• l’année dernière
« La parure » est l'une des nouvelles les plus célèbres de Guy de Maupassant. Ce récit, qui a touché de nombreux lecteurs à travers le monde, raconte l'histoire d'une femme qui rêve de de richesse et de luxe.

Je raconte les petites histoires de l'histoire : des anecdotes surprenantes, des mystères historiques, des événements insolites, des personnages fascinants et des histoires qui ont parfois été négligées, mais qui méritent d'être racontées et partagées.

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Amusant
Transcription
00:00 Alors bonjour à tous, j'ai envie de vous conter une histoire aujourd'hui, ou plutôt
00:19 une nouvelle.
00:20 Une nouvelle de Guy de Maupassant, écrite en 1884 et qui m'avait fortement touché
00:26 étant plus jeune.
00:27 Cette nouvelle s'intitule « L'apparure ».
00:30 C'était une de ces jolies et charmantes filles, née, comme par une erreur du destin,
00:36 dans une famille d'employés.
00:38 Elle n'avait pas de dot, pas d'espérance, aucun moyen d'être connue, comprise, aimée,
00:45 épousée par un homme riche et distingué.
00:47 Et elle se laissa marier avec un petit commis du ministère de l'instruction publique.
00:51 Elle fut simple, ne pouvant être parée, mais malheureuse comme une déclassée.
00:58 Car les femmes n'ont point de caste ni de race.
01:00 Leur beauté, leur grâce et leur charme, leur servant de naissance et de famille, leur
01:07 finesse native, leur instinct d'élégance, leur souplesse d'esprit sont leur seule
01:12 hiérarchie et font des filles du peuple les égales des plus grandes dames.
01:17 Elle souffrait sans cesse, se sentant née pour toutes les délicatesses et tous les
01:21 luxes.
01:22 Elle souffrait de la pauvreté de son logement, de la misère des murs, de l'usure des sièges
01:29 et de la laideur des étoffes.
01:31 Toutes ces choses dont une autre femme de sa classe ne se serait même pas aperçue
01:35 la torturait et l'indignait.
01:38 La vue de la petite bretonne qui faisait son humble ménage éveillait en elle des regrets
01:43 désolés et des rêves éperdus.
01:45 Elle songeait aux antichambres nettes, capitonnées avec des teintures orientales, éclairées
01:52 par de hautes torchères de bronze et aux deux grands valets en culottes courtes qui
01:56 dorment dans les larges fauteuils, assoupis par la chaleur lourde du calorifère.
02:01 Elle songeait au grand salon vêtu de soie ancienne, aux meubles fins portant des bibelots
02:07 inestimables et au petit salon coquet parfumé fait pour la causerie de cinq heures avec
02:13 les amis les plus intimes, les hommes connus et recherchés dont toutes les femmes en
02:18 vie y désirent l'intention.
02:19 Quand elle s'asseyait pour dîner devant la table ronde couverte d'une nappe de trois
02:25 jours, en face de son mari qui découvrait la soupière en déclarant d'un air enchanté
02:29 « Ah ! le bon pot-au-feu ! Je ne sais rien de meilleur que cela ! »
02:33 Elle songeait au dîner fin, aux argenticeries reluisantes, aux tapisseries peuplant les
02:40 murailles de personnages anciens et d'oiseaux étranges au milieu d'une forêt de féerie.
02:44 Elle songeait aux plats exquis servis en des vaisselles merveilleuses, aux galanteries
02:50 chuchotées et écoutées avec un sourire de sphinx, tout en mangeant la chair rose
02:55 d'une truite ou des ailes de gélinotte.
02:59 Elle n'avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien, et elle n'aimait que cela.
03:05 Elle se sentait faite pour cela.
03:06 Elle eut tant désirer plaire, être enviée, être séduisante et recherchée.
03:12 Elle avait une amie riche, une camarade de couvent qu'elle ne voulait plus aller voir,
03:19 tant elle souffrait en revenant, et elle pleurait pendant des jours entiers de chagrin, de regret,
03:25 de désespoir et de naîtresse.
03:26 Or, un soir, son mari rentra, l'air glorieux et tenant à la main une large enveloppe.
03:33 « Tiens, dit-il, voici quelque chose pour toi.
03:38 » Elle déchira vivement le papier et en tira une carte qui portait ses mots.
