA qui est capable de comprendre les intentions des marketeurs, mais qui vont les démultiplier et gérer la singularité de chacun.
04:55 Et vous voyez, c'est cette intermédiation qu'il faut voir.
04:57 Donc ça, on va aller de plus en plus loin dans cette voie-là.
05:02 Du fait de la partie créative qui n'était pas là il y a un an. Il y a un an, on n'en parlait même pas.
05:06 Aujourd'hui, ça y est, c'est là.
05:07 Et donc, ça rend les choses de plus en plus faciles et de plus en plus pertinentes, en l'occurrence pour le consommateur.
05:13 Quelle place il reste alors pour les équipes marketing humaines qui sont de ce côté-là de la chaîne, comme vous le disiez ?
05:20 Aujourd'hui, d'aller dans cette voie-là, pour moi, ça va enlever tout un tas de tâches qui peuvent être considérées comme pas forcément très intéressantes.
05:28 C'est l'automisation, c'est la prise de décision globale, ce genre de choses.
05:31 Donc ça leur enlève ce travail-là, mais ça va leur redonner un autre qui est beaucoup plus humain, pour le coup,
05:37 qui est la créativité, travailler sur la communication, travailler sur les stratégies, travailler vraiment sur tous ces aspects-là.
05:43 Mais la phase concrète opérationnelle sur le terrain ne leur appartient plus.
05:48 Merci beaucoup Stéphane Amarsi d'avoir posé le cadre du débat.
05:52 On va poursuivre cette discussion avec nos deux autres invités dans un instant.
05:55 [Musique]
06:01 Et on poursuit cette discussion toujours en compagnie de Stéphane Amarsi, CEO de The Next Mind et auteur de Mon directeur marketing sera un algorithme.
06:09 Nous ont rejoint Sylvie Colombet, bonjour.
06:12 Bonjour.
06:13 Directrice marketing client digital de Manuton International et Maurice N'Diaye, bonjour.
06:17 Bonjour.
06:18 Fondateur et directeur général de Descartes & Mousse, qui est une stratèque qui permet là aussi d'appréhender, de se projeter dans un monde futur probable.
06:26 D'abord peut-être, Sylvie, votre réaction à ce qui vient d'être dit par Stéphane qui a planté le décor avec moi tout à l'heure.
06:32 Je pense que je rejoins ce qui a pu être dit par Stéphane avec l'évolution des métiers du marketing.
06:38 D'abord, on a eu toute la partie digitalisation et digitalisation des parcours clients qui a forcément entraîné une évolution des métiers du marketing.
06:47 Mais j'aimerais insister moi sur deux points.
06:49 Il y a forcément aussi une évolution des compétences.
06:52 On va rechercher à la fois, en effet, la personne côté marketing, elle doit être aussi maintenant un pilote.
06:59 Pilote et coordination.
07:01 C'est que je pense extrêmement important.
07:03 C'est-à-dire que je pense que les algorithmes apprenant et maintenant liés à Générative va aussi entraîner, cassure des silos au sein même de l'entreprise.
07:13 Il va falloir qu'il y ait un pilote, un coordinateur de l'ensemble de ces métiers pour s'assurer à un moment donné qu'on garde le cap, qu'on ait cette bonne vision stratégique,
07:24 qu'on puisse mesurer les résultats et qu'on aille dans le bon sens.
07:27 Et en même temps, qu'on puisse tous parler le même langage et qu'on ait la data et cette fameuse gouvernance data et data.
07:32 Parce que quand on donne à manger quand même aux algorithmes, quels qu'ils soient, il faut s'assurer qu'on donne à manger ce que l'on pense être bon à manger.
07:40 Sinon, l'algorithme ne pourra vous redonner pas forcément ce qui convient et on risque de partir.
07:47 Et c'est les effets qui peuvent être intéressants à débattre ensuite.
07:50 Un effet pas forcément positif.
07:52 Donc voilà, je rajouterais par rapport à ce que vient d'être dit par Stéphane, ce qui est important, c'est nouvelles compétences, pilotes.
