Julia Faure, co-présidente du mouvement Impact France, demande de "mettre fin aux suppressions d’impôts aveugles et à la prime au vice"

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Impact France est unréseau d'entrepreneurs voulant promulguer des objectifs sociaux et environnementaux. Sa co-présidente, Julia Faure, est l'invitée éco de franceinfo mardi 29/08.
Transcript
00:00 Bonsoir à toutes et à tous, il n'y a pas que le MEDEF qui fait sa rentrée du côté des organisations patronales,
00:05 mais aussi le mouvement Impact France qui rassemble des chefs d'entreprise réunis sur un certain nombre de valeurs et d'objectifs à la fois sociaux, environnementaux.
00:15 Mouvement que vous co-présidez, Julia Faure, bonsoir.
00:18 Bonsoir.
00:19 Vous êtes la fondatrice de L'UME, marque de vêtements durables.
00:22 Hier à l'université d'été du MEDEF, son nouveau président Patrick Martin a regretté le ralentissement de la baisse des impôts de production qui a été annoncé par le gouvernement d'Elisabeth Borne.
00:33 Ce ne sera pas 4 milliards d'un coup, de baisse d'un coup l'an prochain, mais en plusieurs fois d'ici 2027.
00:39 Est-ce que vous aussi, vous déplorez ce ralentissement ?
00:42 Non, moi ce que je déplore c'est qu'il y ait des réductions d'impôts ou des suppressions d'impôts qui soient aveugles,
00:48 c'est-à-dire qui ne discriminent pas les entreprises qui font du bien à la société et celles pour qui ça n'importe pas vraiment.
00:54 Nous ce qu'on préférait au mouvement Impact France c'est qu'il y ait justement une réduction d'impôts pour les entreprises qui font la preuve qu'elles font leur transition écologique,
01:02 qu'elles partagent finalement leur richesse avec leurs salariés ou avec en général les personnes qui en ont le plus besoin,
01:07 que ces entreprises-là donc qui font la preuve qu'elles ont un impact social et écologique positif pour notre société,
01:13 qu'elles puissent bénéficier des réductions d'impôts, mais que les autres, il n'y a aucune raison en fait d'encourager,
01:18 de soutenir le modèle économique des entreprises qui ne participent pas de l'intérêt général.
01:22 Mais sauf que vous savez que la conditionnalité des aides c'est absolument tabou du côté de l'exécutif,
01:27 il ne veut pas en entendre parler et les entreprises dans leur grande majorité non plus.
01:31 Je ne vois pas comment arriver à favoriser certains modèles d'entreprises qui sont bénéfiques pour notre société par rapport à d'autres
01:40 si on n'utilise pas tous les outils qui sont à notre disposition et dont la conditionnalité des aides font partie.
01:46 Et il faut savoir que c'est peu cher payé cette conditionnalité des aides pour les entreprises engagées, pour les entreprises à impact.
01:52 Parce que déjà on souffre de quelque chose qui s'appelle la primovice, c'est-à-dire l'avantage compétitif à mal faire.
01:57 Je vous donne un exemple, dans le secteur textile, ce t-shirt, je le produis au Portugal, il est en coton bio, il coûte 12 euros à produire.
02:03 Si je décide de produire exactement le même t-shirt au Bangladesh, il va me coûter entre 2 et 4 euros.
02:09 C'est-à-dire que si je décide de délocaliser ma production dans des pays qui sont moins disants, socialement et écologiquement,
02:13 je vais payer moins cher, je vais être plus compétitive.
02:16 Donc c'est ça la loi du marché, c'est la primovice, c'est le minimum que l'État introduise de l'éco-socioconditionalité
02:23 afin de compenser cette loi du marché qui est profondément injuste et qui favorise les modèles économiques les plus délétères.