03:41 Le ministre de l'instruction publique et madame Georges Ramponneau prient M. et madame
03:47 Loisel de leur faire l'honneur de venir passer la soirée à l'hôtel du ministère,
03:52 le lundi 18 janvier.
03:54 Au lieu d'être ravie, comme l'espérait son mari, elle jeta avec dépit l'invitation
04:01 sur la table, murmurant « Que veux-tu que je fasse de cela ? »
04:05 « Mais, ma chérie, je pensais que tu serais contente.
04:08 Tu ne sors jamais, et c'est une occasion, cela, une belle.
04:11 J'ai eu une peine infinie à l'obtenir.
04:14 Tout le monde en veut.
04:15 C'est très recherché, on ne donne pas beaucoup aux employés.
04:17 Tu verras là tout le monde officiel.
04:20 » Elle le regardait d'un œil irrité et elle
04:24 déclara avec impatience « Que veux-tu que je me mette sur le dos pour aller là ? »
04:27 Il n'y avait pas songé, il baboussia « Mais la robe avec laquelle tu vas au théâtre,
04:35 elle me semble très bien à moi.
04:37 » Il se tut, stupéfait et perdu, en voyant que sa femme pleurait.
04:45 Deux grosses larmes descendaient lentement des coins des yeux vers les coins de la bouche.
04:50 Il bégaya « Qu'as-tu ? Qu'as-tu ? »
04:54 Mais par un effort violent, elle avait dompté sa peine.
04:58 Elle répondit d'une voix calme en essuyant ses joues humides.
05:01 « Rien.
05:02 Seulement, je n'ai pas de toilette.
05:05 Par conséquent, je ne peux pas aller à cette fête.
05:08 Donne ta carte à quelques collègues dont la femme sera mieux nippée que moi.
05:11 » Il était désolé.
05:14 Il reprit « Voyons Mathilde, combien cela coûterait-il ? »
05:18 Une toilette convenable, qui pourrait te servir encore en d'autres occasions.
05:23 Quelque chose de très simple.
05:24 Elle réfléchit quelques secondes, établissant ses comptes et songeant aussi à la somme
05:31 qu'elle pouvait demander sans s'attirer un refus immédiat et une exclamation effarée
05:35 du commisé économique.
05:37 Enfin, elle répondit en hésitant « Je ne sais pas au juste, mais il me semble qu'avec
05:45 quatre cents francs, je pourrais arriver.
05:46 » Il avait un peu pâli.
05:49 Car il réservait juste cette somme pour acheter un fusil et s'offrir des parties de chasse
05:55 l'été suivant dans la plaine de Nanterre avec quelques amis qui allaient tirer des
05:59 alouettes par là le dimanche.
06:01 Il dit cependant « Soit, je te donnerai quatre cents francs, mais tâche d'avoir une belle
06:08 robe.
06:09 » Le jour de la fête approchait et Mme Loisel
06:12 semblait triste, inquiète, anxieuse.
06:15 Sa toilette était prête cependant, son marée lui dit un soir « Qu'as-tu, voyons, tu es
06:21 tout drôle depuis trois jours. »
06:22 Et elle répondit « Cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre
06:27 sur moi.
06:28 J'aurais l'air misère comme tout.
06:30 J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée.
06:32 » Il reprit « Tu mettras des fleurs naturelles, c'est très chic en cette saison-ci.
06:37 Pour dix francs, tu auras deux ou trois roses magnifiques.
06:40 » Elle n'était point convaincue.
06:42 Non, il n'y a rien de plus humiliant que d'avoir l'air pauvre au milieu de femmes
06:47 riches.
06:48 Mais son mari s'écria « Que tu es bête, va trouver ton ami Mme Forestier et demande
06:54 lui de prêter des bijoux.
06:55 Tu es bien assez liée avec elle pour faire cela.
06:57 » Elle poussa un cri de joie « C'est vrai, je n'y avais point pensé.
07:01 » Le lendemain, elle se rendit chez son ami et lui conta sa détresse.
07:05 Mme Forestier alla vers son armoire à glace, prit un large coffret, l'apporta, l'ouvrit
07:12 et dit à Mme Loisel « Choisis ma chère.
07:16 » Elle vit d'abord des bracelets, puis un collier de perles, puis une croix vénitienne,
07:23 or et pierrerie d'un travail admirable.
