Armes de guerre dans les quartiers : «C'est entré dans les mœurs, dans les codes», constate Frédéric Ploquin

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Transcription
00:00 7h40, notre invité Lionel Frédéric Ploquin, spécialiste du grand banditisme et journaliste d'investigation.
00:06 - Bonjour Frédéric Ploquin. - Bonjour.
00:08 - Merci d'être en ligne ce matin sur Europe 1.
00:10 On a tous été sidérés par ces images de la fusillade à l'arme lourde
00:17 qui a provoqué lundi soir la mort d'un enfant de 10 ans dans un quartier de Nîmes.
00:20 C'est encore la preuve, s'il en fallait une Frédéric Ploquin,
00:24 que la circulation de ces armes se banalise dans certains quartiers.
00:29 - La circulation des armes et la circulation de la drogue sont liées.
00:33 À partir du moment où vous avez un commerce très rentable dans un quartier,
00:37 vous avez aujourd'hui la nécessité, c'est comme ça que le ressentent les dealers,
00:43 de vous équiper d'armes de guerre.
00:45 Et donc on se retrouve avec des scènes comme ça,
00:47 où on a une voiture qui n'a strictement rien à voir avec le trafic,
00:53 qui se retrouve pris un peu comme dans une scène de guerre finalement,
00:56 un peu comme s'il traversait une zone de conflit et de guerre.
01:02 Et on a sur ce théâtre de gangs, de bandes qui choisissent ce moment précis
01:10 pour régler leur compte à l'arme lourde, à l'arme de guerre.
01:13 Et c'est ces balles perdues qui font des dégâts collatéraux
01:18 de plus en plus importants dans le pays.
01:19 - Alors on comprend bien, je dis "comprends" entre guillemets,
01:22 cette logique de guerre des territoires.
01:25 Moi sur l'origine de ces armes,
01:27 est-ce qu'on a des informations précises sur leur origine ?
01:31 D'où viennent-elles concrètement ces armes Frédéric Bloquin ?
01:34 - Ce sont des armes de guerre qui viennent des pays où on les fabrique,
01:38 qui sont acheminées...
01:40 C'est un trafic de fourmilles, le trafic d'armes au départ,
01:44 elles arrivent pas comme ça massivement,
01:47 comme les produits stupéfiants par centaines de kilos,
01:50 elles arrivent par deux, par trois, par quatre.
01:53 En général des pays où elles sont fabriquées,
01:55 c'est-à-dire de l'ex-Yougoslavie,
01:59 parfois à travers l'Allemagne,
02:01 ça c'est une des sources d'approvisionnement.
02:03 Il y a aussi des armes qui sont détournées à partir des stocks,
02:10 si vous voulez, notamment des collectionneurs.
02:12 Et enfin, il y a parfois,
02:14 même des militaires ont été arrêtés ces dernières années,
02:17 parfois comme étant à l'origine de la propagation
02:21 dans le milieu des stupéfiants d'armes de type fusil mitrailleur.
02:24 - Je lis qu'il peut y avoir aussi la possibilité de se "fournir" sur Internet,
02:31 des ventes en ligne ?
02:33 - Absolument tout, vous savez que vous pouvez absolument tout procurer sur Internet.
02:38 Il y a l'Internet officiel, et puis derrière il y a le vaste et profond Darknet,
02:43 avec un certain nombre de commerçants qui n'ont pas pignon sur rue,
02:48 mais quand vous êtes un peu spécialisé, que vous avez le nez là-dedans,
02:52 il n'y a pas trop de difficultés pour procurer à des prix relativement bas des armes de guerre.
02:59 Après il faut aussi des munitions,
03:01 parce que ça ne sert à rien d'avoir une arme type Kalachnikov
03:03 si vous n'avez pas les munitions qui vont avec,
03:05 et ça c'est quelquefois un peu plus difficile.
03:07 Mais là on voit bien que chaque quartier aujourd'hui,
03:11 c'est un peu comme quand vous êtes un dealer établi,
03:13 quand vous êtes un trafiquant qui tient à son poste, à son pas de porte,
03:20 si je puis dire, vous devez avoir des armes de guerre.
03:23 Aujourd'hui c'est rentré dans les mœurs, dans les codes,
03:25 c'est-à-dire que si vous n'en avez pas,
03:27 vous ne montrez pas, surtout que vous n'en avez pas,
03:30 parce qu'il n'y a pas seulement la notion,
03:32 comme autrefois d'avoir une arme longue quelque part à la cave, au cas où,
03:35 maintenant vous devez les montrer, vous les montrez sur les réseaux sociaux,
03:39 vous montrez que vous en êtes équipé,
03:41 pour en gros, c'est un message, c'est de la communication,
03:44 c'est un peu un message que vous envoyez à l'adversaire,
03:47 on lui dit "regardez, nous on en a, donc si tu approches, ça va servir".
03:50 Donc c'est quelque chose, c'est une arme qui en plus se montre aujourd'hui.