02:29 Et donc vous voulez d'un côté une conditionnalité des aides, et de l'autre vous voulez également une incitation à être plus vertueux,
02:37 que ce soit socialement, d'un point de vue environnemental aussi, et en ce qui concerne le partage de la richesse.
02:44 Oui, en fait cette conditionnalité c'est une première incitation.
02:47 Si on se rend compte qu'une entreprise, là pour l'instant, si on lui dit de toute manière on va supprimer les impôts de production,
02:53 elle n'a aucun intérêt à faire mieux, à augmenter les bas salaires, à redistribuer mieux la richesse, à produire de manière plus écologique.
03:00 Alors que si on lui dit, ça sera conditionné si tu, par exemple, si les salaires les plus bas de ton entreprise sont augmentés de X euros,
03:07 et cette somme étant prélevée sur les dividendes ou les bénéfices, alors là il y a un intérêt...
03:13 C'est ça, il y a un intérêt à être plus vertueux.
03:17 Il faut qu'il y ait un intérêt économique à ça. Actuellement, l'intérêt économique à être plus vertueux, il n'est pas évident à trouver, voire c'est un désavantage.
03:23 Est-ce qu'il existe ? Est-ce qu'il y a des incitations à être plus vertueux ? Est-ce que dans l'accès au marché public,
03:30 est-ce qu'il y a des choses qui existent, des critères de sélection qui favorisent le progrès social, environnemental ?
03:39 Alors, à ma connaissance, pas ou peu.
03:41 Alors, il y a certaines conditions favorables qui sont réservées à certains statuts de type d'entreprise, et ça c'est admirable.
03:49 Mais maintenant...
03:49 Exemple ?
03:50 Je pense qu'il y a...
03:51 Sur l'économie sociale et solidaire ?
03:52 Sur l'économie sociale et solidaire. Donc ça c'est super, c'est des conditions un peu favorables pour les pionniers du social et de l'écologie.
03:58 Maintenant, ce qu'il faut, c'est entraîner l'immense majorité des entreprises qui ne sont pas statutairement engagées,
04:05 pour les orienter vers du mieux, vers du plus social et du plus écologique.
04:09 Alors, c'est ce que font les salariés, maintenant, qui veulent s'engager.
04:14 On voit des jeunes ingénieurs qui sortent des écoles, des ingénieurs des écoles de commerce,
04:18 qui disent qu'ils ne veulent plus aller travailler dans des entreprises polluantes, par exemple.
04:22 Donc ça, vous en bénéficiez quand même.
04:24 Oui, ça on en bénéficie. Je pense qu'on bénéficie quand même de choses, effectivement.
04:26 Et le consommateur aussi fait ce tri-là ?
04:28 Le consommateur, jusqu'à un certain point.
04:30 Par exemple, tant qu'on a les moyens, on se permet l'éthique.
04:34 Mais dès qu'il commence à y avoir de l'inflation et que le portefeuille commence à se réduire, c'est plus compliqué de se permettre l'éthique.
04:41 Et il faut savoir que, quand même, cette primovise dont je parlais, elle induit des différences de prix extrêmement fortes.
04:47 Ce que je vous disais sur le prix entre produire au Portugal et produire au Bangladesh, c'est de l'ordre de x3.
04:52 Un 10.
04:53 Oui, ça peut aller jusque-là. Donc il y a un vrai moment où, oui certes, ça permet de dire quelque chose,
04:58 en tout cas de raconter une histoire au consommateur qui permettra d'attirer les plus engagés,
05:02 mais c'est très faible par rapport à la distorsion-concurrence qui consiste à mal faire.
05:07 Alors, on voit quand même dans la préparation du budget 2024 que le gouvernement veut mettre fin à un certain nombre de niches fiscales dites "brunes",
05:15 et notamment la suppression progressive de l'avantage sur le gazole non routier. Ça, c'est une avancée.