07:25 Elle essayait des parures devant la glace, hésitait, nous pouvons se décider à les
07:30 quitter et à les rendre.
07:31 Et elle demandait toujours « Tu n'as plus rien d'autre ? » « Mais si, cherche,
07:37 je ne sais pas ce qui peut te plaire.
07:38 » Tout à coup, elle découvrit dans une boîte de satin noir une superbe rivière
07:45 de diamants et son cœur se mit à battre d'un désir immodéré, ses mains tremblaient
07:51 en la prenant.
07:52 Elle l'attacha autour de sa gorge, sur sa robe montante, et demeura en extase devant
07:57 elle-même.
07:58 Puis elle demanda, hésitante, pleine d'angoisse « Peux-tu me prêter cela, rien que cela
08:06 ? » « Mais oui, certainement.
08:08 » Elle sauta au cou de son amie, l'embrassa avec comportement, puis s'enfuit avec son
08:13 trésor.
08:14 Le jour de la fête arriva.
08:16 Mlle Loisel eut un succès.
08:18 Elle était plus jolie que toutes, élégante, gracieuse, souriante et folle de joie.
08:23 Tous les hommes la regardaient, demandaient son nom, cherchaient à être présentés.
08:28 Tous les attachés du cabinet voulaient valser avec elle.
08:32 Le ministre la remarqua.
08:33 Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à
08:41 rien, dans le triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès, dans une sorte de
08:46 nuage de bonheur fait de tous ses hommages, de toutes ses admirations, de tous ses désirs
08:50 éveillés, de cette victoire si complète et si douce au cœur des femmes.
08:54 Elle partit vers 4 heures du matin.
08:57 Son mari, depuis minuit, dormait dans un petit salon désert avec trois autres messieurs
09:04 dont les femmes s'amusaient beaucoup.
09:05 Il lui jeta sur les épaules les vêtements qu'il avait emportés pour la sortie, modestes
09:11 vêtements de la vie ordinaire, dont la pauvreté jurait avec l'élégance de la toilette de
09:16 balle.
09:17 Elle le sentit et voulut s'enfuir pour ne pas être remarquée par les autres femmes
09:21 qui s'enveloppaient de riches fourrures.
09:23 Loisel la retenait.
09:25 « Attends donc, tu vas attraper froid dehors, je vais appeler un fiacre.
09:30 » Mais elles ne l'écoutaient point et descendaient rapidement l'escalier.
09:35 Lorsqu'ils furent dans la rue, ils ne trouvèrent pas de voiture.
09:38 Ils se mirent à chercher, criant après les cochers qu'ils voyaient passer de loin.
09:41 Ils descendaient vers la Seine, désespérés, grelottants.
09:46 Enfin, ils trouvèrent sur le quai un de ces vieux coupés noctombules qu'on ne voit dans
09:50 Paris que la nuit venue.
09:51 Comme s'ils eussent, c'était honteux de leur misère pendant le jour.
09:55 Il les ramena jusqu'à leur porte, rude et martyre, et ils remontèrent tristement
10:03 chez eux.
10:04 C'était fini pour elle.
10:06 Elle songeait, lui, qu'il lui faudrait être au ministère à dix heures.
10:11 Elle ôta les vêtements dont elle s'était enveloppée les épaules devant la glace,
10:19 afin de se voir encore une fois dans sa gloire.
10:21 Mais soudain, elle poussa un cri.
10:24 Elle n'avait plus sa rivière autour du cou.
10:27 Son mari, à moitié dévêtu déjà, demanda « Qu'est-ce que tu as ? » Elle se tourna
10:32 vers lui, affolé, « Je n'ai plus la rivière de Mme Forestier.
10:36 » Il se dressa, éperdu, « Quoi ? Comment ? Ce n'est pas possible ! » Elles cherchèrent
10:41 dans les plis de la robe, dans les plis du manteau, dans les poches, partout.
10:43 Ils ne la trouvèrent point.
10:45 Il demandait « Tu es sûr que tu l'avais encore en quittant le bal ? » « Oui, je
10:50 l'ai touchée dans le vestibule du ministère.
10:52 » « Mais si tu l'avais perdue dans la rue, nous l'aurions entendu tomber.
10:55 Elle doit être dans le fiacre.
10:56 » « Oui, c'est probable.
