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A 7h42, Alexandre Le Mer reçoit chaque matin un invité pour décrypter, commenter et analyser l'actu du jour.
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NewsTranscription
00:00 Europe 1 matin.
00:02 Alexandre Lemaire.
00:04 Europe 1, il est 7h41, l'extrême droite était donnée au port du gouvernement espagnol avec l'organisation hier d'élections législatives anticipées.
00:13 Il semble ce matin que ce scénario s'éloigne.
00:16 Votre invité Alexandre, l'historien Benoît Pellistrandi, spécialiste de l'histoire politique et culturelle de l'Espagne.
00:22 Bonjour Benoît Pellistrandi.
00:24 Les Espagnols étaient donc appelés aux urnes hier pour ces législatives anticipées.
00:28 Le problème provoqué par le Premier ministre Pedro Sánchez pour essayer de maintenir sa majorité de gauche au pouvoir.
00:33 Tous les sondages donnaient une victoire à la droite, à la clé en cas de coalition, l'entrée historique de l'extrême droite au gouvernement.
00:40 Contre toute attente, la gauche résiste.
00:42 Alors la droite arrive en tête en termes de nombre de sièges.
00:45 On est dans une situation ce matin où on a les deux camps, gauche et droite, qui revendiquent la victoire,
00:50 mais aucun réellement qui soit en position de former un gouvernement.
00:54 En effet, ce n'est pas complètement une surprise parce que c'est une situation que l'on avait déjà vue en 2015
01:01 et qui avait conduit à la répétition des élections six mois plus tard, en juin 2016.
01:05 Et en 2019, souvenez-vous aussi, il y a eu deux fois des élections législatives en 2019, en avril et en novembre.
01:12 Tout simplement, c'est parce qu'à ce moment-là, le Parlement n'est pas en mesure d'élire un président du gouvernement.
01:18 Et la situation de blocage est complète parce qu'en réalité, ceux qui ont aujourd'hui la main, la clé du pouvoir,
01:25 ce sont les indépendantistes catalans.
01:27 Et ils ont déjà signalé hier qu'ils ne donneraient pas leur confiance à Pedro Sánchez sans concession et sans contrepartie.
01:36 Or, la question de cette concession, c'est le référendum d'autodétermination pour l'indépendance en Catalogne.
01:41 Il est constitutionnellement impossible.
01:43 Pedro Sánchez ne peut pas donner aux indépendantistes catalans ce qu'ils attendent.
01:48 Cependant, il est quand même en meilleure position pour essayer d'agglutiner 172 sièges, la majorité absolue étant 176,
01:57 que la droite qui se retrouve à 171 sièges.
02:00 Alors, il faut à ce scénario extrêmement serré ajouter un tout petit élément d'incertitude.
02:05 Ce sera le dépouillement des votes émis par les Espagnols à l'étranger
02:09 et qui va commencer à être dépouillé dans les jours à venir et qui pourrait, avec les mécanismes de la loi électorale,
02:15 faire modifier d'un siège les équilibres.
02:19 Or, on voit que ça se joue à un siège près.
02:21 C'est très très serré.
02:22 Effectivement.
02:23 Hier soir, on a vu les deux camps faire la fête chacun de son côté pour ajouter encore à la confusion.
02:28 Là, il faut que tout ça se décante.
02:30 Sinon, une nouvelle fois, l'Espagne s'enfonce dans la crise politique, Benoît Palistrandi.
02:34 Il y a en effet une crise des partis politiques, une crise de la représentation politique,
02:39 une crise parce qu'il y a une incapacité des deux grands partis à parler ensemble.
02:44 Mais c'est la volonté de Pedro Sánchez, le premier ministre espagnol,
02:47 qui avait construit sa campagne sur l'opposition très forte entre la gauche et la droite.
02:53 Pour lui, son projet de gouvernement, soutenu par la gauche radicale et les communistes,
02:58 c'était le bloc du progressisme et les libertés individuelles, et notamment les libertés LGBT.
03:03 Et il disait "la droite représente le danger d'involution démocratique et d'involution des libertés individuelles".
03:09 Visiblement, ce discours a fonctionné et a mobilisé la gauche.
03:13 Oui, la gauche, effectivement, s'est mobilisée pour ce scrutin.
