Perles de Culture n°394 - Maurras : Les errances des catholiques progressistes

  • l’année dernière
Anne Brassié reçoit Hilaire de Crémiers, le fondateur de Politique Magazine, qui donne la véritable signification des neufs contes de l'ouvrage "Le Chemin de Paradis" de Maurras à l'occasion de sa réédition aux Editions de La Belle de Mai. Ces contes allégoriques sont une réaction du jeune Maurras aux errances des catholiques progressistes. Lumineux, écrit dans une langue éblouissante et d'une grande actualité bien sûr.
Transcript
00:00 Je n'avais pas prévu de m'adresser à nouveau à vous, mais la situation l'exige.
00:04 En effet, la situation financière de TVL reste totalement préoccupante
00:09 si nous ne bouclons pas notre budget avant la mi-juillet,
00:13 et ce n'est actuellement pas le cas.
00:16 Concrètement, malgré votre mobilisation, il nous manque quoi ?
00:19 300 personnes qui envoient un don de 100 euros.
00:23 300 personnes qui envoient un don de 100 euros.
00:25 Voilà l'enjeu. Il n'est pas mince, j'en suis conscient.
00:28 Et pourtant, cela représente 22 minutes de propagande de France Télévisions avec nos impôts.
00:36 Je compte sur vous pour répondre à cet appel à l'aide pour votre télévision, celle de vos idées.
00:41 Retirez-nous cette épine du pied pour nous permettre de repartir d'un bon pas
00:46 pour les prochains mois à l'avance. Merci.
00:49 [Musique]
01:12 Chers amis de TV Liberté, bonjour.
01:14 Nous avons l'honneur et la joie de recevoir Hilaire de Crémier.
01:19 Bonjour. Bonjour, Anne Brassier.
01:22 Vous êtes, dois-je le rappeler, le fondateur de Politique Magazine,
01:26 cette belle revue mensuelle qui est un grand mensuel de réflexion politique à un certain niveau
01:38 et qui a des rubriques théâtrales et musicales extrêmement intéressantes.
01:43 Et littéraires. Et littéraires, bien sûr.
01:46 Mais Damien Poppe est très très bon et la femme qui s'occupe de la critique théâtrale est très bonne aussi.
01:56 Et les critiques littéraires, bien sûr, dont vous faites partie puisque vous donnez beaucoup d'articles.
02:03 Et puis vous êtes aussi le publiciste, le propagateur d'un grand texte de Charles Maurras
02:16 qui s'appelle "Le chemin de paradis" qui est juste réédité dans une maison d'édition qui s'appelle B2M.
02:24 Belle de Mai.
02:25 Belle de Mai. Ça c'est le langage des jeunes d'aujourd'hui.
02:30 C'est tellement plus joli "Belle de Mai".
02:33 Et vous pouvez trouver ce livre et l'acheter sur un site qui s'appelle "Je suis français".
02:38 Qu'est-ce que c'est que ce site ?
02:39 "Je suis français", c'est un site royaliste provençal qui est quotidien et on s'abonne très facilement.
02:47 On s'abonne gratuitement.
02:49 Gratuitement en plus.
02:50 Et donc on trouve toutes les références et en particulier les références à cette nouvelle...
02:56 C'est une réédition tout à fait actuelle et à laquelle d'ailleurs j'ai un tout petit peu contribué.
03:04 Vous avez fait l'avant-propos bien sûr.
03:06 J'ai fait l'avant-propos et puis il fallait faire le choix des versions
03:12 puisqu'il y a eu plusieurs versions de ce "Chemin de paradis".
03:15 Il y a également eu des préfaces, des post-faces, des explications, des commentaires, des commentaires, de commentaires.
03:22 Et donc il fallait faire un peu un tri et trouver une certaine harmonie,
03:28 enfin une certaine cohérence entre l'ensemble de ces textes.
03:31 Mais en tous les cas, ce qui est intéressant, c'est que pour les contes du "Chemin de paradis",
03:36 il s'agit des textes pour la plupart tout à fait originaux, c'est-à-dire la première version,
03:44 celle que Maurras a été amenée quelquefois à corriger ou même à tronquer.
03:50 Vous avez été l'un des premiers à alerter l'opinion publique sur l'importance de ce texte
03:57 et à, on peut dire, à rappeler le fond de l'œuvre et ne pas s'arrêter à l'écume des lettres, si je puis dire,
04:10 puisque c'est un texte poétique, ce sont des contes philosophiques, moraux,
04:16 mais finalement avec un fond très politique et philosophique très important qui n'a pas été compris toujours.
04:27 - Ah moi, qui n'a pas été compris du tout ! - Du tout !
04:30 - C'est pas toujours, mais on peut comprendre.
04:34 En réalité, il s'agit du premier livre véritable de Maurras.
04:39 Mais ce livre n'est pas un livre à proprement parler, c'est un ensemble de contes,
04:46 neuf contes répartis en trois séries, et chacun de ces contes ont été écrits entre 1891 et 1893.
04:56 Cette période est extrêmement importante.
04:59 Et Maurras les a rassemblés en 1894 pour une publication qu'on a ensuite datée de 1895,
05:07 mais qui en réalité est de 1894.
05:11 Et cette date est importante, je vais tâcher d'expliquer pourquoi.
05:16 Et ces contes tranchent avec l'ordinaire de ce que l'on connaît de Maurras.
05:21 Je dis l'ordinaire parce que Maurras s'est fait connaître comme journaliste, chacun le sait,
05:26 pas simplement philosophe, philosophique, pas seulement littéraire, pas simplement de critique générale,
05:35 mais également comme journaliste politique.
05:38 Et il a ensuite été amené à mener un combat pendant toute sa vie,
05:43 et ce combat, il l'a mené contre ce qu'il dénonçait comme étant le mal essentiel dont souffrait la France.
05:53 On fait comme si régulièrement il fallait sauver la France d'elle-même, on le sait,
05:58 ça fait 200 ans qu'on connaît le truc, c'était connu avant,
06:02 mais il y avait une voie de recours avant, c'est-à-dire on se tournait vers la figure du roi.
06:07 Et depuis la Révolution française, on ne se tourne plus vers la figure du roi.
06:13 - Le roi est Dieu.
06:14 - Le roi est Dieu, bien sûr, ça va ensemble, je vais l'expliquer à propos du chemin de paradis.
06:18 Et donc Maurras va faire cette démonstration pendant toute sa vie,
06:26 une démonstration rationnelle qu'on va qualifier de comptiste, qu'on va qualifier de naturaliste,
06:33 peu importe, il va démontrer que c'est le régime en lui-même qui est responsable de ce qui se passe.
