"Il faut comprendre l'usure des policiers et d'où vient ce malaise", estime Christophe Korell

  • l’année dernière
Plusieurs polémiques ont enflammé la police ces derniers jours. Analyse avec Olivier Cahn, professeur de droit spécialisé dans le maintien de l’ordre et Christophe Korell, ancien officier de la Police Judiciaire et président de l'association "Agora des citoyens, de la police et de la justice".

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Transcription
00:00 Un grand entretien consacré ce matin à la crise qui secoue la police, particulièrement
00:04 visible depuis un peu plus d'une semaine.
00:06 Depuis le placement en détention provisoire de l'un d'entre eux, accusé de violences
00:10 graves sur un jeune homme à Marseille.
00:13 Un certain nombre de ses collègues ont arrêté le travail.
00:16 Grève du zèle, arrêt maladie dans la cité fosséenne et au-delà.
00:20 Signe d'un malaise plus profond dont les racines sont sans doute plus anciennes.
00:25 On va en parler avec nos deux invités ce matin.
00:27 Olivier Kahn, bonjour.
00:28 Bonjour Annem.
00:29 Vous êtes professeur de droit pénal à l'université de Cergy et spécialiste de la politique
00:33 du maintien de l'ordre.
00:34 Et à vos côtés, Christophe Correl, bonjour à vous.
00:37 Plus de 20 ans au service, au sein de la police.
00:40 Vous êtes aujourd'hui le président de l'Agora des Citoyens de la Police et de la Justice,
00:46 une association qui propose de mettre tout le monde autour de la table, de discuter ensemble.
00:50 Si je résume, une semaine de crise, je le disais, et des policiers qui sont plutôt
00:55 en position de force ce matin, Christophe Correl.
00:58 Ils ont eu en tout cas l'horrer très attentif de Gérald Darmanin jeudi dernier.
01:01 Oui, et puis je crois qu'il ne fallait pas trop s'attendre à autre chose.
01:05 L'objectif à court terme c'est d'éteindre l'incendie.
01:07 C'est ce qu'on fait pour que les policiers retournent dans leur service actuellement.
01:10 Donc la mission elle est claire en fait, c'est apporter un soutien.
01:14 Au-delà même de cette affaire, vous l'avez dit, c'est de comprendre ce qui se passe
01:20 derrière cette affaire.
01:21 A titre personnel, je pense qu'on se trompe d'affaire de Marseille.
01:26 Plus je lis des choses et moins je trouve qu'il y a de choses défendables, en tout
01:30 cas de ce que je lis dans la presse à ce jour.
01:32 Maintenant, effectivement, il y a un malaise chez les policiers qui dure depuis maintenant
01:37 plusieurs années.
01:38 Des policiers qui sont confrontés à un certain nombre de crises sociales, des manifestations,
01:44 cette fois-ci des émeutes, avec des centaines de blessés à chaque fois.
01:47 Il faut comprendre l'usure aussi, et comprendre d'où vient ce malaise, et surtout aller
01:50 à l'origine des problématiques, et essayer de voir ce qu'on peut faire aujourd'hui
01:53 pour régler ces problèmes-là.
01:54 Il faut aussi se constater qu'à ce jour, on n'a pas fait grand-chose de ce point
01:57 de vue-là.
01:58 On va revenir, on va essayer d'analyser, de comprendre ce malaise dans ce grand entretien.
02:03 Olivier Cancam, je reviens sur ce soutien total du ministre de l'Intérieur, jeudi
02:08 soir.
02:09 C'est ce qu'il fallait faire ?
02:10 Est-ce que c'est ce qu'il fallait faire ? Je crois qu'il faut revenir un peu au contexte
02:15 de cette situation.
02:16 C'est-à-dire qu'au moment des émeutes, assez rapidement, les émeutiers descendent
02:19 vers les centres-villes, et il y a une décision politique de régler la question des émeutes
02:25 par la force, avec un ministre qui annonce un très grand déploiement de fonctionnaires
02:30 de police, et une politique de fermeté.