07:59 Et puis ça fait naître, ça va faire disparaître sûrement des métiers.
08:01 J'ai lu dernièrement dans un des blogs que 51% des métiers du marketing vont disparaître.
08:07 Mais 75% de la productivité du marketing va être augmentée, c'est super.
08:13 Mais ça fait naître également de nouveaux métiers.
08:15 Voilà, donc ça, nouvelles compétences, nouveaux métiers.
08:18 Un point important avec cette notion de vision globale, stratégique, garder le cap et la coordination pilote au sein de l'entreprise.
08:26 Morizou, votre réaction à tout ce qui vient d'être dit ?
08:28 Alors, je suis assez d'accord aussi avec tout ça.
08:31 Il y a un concept que je trouve intéressant dans ces problématiques d'IA, c'est le fait de considérer que l'IA devient un collaborateur, au même titre que les autres.
08:39 C'est un petit peu le titre de ton livre.
08:41 C'est ça, c'est l'esprit de mon livre.
08:43 Je m'inscris totalement dans la continuité de cette idée-là.
08:47 Et ce qui est intéressant aussi avec ce buzz autour de ChatGPT, c'est que les gens se rendent compte.
08:53 Parce que c'est aussi ça qui est nouveau.
08:54 Ça devient concret en fait dans ce coup.
08:56 Le fait que ce soit accessible à tout le monde, ça déclenche une prise de conscience, qui en même temps est très anxiogène aussi.
09:02 Parce que ça arrive assez brutalement.
09:04 Il n'y a pas grand monde qui l'a vu venir, en tout cas dans le grand public et même au sein des entreprises.
09:08 Mais en tout cas, ce que je trouve intéressant, c'est qu'il y a vraiment cette notion qui est en train d'émerger, de s'installer.
09:13 Et je pense qu'on peut avoir une approche positive de cette évolution.
09:18 Évidemment, c'est anxiogène, surtout quand il y a Goldman Sachs qui dit qu'il y a 300 millions d'emplois qui vont disparaître.
09:24 Donc il y a toujours cette phase-là, un peu de sidération, quand il y a une grande rupture technologique.
09:29 Si on reprend l'histoire, à chaque fois, on a cru que les robots allaient nous remplacer.
09:32 Finalement, c'est loin d'être le cas.
09:34 En revanche, je pense que ce dont il faut être conscient là, c'est que ça va très très vite.
09:39 Et donc, ce n'est pas les mêmes métiers qui sont touchés.
09:41 Ce n'est pas les mêmes métiers, c'est les cols blancs, c'est vrai.
09:43 Mais donc, un, ça va très vite.
09:45 Et donc effectivement, il faut qu'on arrive à suivre d'un point de vue réglementaire, d'un point de vue éthique,
09:50 comment je m'assure que la donnée est fiable, etc.
09:53 Et là, c'est vrai qu'on se sent un petit peu, parfois, pris de court par rapport à ça.
09:57 Mais le deuxième point que je trouve intéressant, c'est que, pour moi, c'est vraiment le rôle des entreprises aussi,
10:02 de travailler sur la transition et de définir les métiers de demain.
10:05 Ça ne va pas tomber du ciel, la façon dont on va s'adapter, dont on va repenser les process, comme tu disais aussi, les chaînes de valeur.
10:11 Ça, c'est quelque chose qui doit être pris en main par les entreprises, sinon elles risquent de le subir,
10:16 et donc d'avoir beaucoup de mal à s'adapter.
10:18 Donc il faut proactivement embrasser cette transition et construire les métiers de demain avec les collaborateurs.
10:24 Justement, pour rebondir sur ce que tu dis, Maurice, c'est qu'aujourd'hui, ce qu'on voit dans la projection des métiers de demain,
10:30 c'est juste une projection en continuité.
10:32 Alors que ce qu'on vit, c'est une rupture.
10:36 Et donc, on ne le raisonne pas en rupture.