06:40 On peut le dire pour ce qui se passe aujourd'hui, c'est pas simplement les hommes au pouvoir,
06:45 mais il faut ajouter que si ces hommes sont au pouvoir, s'ils ont pu y parvenir,
06:52 c'est parce que précisément l'appareil républicain le leur permettait.
06:56 Donc il y a une question d'institution.
06:59 Et Maurras va braquer son tir, en quelque sorte, sur cette question institutionnelle.
07:07 Et du coup, ensuite, on le caricaturera, ça sera trop facile,
07:11 alors que sa démonstration est absolument impeccable à partir de l'enquête sur la monarchie en 1900,
07:17 qu'il a faite dans la Gazette de France.
07:20 Mais auparavant, et simultanément pendant toute sa vie,
07:24 il va tenir un autre langage, qui est un langage crypté.
07:29 À une démonstration d'ordre rationnel, il va ajouter une démonstration d'un autre ordre,
07:36 que l'on va qualifier d'allégorique, de symbolique, et moi j'ajoute de mystique.
07:43 C'est-à-dire qu'il va dire les véritables raisons pour lesquelles il mène ce combat.
07:48 C'est pas simplement parce que les institutions françaises sont mauvaises,
07:52 mais c'est que derrière, au-delà, au-dessous, au-dessus,
07:56 il y a un combat de la lumière contre les ténèbres, de ténèbres contre la lumière.
08:02 Et c'est ce combat-là qu'il va, en quelque sorte, mettre en valeur dans des contes mystérieux,
08:12 et qu'il va mettre en valeur également dans toute sa poésie.
08:15 Et voilà, puisque vous me posez des questions, Anne, je vous dirai avec beaucoup de simplicité
08:26 que de fait, j'ai interprété à peu près l'ensemble des poésies de Maurras,
08:32 qui sont extraordinaires, extraordinaires une fois qu'on les, évidemment, qu'on les comprend,
08:38 qu'on en voit le sens extrêmement profond.
08:41 Et puis, d'autre part, j'ai expliqué ce chemin de paradis,
08:46 mais il y a également d'autres contes, et il y a, à la fin de sa vie,
08:50 de façon également tout à fait étonnante, un conte moral et policier
08:56 qui s'intitule "Le monde Saturne", et qui est évidemment une allégorie de lui-même,
09:01 d'une allégorie de ce qu'il a été.
09:03 Et là, donc, en début de vie, il a dit ce qu'il va faire, il a dit ce qu'il va faire.
09:10 Et pourquoi il va le faire ?
09:12 Et en fin de vie, il dira pourquoi il a échoué.
09:16 Parce qu'il était, et dans ses contes, tous ses contes sont des échecs,
09:20 sa vie sera d'un certain point de vue un échec, mais un échec fructueux,
09:25 puisqu'il permettra peut-être un jour de comprendre les vraies, vraies raisons
09:31 pour lesquelles la France crève, et pour laquelle l'Église, elle-même,
09:37 ne va pas bien.
09:39 Tout le monde le sait aujourd'hui, le pape François a décidé de renverser
09:43 l'ordre hiérarchique dans l'Église, c'est-à-dire ce qui restait de structure spirituelle,
09:48 et on va le transformer en une vaste démocratie qui donnera exactement les mêmes résultats.
09:53 Qui, comme on le sait, marche très bien.
09:54 Voilà, qui donnera les résultats que l'on attend, c'est-à-dire que des minorités
09:57 vont s'emparer du pouvoir et vont dévoyer, évidemment, la foi,
10:02 la foi qui est une donnée, qui est un don de Dieu, et qui n'est pas à l'interprétation
10:08 de monsieur, madame, tout le monde, même pas à l'interprétation du pape François.
10:13 On ne lui demande pas ça, on lui demande d'être le défenseur, le vicaire de Jésus-Christ.
10:17 Je reparle parce que c'est au fin fond du problème du chemin de paradis.
10:21 Ce n'est pas pour rien que ça s'intitule le chemin de paradis.
10:24 – Vous le voyez, chers amis de TV Libertés, sur l'écran,
10:29 c'est la demeure de Maurras à Martigues, qui est le long d'une belle demeure du XVIIIe siècle,
10:36 et qui est en effet cise "chemin de paradis".
10:40 – Alors c'est le chemin de paradis, tout le monde a cru que ces contes
10:43 étaient une sorte de mise en valeur de ses propres souvenirs d'enfance,
10:50 mais pas du tout, vous prenez le début de la préface,
10:52 et dès le début de la préface, il part sur cette voie,
10:56 et aussitôt, il change le thème, et il explique que le chemin de paradis
11:01 est à prendre là, au sens littéral du terme, c'est bien un essai absolument spirituel,
11:09 intellectuel et spirituel, et non pas du tout la description d'un lieu.
11:14 – J'ai envie de faire entendre ce début de préface, parce qu'il est très très beau.
11:22 "Mon cher ami", à Frédéric Amoretti, "mon cher ami, donnons un signe de la vive amitié
11:29 qui nous lie depuis trois années, et acceptez ce livre,
11:32 dont j'aurais eu plus de plaisir à vous faire présent, s'il était digne de vous.
11:38 Mais c'est mon premier livre, et il porte le nom d'un chemin de Provence,
11:42 où nous avons marché ensemble, un soir de l'automne dernier.
11:46 Vous vous rappelez ce chemin ? Il est pauvre, il est nu et triste,
11:50 souvent pris entre deux murailles, et seulement fleuri de joncs et de plantes salines.
11:56 Il longe les étangs sur le bord desquels je suis né.
11:59 Je l'aime chèrement, comme tout ce pays qui est, je crois, ce que j'ai de meilleur au monde.
12:06 Terre maigre et dorée, où siffle le vent éternel,
12:10 ses vergers d'oliviers, ses bois de roseaux et de pin, voilent à peine ses rochers.
12:16 Mais le ciel y est magnifique, exquis le dessin des rivages,
12:21 et si gracieuse la lumière, que les moindres objets se figurent dans l'air,
12:26 comme des esprits bienheureux.
12:29 C'est écrit dans une langue absolument magnifique.
12:33 Il faut le dire, chers amis de TV Libertés, si vous n'avez jamais lu du Maurras,
12:37 offrez-vous ce chemin de paradis, parce que c'est quand même un régal.
12:41 Petit ajout à ce que vous avez dit, la vie de Maurras a été un échec.
12:46 Non, à mon avis, modeste, tout écrivain qui laisse une œuvre,
12:51 et une œuvre aussi grande, a fait de sa vie une réussite superbe.
12:56 - Oui, mais je... - Même s'il termine dans un hôpital à Tours,
13:02 où on lui a interdit, la République, avec son goût de la méchanceté pathologique,
13:08 lui a interdit de revenir dans sa maison, après son procès.
13:13 - Il y reviendra après son décès, oui. - Voilà.
13:17 - Et son cœur y est. - Son cœur y est.
