Tous les jours, retrouvez un invité qui est au cœur de l’actualité pour un moment d'échange franc sur les dossiers brûlants du moment. Ce soir, Jean-Claude Félix-Tchicaya, chercheur pour l'Institut de Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) en géopolitique, géostratégie et sociologie.
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu
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00:00 Europe 1 soir, Wilfried de Villers.
00:04 - 19h18 sur Europe 1, il y aura donc bien une intervention militaire au Niger.
00:10 La CDAO a ordonné il y a quelques minutes le déploiement de sa force pour, dit-elle,
00:15 restaurer l'ordre constitutionnel au Niger.
00:18 Les dirigeants ouest-africains qui sont réunis en ce moment à Abuja au Nigeria
00:22 pour un sommet extraordinaire consacré à la situation justement au Niger.
00:28 Bonsoir Jean-Claude Félix Chikaya,
00:30 chercheur pour l'Institut de prospective et sécurité en Europe au Pôle Afrique.
00:35 C'est une surprise alors cette annonce d'intervention de la CDAO
00:39 parce qu'on a un peu l'impression que personne ne s'y attendait.
00:41 On parlait de favoriser le dialogue, même les dirigeants de la CDAO disaient
00:44 la voie diplomatique est encore possible, et là d'un coup intervention militaire.
00:49 - Alors une surprise non, mais une décision historique.
00:53 C'est la première fois, voire la deuxième,
00:56 qu'en Gambie, avant d'intervenir pour un président qui là voulait rester au pouvoir
01:02 alors qu'il ne pouvait pas rester au pouvoir, c'était en Gambie.
01:06 Donc il y a eu une intervention, la population,
01:08 qui en avait assez de ce monsieur, n'est pas intervenue.
01:11 Mais sauf qu'aujourd'hui, à Abuja, un sommet extraordinaire,
01:16 une décision extraordinaire.
01:18 Donc c'est d'abord la décision qui a été prise,
01:21 c'est d'activer le déploiement des troupes de la CDAO.
01:25 C'est bien une décision de la CDAO, même si la réunion était plus élargie.
01:31 Il y avait donc le représentant des Nations Unies,
01:33 le représentant de l'Union Africaine,
01:36 mais aussi du Burundi qui est en dehors de la CDAO,
01:39 de l'Algérie, de la Libye.
01:42 C'est au Niger, aujourd'hui à Niamey, d'un schisme politique militaire, politico-militaire.
01:50 Nous sommes maintenant dans un échiquier,
01:52 dans un événement géopolitique d'Afrique de l'Ouest,
01:54 mais qui dépasse bien les frontières de cette partie du continent,
01:59 et même du continent.
02:00 Donc c'est une décision historique.
02:02 Il y a donc activé cette décision de déploiement de la troupe au Niger.
02:07 Pour l'instant, il n'y a pas de calendrier.
02:08 Est-ce que ça va rester secret ?
02:10 Ça ne veut pas dire que ça va forcément arriver tout de suite ?
02:12 Sauf que ça peut être imminent, en tout cas.
02:16 Parce que c'est en deux temps.
02:18 Il reste les derniers efforts pour épuiser toutes les voies et moyens,
02:23 toutes les routes de négociation, de médiation,
02:26 pour voir que la raison revienne,
02:30 que la raison politique revienne aux militaires.
02:32 Ça a été dit que les militaires reviennent à leur place dédiée.
02:34 Pour l'instant, ils n'acceptent pas de négocier.
02:35 Pour l'instant, la porte est complètement fermée au dialogue.
02:37 C'est ce qui a pu motiver cette décision.
02:40 Ce qui a été dit de manière assez forte,
02:42 c'est que les militaires reviennent à leur place dédiée,
02:44 c'est-à-dire la caserne, leur prérogative.
02:47 Pourquoi ?
02:48 Parce que là, ce n'est pas comme au Mali,
02:50 ou au Burkina Faso, ou autre,
02:52 c'était plutôt des colonels, des capitaines.
02:54 Maintenant, on a affaire au plus haut niveau de l'armée du Niger.
02:57 Nous n'avons que des généraux qui sont à la tête de cela.
03:00 Donc, ils ont partilié du bilan qui,
03:04 de manière assez surprenante, déplore.
03:06 Ils parlent de dégradation sécuritaire,
03:08 alors qu'on peut revoir le bilan,
03:11 il n'est pas si dégradé que cela, au Niger,
03:14 alors qu'ils sont quand même au plus haut niveau de l'état-major.
03:17 Ils prenaient des décisions associées avec M. Bazoum.
03:21 Et l'armée française, et l'armée américaine,
03:25 qui étaient sous leur commandement.
03:27 Donc, ils ont un bilan associé.