10:39 Ce qu'il faut faire, c'est qu'on va investir, les entreprises vont investir, ou avoir peur, puisqu'il y en a beaucoup qui ont peur,
10:44 sur juste une continuité avec des petits travaux à la marge, mais qui ne vont pas changer la réalité du mur qui arrive.
10:51 Alors qu'il faudrait vraiment faire, dès à présent, et il y a des entreprises qui le font, heureusement,
10:56 dès à présent, de réfléchir réellement à 10 ans, 15 ans, en imaginant plein de ruptures possibles,
11:01 et de se dire, mais dans tout ça, moi, humain, je fais quoi ? Moi, au niveau de l'organisation, je fais quoi ?
11:06 Quand on dit que l'IA est un collaborateur, ça change la relation au travail, ça change le manager.
11:12 Typiquement, quand vous dites qu'il faut un pilote, on peut très bien imaginer que le pilote, ce soit une IA.
11:17 Il y a des entreprises qui l'ont déjà fait. Uber, c'est le choix qu'ils ont fait, dès le début, par exemple.
11:22 Donc, vous voyez, ce n'est pas aussi simple que ça, mais c'est un travail qui appartient à l'organisation
11:26 de définir ce qu'elle veut faire de l'humain dans son entreprise.
11:31 Comment vous arrivez à vous projeter, vous, Sylvie, dans ce contexte-là ?
11:34 Parce que Maurice le disait très bien, finalement, tout ça évolue très, très vite.
11:37 À la fois, la technologie évolue très vite, mais aussi la réglementation évolue très vite.
11:42 Comment est-ce qu'on garde la page, en fait ?
11:45 Je pense qu'on entend beaucoup parler de changement d'organisation. On parle aussi d'organisation apprenante.
11:50 Je pense qu'on n'est plus dans une verticalité. Il faut avoir cette notion de polyvalence, de multicompétence.
11:57 Et je pense qu'il faut que dans l'organisation, on laisse la place au collaborateur à être toujours curieux,
12:02 à être à l'écoute, à avoir cette ouverture vers le monde qui bouge, qui évolue.
12:07 Et ça, c'est aussi un choix de la part des entreprises. Déjà, c'est le premier point.
12:11 Deuxième point, et je pense qu'il y a un changement aussi de la part des employés, des candidats,
12:16 qui souvent voyaient une voie linéaire, classique. Je rentre dans un métier, alors marketing.
12:22 On a connu assistant chef de produit, chef de produit, chef de groupe, direction marketing.
12:26 Voilà, c'est le parcours linéaire. On n'a plus... C'est la rupture, c'est ce que Stéphane disait.
12:31 Et je pense que c'est la rupture dans le parcours client. Pour nos clients, on n'est plus sur un parcours linéarisé, absolument pas.
12:36 Mais c'est la même chose du côté des métiers. Donc je pense qu'il faut avoir cette ouverture, cette agilité, cette capacité.
12:44 Et je pense que c'est ça qu'on va rechercher. Alors c'est plus complexe que de former et de dire aux entreprises,
12:49 je forme un métier, je deviens un champion du marketing digital ou un expert.
12:53 Parce que l'expert d'il y a cinq ans n'est plus expert aujourd'hui s'il ne se maintient pas en permanence à la page, à l'écoute.
13:01 Il y a cette curiosité. Donc c'est comment je peux faire développer quelque chose qui est un peu plus institut sur l'individu.
13:06 Cette capacité d'étude, cette capacité d'adaptation, cette agilité, cette ouverture d'esprit.
13:12 On fait appel à d'autres compétences, moins faciles en fait, et c'est important.
13:19 Et il faut que le candidat accepte cette délinéarisation de son parcours et que l'employeur également.
13:26 C'est-à-dire que face aux difficultés auxquelles on est confronté en tant qu'employeur pour recruter,
13:31 il faut qu'il puisse admettre qu'on ne va peut-être pas forcément aller chercher celui qui a déjà fait ça dans un secteur d'activité identique.