13:21 Mais c'est d'abord un régal d'écriture.
13:27 D'ailleurs, il a reçu les éloges de deux grands maîtres du style français,
13:32 Anatole France et Pouste, qui n'est pas rien.
13:36 - Oui, et Maurice Barès. - Et Maurice Barès, et bien d'autres.
13:40 "Au bord des eaux de lumière refleurie, sur l'antique chemin,
13:44 où le vieillard des mers, entre les oliviers de la Vierge aux yeux pères,
13:48 vit dans leur manteau bleu, passer les trois maris du Naki."
13:52 Etc. C'est absolument magnifique.
13:55 C'est un poème qu'Anatole France a envoyé à Charles Maurras,
13:59 et qui se trouve d'ailleurs au début de ce chemin de paradis.
14:02 Maurras s'est fait à plaisir de le mettre en exergue.
14:06 - Alors, les contes, donc, sont neufs, sont partagés en trois.
14:12 Les contes qui concernent les religions, les contes qui concernent la volupté,
14:17 et les contes qui concernent les harmonies.
14:20 Ce qui est détonnant, c'est que tout est au pluriel.
14:23 - Oui, toujours. Bien sûr.
14:26 - C'est une réflexion que je me fais là, juste maintenant.
14:30 Alors, commençons par les premiers thèmes, les religions.
14:37 C'est aussi un petit peu des contes moraux.
14:43 Le jour des grâces, c'est tout de même étonnant.
14:47 Il envoie ses esclaves aller fêter à Sibarit les muses du plaisir.
14:53 - À Sibaris, oui. - À Sibaris, oui.
14:56 Je ne savais pas que Sibarit venait de Sibaris.
14:58 Mais quand on lit Maurras, on fait une cure d'étymologie, de mythologie,
15:06 et bien sûr d'antiquité grecque et latine.
15:10 Alors, racontez-nous cette histoire étonnante.
15:13 - Alors, dans les trois premiers contes, là, qui sont intitulés "Religion",
15:18 Maurras, en fait, va mettre sous forme de conte païen
15:24 une critique de la pensée contemporaine,
15:31 qui lui était contemporaine, de son temps,
15:35 et qui tourne autour, précisément, de la question des institutions,
15:40 de la question de l'État, de la question de la République,
15:43 et du ralliement à la République.
15:45 Alors, je fais un petit excursus, parce qu'il faut bien comprendre
15:49 la raison de ces contes.
15:51 C'est que, à partir du moment où Léon XIII est arrivé au souverain pontifiquat,
15:59 il a tout de suite changé la ligne politique du Vatican.
16:06 Ça a été très bien expliqué par le professeur Matéi.
16:09 Je ne vais pas revenir là-dessus.
16:10 - Oui, c'est un très beau livre que je vous conseille de lire, chers amis.
16:13 - Oui, qui explique très bien les choses.
16:15 Et en fait, Léon XIII s'est imaginé qu'il pouvait,
16:19 en quelque sorte, manipuler la République française.
16:23 Pour une raison simple, c'est que la France était encore une puissance catholique.
16:27 95% des Français étaient à l'époque baptisés,
16:31 et sinon pratiquaient, en tous les cas,
16:35 suivaient le catéchisme et faisaient leur communion,
16:40 et donc, suivaient, d'une certaine manière, les consignes de l'Église.
16:44 Et il pensait que, puisque cette République était une République parlementaire,
16:50 qu'elle avait pris cette tournure à partir des années 1879-1880,
16:56 quand les républicains se sont emparés de la République,
16:59 il pensait qu'il serait possible, si on faisait la conjonction de tous,
17:03 des personnes qui pensaient bien, qui...
17:06 - Qui en étant plus de catholiques à l'Assemblée nationale,
17:09 les décisions seraient catholiques.
17:11 - Il y aurait des bonnes élections, et par conséquent,
17:14 les élections permettraient d'avoir un bon gouvernement,
17:17 et puis ensuite, d'avoir de bonnes lois.
17:19 Et donc, c'est à ce projet que Léon XIII s'est attaché.
17:25 Alors, ça n'empêchait pas, par ailleurs, de faire des encycliques
17:28 sur le chapelet, même condamner la franc-maçonnerie.
17:33 - De très belles choses, oui.
17:35 - Sans se rendre compte que la franc-maçonnerie était l'osature de la République.
17:39 - Mais il a mené cette politique avec beaucoup de constance,
17:44 et à l'encontre de beaucoup de conseillers qui lui disaient,
17:47 non, en particulier le cardinal Pitrat,
17:49 qui sera, de ce point de vue-là, obligé de se démettre de son chapeau de cardinal.
17:55 - J'ai découvert un document à communiquer des évêques de France,
18:02 qu'on n'appelait pas à ce moment-là des évêques de France,
18:05 contre la laïcité, des années 25.
18:09 Un document extrêmement précis.
18:12 Je l'ai recueilli et je vais le mettre sur mon blog,
18:16 parce que ça éclaire considérablement notre époque.
18:20 - La doctrine a totalement changé.
18:22 Et c'est extrêmement frappant, et ça donne tout à fait raison
18:27 à l'analyse que Maurras a faite à cette époque.
18:30 Et donc, qu'est-ce qui s'est passé ?
18:32 Il y a eu à ce moment-là, en même temps que ce ralliement à la République,
18:37 qui a été en quelque sorte consacré par la lettre au milieu des sollicitudes de 1892,
18:44 qui a été intitulée, bien que le mot ne soit pas dans la lettre encyclique,
18:49 intitulée "Le ralliement à la République".
18:52 C'était vraiment une consigne donnée aux catholiques
18:56 d'abandonner leur conviction sur le plan politique
18:59 pour tous rentrer dans le cadre institutionnel de la République.
19:03 Et Maurras, qui avait à l'époque 23-24 ans,
19:06 il comprend parfaitement ce qui va se passer,
19:08 c'est-à-dire que la mécanique va broyer le catholicisme,
19:12 et surtout va broyer la France.
19:14 Et donc, à partir de ce moment-là, il ne devenait plus possible
19:18 de faire ce qu'avaient toujours fait les royalistes au cours du XIXe siècle,
19:22 depuis les Vendéens, c'est-à-dire de faire appel au Sacré-Cœur,
19:26 de faire appel à la foi catholique,
19:29 pour garder leur conviction de fond contre des institutions
19:35 qui, de toute façon, par leur caractère absolu,
19:39 la République c'est une religion, c'est précisément ça
19:41 ce que Maurras a voulu montrer, c'est une religion.
19:44 Donc, on va être obligés de faire un choix,
19:46 et on va dire aux français "bon ben très bien,
19:48 vous pouvez croire en Jésus-Christ comme vous pouvez croire en Mahomet,
19:51 l'important c'est que vous mettiez la République au-dessus de tout".