03:29 Donc, la demande,
03:31 et on exhorte les militaires,
03:34 qui reviennent à leur caserne,
03:39 - Qui restituent au pouvoir le président élu, Mohamed Bazoum.
03:42 - Leur constitutionnel doit revenir,
03:44 même s'ils font encore partie de l'équation
03:47 pour une résolution nationale,
03:49 ils reviennent de nommer un nouveau gouvernement.
03:52 - On va en parler, mais je voudrais qu'on revienne sur la CDAO.
03:54 Jean-Claude Félix Tchikaya,
03:56 qu'est-ce qui a poussé la CDAO, finalement,
03:59 à se dire "on intervient militairement au Niger",
04:02 en tout cas, ça pourrait arriver dans les prochaines heures,
04:04 ou dans les prochains jours, l'un jardin n'est pas encore précis,
04:06 ni précisé d'ailleurs,
04:07 parce qu'on voit que ça n'a pas été le cas au Mali,
04:09 quand il y a eu le coup d'État,
04:10 ça n'a pas été le cas au Burkina Faso,
04:11 quand il y a eu le coup d'État.
04:12 Pourquoi le Niger ?
04:13 - Vous venez de le résumer,
04:15 il y a eu un passif,
04:16 où ils ont manqué de promptitude,
04:18 ils ont manqué de rigueur,
04:20 ils ont manqué de cohérence,
04:21 on peut même dire qu'avant,
04:22 les décisions que vous venez de dégrainer,
04:24 c'est-à-dire ce qui s'est passé en Guinée,
04:26 au Burkina Faso, au Mali,
04:28 certains ont trituré la Constitution,
04:31 ont imposé un troisième mandat,
04:33 pas d'intervention,
04:34 pas assez de vigueur,
04:35 et là, il joue, en fait,
04:37 cette institution sous-régionale,
04:39 joue, entre guillemets, plus que sa crédibilité,
04:41 joue, en tout cas, la vie de cette institution,
04:44 qui a quand même une utilité,
04:46 qui est née au milieu des années 75,
04:49 et au regard de la situation,
04:51 pas seulement du Sahel,
04:52 mais de toute l'Afrique de l'Ouest,
04:53 elle a quand même son utilité,
04:55 malgré ce que vous venez de dire.
04:58 Donc, il y a en Afrique d'ailleurs,
05:00 une certaine ambivalence,
05:01 on leur demandait plus de rigueur,
05:02 et aujourd'hui, quand il y a plus de rigueur,
05:03 on leur dit qu'ils sont trop rigoureux.
05:05 Donc, ils mettent les deux sur la table,
05:08 c'est-à-dire sur la table, la négociation,
05:10 mais pendant la négociation,
05:12 les troupes seront quand même déployées au Niger.
05:15 Et si l'épuisement de ce recours
05:18 n'arrive pas malheureusement à un succès,
05:21 donc à une voie de réussite,
05:22 et bien, donc, il y aura une mise en marche.
05:24 - Et est-ce qu'il y a des troupes aussi,
05:25 est-ce qu'il y aura un nombre de soldats suffisants ?
05:27 Parce qu'on voit que plusieurs pays,
05:28 je pense à l'Algérie, au Tchad, au Bénin,
05:30 eux, ils ont refusé d'envoyer des soldats
05:32 s'il y avait, en cas d'intervention militaire,
05:34 et c'est le cas au Niger.
05:35 - Alors, l'Algérie est hors CDAO,
05:37 le Bénin, non, en revanche.
05:39 Donc là, pour l'instant, les pays participants,
05:42 ça va être aussi, là encore, une autre paire de manches,
05:46 si je peux me permettre ce terme,
05:48 parce que beaucoup de chambres parlementaires de ces pays
05:51 et aussi dans les sociétés civiles
05:53 s'opposent à cette intervention militaire,
05:56 parce qu'une moitié, c'est assez tranché,
05:58 il y a une pluralité d'avis,
05:59 même si ça bascule quand même du côté des militaires sur Niamey,
06:03 il y a quand même une partie de la population
06:06 qui se dit, si la CDAO arrive dans Niamey
06:08 et il faut faire une plongée sociologique urbaine dans Niamey,
06:12 où se trouve M. Bazoum, le président,
06:15 le président sequestré,
06:16 et au cœur de la ville.
06:18 C'est-à-dire que s'il y a une intervention au cœur de la ville,
06:20 dans la caserne,
06:21 il se pensait d'ailleurs en toute sécurité
06:25 avec sa garderie présidentielle,
06:27 qui s'est retournée contre lui.
06:29 Donc, de manière, sur le plan urbain,
06:32 ça va être très difficile,
06:33 parce que certains se disent,
06:34 on va mettre notre corps sur la route,
06:37 nous ne pourrons pas arriver jusqu'au palais.