05:21 Alors, effectivement, de toute manière, c'est une bonne idée d'encourager les entreprises qui font mieux
05:27 ou d'encourager les entreprises qui se mettent sur le trajet de la transition,
05:30 mais ça, on ne veut pas que ça se fasse au dépend du budget de l'État.
05:33 On ne veut pas que nos entreprises soient encouragées et que ça induise la fermeture de lits d'hôpitaux ou moins de budget pour les écoles.
05:38 Ce qu'il faut, c'est quand même équilibrer le budget.
05:40 Donc, la manière d'équilibrer les budgets, c'est faire du bonus pour les gens qui font bien et du malus pour les gens qui font mal.
05:46 Parce que ce qu'on ne veut pas, à la fin, c'est que tout le monde ait des réductions d'impôts et qu'à la fin, il n'y ait plus d'argent pour le service public.
05:52 Alors, concernant le partage de la richesse, on a vu l'intersyndicale qui demande aux entreprises de s'engager sur des hausses de salaires.
06:00 Il y a une journée d'action de l'intersyndicale qui est d'ailleurs prévue le 13 octobre.
06:05 Quelle est votre position, vous, au mouvement Impact France concernant la hausse des salaires ?
06:09 Alors, effectivement, il y a quelque chose d'un petit peu absurde de voir que le CAC 40 a fait des bénéfices records alors que l'inflation n'a jamais été aussi hausse.
06:17 Ça veut dire que vraiment, les gens perdent du pouvoir d'achat et qu'il y a une partie, en tout cas, du monde qui capte cette richesse.
06:24 Il y a un problème de redistribution de cette richesse.
06:26 Et on pourrait se poser la question de se dire "Est-ce que c'est une bonne idée d'augmenter les salaires ? Est-ce qu'actuellement, les gens ont besoin qu'on augmente leur salaire ?"
06:34 Globalement, oui. La vie leur coûte entre 10 et 30% plus cher qu'il y a un an.
06:39 Donc, c'est très important d'augmenter les salaires. C'est très important d'augmenter en particulier les bas salaires ou en particulier les salaires des personnes...
06:46 Il y a des échelles de salaires à respecter dans les entreprises au sein du mouvement Impact France, sur les écarts de salaires.
06:53 Oui, mais limite, ça c'est encore un autre débat. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que là, il y a de la richesse qui est produite, elle n'est pas redistribuée.
06:59 Donc, il faut qu'elle soit redistribuée. Il faut qu'en priorité, elle aille aux personnes qui sont le plus dans le besoin.
07:04 Donc, nous... Attends, je vous donne l'exemple chez nous. Nous, tant qu'on est rentable, on a indexé les salaires des salariés sur l'inflation.
07:12 C'est une manière de faire en sorte qu'il n'y ait pas de perte de pouvoir d'achat d'une année à l'autre.
07:16 Et je pense que les entreprises, tant qu'elles le peuvent, si ça ne met pas en péril leur modèle économique, il faut bien sûr augmenter les salaires. En tout cas, les salaires les plus bas.
07:26 Et ça, c'est quelque chose que vous allez prôner demain aux universités d'été du mouvement Impact France ?
07:32 Je crois que ça fait partie de notre ADN, cette question du partage de la richesse. Ça fait partie de notre ADN, ça fait partie...
07:38 Une économie qu'on veut juste, une économie qu'on veut au service de l'intérêt général, elle doit redistribuer la richesse.
07:43 C'est pas possible que la pauvreté augmente en France et que le CAC 40 fasse des bénéfices records. C'est indigne, en fait.
07:49 Ça veut dire qu'on a une économie qui ne marche pas. Ça veut dire qu'elle sert les plus puissants et les plus riches, mais elle n'est pas au service de l'intérêt général.
07:55 Merci beaucoup Julia Faure, fondatrice de l'UM, coprésidente du mouvement Impact France, qui tient donc demain ses universités d'été à la Cité Universitaire de Paris.
08:03 Ce sera également en ligne. Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.
08:07 Merci beaucoup.

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