19:54 – D'abord, Marianne. – Mais la République c'est quoi ?
19:56 Oui voilà, mais la République c'est quoi ?
19:58 Alors on croit que ce ne sont qu'un petit jeu d'institutions,
20:01 mais pas du tout, quand on parle des valeurs de la République,
20:05 on comprend très bien qu'il faut renoncer à tout
20:09 pour se soumettre à cet ordre nouveau
20:12 qui est en fait profondément destructeur de l'ordre familial,
20:17 de l'ordre personnel, de l'ordre religieux, de tout, de tout.
20:21 Et maintenant on le sait très bien,
20:24 elle passe son temps à détruire la France,
20:26 à détruire son passé, à nier son avenir.
20:29 Donc Maurras voit ça, et il comprend que du coup,
20:33 la force catholique va devenir complice de cette fausse religion,
20:39 et va devenir complice d'une destruction non seulement de la France,
20:43 mais même de l'Église.
20:44 Alors, c'est d'autant plus grave que du coup,
20:49 vous avez force théologien, force abbé démocrate
20:55 qui se mettent dans le combat, les abbés Pierre, les abbés Lugand, etc.
20:59 bien connus à l'époque, l'abbé Klein, etc.
21:02 et qui du coup font de ce ralliement à la République une nouvelle religion.
21:09 C'est-à-dire que Notre Seigneur Jésus-Christ
21:11 est le premier révolutionnaire de l'Histoire,
21:13 le premier grand démocrate,
21:15 et le premier socialiste, exactement.
21:20 Et du coup, toute la religion est mise au service
21:25 de ce bouleversement fondamental de la foi
21:30 et puis des fondements historiques de la France.
21:34 Alors, Maurras voit cela,
21:36 et à l'époque, il y a un auteur qui s'appelle Théodore de Viseva,
21:41 que maintenant tout le monde ignore,
21:43 mais qui était un critique littéraire d'origine polonaise,
21:46 catholique, mais qui marche dans ce jeu-là
21:50 et qui écrit des contes chrétiens
21:52 où Jésus-Christ est mis comme un personnage principal de ces contes
21:57 et il devient un personnage selon la foi nouvelle, progressiste et moderniste.
22:04 Parce que c'est exactement ça, c'est le progressisme,
22:07 dans toute son... le progrès devient la règle suprême,
22:11 devient le dieu de demain,
22:13 et puis le modernisme, qui n'est pas du tout la modernité,
22:16 contrairement à ce que l'on croit,
22:18 mais qui est tout simplement l'adaptation de la religion
22:21 aux nécessités de la critique moderne,
22:23 c'est-à-dire au cantisme, en gros,
22:25 voilà, à la philosophie kantienne,
22:27 c'est-à-dire aux doutes et à la destruction,
22:30 les fameux destructivistes modernes.
22:33 Et bien, Maurras voit ça,
22:35 et alors, en face de ces contes chrétiens,
22:38 il va imaginer des contes païens,
22:41 les contes païens pour répondre à des contes chrétiens,
22:44 ce qui est une manière ironique,
22:46 formidablement ironique, de répondre.
22:49 Et alors, les trois premiers contes religion,
22:52 c'est pourquoi... enfin, il va faire la critique
22:56 de ce qui apparaît comme la religion officielle
23:01 des gens de droite, on va dire, de l'époque,
23:04 donc Phidias, qui est capable de faire l'ordre moral,
23:10 mais en réalité, qui est un homme
23:12 qui est profondément incrédule, il ne croit pas.
23:14 – Le sculpteur.
23:15 – Voilà, le sculpteur.
23:17 La critique de ce moderniste, c'est qu'en réalité,
23:20 il prétend parler de religion,
23:22 il prétend se servir de la religion
23:24 comme une arme sociale,
23:26 mais en réalité, il ne croit pas.
23:28 – Et donc, ces statues vont perdre leur âme.
23:32 – Exactement.
23:33 – Ça, c'est une image extraordinaire.
23:34 – Extraordinaire, et il va montrer
23:36 que ça aboutira à un échec total.
23:38 Et la deuxième critique, c'est la critique du progressisme,
23:42 c'est-à-dire la société de Sibaris,
23:44 où finalement, le tout de l'homme consiste à être comme des dieux.
23:51 C'est la société des droits de l'homme,
23:53 c'est-à-dire... mais alors, c'est un combat intellectuel.
23:56 Maurras ne décrit pas une cité,
23:58 il décrit un combat intellectuel,
24:00 et en réalité, ce qu'on appellera la gauche républicaine,
24:04 ce n'est plus rien, c'est une espèce de fausse religion
24:08 qui aboutit à tuer toutes les idées.
24:10 Et finalement, c'est le révolutionnaire dur
24:14 qui va s'emparer de la cité,
24:16 et c'est une logique tout à fait normale,
24:20 parce qu'ils sont incapables de se défendre.
24:23 Vous regardez, vous écoutez un Hollande,
24:26 c'est d'une nullité, voilà,
24:28 c'est l'aboutissement, à force de vouloir tout pour tout le monde,
24:32 et jouir immédiatement de tout,
24:35 eh bien, on aboutit à quoi ?
24:37 À faire une société de morts vivants.
24:39 - Ce qui est étonnant, c'est le message de cet homme, du sage,
24:47 qui dit...
24:49 "Si vous tenez à vieillir,
24:53 que leur volupté ne pénètre point très avant dans vos cœurs,
24:56 craignez le sort d'Hilas,
24:58 qui connut pleinement la couche des nymphes,
25:00 il ne put supporter cette abondance de plaisir,
25:03 sa douce vie céda à l'embrassement des déesses,
25:06 ainsi il avait réglé les dieux.
25:09 C'est pourquoi, soyez sages, et faites un heureux retour.
25:13 Ni Pélitis, ni Métaponte, ni la vénérable Héraclée,
25:18 n'égalent si barris dans l'art d'accommoder toutes sortes de joies."
25:22 C'est quand même très amusant comme comparaison.
25:25 - Absolument, vous prenez n'importe quel programme gauchard
25:31 pour les prochaines élections,
25:33 vous avez la description de la société parfaite,
25:36 tout le monde doit obtenir tout ce qu'il veut,
25:39 autant qu'il ne peut,
25:40 chacun sait que tout ça aboutira à des catastrophes,
25:43 mais ça n'a pas d'importance.
25:44 - Et chacun devient un sybarite, ce qui n'est quand même pas une référence.
25:47 - Exactement, mais du coup on n'a plus de citoyens.
25:50 On a des morts, et aujourd'hui on a des morts.
25:52 On n'a plus de citoyens, on a des gens qu'on a voulu combler de tout,
25:56 et en fait qui se trouvent privés de tout.
