Faute de soignants, de nombreux services d'urgences contraints de fermer la nuit
Dans Europe midi, Arthur de Laborde et ses invités débattent des nombreux services d'urgences contraints de fermer la nuit en raison du manque de soignants.
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00:00 Europe 1 Midi, Arthur Delabord.
00:03 Des fermetures de lits et même parfois de la totalité des services des urgences
00:09 alors que nous sommes au milieu de la période estivale.
00:11 Cette situation est toujours très tendue dans les hôpitaux du pays.
00:16 Nous sommes avec le président de l'association des médecins urgentistes de France.
00:21 Bonjour Patrick Peloux.
00:22 Bonjour.
00:23 J'imagine que vous nous confirmez la grande difficulté pour accueillir tous les patients cet été.
00:29 Comment ça s'explique à cause du manque de personnel, de l'affluence touristique aussi peut-être ?
00:35 Non, c'est surtout si vous voulez une dégradation lente qu'il y a eu de l'ensemble du système de santé depuis bien longtemps.
00:46 Et depuis l'année dernière on assiste à quelque chose de nouveau, c'est la fermeture des services des urgences
00:53 qui est contradictoire avec la loi de 2013 disant que tout citoyen doit être à 30 minutes d'une structure d'urgence H24.
01:04 Et donc à partir de l'année dernière, en fait, le ministre de la Santé de l'époque avait autorisé les fermetures des urgences
01:12 en disant "appelez le SAMU".
01:14 Nous on était plutôt contre ou extrêmement réservés sur ces mesures et en fait ça sert pas à grand chose
01:23 parce que quand vous fermez une structure d'urgence, en fait tout se décale sur l'autre structure d'urgence qui va rester ouverte.
01:31 Les sapeurs-pompiers qui faisaient par exemple 20 km pour aller dans un service d'urgence qui est fermé, ils vont faire 60 km.
01:38 Donc on est en train de tout déstabiliser.
01:40 S'ajoutent à ça des fermetures de lits, vous avez raison, par manque de personnel parce qu'on est mauvais sur le recrutement des personnels.
01:49 Il y a une désaffection des infirmières notamment, des aides-soignants, des manip radios, etc.
01:57 de tous les personnels qui travaillent à l'hôpital parce que l'hôpital n'est plus attractif,
02:02 le service public n'est plus attractif et donc on traverse une crise sans précédent.
02:06 Donc ce que vous nous dites finalement c'est que la promesse d'Emmanuel Macron de désengorger ses services d'urgence d'ici fin 2024,
02:14 cette promesse sera très difficile à tenir.
02:18 Non mais écoutez, on a l'impression qu'on est encore avec un pays qui se croit dans une cour de récréation.
02:25 Faut pas faire des promesses comme ça.
02:27 Faut pas faire des promesses comme ça ou faut les faire quand on est sûr de pouvoir les tenir.
02:31 Or vous ne pouvez pas tenir cette promesse si vous ne changez pas radicalement la pensée et l'analyse par rapport à l'hôpital public.
02:40 Or il ne se passe rien.
02:42 Alors là on a beaucoup d'espoir avec le nouveau ministre Aurélien Rousseau
02:47 parce qu'il est revenu en arrière en disant "fermer les structures d'urgence ce n'est pas une solution"
02:52 ce que je crois vraiment et fondamentalement parce que c'est pour les usagers du service public, les familles et les malades.
02:59 Donc il faut revoir complètement la copie de l'hôpital public.
03:05 Mais les promesses comme ça, ça en fait, ça va discréditer la parole du chef de l'État.
03:13 Et moi je pense que c'est pas bien.
03:16 Alors nous sommes avec Sébastien qui nous appelle de Vendée.
03:21 Bienvenue sur Europe 1 Sébastien, bonjour.
03:24 Bonjour, merci de m'actuer sur votre antenne.
03:27 Je crois que vous êtes confronté près de chez vous à la fermeture des services d'urgence.
03:33 Exactement, alors nous on est sur un métier qui est assez en tension
03:38 parce qu'il y a toute une logistique en fait.
03:41 Vous êtes agent de maintenance en maison de retraite je le précise.
03:43 Alors moi je suis agent de maintenance en maison de retraite exactement.
03:47 Ma femme elle travaille, elle fait les ménages dans les blocs opératoires et tout en clinique.
03:51 Là où il manque cruellement de personnel, les urgences elles ferment
03:56 très très souvent, ce qui fait qu'on est obligé de se rabattre sur un autre hôpital.