02:33 Ces mots de soutien sont pour ça, pour ces moments-là, c'est lui qui a été difficile
02:36 début juillet.
02:37 Oui, mais quand vous demandez aux policiers de régler avec beaucoup de fermeté une situation,
02:41 ça veut donc dire avec un usage de la force, et quand vous avez usage de la force, vous
02:45 pouvez avoir des débordements.
02:47 L'une des raisons du malaise actuel, c'est qu'effectivement les policiers ont fait le
02:52 travail qu'on leur a demandé de faire, dans les conditions extrêmement dégradées dans
02:57 lesquelles ils l'ont fait.
02:58 Un certain nombre de débordements ont eu lieu, et ils ont le sentiment que l'autorité politique
03:04 qui avait donné l'ordre d'agir comme ils l'ont fait, n'est pas derrière pour les soutenir.
03:08 Et ça explique effectivement l'ampleur que prend ce mouvement.
03:11 Ensuite, vous avez un certain nombre d'attitudes opportunistes des syndicats de police, les
03:17 plus radicaux, qui profitent de cette situation pour faire passer un certain nombre d'idées
03:23 sur le fait qu'il faudrait atténuer le contrôle exercé sur la police.
03:29 Alors, il y a eu des promesses faites aux syndicats, et nombreuses, jeudi soir, en tout
03:33 cas un "oui" de principe sur à peu près tout ce qu'ils sont venus réclamer aux ministres,
03:38 et notamment cette revendication majeure de revenir sur la détention provisoire d'un
03:43 policier agissant en mission.
03:44 Ce serait un statut juridique vraiment à part, Christophe Correl ?
03:48 Ce serait un statut juridique à part, mais à mon sens, encore une fois, ça n'engage
03:52 que le ministre dans les promesses qu'il a faites auprès des syndicats.
03:56 Encore une fois, l'objectif à court terme, c'est d'éteindre un incendie.
03:58 C'est-à-dire que ce ne serait pas faisable, juridiquement ?
04:01 Je pense que ce ne sera pas faisable.
04:02 Et c'est tant mieux.
04:03 Pour l'instant, d'ailleurs, le cabinet ne dit juste qu'il va étudier la faisabilité
04:08 de cette mesure.
04:09 Pour vous, c'est impossible ? Ce ne serait pas constitutionnel ?
04:11 Ce serait déjà problématique, quand même.
04:13 Encore une fois, on a l'impression aujourd'hui que parce qu'on a deux affaires qui sont
04:19 rapprochées dans lesquelles des policiers ont été placés en détention provisoire,
04:21 on a l'impression que c'est devenu quelque chose d'assez normal.
04:24 En fait, c'est quand même très rare, et c'est le même principe de la détention
04:28 provisoire.
04:29 C'est quand même l'exception, et ça reste l'exception.
04:30 Il suffit juste de se retourner un petit peu, de voir toutes les affaires sur lesquelles
04:33 des policiers ont été mis en cause sur les dernières années.
04:35 On peut remonter jusqu'au gilet jaune, voire peut-être même un petit peu avant.
04:38 On a quand même très peu de policiers qui ont été placés en détention provisoire,
04:41 et c'est normal en fait.
04:42 C'est parce qu'il y a des garanties de représentation, parce qu'il y a un certain
04:45 nombre de choses qui font que les policiers ont déjà quelque part ce statut à part.
04:49 Quand vous voyez chez les juges d'instruction le nombre de personnes qui sont placées en
04:52 détention provisoire, il y en a beaucoup qui partent en prison parce qu'on estime
04:55 qu'elles n'ont pas de garantie de représentation, parce qu'elles n'ont pas forcément d'adresse,
04:58 parce qu'on n'est pas sûr de pouvoir les retrouver devant un tribunal, etc.