25:58 C'est la conclusion de Maurras,
26:01 et j'allais dire que ses contes sont, d'une certaine manière,
26:04 de ce point de vue-là, très prophétiques.
26:07 Il dit non seulement ce qui se passe de son temps,
26:10 mais il prédit ce qui va se passer.
26:12 Et d'ailleurs, le troisième des contes de cette série,
26:15 où il s'agit de lui,
26:17 parce que chacune de ces séries se termine par un conte,
26:22 que je dis être un conte "je",
26:24 c'est-à-dire qui se met en scène.
26:26 On a imaginé, les critiques qui se sont exercées sur cet ouvrage,
26:30 ont imaginé que ces contes avaient des caractères personnels,
26:34 ce qui est évidemment faux,
26:35 puisque c'est une symbolique et c'est une allégorie.
26:39 Mais le troisième conte, oui,
26:41 le troisième conte de chacune de ces séries,
26:43 le Maurras dit "je", et il s'agit bien de lui,
26:46 et là, ça s'appelle "La Reine des Nuits",
26:49 et il raconte à l'avance ce que va être sa propre vie.
26:53 C'est-à-dire une tentative de rendre raisonnable
26:57 la Reine des Nuits, qui est la reine de la politique,
27:00 qui est la politique française.
27:02 Il va essayer de rendre raisonnable la politique française.
27:06 Mais c'est impossible.
27:07 - Vaste programme.
27:08 - Mais c'est impossible.
27:10 Alors, c'est raconté sous une forme poétique admirable.
27:13 - Très, très jolie, oui.
27:14 - Mais que, bon, on ne peut pas entrer dans les détails.
27:17 Mais il raconte sa propre vie,
27:19 et qui aboutit évidemment à un échec.
27:21 Il sera rejeté de la couche de la Belle Dame,
27:26 parce que la Belle Dame, c'est très important chez Maurras.
27:29 La Belle Dame, c'est toujours la France.
27:31 Dans sa poésie, comme dans ses contes.
27:34 La Belle Dame, c'est la France.
27:36 - Oui.
27:37 La mer a, tiens, une grande importance dans son oeuvre.
27:41 - Oui.
27:42 - La mer et la mort.
27:43 - Oui, bien sûr.
27:45 Et la lune.
27:47 Et le soleil.
27:49 - La mer, belle, pleine, agitée.
27:52 Et l'avenue du paradis.
27:53 - Oui, mais c'est un ver de Mireille, oui.
27:56 Et Maurras le reprend à son conte.
27:59 Et le reprend à son conte,
28:01 et dans un sens tout à fait mystérieux.
28:04 Mystérieux, c'est un mystère.
28:06 Et d'ailleurs, les trois contes suivants,
28:08 ça c'est les trois contes sur la religion,
28:10 les trois contes suivants,
28:11 "Voluptés", "Voluptés", ça veut dire politique.
28:14 Alors c'est la critique,
28:16 la fameuse prédication de Trofim,
28:22 qui veut convertir la belle prostituée d'Arles.
28:29 En fait, tout le monde comprend,
28:31 c'est un conte d'une drôlerie incroyable,
28:34 mais d'une férocité également.
28:37 C'est Leclerc qui se croit obligé de se dissimuler
28:40 pour essayer d'aller convertir l'opinion publique,
28:44 l'opinion publique de la République républicaine.
28:47 Mais évidemment, il n'y arrive pas.
28:49 Mais ce que montre Maurras,
28:52 c'est que du coup, le projet épiscopal
28:56 est obligé de se dissimuler,
28:58 de prendre une allure qui va à l'encontre
29:00 de la foi catholique.
29:01 Ce n'est plus Jésus-Christ qu'il prêche,
29:04 ce n'est plus l'incarnation, la rédemption
29:06 et la sanctification.
29:08 C'est le programme que l'on voit à l'heure actuelle,
29:12 il prêche l'amour.
29:14 Et évidemment…
29:16 - Et la gueule du monde entier.
29:17 - Bien sûr, bien sûr,
29:18 mais évidemment, c'est un échec.
29:21 Et alors, ça, c'est le projet du ralliement,
29:23 qui ne peut aboutir qu'à un échec.
29:25 Ensuite, il y a le deuxième conte.
29:27 - Euchère, de Lille.
29:28 - Euchère de Lille, Euchère de Lille.
29:29 - Ça, c'est très joli, ce pêcheur qui, tous les matins…
29:32 - Oui, alors ça, c'est le vieux peuple français
29:35 qui doit faire son métier tous les matins
29:37 et qui est là, mais qui, tout à coup,
29:39 tombe dans la religion républicaine,
29:41 c'est-à-dire qu'il croit apercevoir,
29:43 dans les temps, les temps, c'est la vie politicienne,
29:45 il croit apercevoir un prince,
29:47 et ce prince, évidemment, c'est les droits de l'homme,
29:50 c'est lui-même, et alors, il en devient fou.
29:52 Et finalement, ce n'est qu'un tas de pourriture
29:55 qu'il embrasse, et évidemment,
29:57 cette fausse politique aboutit, une fois de plus,
30:02 à un échec, et Euchère de Lille finit lui-même
30:05 dans les eaux républicaines de l'étang pourri.
30:09 Et le troisième conte, c'est encore un conte
30:12 extrêmement ironique, extrêmement drôle,
30:16 c'est celui de…
30:18 - Les deux testaments de Saint-Plis.
30:20 - Les deux testaments de Saint-Plis.
30:21 Saint-Plis, c'est simplissime, c'est un personnage de roman,
30:25 et en fait, c'est l'aristocrate,
30:27 donc après le projet ecclésial, le projet populiste,
30:32 et ensuite le projet aristocratique,
30:37 enfin, de ce qu'on appelle l'élite,
30:40 et alors lui, finalement, il accepte tout,
30:43 il a deux maîtresses, et ces deux maîtresses,
30:47 c'est le libéralisme religieux et le libéralisme politique,
30:52 ça lui permet de vivre sa vie tranquillement,
30:56 et de n'être que préoccupé que de lui-même.
30:59 Et finalement, il meurt, et c'est une description
31:03 d'exactement des étapes qui se sont passées
31:06 dans l'année 1893, au moment des élections législatives.
31:10 Le parti conservateur se rétrécit et finalement meurt,
31:13 meurt de lui-même, de sa crétinerie fondamentale
31:17 et de son obsession intellectuelle de la mort.
31:21 Alors, c'est très important parce que ce conte est un conte jeu,
31:25 c'est-à-dire que Maurras doit dire qu'il va tirer
31:27 une leçon politique de cette démonstration
31:31 qu'il a eue sous ses yeux.
31:33 Et alors les trois derniers contes, la troisième série,
31:37 qui s'intitule "Harmonie", c'est une réponse,
31:41 et c'est une réponse extrêmement intéressante.