13:39 Au contraire, on s'offre la possibilité d'aller chercher plus des aptitudes, un comportement, une ouverture,
13:49 que forcément une expertise pure et dure en métier.
13:53 Maurice, est-ce que ça veut dire que finalement ces métiers de demain seront exercés par des gens
13:58 qui seront peut-être davantage data scientist ou spécialistes de l'IA, mais qu'on ne sera plus vraiment,
14:04 comme disait Sylvie, sur des spécialistes du marketing en tant que tel ?
14:08 Je ne crois pas beaucoup au fait qu'il faille absolument que tout le monde soit codeur.
14:14 À un moment donné, il y a eu cette question-là. En fait, on voit que c'est plutôt l'inverse qui se passe.
14:19 Il y a une démocratisation des outils qui rend accessible la technologie de façon très simple au plus grand nombre.
14:25 En revanche, ce que je trouve intéressant dans ce qui vient d'être dit, c'est l'idée que la question de l'évolution des métiers est systémique.
14:33 Ce n'est pas juste que je prends des tâches et j'essaie de les faire évoluer.
14:37 C'est un système entier qui est en train de bouger. Et d'ailleurs, ce n'est pas que le marketing.
14:40 C'est plusieurs métiers, bien sûr.
14:42 C'est une approche que je trouve intéressante. D'ailleurs, j'en ai fait mon métier.
14:46 Le fait d'essayer de comprendre les dynamiques sous-jacentes de la façon dont un écosystème ou un marché évolue
14:54 en prenant en compte beaucoup plus de paramètres que simplement un angle de vue.
14:58 Je prends un exemple concret. On dit beaucoup que Chadzi Piti va avoir des impacts sur la productivité.
15:04 Et c'est vrai. Mais qu'est-ce qu'on fait de cette productivité ? Qu'est-ce qu'on en fait ?
15:08 Et là, quand on pose cette question, ça ouvre plein d'autres questions sur le rapport au travail,
15:13 sur est-ce que plus de productivité veut dire plus de contenu produit ou plus d'initiatives marketing,
15:20 dans le cas du marketing, ou plus de tâches réalisées, ou est-ce qu'au contraire, ça veut dire que je vais virer des gens,
15:24 ou est-ce que je vais donner plus de vacances aux gens ?
15:26 Donc on voit que juste avec ce simple sujet, si on prend un pas de côté, on ouvre une question beaucoup plus large,
15:32 qui est celle du rapport au travail. Et selon moi, c'est cette réflexion-là qu'il faut mener en tant que dirigeant.
15:37 C'est-à-dire que pas uniquement s'intéresser à découper les tâches et à se dire est-ce que ça, c'est remplaçable ou pas par une IA,
15:43 mais plutôt de s'interroger sur la façon dont on veut repenser le rapport au travail en prenant en compte tous ces paramètres.
15:52 Donc la productivité cercle, mais aussi l'inflation par exemple, le sens, la responsabilité par rapport au climat et à l'environnement,
16:01 et d'essayer de créer un assemblage cohérent de tous ces items pour redéfinir le travail et aussi potentiellement le rôle de l'entreprise elle-même.
16:11 Stéphane, c'est votre métier également de vous projeter dans le futur, d'imaginer ces futurs possibles.
16:16 Comment est-ce que vous accompagnez les entreprises sur ces sujets-là ?
16:19 Parce que je comprends bien que les enjeux sont majeurs et que les ruptures sont encore presque à imaginer.
16:24 Oui, et le sujet pour moi, je dis toujours qu'on rentre dans l'ère des futurs improbables.
16:30 Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça ne sert strictement à rien d'essayer de prévoir exactement ce qui va se passer,
16:35 parce que ce n'est pas ça qui va se passer. Ça fait juste 40 ans que les prévisions économiques ne sont pas les bonnes.
16:39 Mais pour autant, tout le monde prend des décisions dessus et des choix très importants de financement ou autre.