05:01 Les policiers sont déjà, entre guillemets, protégés par nature sur ces points-là.
05:06 Donc je pense qu'il ne faut pas que les policiers bénéficient d'une exception.
05:10 C'est dangereux, c'est un mauvais message envoyé à la population.
05:12 Ce serait une forme d'immunité, Olivier Kahn, vous êtes d'accord ?
05:15 Oui, en tous les cas, le message qu'essayent de faire passer les syndicats qui revendiquent
05:22 ce genre de choses, c'est que le policier ne devrait pas être traité comme tout le
05:27 monde.
05:28 Et ça, ça pose effectivement des problèmes juridiques absolument énormes.
05:31 Pour résumer, vous avez donc un principe dans la Déclaration des droits de l'homme
05:35 et du citoyen qui est que la loi est la même pour tous, soit qu'elle punisse, soit qu'elle
05:39 protège.
05:40 Les fonctionnaires de police sont effectivement habilités à faire usage de la force, et
05:45 il y a toute cette notion de force légitime prévue par la loi.
05:48 En revanche, quand un fonctionnaire sort du cadre légal dans l'exercice de la force,
05:54 il devient potentiellement un délinquant.
05:56 À partir du moment où il devient un délinquant, il n'y a aucune raison qu'il ne soit pas
06:00 traité comme tel.
06:01 Et effectivement, comme le disait Monsieur, leur octroyer un statut particulier à ce
06:08 moment-là aurait des effets délétères encore plus sur la relation avec la population.
06:14 Il faut quand même rappeler les faits.
06:15 On a parlé de la mort de Naël, fin du mois de juin, qui provoque ces nuits de violence.
06:22 Et puis au début du mois de juillet, les violences sur Eddy à Marseille.
06:27 Quatre policiers sont soupçonnés de l'avoir passé à tabac.
06:30 Il est touché par un tir de lanceur de balles de défense à la tempe.
06:33 Roué de coup ensuite.
06:35 Il y a donc quatre mises en cause.
06:36 Et l'un des policiers placé en détention provisoire.
06:39 Est-ce que la pertinence des incarcérations, de ces incarcérations, se discute Christophe
06:45 Correl ?
06:46 Non, parce que nous n'avons pas accès au dossier.
06:49 Nous ne connaissons pas l'intégralité du dossier, des faits qui sont reprochés, des
06:53 déclarations des uns et des autres en garde à vue.
06:54 Donc de façon générale, et ici comme dans toutes les affaires judiciaires, il faut bien
06:58 se garder d'avoir un jugement actif, comme on peut l'avoir, sur la décision qu'ont
07:03 prises les magistrats.
07:04 On parlait tout à l'heure de la modification du 144 qui me paraît dangereuse.
07:08 Mais il y a d'autres questions qu'on peut soulever pour les policiers.
07:12 On peut parler de la protection fonctionnelle.
07:14 Est-ce que l'administration doit prendre en charge la défense d'un policier qui intervient
07:18 sur une action de police, y compris même s'il peut être en cause ?
07:22 Je crois que là oui, on peut discuter.
07:24 La prise en charge des frais d'avocat, peut-être effectivement un maintien de salaire.
07:29 Un maintien de salaire même en cas de suspension ?
07:32 En tout cas, jusqu'à ce qu'une décision définitive de justice soit prise.
07:36 Ce sont des choses qui peuvent se discuter.
07:37 Je ne dis pas que j'ai un avis tranché, mais en tout cas ça peut se discuter.
07:39 Et ça j'entends que les syndicats puissent évoquer ces problématiques-là.
07:43 Mais le 144 c'est non.
07:44 Le 144 c'est revenir sur le principe de la dotation provisoire pour un policier.
07:49 Vous diriez que ce malaise il vient d'où Christophe Correl ?
07:53 Vous avez évoqué des moments compliqués ces dernières années.
07:57 Les gilets jaunes, la réforme des retraites.