03:16 Pourquoi le parti Vox, je rappelle, parti d'extrême droite,
03:19 dont les sondages prédisaient une entrée au gouvernement à la faveur d'une coalition avec la droite,
03:25 pourquoi ce parti, Benoît Palistrandi, fait trembler comme ça la vie politique espagnole ?
03:29 C'est un parti d'extrême droite qui a connu une ascension fulgurante.
03:32 Oui, il avait en 2015 0,2% des voix et en 2019, il obtient plus de 15% des voix et un groupe parlementaire de 52 sièges.
03:41 Là, hier, il n'a obtenu que 12,4% des voix et 33 sièges,
03:45 ce qui veut bien dire aussi que toute la presse européenne,
03:48 qui s'est excitée comme tout avec le danger de l'extrême droite en Espagne,
03:52 en disant qu'elle montait, on voyait bien que les sondages montraient que Vox allait reculer cette fois-ci.
03:57 Donc l'extrême droite n'a pas monté.
03:59 En revanche, c'est vrai que l'extrême droite, si la droite devait gagner,
04:03 aurait fait partie de la coalition parlementaire incontestablement, pas forcément du gouvernement.
04:08 Le leader de l'opposition jusqu'à hier, Alberto Núñez-Feijó,
04:11 n'était pas du tout favorable à l'entrée de Vox dans le gouvernement.
04:14 Alors, est-ce que ça a coûté des voix au Parti populaire ?
04:17 Est-ce que ça a démobilisé une partie de la droite ? Ce n'est pas impossible.
04:21 Maintenant, il va falloir que toutes les organisations politiques analysent de très près les résultats
04:25 et puis vont commencer les grandes manœuvres en vue de la formation d'un gouvernement qui n'aura pas lieu avant décembre.
04:31 C'est un débat, en tout cas, qui résonne dans toute l'Europe,
04:34 quant à savoir s'il faut privilégier l'union des droites ou maintenir ce qu'on appelle un front républicain, un cordon sanitaire.
04:41 Tout le monde n'est pas d'accord là-dessus, dans le camp même de la droite, Benoît Pédistrandi.
04:46 On rappelle les positions de ce parti Vox ?
04:49 Oui, alors, Vox est un parti qui est tout à fait hostile aux lois sociétales votées par le gouvernement de Pedro Sánchez,
04:57 c'est-à-dire notamment la loi d'autodétermination du genre.
05:00 Aujourd'hui en Espagne, vous pouvez, sans aucune raison médicale, changer de sexe en le déclarant un état civil.
05:06 Vox aussi défend la culture nationale espagnole et un nationalisme espagnol contre les Catalans et contre les Basques
05:12 et défend aussi un héritage culturel, notamment lié autour de la toromachie,
05:16 si bien que cette droite se présente comme une droite virile.
05:19 Alors naturellement, tout ça agace prodigieusement le progressisme, et c'est vrai que la société espagnole est plutôt progressiste.
05:26 Alors par ailleurs, il y a une difficulté pour Vox, c'est que Vox est opposée à la décentralisation de l'Espagne,
05:32 alors que ça, ça fait partie du bloc constitutionnel, et que dans la constitution espagnole, vous avez une organisation décentralisée.
05:38 Mais hier, il y a eu un sacré revers pour Vox, qui de toute façon ne compte absolument pas dans l'équation politique,
05:45 ils sont un peu coincés. Alors eux, ce qu'ils souhaitent, c'est la répétition des élections d'ici six mois.
05:50 - Donc le scénario d'une entrée de l'extrême droite au gouvernement espagnol est en train de s'éloigner, Benoît Prelis-Stranglis, c'est ce que l'on le dit.
05:55 - Complètement, il est absolument dans la configuration actuelle.
05:59 La seule chance pour le Parti populaire d'obtenir l'investiture serait d'aller chercher les voix du Parti nationaliste basque,
06:06 qui est le parti de la bourgeoisie basque, qui est donc plutôt de centre droit, mais ça voudrait dire à ce moment-là de neutraliser Vox.
06:12 Est-ce que Vox se laissera neutraliser ? Ce n'est pas sûr du tout.
06:15 Donc on le voit, on est dans un panorama extraordinairement incertain et avec plein d'arrière-pensées et de manœuvres souterraines des uns et des autres.
06:22 - Merci Benoît Prelis-Stranglis. Nouveau risque de crise politique, de blocage en tout cas en Espagne.
06:28 Historien, je le rappelle, vous avez publié "Les fractures de l'Espagne" chez Gallimard. Merci à vous.