16:44 Donc on voit bien que ça ne marche pas. Donc l'enjeu, ce n'est pas de prévoir exactement ce qui va se passer,
16:49 c'est d'être préparé aux impacts que ça peut avoir, ce qui est complètement différent en termes de façon de travailler.
16:55 Et là, aujourd'hui, les entreprises ne travaillent pas du tout comme ça, ou très peu travaillent comme ça.
17:00 Donc déjà, le premier point pour moi, c'est que les dirigeants prennent conscience de cette problématique-là,
17:05 parce que souvent, ils viennent du terrain. Je suis dur dans ce que je vais dire, mais ils ont une vision obsolète
17:11 de la réalité du terrain et de ce qui est en train de se passer et des enjeux sociétaux.
17:15 Et donc, du coup, c'est d'autant plus compliqué de faire bouger l'entreprise.
17:19 Donc moi, j'essaie beaucoup de travailler sur cette prise de conscience qui va permettre derrière de descendre, de changer les choses.
17:27 Le marketing, c'est un bon exemple, puisque le marketing, il touche les consommateurs.
17:30 Donc si on fait du marketing sans écouter les consommateurs, il y a un petit problème quand même.
17:34 Et comme les marketeurs bougent, le consommateur bouge, les marketeurs doivent bouger aussi.
17:38 Donc c'est là qu'on voit souvent beaucoup plus de changements, parce qu'il y a cette liaison entre les consommateurs et les entreprises.
17:44 Vous avez le sentiment que les choses bougent du comté du consommateur aussi, Sylvie ?
17:47 Oui, c'est ce que je disais. Le parcours d'achat, il y a la digitalisation du parcours d'achat,
17:53 qui a été accélérée avec la crise sanitaire qu'on a eue. Et plus de data, plus de digitalisation, un parcours qui n'est plus du tout linéaire.
18:03 Et des grands acteurs, des moteurs de recherche, pour ne pas les nommer, l'ont parfaitement compris,
18:09 avec un algorithme, d'aller chercher finalement là où se trouve votre client, l'audience.
18:13 Tantôt il va être à regarder de la vidéo, tantôt il va être à faire de la recherche, tantôt...
18:18 Et donc il va falloir que, oui, ils bougent. Et puis il y a un rapport à la marque qui n'est plus le même non plus, de la part de nos clients.
18:25 Et ce que vous disiez tout à l'heure, c'est qu'il y a vraiment l'interface, il y a le client qui va aussi potentiellement nourrir
18:32 de par son comportement, l'algorithme et de l'autre manière, ce que l'on donne aussi à l'algorithme et le marketer.
18:39 Donc c'est tout l'écosystème en effet complet qui est impacté, qui bouge et qui évolue.
18:46 J'ai vraiment parlé là du marketing, mais je pense que la relation même, quand on a toujours parlé de relation vente et marketing,
18:51 des entières, il y a une relation toujours un peu compliquée, je pense que cette relation là aussi évolue,
18:56 et grâce justement à la data, grâce aux algorithmes, grâce à l'IA. Ça c'est un premier point.
19:02 Et j'insiste bien, vraiment c'est important je pense sur cette notion de travail en équipe,
19:07 de dé-siloter en fait les métiers dans l'entreprise, je pense que c'est important.
19:12 On a forcément toujours des experts et ça bouge et ça évolue, mais il est important, on n'est plus en vertical.
19:19 Je pense qu'on est beaucoup plus amené à travailler de manière transverse.
19:24 Et ça je pense que c'est quelque chose qui est un peu nouveau également et qui est extrêmement important.
19:29 Et qu'il va falloir accélérer.
19:31 Et qu'il va falloir accélérer, exactement.
19:33 Maurice, Sylvie parlait à l'instant des algorithmes, des plateformes notamment, et ces algorithmes là changent aussi.
19:39 Donc on a non seulement la technologie qui évolue avec des nouveaux acteurs entrant, type Chagipiti OpenAI,
19:45 mais on a aussi des algorithmes qui changent, des règles du jeu qui changent,
19:49 que ce soit à la fois par des algorithmes des plateformes mais aussi par le niveau réglementaire.