07:59 Ça vient d'un climat plus hostile ces derniers temps vis-à-vis des forces de l'ordre ?
08:05 Vous savez, on en vient chaque année à peu près au mois de septembre, octobre.
08:09 On a des chiffres qui remontent et on commence à reparler à chaque fois du nombre de suicides
08:13 qu'il y a dans la police.
08:14 C'est systématique.
08:15 Depuis plusieurs années, on s'étonne qu'il y a 50, 60 suicides chez les policiers.
08:19 Mais déjà c'est très important.
08:22 Les choses n'ont pas forcément bougé.
08:23 Mais les suicides dans la police, c'est l'arbre qui cache la forêt.
08:26 C'est-à-dire que juste derrière, il y a un grand malaise chez les policiers et qui
08:30 est présent depuis un certain nombre d'années.
08:32 Et je n'ai pas l'impression qu'on fasse beaucoup de choses pour essayer de comprendre
08:36 d'où vient ce malaise.
08:37 Il est latent ce malaise et puis derrière, on a effectivement ces crises sociales.
08:42 À chaque fois qu'il y a des grosses manifestations où on a l'impression que la police est un
08:48 petit peu là pour arbitrer les décisions gouvernementales.
08:52 On a des policiers qui se sont soumis à des dépressions très fortes avec des centaines
08:58 de blessés à chaque fois.
08:59 On parle des manifestations sur les retraites très récemment.
09:02 On peut reparler des gilets jaunes juste avant.
09:04 Tout ça crée effectivement une usure psychologique chez les policiers qui doivent de plus en
09:09 plus faire preuve de violence.
09:13 Dans le cadre de la loi, dans ce qui est possible.
09:18 Ils doivent se défendre et parfois user de la violence légitime.
09:21 Et ça laisse des traces finalement chez les policiers.
09:25 On a tout ça qui est latent depuis plusieurs années.
09:27 Et forcément, à mon aîné, ça crée des problématiques sur le long terme.
09:32 Cette question de violence légitime, Olivier Kahn, elle est fondamentale dans l'analyse
09:38 de cette situation ?
09:39 Elle est tout à fait fondamentale mais elle est aussi très bien encadrée par le droit.
09:43 C'est-à-dire qu'effectivement, la violence est en fait la force et la force est encadrée
09:50 par le droit avec des principes de nécessité et de proportionnalité dans la mise en œuvre.
09:56 C'est-à-dire que l'interprétation des situations et le recours à la force n'expose
10:08 pas a priori les policiers à une situation biaisée dans laquelle ils ne sauraient pas
10:13 comment réagir.
10:14 C'est important qu'évidemment, le contexte est pris en considération et on a une implication
10:21 plutôt bienveillante de la loi, de la part des magistrats et de la part de l'institution
10:29 judiciaire quand il s'agit de déterminer si le niveau de force qui a été utilisé
10:34 par la police était proportionné ou non.
10:38 Cédric Moreau de Bélin écrivait même récemment qu'en fait les magistrats s'en remettent
10:42 à la police pour évaluer la pertinence ou non du niveau de force utilisé.
10:48 C'est vrai que quand on lit la jurisprudence, c'est un peu le sentiment qu'on peut avoir.
10:51 D'où la colère encore des magistrats après les propos de Gérald Darmanin en fin de semaine
10:57 quand le ministre dit qu'il y a une présomption de culpabilité des policiers en France.
11:00 Non mais ça, c'est n'importe quoi.
11:02 C'est à dire que l'application de la loi pénale faite aux policiers par les magistrats
11:14 est une application plutôt bienveillante, voire très bienveillante.
11:17 Quand on l'étudie et quand on l'analyse, on se rend compte effectivement que par rapport
11:24 au traitement ordinaire de la délinquance, les infractions commises par les policiers
11:29 entraînent et dans l'engagement des poursuites et dans les sanctions qui sont prononcées,
11:37 une administration de la justice extrêmement mesurée.