31:45 Alors le fameux conte de la bonne mort,
31:47 qu'il retirera de ses éditions postérieures,
31:50 puisqu'il s'agit d'un jeune homme qui est tiré...
31:53 - Et pourquoi ? Parce que ça a trop heurté
31:56 ses amis catholiques.
31:59 Parce que je ne pense pas qu'il y ait eu un lectorat immense
32:02 pour "Le chemin de paradis".
32:04 Jamais. C'est un texte un petit peu difficile.
32:07 Il fallait donc se pencher dessus et essayer de comprendre.
32:11 Et donc là, le premier conte, le conte de la bonne mort,
32:14 qui a été encore interprété récemment,
32:17 de façon à mon avis totalement...
32:20 complètement à côté de la plaque,
32:22 est tout simplement l'histoire du jeune royalisme de l'époque.
32:25 Maurras le dit, le garçon a 13-14 ans,
32:28 c'est-à-dire c'est le jeune royalisme tel qu'il est
32:31 après l'échec de 1878, 1877-78.
32:36 Et alors il est mal pris parce qu'il est chez les pères
32:42 des cinq heures de Jésus et de Marie.
32:45 C'est-à-dire qu'il est sous la coupe, on va dire,
32:48 de l'autorité ecclésiale.
32:50 Maurras ne fait aucune critique de ce point de vue-là.
32:53 Mais...
32:55 - Il veut s'assurer de mourir dans la paix du Seigneur.
32:59 - Oui.
33:00 - Et donc il interroge son directeur de conscience.
33:02 - Exactement.
33:03 Et alors il est mal pris parce qu'il a les tentations d'un jeune homme
33:07 et il a ses prescriptions.
33:09 Alors, en fait, c'est une manière pour Maurras de raconter
33:13 comment le jeune royaliste de l'époque est mal pris
33:16 parce qu'il a affaire à des directeurs spirituels
33:19 qui lui expliquent "surtout pas de politique, surtout pas de vagues,
33:21 tu dois dormir tranquille dans ton coin et surtout...
33:24 - S'excuse.
33:25 - ...imiter tous les autres qui sont bien sages
33:27 et qui obéissent aux consignes comme on le leur demande."
33:30 Et lui il dit "mais moi j'ai envie d'aller faire l'amour,
33:34 d'aller faire l'amour avec les belles filles,
33:37 parce que les belles filles c'est les occasions qui passent
33:39 et je voudrais les... - Les honorer.
33:42 - Les honorer, bien sûr.
33:43 - Il porte... Comment ça s'appelle ?
33:45 - Le scapulaire.
33:47 - Voilà.
33:48 Ce scapulaire est extraordinaire.
33:50 - Bien sûr.
33:51 - C'est une histoire de... Voulez-vous nous la raconter ?
33:53 - Bien sûr.
33:54 Donc ce jeune homme qui est empêché de faire ce pour quoi il voudrait agir,
34:00 tout ça par des prescriptions ecclésiastiques
34:04 qui sont complètement, évidemment, frustratrices,
34:10 eh bien il va s'en tirer en faisant un pari avec la Sainte Vierge
34:15 car il est un dévot de la Vierge Marie
34:17 et donc il va mettre sur lui-même ce vêtement qu'est le scapulaire du Mont Carmel,
34:24 donc un petit bout de tissu,
34:26 et il fait un pari avec son directeur de conscience
34:30 que de toute façon, eh bien il arrivera à obtenir ce qu'il veut,
34:35 c'est-à-dire être fidèle à la Vierge Marie,
34:37 à être garantie pour son salut éternel
34:40 et en même temps de pouvoir satisfaire ses envies politiques
34:44 parce que c'est ça qu'il faut transposer,
34:47 c'est pas simplement le simple fait d'avoir envie de femme, de dame
34:50 comme peut avoir tout jeune homme, mais tout simplement c'est ça.
34:54 - Cela dit, le livre est très intéressant aussi de ce côté-là
34:59 parce qu'on dit toujours "Maura c'est un grand rationnel, la raison, horreur du sentiment"
35:03 et tout ça, en réalité Maura ça aimait, et Maura c'est très charnel aussi,
35:09 et je trouve que ce livre explose de ce côté charnel de Maura, je me trompe ?
35:18 - Non, non, non, il a incontestablement le goût de la dame.
35:22 - La célébration de la beauté des femmes,
35:25 la mise en danger des hommes par la beauté des femmes, c'est un livre passionnant.
35:32 - Mais pour l'occurrence dans ce conte, évidemment cela est allégorique.
35:36 - C'est allégorique, absolument.
35:38 - Et donc finalement ils s'en tirent de cette façon-là,
35:41 en se suspendant alors à la clé de fer du parapet de Pierre,
35:47 c'est-à-dire qu'il va résoudre son problème en disant
35:50 "Bon, très bien, l'infaillibilité pontificale, c'est pas pour la politique,
35:56 l'infaillibilité pontificale c'est uniquement pour la foi."
36:00 Et d'ailleurs quand on suit, par rapport à ce conte,
36:04 les articles qui ont paru dans la Gazette de France à l'époque,
36:08 c'est absurde, on retrouve les mêmes termes, c'est assez amusant.
36:11 Et en réalité, je garde ma liberté et donc ce jeune homme, il va...
36:17 - Décider de sa propre mort.
36:18 - Oui, mais c'est pas sa propre mort, c'est simplement,
36:22 je ne serai plus sur le plan politique l'homme décuré.
36:27 - Ah, ça, ah oui.
36:28 - Je serai sur le plan politique autre chose,
36:31 et la Sainte Vierge vient à sa rencontre sur les harpes de David,
36:39 c'est-à-dire du roi, c'est-à-dire il a sauvé le royalisme de cette façon-là.
36:45 Et ça va expliquer le conte suivant, qui est le conte de Créton,
36:49 le conte des serviteurs, qu'on a pris pour un conte de l'esclavage.
36:52 - Oui, une défense de l'esclavage.
36:54 - Oui, un éloge de l'esclavage, comme le conte précédent,
36:57 donc sur la bonne mort, a été pris pour un éloge du suicide.
37:00 Tout ça est idiot.
37:02 Je veux dire une bonne fois pour toutes,
37:04 puisque vous me donnez la permission, la possibilité de le faire,
37:09 toutes ces interprétations qui ont été reprises en 1926,
37:13 reprises et reprises encore indéfiniment aujourd'hui, sont absurdes.
37:17 Et il faut comprendre ces contes comme des contes...
37:26 des contes allégoriques qui veulent dire autre chose que ce qu'ils semblent dire.
37:31 - Les serviteurs, c'est l'éloge de la hiérarchie.
37:35 Et comme toujours dans un monde égalitaire et démocratique,
37:40 la hiérarchie n'existe pas.