06:39 Donc, il y a une multitude de risques,
06:41 surtout qu'il y a une bascule qui commence à se faire
06:43 sur le plan populaire,
06:44 alors qu'il y a 15 jours,
06:46 tous ces militaires étaient d'accord avec M. Bazoum,
06:49 même s'il y avait un schisme politique
06:51 qui brusait jusqu'à ses oreilles,
06:54 d'ailleurs aux miennes depuis deux mois,
06:56 dont aussi dans certains renseignements,
06:58 que ce soit français ou américain,
07:01 personne n'est vraiment étonné,
07:02 mais de la part des généraux,
07:04 ils ne peuvent pas dire qu'ils n'ont pas parti
07:06 mêlé et associé au bilan,
07:08 et d'ailleurs, ils en faisaient encore l'éloge
07:11 il y a quelques mois.
07:12 Ça ne veut pas dire qu'à l'intérieur du pouvoir,
07:15 il n'y ait pas de problèmes de népotisme,
07:16 de corruption,
07:18 mais aussi à l'intérieur de l'armée.
07:20 Donc, chacun devrait, entre guillemets,
07:23 prendre ses responsabilités
07:24 et dans un mouvement réciproque,
07:26 redonner le pouvoir constitutionnel à M. Bazoum.
07:29 - Mais pour l'instant, les militaires
07:32 n'ont donné aucun signe.
07:34 - Pour l'instant, c'est de la fiction
07:36 qui est un peu loyaliste,
07:38 mais ils ne sont pas du tout dans ce...
07:40 Ils sont plutôt défiants,
07:42 d'où le gouvernement...
07:44 - L'information de ce gouvernement la nuit dernière,
07:46 juste avant d'ailleurs l'organisation de la CEDEA.
07:48 - Avec un Premier ministre qui, d'ailleurs,
07:50 a l'habitude d'arriver après les putschs
07:52 pour prendre soit le ministère des Finances
07:54 ou soit le poste de Premier ministre
07:56 qui est une personnalité,
07:58 et il y a plusieurs personnalités
08:00 qui ont une très bonne réputation,
08:02 qui sont à l'intérieur de ce gouvernement putschiste.
08:05 Ça pose vraiment une multitude,
08:07 une foultitude de problématiques
08:09 assez nombreuses, donc...
08:11 On peut dire que ça va se déployer,
08:13 mais d'autres problèmes se déploient en même temps.
08:15 - Jean-Claude Félix Tchikaya,
08:17 je rappelle que vous êtes chercheur à l'IBCEU,
08:19 là ça veut dire que concrètement,
08:21 au Sahel, on est aux portes de la guerre ?
08:23 Ou il y a encore une chance ?
08:27 - Alors, nous sommes sur une ligne de crête.
08:30 Ça peut déclencher une guerre civile,
08:32 je n'agite pas toutes les peurs,
08:34 je ne dis pas ça pour ceux-là,
08:36 je prends vraiment toutes mes précautions.
08:38 Tout va être fait pour éviter cela.
08:41 Pendant ce temps-là,
08:43 les groupes armés,
08:45 il y a une partie des groupes armés
08:47 qui se mettent du côté de M. Bazoum,
08:49 il y a une autre partie qui se met du côté de l'armée,
08:52 mais en embuscade,
08:54 très proche de Niamey,
08:56 les terroristes avancent.
08:58 Dans le nord,
09:00 il y a une situation explosive,
09:02 surtout qu'une partie de la société civile...
09:04 - C'est-à-dire que la guerre, ce serait dramatique,
09:06 forcément, mais ce serait dramatique pour le pays,
09:08 pour la région, et plus globalement aussi...
09:10 - Pour le peuple d'abord,
09:12 qui vit déjà en-dessous du seuil de pauvreté
09:14 à 71%,
09:16 60% de la population a moins de 60 ans,
09:19 même s'il y avait
09:21 un taux de croissance remarquable,
09:25 M. Bazoum est arrivé au pouvoir il y a deux ans,
09:29 le taux de payéité à 1,5,
09:31 il est maintenant à 10,
09:33 il allait être à 12,
09:35 mais là, il est complètement
09:37 fauché dans l'élan,
09:41 mais ça ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de problème
09:43 socio-économique,
09:45 le Niger part de tellement loin
09:47 que nous sommes dans une situation extrêmement
09:49 périlleuse, voire explosive.
09:51 - Merci beaucoup Jean-Claude Félix Tchikaya,
09:53 je rappelle que vous êtes chercheur à Lipseux,
09:55 au Pôle Afrique, dans un instant, sur Europe 1,
09:57 Destination Vacances, à tout de suite.