19:54 Comment on arrive justement à évaluer l'impact de ces changements quand les règles du jeu bougent comme ça tout le temps ?
20:01 De façon ironique, ou je ne sais pas si c'est le bon terme,
20:04 mais ce que je trouve intéressant c'est que justement l'IA peut aussi être une réponse à ce genre de dénouement.
20:09 Elle peut nous dire, alors il peut se passer ça, ça ou ça ?
20:11 Alors voilà, ce que je trouve intéressant c'est qu'en fait on a,
20:15 comment dire, la réaction immédiate qu'on a sur ce sujet, je le disais tout à l'heure,
20:19 c'est qu'on pense que c'est qu'un truc de productivité en fait.
20:21 En fait pas du tout, je pense qu'il faut se prendre conscience qu'aujourd'hui,
20:25 avec notamment les LM et l'IA générative, on a des cas d'application de l'IA
20:30 qui sont beaucoup plus élaborés et beaucoup plus puissants que simplement faire des copier-coller à la chaîne, si je caricature.
20:36 Et effectivement, je parle de ce que je connais,
20:39 nous ce qu'on fait c'est qu'on utilise l'IA typiquement pour essayer de simuler ce à quoi peut ressembler le monde de demain.
20:46 Donc on se complète pas mal là-dessus en se disant,
20:48 effectivement on part du même constat qui est de se dire,
20:51 il y a des décisions importantes qui sont prises au marketing ou ailleurs,
20:54 tous les jours sur où est-ce que je mets mon argent, où est-ce que je mets mon temps.
20:57 Et ces décisions en fait elles ont un impact que dans 2, 3, 4 ans.
21:00 Quand on veut définir un programme de formation, construire une usine, lancer un programme de R&D,
21:06 c'est des choses quand même qui nécessitent un peu de temps de mise en place.
21:10 Et là ce que je trouve intéressant c'est que justement on a un joli cas d'application de l'IA
21:13 qui peut évaluer plusieurs futurs possibles,
21:17 parce que je suis d'accord, prédire le futur c'est pas possible,
21:19 mais en revanche imaginer plusieurs scénarios possibles avec des configurations différentes,
21:23 ça c'est possible et c'est rendu possible grâce à l'IA.
21:26 Donc je pense que à la fois l'IA est une partie de ce qui peut créer de l'anxiété,
21:32 mais c'est aussi je pense une partie de la solution.
21:35 Stéphane, vous vouliez rajouter quelque chose sur ce point ?
21:38 Ma devise c'est il faut s'occuper du changement avant qu'il s'occupe de vous.
21:42 Tout est dit.
21:44 Sylvie, comment vous vous occupez du changement avant qu'il s'occupe de votre cas de directrice marketing alors ?
21:50 Comment je m'occupe du changement ?
21:52 Je pense que ce que je disais, c'est cette ouverture permanente,
21:56 être à l'écoute de ce qui se passe en permanence.
21:59 Vous parliez tout à l'heure en disant que le pilote ça peut être l'IA.
22:04 Je pense quand même, c'est comme ça que je le vis, que je souhaite le faire vivre à mes équipes,
22:08 c'est important d'avoir cette notion de garder le cap, garder le sens.
22:11 On parle beaucoup, les gens recherchent du sens dans l'entreprise et ça c'est important.
22:16 Alors on peut se faire aider par l'IA en faisant des modèles prédictifs de scénarios potentiels,
22:21 mais à un moment donné c'est qu'est-ce qu'on veut ?
22:24 Où est-ce qu'on veut aller nous en tant qu'entreprise ?
22:26 Quelle est notre différenciation ?
22:28 Quelle est notre fameuse North Star ?
22:30 Comment ? Et après c'est comment on va y aller ?
22:33 Et là l'IA est intéressante parce qu'elle va nous permettre d'aller potentiellement plus vite
22:38 ou dans une direction où des humains n'auraient potentiellement pas pu y aller.