37:42 Enfin, elle existe, puisqu'il y en a tout de même qui sont plus égaux que d'autres.
37:46 Mais ça n'a rien à voir avec l'esclavage.
37:49 D'ailleurs, le dernier chapitre, c'est "Évangile et démocratie".
37:53 Alors ça, c'est... - C'est une poste de...
37:56 - C'est le commentaire qu'il en a fait.
37:59 Mais c'est très intéressant.
38:01 Si vous voulez, à partir du moment où le jeune Octave de Fonclart
38:06 se libère de l'autorité ecclésiale sur le plan politique,
38:10 pour enfin faire ses affaires, qu'est-ce qu'il rencontre ?
38:14 Il rencontre la vieille sagesse grecque.
38:16 Et qu'est-ce que c'est que le conte des serviteurs ?
38:19 C'est l'histoire de l'esprit grec à travers les âges.
38:22 Il s'agit de Criton, qui meurt à Athènes au IVe siècle avant Jésus-Christ.
38:27 Et Maurras fait toute l'histoire, paragraphe après paragraphe.
38:30 J'en ai fait le commentaire dans plusieurs conférences.
38:33 Paragraphe après paragraphe, c'est extraordinaire.
38:36 Il raconte l'histoire de l'esprit grec
38:38 qui passe dans les Champs-Elysées catholiques
38:41 et qui devient l'esprit français.
38:43 Première Renaissance, XIIe siècle.
38:45 Deuxième Renaissance, XVIe siècle.
38:48 Et c'est là que, dans cette deuxième Renaissance,
38:50 qu'il rencontre le Christ hébreu.
38:53 Et le Christ hébreu, il faut bien le rendre,
38:56 signifier ce que ça représente.
38:59 Donc, on a dit blasphème, mais non,
39:01 il faut quand même essayer de comprendre ce que dit Maurras.
39:04 Il date, il donne la date,
39:06 le 373ème Olympiade.
39:08 On fait le calcul, ça donne 1521.
39:11 1521, c'est la condamnation de Luther par Léon X.
39:15 Et donc, le Christ hébreu, c'est le christianisme
39:21 compris de manière naturelle, de manière terrestre,
39:25 au lieu d'être compris de manière catholique,
39:28 c'est-à-dire surnaturelle.
39:30 Et Maurras, de cette façon-là,
39:32 tout en se dissimulant sous une allure
39:35 de comtiste et de naturaliste,
39:37 en réalité défend l'ordre catholique.
39:40 Et Criton reste dans les enfers catholiques,
39:44 dans les champs-Élysées catholiques.
39:46 Et c'est devenu l'esprit français rayonnant
39:49 comme un soleil d'or, c'est-à-dire comme un Louis XIV.
39:53 Donc, Maurras propose une sortie,
39:56 revenir à l'esprit grec.
39:58 J'y serais obligé puisque je ne peux plus invoquer
40:01 les autorités surnaturelles.
40:03 Donc, je vais invoquer l'autorité des Grecs,
40:06 l'autorité des Français,
40:08 l'autorité des biologistes français,
40:10 l'autorité des rois de France,
40:12 pour dire "Je suis désolé, je suis désolé,
40:15 malgré toutes vos consignes de ralliement à la République,
40:20 la République n'est pas ce qu'il faut pour la France,
40:23 à la France, il faut un roi."
40:25 Et alors, il y a le dernier conte, le 9ème,
40:30 qui est l'hymne de louange à la double vertu de la mer,
40:34 et qui est une histoire absolument merveilleuse,
40:37 "Au cap incomparable, nous sommes être aimés,
40:40 nous sommes compris, et sans avoir osé descendre
40:42 jusqu'à la version déclarée, nous avons reconnu
40:45 la différence de nos cœurs, je suis revenu seul
40:48 pour son Géraveau, mon ami."
40:50 Je peux vous la réciter en entier par cœur,
40:52 tellement, mais c'est d'une langue absolument exceptionnelle,
40:55 quand on pense qu'il avait 24 ans quand il a écrit cela,
40:58 et en réalité, c'est, une fois de plus,
41:01 la belle dame, c'est la France.
41:03 Et lui, il est devenu, en quelque sorte,
41:06 un peu, une sorte de docteur de la politique,
41:10 c'est ce qu'il voulait.
41:12 Et il essaye de montrer à la France que l'histoire de la mer,
41:15 qui est l'histoire divine à travers le monde,
41:20 est le modèle qu'elle doit suivre,
41:23 c'est-à-dire ne pas refuser tout ce que...
41:27 se montrer la plus intelligente,
41:30 se montrer...
41:32 Elle a toutes les capacités,
41:35 elle est capable de tout, cette France.
41:38 La vraie France, la vraie France qui a chanté,
41:41 qui est déjà chantée dans la chanson de Roland,
41:44 qui a été chantée par le secrétaire de Charles VII,
41:48 comment s'appelait-il, son nom m'échappe, là,
41:51 celle de la France de Ronsard.
41:54 – De Ronsard, oui.
41:56 – Mais...
41:58 – De Charles d'Orléans.
41:59 – Oui, bien sûr, mais qui est une figure allégorique.
42:03 Et cette France, malheureusement, qui devrait,
42:06 elle a tout pour comprendre,
42:08 à la fin, elle se laisse évidemment convaincre
42:12 par le discours de ce sage,
42:16 de ce sage qui est lui-même.
42:18 Mais c'est en fait un conte qui est une sorte de prosopopée
42:23 où il se considère déjà comme mort.
42:25 C'est-à-dire c'est lui qui nous parle aujourd'hui
42:28 et qui dit à la France, voilà ce qu'on aurait pu faire ensemble.
42:32 Mais finalement, au dernier moment,
42:34 tu n'as pas voulu aller vers le bois d'Olivier,
42:38 c'est-à-dire vers la sagesse politique
42:42 qui t'aurait permis de sortir du problème de ton existence.
42:45 – Et est-ce que Hilaire de Crémier,
42:47 l'accusation de paganisme qu'on lui a faite,
42:52 n'est-elle pas une revanche de tous ces milieux
42:56 qui refusaient ce message ?
42:58 – Oui, bon, elle est inepte.
43:00 – Elle est inepte, oui.
43:02 – Et en plus de ça, en fait, ce que l'on reprochait à Maurras,
43:05 c'était non pas ses blasphèmes anti-chrétiens
43:07 ou d'apparence anti-chrétienne,
43:09 parce que je dis bien d'apparence anti-chrétienne.
43:11 Ce qui lui était reproché, c'était sa critique de la République.
43:14 – C'est ça, oui.
43:15 – Parce que ce à quoi était attaché, y compris l'éclair,
43:18 c'était d'abord à la religion républicaine.
43:20 – C'est ça, c'est ça.