03:54 - Dans cette logique de guerre des territoires dont on parlait à l'instant à Frédéric Bloquin,
03:58 il y a aussi la présence de jeunes tueurs à gage,
04:02 un peu comme le profil des sicarios que l'on connaît au Mexique,
04:07 est-ce que c'est vraiment ça qui est en train de se dérouler dans certains quartiers en France ?
04:11 - Absolument, c'est pour ça que j'ai tendance à dire que la menace,
04:15 le trafic de stupéfiants est une menace et une nuisance qui sont aujourd'hui durables,
04:20 parce qu'elle s'inscrit de génération en génération, cette menace.
04:24 Ça fait à peu près 40 ans que dans ces quartiers, ça fait beaucoup 40 ans,
04:28 il y a du trafic de stupéfiants,
04:31 et vous avez tous les 10 ans une nouvelle génération qui monte,
04:35 qui est généralement, d'après les anciens, plus violente que la précédente.
04:39 Et aujourd'hui, la grande surprise, contrairement à ce qui se passait autrefois dans le grand manditisme français,
04:44 où ceux qui donnaient la mort étaient en général des personnes bien assises,
04:48 de 40-50 ans, dont les policiers savaient justement qu'ils allaient à un moment ou à un autre régler leur compte,
04:55 ont été ceux-là, ces anciens voyons, ont été remplacés par des individus qui...
05:00 Et ça trouble énormément les enquêtes de la police judiciaire, par des individus qui ont autour de 18 ans aujourd'hui,
05:07 donc il y a apparemment une espèce de floraison comme ça de jeunes, de très jeunes volontaires à aller au casse-pipe,
05:15 à aller régler des comptes moyennant une certaine somme d'argent,
05:20 donc à jouer effectivement les "sicarios" comme on dit en espagnol,
05:24 c'est-à-dire les tueurs à gage pour un petit billet,
05:27 et pour vous faire comprendre pourquoi c'est compliqué pour la police judiciaire,
05:32 c'est-à-dire qu'autrefois, cette PJ, à l'époque des grands voyous,
05:35 elle avait à peu près en portefeuille les 400-500 individus en photo,
05:39 qui étaient susceptibles de se livrer à ce genre d'actes,
05:43 alors qu'aujourd'hui, du jour au lendemain, vous avez des individus qui se portent volontaires,
05:48 et qui ne sont pas forcément issus du cru,
05:51 ils peuvent arriver de 300 ou 400 kilomètres,
05:54 donc ils sont difficiles à pister, difficiles à retrouver,
05:57 on ne les connaît pas, ils ne sont pas dans les fichiers,
06:00 et on a effectivement des délinquants très jeunes, sans passé criminel,
06:04 qui sont aujourd'hui capables de devenir, pour une certaine somme, des tueurs.
06:10 - Vous disiez cette espèce d'impuissance de la police judiciaire classique face à ce phénomène,
06:18 pardonnez-moi si je vous dis qu'on a un peu le sentiment d'une guerre perdue d'avance, Frédéric Lequin.
06:23 - Écoutez, les policiers spécialisés essayent de ne pas se dire ça tous les matins,
06:29 mais ils y pensent forcément, mais en même temps, je peux vous dire qu'ils y vont quand même,
06:35 qu'ils y vont quand même au charbon,
06:37 parce qu'on peut se demander si la guerre, je disais tout à l'heure,
06:41 si la menace était durablement installée,
06:44 mais si effectivement vous ne faites rien,
06:47 si vous vous dites "bon, je vais démanteler ce point de deal,
06:50 je suis sûr qu'il y en a un qui va se mettre en place dans les 10 jours à 200 mètres de là,
06:55 donc je n'y vais pas", là pour le coup c'est la grande démission.
06:58 On n'en est pas là du tout, mais effectivement, il y a un tel réservoir de clientèle,
07:03 il y a une telle abondance de produits aujourd'hui sur le marché,
07:06 parce que les pays producteurs ne manquent absolument pas de marchandises.
07:09 D'ailleurs on le voit, les prix au détail n'ont absolument pas augmenté,
07:15 ils stagnent, ils sont toujours aux mêmes prix,
07:17 ce qui signifie que le produit est disponible, qu'en face vous avez du monde qui est prêt.
07:22 Donc on peut dire que si la guerre n'est pas perdue,
07:25 il faut en tout cas la mener chaque jour avec la même détermination quand on est policier.
07:30 - Merci Frédéric Bloquin, je rappelle que vous êtes spécialiste du grand banditisme,
07:34 journaliste d'investigation également, auteur de "Jacky le Mat",
07:37 le parrain, le showbiz et les politiques, livre co-écrit avec Christine Imbert,
07:42 c'est publié aux éditions Plon, et je signale également...
07:44 - La veuve de Jackie le Mat.
07:46 - Voilà c'est ça, je signale également à nos auditeurs que votre prochain documentaire
07:50 sur la drogue en France sera diffusé le 19 septembre prochain sur France 2, c'est bien ça ?
07:54 - Absolument, merci beaucoup, bonne journée à vous.

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