22:42 Mais je pense important que toute la dimension finalement stratégie, créativité, recul, émotion,
22:50 qu'aujourd'hui, alors peut-être que demain vous allez me dire ça va aussi évoluer,
22:53 l'IA aura toute cette émotion et c'est en train d'évoluer, je crois.
22:56 C'est en train d'évoluer en effet.
22:58 Mais aujourd'hui je pense que c'est ça et c'est ça qui est important.
23:02 Parce qu'il y a l'IA au quotidien et qui existe déjà, c'est ce que je disais,
23:07 avec le moteur de recherche ça fait 20 ans et que ça évolue tous les jours, tous les 6 mois et qu'on fait évoluer.
23:11 Mais c'est bien être, se rappeler quel est le sens pour qu'on le fasse, la stratégie et la priorisation et qu'est-ce qu'on doit faire.
23:20 Je vais rebondir là-dessus.
23:22 Allez-y, je vous en prie.
23:24 Ce que je voulais dire c'était deux choses.
23:26 Sur la partie priorisation et stratégie, je pense qu'effectivement l'IA peut être utile pour évaluer, quantifier, avoir une approche très analytique.
23:35 En revanche, je pense que là où je suis très d'accord, c'est qu'il y a des choses qui ne se codent pas.
23:39 Il y a des choses qui ne s'optimisent pas.
23:41 Les valeurs, ça ne s'optimise pas.
23:43 Même quand on est sur des problématiques de morale, de spiritualité, de justice, d'éthique, c'est des choses qui ne s'optimisent pas.
23:53 C'est des choses qu'on peut, en revanche, intégrer dans les algorithmes pour qu'ils aient un certain nombre de garde-fous ou d'orientation
24:01 qui permettent de sécuriser le fait que l'optimisation se fait dans un champ contraint qui garantit ou qui préserve un certain nombre de choses.
24:11 On a souvent pris les exemples que tu as évoqués rapidement tout à l'heure sur le travail à la chaîne dans les entrepôts ou sur les livreurs
24:20 où on est dans de l'optimisation pure au mépris de la prise de conscience de certains aspects purement humains.
24:28 Moi, je crois beaucoup à ça.
24:30 D'ailleurs, pour l'anecdote, le nom de ma boîte s'appuie là-dessus.
24:33 Descartes pour la rationalité analytique et Mauss pour la partie plus sensible et anthropologique.
24:39 Je pense qu'on va aussi tendre vers ça.
24:42 C'est-à-dire que la rationalité optimisera jusqu'à un certain point,
24:45 mais il faut qu'on laisse une part dans les algos, dans la façon dont on décode, pour implémenter des valeurs morales plus fortement.
24:52 C'est encore possible quand le directeur marketing est un algorithme ?
24:55 Oui, mais c'est le directeur marketing tel qu'il est aujourd'hui.
24:58 Pour moi, tel qu'il est aujourd'hui, on le définit traditionnellement quand on voyait les offres d'emploi.
25:03 Cette définition-là est obsolète par rapport aux besoins de demain.
25:06 Par rapport à ce qui a été dit, à mon sens, il y aura deux extrêmes.
25:10 Il y aura des entreprises qui seront no-IA.
25:13 Il n'y aura absolument rien, ce sera un positionnement marketing, ce sera vraiment présent.
25:18 Vous aurez à l'inverse des entreprises qui seront construites que par l'IA.
25:22 Et après, il y a un curseur, vous pouvez le mettre où vous voulez, ça défendra des personnes et la volonté de chacune des entreprises.
25:28 Oui, c'est ça, parce que si j'ai bien entendu ce que vous disiez, Sylvie, Maurice disaient l'IA est un collaborateur, vous êtes plutôt sur l'IA est un outil.
25:35 C'est un outil, oui, oui et non. Il faut bien comprendre, on parle de martech, on le disait tout à l'heure, il faut que maintenant, il y avait autrefois le marketing, la technologie, chacun qui avait son pré-carré.