10:58 As-tu pris le numéro ? » « Non.
10:59 Et toi, tu ne l'as pas regardé ? » « Non.
11:02 » Ils se contemplèrent atterrés.
11:04 Enfin, l'oiselle se rhabilla.
11:07 « Je vais, dit-il, refaire tout le trajet que nous avons fait à pied, pour voir si
11:12 je ne la retrouverai pas.
11:13 » Et il sortit.
11:15 Elle demeura en toilette de soirée, sans force pour se coucher, abattue sur une chaise,
11:24 sans feu, sans pensée.
11:26 Son mari rentra vers sept heures.
11:29 Il n'avait rien trouvé.
11:30 Il se rendit à la préfecture de police, aux journaux, pour faire promettre une récompense,
11:36 aux compagnies de petites voitures, partout enfin où un soupçon d'espoir le poussait.
11:39 Elle attendit tout le jour.
11:43 Dans le même état défarmant devant cet affreux désastre.
11:47 L'oiselle revint le soir, avec la figure creusée, pâlie.
11:52 Il n'avait rien découvert.
11:54 « Il faut, dit-il, écrire à ton ami que tu as brisé la fermeture de sa rivière et
12:00 que tu vas la faire réparer.
12:01 Cela nous donnera le temps de nous retourner.
12:03 » Elle écrivit sous sa dictée.
12:06 Au bout d'une semaine, ils avaient perdu toute espérance.
12:10 « L'oiselle, vieillie de cinq ans, déclara, il faut aviser à remplacer ce bijou.
12:16 » Ils prirent le lendemain la boîte qu'il avait renfermée et se rendirent chez le jouaillier
12:21 dont se trouvait le nom dedans.
12:23 Il consulta ses livres.
12:25 « Ce n'est pas moi, madame, qui ai vendu cette rivière.
12:29 J'ai dû seulement fournir les grains.
12:31 » Alors ils allèrent de bijoutier en bijoutier, cherchant une parure pareille à l'autre,
12:38 tout en leur souvenir, malades tous deux de chagrin et d'angoisse.
12:42 Ils trouvèrent dans une boutique du palais royal un chapelet de diamants qui leur parut
12:47 entièrement semblable à celui qu'ils cherchaient.
12:49 Il valait quarante mille francs.
12:51 On leur laisserait à trente-six mille.
12:54 Ils prièrent donc le jouaillier de ne pas le vendre avant trois jours.
12:58 Ils firent condition qu'on le reprendrait pour trente-quatre mille francs si le premier
13:03 était retrouvé avant la fin de février.
13:05 L'oiselle possédait dix-huit mille francs que lui avait laissé son père.
13:11 Il emprunterait le reste.
13:14 Il emprunta, demandant mille francs à l'un, cinq cents à l'autre, cinq louis par-ci,
13:21 trois louis par-là.
13:22 Il fit des billets, prit des engagements ruineux, eut affaire aux usuriers, à toutes les races
13:29 de prêteurs.
13:30 Il compromit toute la fin de son existence.
13:32 Il risqua sa signature sans même savoir s'il pourrait y faire honneur.
13:36 Et, épouvanté par les angoisses de l'avenir, par la noire misère qui allait s'abattre
13:42 sur lui, par la perspective de toutes les privations physiques et de toutes les tortures
13:46 morales, il alla chercher la rivière nouvelle en déposant sur le comptoir du marchand trente-six
13:53 mille francs.
13:54 Quand madame Oiselle rapporta l'apparure à madame Forestier, celle-ci lui dit d'un
14:01 air froissé, « Tu aurais dû me la rendre plus tôt, car j'aurais pu en avoir besoin.
14:05 » Elle n'ouvrit pas l'écran à ce que redoutait son amie.
14:09 Si elle s'était aperçue de la substitution, qu'aurait-elle pensé, qu'aurait-elle dit,
14:14 ne l'aurait-elle pas prise pour une voleuse ?
14:15 Mme Oiselle connut la vie horrible des nécessiteux.
14:20 Elle prit son parti, d'ailleurs, tout d'un coup, héroïquement.
14:23 Il fallait payer cette dette effroyable.
14:26 Elle paierait.
14:27 On revoyait la bonne, on changea de logement.
14:31 On loua sous les toits d'une mansarde.