04:01 Il suffit que les deux y ferment, on est obligé d'aller au plus loin à la Roche-sur-Yon,
04:05 donc ça fait encore loin.
04:06 Il suffit que le bloc de la Roche y soit fermé aussi, alors là pour le coup il faudra aller au Sable d'Olonne.
04:11 Et on peut même pas aller sur le département voisin qui est les deux Sèvres,
04:16 puisque on n'est pas dans le même département.
04:18 Nous on s'est déjà fait rejeter de New York pour le coup,
04:21 parce qu'il fallait rester dans le 85 tout simplement.
04:25 Alors c'est vrai qu'il y a un manque cruel d'infirmières, de médecins urgentis,
04:31 c'est d'ailleurs pour ça qu'ils ferment.
04:33 C'est un peu paradoxal de vouloir ouvrir des lits
04:39 quand il n'y a personne qui peut s'occuper des personnes qui sont dans ces lits justement.
04:44 Patrick Peloux, on le voit avec le témoignage de Sébastien,
04:49 pour les usagers c'est vraiment très compliqué dans certains territoires
04:55 de pouvoir tout simplement se faire soigner ou d'avoir accès aux premiers soins ?
04:59 Le témoignage de Sébastien, on peut en décliner des centaines de milliers.
05:06 Il y a eu un espèce de mépris des usagers du service public.
05:11 Et je ne supporte pas qu'on mette les Françaises et les Français les uns contre les autres.
05:17 C'est-à-dire que là en fait, comme il vient de le dire,
05:21 on leur dit "votre service d'urgence est fermé ce soir".
05:24 Donc ils vont à l'autre, on leur dit "ah bah aussi c'est fermé".
05:27 Puis ils arrivent dans un autre département, puis on leur dit
05:29 "ah bah vous n'êtes pas du bon département, vous ne pouvez pas venir".
05:31 Mais quand vous allez avoir un drame, ce qui est déjà arrivé,
05:36 avec une personne qui meurt ou un enfant qui meurt parce qu'il n'a pas été pris en charge,
05:42 vous ferez la une de tous les journaux en disant "c'est catastrophique".
05:46 Il ne faudra pas dire que vous n'avez pas été prévenus.
05:49 C'est-à-dire qu'en fait, tout le monde doit savoir que l'État actuel,
05:54 le rôle régalien de l'État, c'est un rôle de sécurité avant toute chose,
05:58 pour tout un chacun.
06:00 Et c'est marqué sous les frontons des bâtiments de la République, il y a l'égalité.
06:04 Bon. Eh bien, pour l'instant, ce n'est plus en fait respecté.
06:08 Et ça c'est dramatique, parce que si vous voulez,
06:11 quand les sapeurs-pompiers vont faire 60 km au lieu de 20 km,
06:15 ils ne sont plus sur leur territoire.
06:17 Et ça pose des problèmes énormes.
06:19 Le SAMU est en perte et en chute libre sur ses valeurs,
06:22 parce qu'on a dit "faites le 15",
06:24 que tout le monde appelle le 15 tout le temps,
06:26 ce qui fait qu'en fait c'est extrêmement difficile,
06:28 même si on a mis des nouveaux protocoles qui doivent faire leur preuve,
06:32 pour pouvoir voir qui téléphone au bon moment et prioriser les appels,
06:37 soit, mais là aussi, c'est extrêmement compliqué à mettre en place,
06:42 et surtout l'objectif qui avait été de dire
06:45 "il faut que tout le monde appelle le SAMU pour résoudre le problème",
06:48 ça va faire baisser les urgences.
06:50 Écoutez, cet élément de langage qu'on entend depuis 2019,
06:55 ça n'a absolument pas baissé la fréquentation des urgences.
06:59 Et Patrick Pellou, qu'est-ce qu'il faut faire selon vous pour améliorer cette situation ?
07:03 Le président a annoncé un plan pour l'hôpital, vous n'êtes pas convaincu j'imagine.
07:09 Mes chers amis, les plans pour l'hôpital, on en a un tous les deux ans depuis 20 ans, d'accord ?
07:16 Et ça ne sert généralement pas à grand chose.
07:18 Il va falloir à un moment changer complètement notre vision, changer l'axe.
07:22 Par exemple, se poser la question,
07:24 pourquoi vous avez 15% des étudiants en médecine qui arrêtent leurs études avant la fin ?
07:29 Pourquoi dans certaines écoles d'infirmières,
07:32 ça va de 25% à 30% des infirmières qui arrêtent leurs études en co-formation ?
07:37 Voilà des questions intéressantes.