11:40 Quels sont les services qui sont les plus concernés Christophe Correl par ce malaise ?
11:45 Aujourd'hui, ce sont directement les BAC.
11:49 Les brigades d'anticriminalité.
11:51 Ce sont les effectifs des BAC qui sont en espèce de grève, d'arrêt maladie ou en
11:57 562, c'est-à-dire qu'ils arrêtent l'initiative.
12:00 Mais ça aussi, c'est un problème.
12:03 On a de plus en plus de crises sociales.
12:05 On a normalement des effectifs spécifiquement formés que sont les CRS pour gérer les manifestations.
12:11 Sauf que malheureusement, j'en reviens toujours un petit peu à ça, mais on a aujourd'hui
12:15 la police qui a été créée il y a 10-15 ans.
12:18 Ça a été un problème de formation des effectifs ?
12:21 Un problème d'effectifs, de nombre d'effectifs tout simplement.
12:23 Je rappelle que les policiers et les gendarmes ont perdu 10.000 personnes lorsque Nicolas
12:28 Sarkozy était à la fois ministre de l'Intérieur puis président de la République.
12:31 Ça veut dire aussi énormément de CRS en moins, de gendarmes mobiles.
12:35 Donc du coup, aujourd'hui, qu'est-ce qu'on a ?
12:37 On a des problèmes d'effectifs dans ces services-là et on fait appel à des services
12:42 autres qui ne sont pas forcément spécifiquement formés au maintien de l'ordre ou au rétablissement
12:46 de l'ordre.
12:47 Et donc du coup, qui dit manque de formation dit potentiellement avoir beaucoup plus de
12:51 problématiques et beaucoup plus de violences qui ne sont pas effectivement légitimes.
12:56 Le gouvernement a promis un doublement des forces de l'ordre d'ici à 2030.
13:00 15 milliards d'euros de budget en plus sur les cinq prochaines années.
13:04 Ça ne se traduit pas concrètement sur le terrain, Christophe Correl ?
13:07 C'est très long toujours à faire venir.
13:09 Vous avez été sur le terrain, vous avez vu ça, des décisions politiques et le temps
13:13 qu'elles mettent pour arriver sur le terrain.
13:15 C'est trop long ?
13:16 Non, ce n'est pas trop long, c'est juste comme ça.
13:18 Et encore, on a réduit le temps de formation des policiers justement pour qu'ils puissent
13:24 être plus rapidement sur la voie publique.
13:26 Sauf qu'en même temps qu'on a réduit les effectifs il y a 15 ans, on a fermé les
13:29 structures de formation.
13:30 Donc du coup, on a quand même des écoles qui tournent à taux plein.
13:33 Et donc pour qu'elles puissent sortir plus de policiers, on a raccourci la formation.
13:36 Mais encore une fois, là aussi on a un problème de durée de formation.
13:40 Je crois que, en tout cas c'est ce qu'on défend au niveau de notre association, c'est
13:43 qu'on doit revoir la formation des policiers et notamment dans sa longévité, on doit
13:49 monter à 15-18 mois et apporter d'autres matières, notamment des sciences sociales
13:54 comme la sociologie, comme l'histoire, l'histoire de la police, juste comme ça.
13:57 On doit rajouter tous ces cas de figure, toutes ces matières à la formation des policiers.
14:01 Vous êtes d'accord Olivier Kahn, il y a un problème, il y a des choses à faire en matière
14:04 de formation des policiers ?
14:06 Il y a très certainement des choses à faire, d'autant qu'on peut ajouter à ce qu'a
14:09 dit M.Korech, le fait que parce qu'on a décidé de réembaucher massivement des policiers
14:14 pour essayer de compenser la perte de 10 000 fonctionnaires, on a aussi abaissé le niveau
14:19 des recrutements.
14:20 C'est-à-dire qu'effectivement, les gens qui réussissent le concours de gardiens de
14:25 la paix et entre, ne sont pas tous, comme l'a relevé la cour des comptes, à un niveau
14:32 très très élevé.