25:50 Je pense que tout ça, c'est fini.
25:52 Il faut potentiellement prendre l'IA comme étant soit un outil, soit un collaborateur augmenté.
26:00 Alors on parle de ça, mais différent, parce que je n'aime pas cette notion d'augmenter, parce que ça sous-entend que d'autres ne sont forcément pas augmentés.
26:08 Mais c'est à bien prendre ce qui est capable de faire l'IA, ce dont a besoin l'IA, et ce qu'elle ne peut pas aujourd'hui faire et ce qu'elle peut peut-être faire demain.
26:17 Et ça, il faut en avoir vraiment conscience.
26:19 Et j'insiste encore, parce qu'on a des sujets qui ne sont pas si récents que ça.
26:23 On parle beaucoup de market automation depuis ces dernières années.
26:27 J'insiste encore, aujourd'hui, moi, par exemple, mon équipe au niveau de market automation, c'est de travailler aussi bien avec les gens de la data qu'avec les gens de l'IT, qu'avec les gens métiers, qu'avec les ventes.
26:38 Et ça, c'est important.
26:40 Par exemple, l'équipe chez Manutan, c'est l'équipe qui travaille deux concerts avec l'ensemble de ces métiers-là.
26:47 Et c'est important.
26:48 Sinon, vous allez vous retrouver très facilement et très rapidement à recevoir un client qui est votre client depuis plus de 15 ans et à qui vous adressez, parce qu'il a changé d'email et elle a ouvert un nouveau site, vous allez lui adresser un "welcome back", "bienvenue, cher nouveau client", parce que l'algorithme aura fonctionné tout seul et vous lui aurez envoyé un très beau contenu, parfait, mais qui sera destiné d'un nouveau client alors qu'il n'est pas nouveau client.
27:13 Donc, il y a vraiment, voilà, c'est juste un exemple très concret et factuel, mais qui est au quotidien dans les entreprises, quand on est dans du concret.
27:21 Important également de bien comprendre tous ces aspects de travail et de concert, data, IT, tech et marketing de concert.
27:29 Stéphane, le mot de la fin sur ces questions.
27:31 Pour rebondir sur ce sujet, si on part du principe que les données sont OK, d'accord, ce qui arrivera un jour, ça fait juste 40 ans qu'on y travaille, mais on y arrivera un jour.
27:40 Si on part de ce principe-là, pour moi, le point, c'est que vous pouvez mettre toutes les briques technologiques que vous voulez dans les mains des humains, on ne sait pas prendre plusieurs décisions à la fois.
27:49 Donc, il y a une limite, et là, on ne peut pas la dépasser.
27:53 Et ce que j'avais imaginé, j'ai construit un logiciel comme ça dans le marketing, et c'est l'origine du livre, la genèse du livre, c'est de dire, si on veut aller rencontrer la réalité, la singularité de chacun des clients, ça ne peut pas se faire humainement.
28:06 Donc, il faut une IA qui prenne toutes les décisions à la place des humains.
28:11 C'était la seule solution.
28:13 Et les humains vont faire un travail beaucoup plus humain, pour le coup, parce que prendre des décisions tout le temps, traiter de la donnée tout le temps, on ne sait pas bien faire ça.
28:20 Donc, encore une fois, je pense que le futur, il est large, il y a plein de possibilités, et ça va vraiment entre le choix d'entreprise.
28:27 Le seul bémol dans l'histoire, c'est qu'il y a beaucoup d'entreprises qui n'ont absolument pas conscience des choix à faire.
28:32 Merci beaucoup à tous les trois pour votre éclairage aujourd'hui.
28:35 Stéphane Amarty, CEO de The Next Mind, Sylvie Colombet, directrice marketing client digital de Manutant International, et Maurice N'Diaye, fondateur et directeur général de Descartes & Mosse.
28:45 On se retrouve très vite pour un nouveau numéro de Smart at Work.
28:48 Smart at Work. Vous a été présenté par Manutant.
28:52 Sous-titrage Société Radio-Canada

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