07:40 Voilà des questions qui doivent remettre en cause la façon qu'on a de former les jeunes, de les encadrer.
07:46 On a mis un concours, contrairement à ce qui a été dit,
07:49 il y a toujours un concours d'entrée en médecine qui est de plus en plus difficile,
07:53 qui est absolument horrible pour les étudiants, on n'y comprend plus rien, d'accord ?
07:58 Et ce qui fait que les jeunes français pour se former à la médecine,
08:01 ils vont dans des pays étrangers.
08:03 Non mais on marche franchement sur la tête, d'accord ?
08:05 Donc c'est la première des mesures à prendre,
08:09 c'est d'être accueillant de la politique de ressources humaines dans les hôpitaux.
08:15 Si vous ne l'avez pas, vous ne l'aurez pas.
08:17 Deuxièmement, il faut un rattrapage salarial, c'est évident.
08:21 Les infirmières ont un pouvoir d'achat aujourd'hui,
08:24 qui est un meilleur pouvoir d'achat des infirmières dans les hôpitaux de 1981,
08:29 ce sont les chiffres de la CGT.
08:31 C'est quand même assez incroyable, voyez-vous.
08:34 - Patrick Pelloux, on a Philippe qui nous appelle d'Angers.
08:38 Philippe, bonjour, bienvenue sur Europe 1.
08:41 - Bien écouté, bienvenue à tous.
08:42 - Vous êtes ancien professionnel de santé, c'est difficulté à l'hôpital.
08:47 Est-ce que vous aussi, dans votre carrière, vous y avez été confronté ?
08:51 - Bah écoutez, oui, les problèmes n'étaient pas tout à fait les mêmes,
08:54 mais aujourd'hui, écoutez, moi j'ai entendu Patrick Pelloux,
08:57 moi j'ai pas grand-chose à rajouter à ce qu'il a dit,
08:59 moi je suis d'accord avec lui, les questions qu'il pose sont les bonnes,
09:02 donc moi j'ai eu là-dessus que dire d'autre,
09:07 d'autant plus que je suis pas dans le...
09:10 en plus, moi je suis retraité, donc je suis un petit peu à l'écart de tout ça,
09:13 mais oui, donc je pense que...
09:18 je sais pas trop quoi...
09:19 - Le principal problème, c'est le manque de personnel, de médecins, d'infirmiers ?
09:23 - Oui, ça on le sait, ça le constate, on a le fait, donc il y a pas de problème,
09:28 mais maintenant c'est les solutions qu'il faut mettre en œuvre,
09:32 puis répondre aux bonnes questions, Patrick Pelloux,
09:36 j'ai entendu, il pose les bonnes questions.
09:40 - Un dernier mot peut-être, Patrick Pelloux ?
09:42 - Il y a un dernier, le Cours Sud, les étudiants en médecine,
09:46 moi je suis complètement d'accord,
09:47 donc il y a souvent des choses à revoir, etc.,
09:50 on a fait une espèce de gynécale,
09:52 et puis en plus, il y a deux tiers des étudiants,
09:55 donc on trouve la moitié, deux tiers des étudiants qui sortent diplômés,
10:00 qui sont en fait des étudiants têtes,
10:01 dont la moitié dit ouvertement que ça ne s'en prendra jamais,
10:05 avec toutes les alibis et toutes les bonnes raisons qu'il y a à la clé, donc...
10:12 - Merci, merci beaucoup Philippe,
10:14 un dernier mot peut-être Patrick Pelloux,
10:16 sur la question des études dans le domaine de la santé ?
10:22 - En un mot, si vous voulez, je pense qu'elles sont totalement inadaptées,
10:26 et qu'on n'a pas assez...
10:30 Je pense que si vous voulez, pour faire très court,
10:33 les doyens des facultés de médecine ont un pouvoir plus important que les ministres,
10:38 et ils peuvent bloquer tout un système,
10:40 et tant qu'ils n'auront pas une contradiction,
10:43 ou un mode de sélection des doyens par des systèmes démocratiques
10:47 beaucoup plus ouverts,
10:48 ben en fait vous répondrez pas aux intentes de la population,
10:51 voilà, c'est aussi simple que ça.
10:53 - Merci beaucoup Patrick Pelloux,
10:55 président de l'Association des médecins urgentistes de France,
10:58 vous restez avec nous, vous nous appelez aussi
11:01 pour participer à nos discussions au 01 80 20 39 21 dans un instant,
11:05 nous parlerons du no-show,
11:07 ce phénomène qui consiste à ne pas honorer les réservations
11:11 que vous faites au restaurant ou dans les hôtels,