43:22 Merci beaucoup Hilaire de Crémier.
43:24 – De rien.
43:25 – C'est un exposé passionnant
43:27 et je conseille vraiment ce très beau livre
43:30 pour les étés calmes que vous allez peut-être connaître.
43:35 – Allez sur "Je suis français"
43:37 – "Je suis français", oui.
43:39 – Et vous trouverez toutes les références pour plusieurs…
43:41 – Donc Charles Maurras, "Le chemin de paradis", Belle de Mai.
43:44 Et puis je voudrais terminer par un petit éloge
43:48 de "Politik" magazine, qui moi me plaît beaucoup,
43:51 par ses caricatures, là j'avoue que Marlène Schiappa
43:56 en Marianne qui tient le crucifix dans sa pogne
44:01 est assez étonnante.
44:04 Alors vous faites toujours, souvent, l'éditorial
44:09 ou en tout cas le premier grand article.
44:12 – Monalyse pléthore. – C'est Philippe Ménard qui fait l'éditorial.
44:26 Mais votre article est sur la folie des grandeurs.
44:28 Ce qui est très amusant, c'est le…
44:30 je note juste les titres d'article.
44:32 "Quand la justice devra rendre compte",
44:34 les articles de Jacques Tremolet et de Villers
44:36 qui sont toujours très bons,
44:38 et puis "A contre-temps", "Le sacré, le pouvoir et l'autorité",
44:44 Louis Soubial, c'est sûrement…
44:48 je ne les ai pas encore lus parce que je viens de le recevoir,
44:51 mais ce sont des très beaux articles.
44:54 Vous saviez que le père de Marlène Schiappa
44:57 était aussi le fondateur de la pensée laïque ?
45:00 – Ah non, je ne savais pas. – On a appris ça récemment.
45:03 – Tout se retrouve, oui. – Tout le monde se retrouve,
45:05 comme dirait Emmanuel Rattier dans "Failles et documents".
45:08 – Voilà. Merci. – Autre belle revue.
45:11 Merci beaucoup, Hilaire de Crémier,
45:13 de nous avoir emmenés sur le chemin de paradis à Martigues.
45:17 – Merci. – Allez-y.
45:19 C'est ouvert ? La maison est ouverte ?
45:21 Non, elle n'est plus ouverte. – Non, elle n'est plus ouverte.
45:23 – Les communistes l'ont conservée, ils l'ont autorisée l'accès.
45:28 Je crois que la mairie a changé. – Oui.
45:30 – Ce n'est plus communiste et la maison de Martigues n'est plus accessible.
45:33 C'est quand même merveilleux, finalement. Vive les communistes !
45:37 – C'est toujours de gauche, mais le communiste précédent était plus…
45:43 – Plus net. – Oui.
45:44 – Plus franc du collier. – Plus franc du collier, oui.
45:46 – Voilà. – Et puis il était vraiment de Martigues.
45:48 – Il était vraiment de Martigues, c'est pour ça qu'il aimait Maurras.
45:52 Merci beaucoup, Hilaire de Crémier. – Merci.
45:54 – On devait dire aussi un mot du Jacques Bainville de Gérard Baudel,
46:00 qui n'est plus de ce monde et que je ne peux plus inviter.
46:05 C'est publié aux éditions d'Action française.
46:08 "La sagesse politique d'un gentilhomme des lettres".
46:12 Qu'est-ce que vous pourriez dire sur ce joli livre ?
46:14 – Ce n'est pas une biographie. – Non.
46:17 – C'est-à-dire, il y a tout ce qu'il faut de ce point de vue-là.
46:20 Il y a les livres de Dickens, de Christophe Dickens, que je ne saurais trop recommander,
46:25 et qui font réfléchir d'ailleurs un homme comme Éric Zemmour.
46:28 Mais ce livre est intéressant, très intéressant,
46:30 parce que c'est une succession de points de vue particuliers
46:35 sur ce qu'était la personnalité de Jacques Bainville.
46:39 Et on s'aperçoit, dans cette sorte de kaléidoscope,
46:43 que cette personnalité était d'une richesse incroyable.
46:48 Et il faut penser à ce qu'a été l'école d'action française.
46:53 Avec Amorace, un Bainville, un Daudet,
46:57 sans compter les innombrables qui suivaient derrière.
47:01 Et c'était ce qu'il y avait en France de plus intelligent.
47:05 Et d'ailleurs, tout le monde le savait,
47:07 les hommes politiques de la Troisième République, les tardieux,
47:10 commençaient par leur journée par lire l'Action française.
47:13 Parce que c'était là qu'on pensait.
47:14 – C'était faire une cure d'intelligence. – Mais bien sûr.
47:17 – Jacques Bainville était un homme extrêmement intelligent,
47:20 brillant, mais extrêmement réservé,
47:23 parlant de façon très restreinte, sans excès,
47:28 capable tout de même d'insultes bien salées,
47:32 mais d'une grande modestie. – Oui, oui.
47:35 – Et d'une clairvoyance inouïe.
47:37 Et le lire, c'est voir quelques-uns des problèmes de notre belle aujourd'hui.
47:43 – Dès 1918, il a prévu la guerre de 1939.
47:46 – Oui. – Il l'a pratiquement datée.
47:48 Il a dit comment ça se déroulerait, pourquoi et comment.
47:51 Mais c'est extraordinaire, parce que cet homme a tout dit, tout vu.
47:54 Il était quand même l'ami de quelques-uns des hommes politiques
47:57 de la Troisième République,
47:58 mais on ne lui a jamais donné l'importance qu'il mérite d'avoir.
48:02 Son Napoléon est un chef-d'œuvre de politique,
48:04 un chef-d'œuvre d'esprit politique.
48:06 Et ça permettrait de comprendre énormément de choses,
48:10 même de notre politique actuelle.
48:12 – C'est un livre éclairant sur notre politique actuelle.
48:15 Et puis Gérard Baudel écrit très très joliment.
48:18 – Oui, oui.
48:19 – Et il a exactement la même réserve et le même humour que Jacques Bainville.
48:24 Et pour moi, le livre parfait, c'est quand il y a un accord
48:28 entre le biographe et le sujet traité.
48:31 – Bien sûr.
48:32 – Et à ce moment-là, on arrive à une limpidité,
48:35 les pages sont claires, le message est clair,
48:38 et donc le lecteur est extrêmement content.
48:42 – Gérard Baudel était un excellent ami.
48:45 – Oui, vous avez raison.
48:46 – Nous avons fait nos études ensemble.
48:47 – Et vous avez raison.
48:48 – Merci.
48:49 – Merci beaucoup Hilaire de Crémier.
48:51 – Merci.
48:52 – A très vite, chers amis de TV Liberté.
48:54 À bientôt.
48:55 [Musique]

Recommandée