14:33 Et le ministre de l'Intérieur l'a lui-même reconnu récemment lorsqu'il a été auditionné
14:37 avec les conséquences qu'on a vu qu'il connaît sur l'humeur des policiers.
14:41 Mais donc évidemment, le fait d'avoir un niveau de recrutement relativement bas n'est
14:47 pas problématique à condition, comme le dit M.Korech, qu'évidemment ensuite vous
14:51 ayez un temps de formation suffisamment long et suffisamment bien fait pour compenser les
14:55 lacunes du départ.
14:57 Or effectivement, on a vu qu'on est passé d'une formation relativement longue à une
15:02 formation à 8 mois, qu'on remonte à 12 mois, mais on peut s'interroger effectivement sur
15:08 le fait de savoir si 12 mois sera suffisant.
15:10 Et en plus, c'est une formation qui est par exemple en droit relativement bien faite,
15:14 qui sur les gestes techniques est relativement bien faite, mais qui effectivement n'inclut
15:18 pas tous les éléments de sociologie, de sciences sociales et autres qu'évoquait M.Korech.
15:22 - J'y ajouterais, je vais vous parler de droit, mais il y a un pan de procédure qui est complètement
15:26 méconnu des policiers, c'est le poste sententiel en fait.
15:29 On n'est absolument pas formé, effectivement, sur les peines de prison, ce genre de choses-là,
15:32 le fonctionnement même de la justice.
15:33 - De la justice.
15:34 Et pourtant, les magistrats et la police travaillent quand même quotidiennement ensemble.
15:36 - Oui, mais ce sont des enquêteurs qui travaillent avec les magistrats.
15:39 - Donc la police judiciaire.
15:40 Et là, l'état d'esprit n'est pas le même d'ailleurs en ce moment, ces derniers jours.
15:43 - Je ne sais pas quel est l'état d'esprit de la police judiciaire.
15:46 On a eu d'autres problématiques récemment sur lesquelles la police judiciaire n'a malheureusement
15:50 pas été soutenue, notamment sur la réforme qui va être mise en œuvre.
15:54 Mais il est un fait, c'est qu'entre le policier qui est au cœur de l'événement, qui est
15:59 en lien direct avec les victimes, donc avec l'émotion entre ce policier-là, puis le
16:04 policier qui va faire de l'investigation, qui va faire les recherches, puis le magistrat
16:08 qui va recevoir les avis, le juge d'instruction qui va être saisi, etc.
16:13 Jusqu'au jugement et au post-sententiel, on voit bien que le policier est directement
16:17 en prise à l'émotion et le magistrat, lui, est directement en prise avec la réflexion.
16:20 Et il y a cette incompréhension, toutes ces phases qui font qu'on ne se comprend pas.
16:24 - Là, il y a comme un divorce entre la police et la justice, Olivier.
16:28 - C'était déjà quelque chose qui était pré-existant.
16:30 - Est-ce qu'il y a une forme de radicalisation, parfois, parmi certains fonctionnaires de
16:36 police ?
16:37 - On l'entend plus, mais encore une fois, ce qu'on dit avec l'association, c'est qu'on
16:41 doit faire beaucoup plus d'échanges entre les policiers et les magistrats.
16:44 Les policiers, aujourd'hui, font des stages dans les tribunaux, mais ce sont des policiers
16:48 qui font de l'investigation.
16:49 Moi, ce que je souhaiterais, c'est qu'on ait des policiers qui sont en tenue, des policiers
16:52 de bac, qui aillent beaucoup plus souvent dans les tribunaux, et voir, comprendre comment
16:57 fonctionnent les tribunaux, et inversement, que les magistrats aillent plus dans les commissariats.