14:34 Elle connut les gros travaux du ménage, les odieuses besognes de la cuisine.
14:40 Elle lava la vaisselle, usant ses ongles roses sur les poteries grasses et le fond des casseroles.
14:47 Elle savonna le linge sale, les chemises et les torchons qu'elle faisait sécher sur
14:53 une corde.
14:54 Elle descendit à la rue, chaque matin, les ordures, et monta à l'eau, s'arrêtant
14:59 à chaque étage pour souffler.
15:01 Et, vêtue comme une femme du peuple, elle alla chez le fruitier, chez l'épicier,
15:07 chez le boucher, le panier aux bras, marchandant, injurier, défendant sous à sous son misérable
15:13 argent.
15:14 Il fallait chaque mois payer les billets, en renouveler d'autres, obtenir du temps.
15:20 Le mari travaillait, le soir, à mettre honnête les comptes d'un commerçant, et la nuit,
15:27 souvent, il faisait de la copie à cinq sous la page.
15:30 Et cette vie dura dix ans.
15:33 Au bout de dix ans, ils avaient tout restitué, tout, avec le taux de l'usure et l'accumulation
15:39 des intérêts superposés.
15:40 Mme Loisel semblait vieille maintenant.
15:42 Elle était devenue la femme forte et dure et rude des ménages pauvres.
15:49 Mal peignée, avec les jupes de travers et les mains rouges, elle parlait haut, lavait
15:55 à grand haut les planchers.
15:57 Mais parfois, lorsque son mari était au bureau, elle s'asseyait auprès de la fenêtre.
16:02 Et elle songeait à cette soirée d'autrefois, à ce bal où elle avait été si belle, si
16:10 fêtée.
16:11 Que serait-il arrivé si elle n'avait point perdu cette parure ? Qui sait ?
16:16 Qui sait ? Comme la vie est singulière, changeante.
16:21 Comme il faut peu de choses pour vous perdre ou vous sauver.
16:25 Or, un dimanche, comme elle était allée faire un tour au Champs-Elysées pour se délasser
16:30 des besognes de la semaine, elle aperçut tout à coup une femme qui promenait un enfant.
16:36 C'était Mme Forestier, toujours jeune, toujours belle, toujours séduisante.
16:40 Mme Loisel se sentit émue.
16:43 Allait-elle lui parler ?
16:46 Oui, certes.
16:48 Et maintenant qu'elle avait payé, elle lui dirait tout, pourquoi pas ?
16:52 Elle s'approcha.
16:54 « Bonjour, Jeanne.
16:56 » L'autre ne la reconnaissait point, s'étonnant d'être appelée ainsi familièrement par
17:00 cette femme.
17:01 Elle balbutia.
17:02 « Mais, madame, je ne sais pas, vous devez vous tromper.
17:07 » « Non, je suis Mathilde Loisel.
17:10 » Son ami poussa un cri.
17:12 « Oh ! ma pauvre Mathilde ! »
17:14 « Comme tu es changée ! »
17:16 « Oui, j'ai eu des jours bien durs depuis que je ne t'ai vue, et bien des misères,
17:21 et cela à cause de toi.
17:23 »
17:24 « De moi ? Comment ça ? Tu te rappelles bien cette rivière de diamants que tu m'as
17:28 prêté pour aller à la fête du ministère ? »
17:29 « Oui, eh bien, je l'ai perdue.
17:32 »
17:33 « Comment ? Puisque tu me l'as rapportée.
17:36 »
17:37 « Je t'en ai rapporté une autre toute pareille, et voilà dix ans que nous la payons.
17:40 Tu comprends que ça n'était pas aisé pour nous qui n'avions rien ? Enfin, c'est
17:45 fini, je suis rudement contente.
17:47 »
17:48 Mme Forestier s'était arrêtée.
17:50 « Tu dis que tu as acheté une rivière de diamants pour remplacer la mienne ? »
17:53 « Oui.
17:54 »
17:55 « Tu ne t'en étais pas aperçue, hein ? Elles étaient bien pareilles.
17:58 »
17:59 Et elle souriait d'une joie orgueilleuse et naïve.
18:00 Mme Forestier, fort émue, lui prit les deux mains.
18:07 « Oh, ma pauvre Mathilde ! Mais la mienne était fausse.
18:13 Elle valait au plus cinq cents francs. »
18:16 [Musique]

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