17:00 On sait que les magistrats vont, durant leur formation initiale, faire un stage de deux
17:04 semaines dans des services de police, mais entre la formation et la fin de carrière,
17:09 il se passe 35 ans, donc on peut imaginer qu'au milieu, on fasse une espèce de mise
17:13 à jour de comment fonctionne la police, etc., et que les magistrats retournent un peu plus
17:16 en service.
17:17 Mais là, on se heurte toujours aux mêmes problématiques, c'est du temps, des moyens,
17:20 que déjà les magistrats n'ont pas.
17:21 - Est-ce que les magistrats et les policiers ne se connaissent pas si bien, Olivier Kahn ?
17:25 - Tout dépend.
17:26 Je pense, effectivement, qu'aujourd'hui, le problème est le problème de la sécurité
17:31 publique.
17:32 Si vous prenez, effectivement, la police judiciaire, ils travaillent toute la journée ensemble
17:35 et ça fonctionne très bien, et dans les services de police aux frontières, vous n'avez pas
17:40 de problème identifié non plus.
17:42 - Donc, émission de patrouille de police secours.
17:44 - C'est un problème entre la police de sécurité publique et les magistrats, et là, en sécurité
17:50 publique, vous avez des policiers à qui on demande de faire du chiffre, très rapidement
17:54 et en grand volume, avec des gens qui ne sont pas nécessairement très bien formés, donc
18:00 qui produisent des procédures qui ne sont pas toutes excellentes, qui arrivent devant
18:04 des magistrats qui doivent eux-mêmes les traiter avec une rapidité à raison du défaut
18:09 de moyens.
18:10 Vous avez, à ce niveau-là, beaucoup de procédures qui sont annulées, et ça remonte avec le
18:15 problème de la police et la justice, alors qu'en fait, effectivement, on est juste dans
18:18 un système d'accélérateur des deux côtés qui fait que les gens n'ont pas le temps
18:22 de travailler sérieusement.
18:23 - Est-ce qu'on est en train de tirer les bonnes leçons, Christophe Correl, de ce qui est en
18:25 train de se passer ?
18:26 - Les leçons, on les tirera une fois que les choses se seront calmées.
18:30 Là, on est encore dans l'émotion, tout est très vif chez tout le monde.
18:33 Ce que je souhaiterais, moi, c'est que justement, dans un avenir moyen, on arrive à mettre
18:39 des gens autour de la table, qu'on fasse preuve d'innovation, qu'on essaie de tenter
18:42 des choses qu'on n'a pas fait jusqu'ici.
18:43 Je le répète, avec la CPJ, on est prêt à discuter, à faire un certain nombre de
18:48 propositions.
18:49 - Le ministre de la Justice, Olivier Kahn, il a fait le strict minimum.
18:52 Il a rappelé hier que la justice a besoin, comme les policiers, de respect, elle a besoin
18:56 d'indépendance.
18:57 Mais il ne dit rien de la demande des policiers d'un statut spécifique de décension provisoire,
19:00 par exemple.
19:01 - Depuis qu'il est en fonction, il a fait le strict minimum pour les magistrats, à
19:04 part en matière salariale.
19:06 En revanche, effectivement, il a sorti toute une série de circulaires demandant aux parquets
19:10 de se mettre à la disposition des préfets et de travailler.
19:13 Donc oui, je ne pense pas que ce soit un garde des Sceaux qui restera dans la mémoire.
19:17 - Un garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, par ailleurs affaibli en cette fin de semaine
19:20 par la confirmation hier de son renvoi devant la Cour de justice de la République pour
19:23 prise illégale d'intérêt.
19:25 Merci à tous les deux d'avoir été là pour évoquer cette crise au sein de la police.
19:31 Olivier Kahn, professeur de droit, je le rappelle, de droit pénal à l'université de Sergy.
19:35 Et à vos côtés, Christophe Correl, plus de 20 ans au service de la police et président
19:41 aujourd'hui de l'Agora des Citoyens, de la police et de la justice.
19:45 Merci à vous, il est 8h40.

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