L'interview d'actualité - Nicolas Chabanne et Lucie Basch

  • l’année dernière
Chroniqueuse : Julia Vignali 


Nicolas Chabanne et Lucie Basch sont deux entrepreneurs qui ne se résignent pas. Elle a créé la plateforme « Too good to go » et lui de « C'est qui le patron ? ». Reçus par Julia Vignali, il parle de leur nouvelle initiative pour sauver les agriculteurs français. 

Category

📺
TV
Transcript
00:00 Bonjour à tous les deux, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:03 Alors vous lancez tous les deux aujourd'hui un nouveau fonds pour venir en aide aux agriculteurs.
00:08 Évidemment, la question c'est concrètement, qu'est-ce que c'est ? A quoi va servir ce fonds ?
00:13 C'est un fonds qui, en urgence, parce que c'est très urgent, va s'occuper de tous ceux qui nous nourrissent tous les jours.
00:20 On est en train de prendre conscience, je crois tous, dans un contexte compliqué,
00:24 que ceux qui sont autour de chez nous, qui chaque matin se lèvent, bossent dur pour nourrir nos enfants et nous nourrir,
00:30 on découvre qu'ils ont du mal à eux-mêmes survivre.
00:34 Il y a des chiffres qui sont édifiants concernant les agriculteurs, rappelez-nous.
00:37 Oui, on avait 2 300 000 producteurs en 1950, on est à moins de 400 000.
00:43 27 fermes, chaque jour, mettent la clé sous la porte.
00:47 Et puis le salaire des agriculteurs, il faut en parler aussi. Je crois que la moyenne est vraiment très basse.
00:53 - 350 euros par mois ? - Moins de 400 euros. La photo, elle est simple.
00:57 Les gens qui nous nourrissent n'arrivent plus à survivre.
01:00 Si demain, ils disparaissent à ce rythme, comment on va faire, nous, pour trouver de la nourriture proche de chez nous ?
01:06 Si on attend qu'elle vienne du bout du monde dans le contexte actuel, ça risque d'être un peu compliqué.
01:10 Voilà comment. Et Lucie a rejoint ce mouvement.
01:14 On copréside ce fonds, le fonds de soutien aux producteurs.
01:18 C'est un patrimoine unique, il faut qu'on le préserve et on est en train de tout faire pour y arriver.
01:23 Lucie, qui va financer ce fonds ? D'où vienne justement cet argent qui va aider les agriculteurs ?
01:28 L'idée, c'est de réunir un maximum de monde dans le fonds de soutien aux producteurs.
01:33 Nicolas l'a dit, en fait, on ne veut plus accepter ça.
01:35 Et donc, qu'on soit citoyens, consommateurs, entrepreneurs, entreprises, qu'on ait envie de devenir mécènes,
01:40 qu'on ait envie d'aller rencontrer nos producteurs.
01:42 L'idée, c'est de coordonner nos actions et autour de 2 grandes verticales pour le fonds.
01:47 D'abord, les aides d'urgence. En fait, comme Nicolas le disait, il faut qu'ils puissent se nourrir au quotidien,
01:52 il faut qu'ils puissent continuer à vivre nos agriculteurs.
01:54 Donc ça, c'est des aides personnelles aux agriculteurs ?
01:56 Tout à fait, ça peut être des aides d'urgence, des pré-attos zéro.
01:59 Il y a un tracteur qui tombe en panne.
02:02 Comment est-ce que, en fait, certains n'ont juste pas l'argent pour le réparer
02:05 et derrière, c'est toute l'exploitation qui va être en péril.
02:08 Le deuxième gros fonds, c'est on sait que notre agriculture a besoin de transitionner
02:12 vers une agriculture plus durable. Il y a la planète aussi qui a besoin de nous.
02:16 Et donc, la deuxième verticale, c'est vraiment une aide à la transition
02:19 pour permettre de prendre soin de notre biodiversité et de notre planète.
02:22 Et dites-moi, comment vous allez procéder concrètement pour distribuer cet argent ?
02:26 Parce que les fonds, ils vont venir d'où, en fait ?
02:28 Ils vont venir peut-être potentiellement de nous, les consommateurs,
02:31 mais aussi, j'imagine, des gens qui ont beaucoup plus d'argent que nous, non ?
02:33 Tout à fait. L'idée, c'est de combiner tout ça.
02:36 Il y a déjà des fonds qui ont été ramenés dans le fonds de soutien aux producteurs.
02:40 C'est qu'ils pâteront aussi vers une partie de son bénéfice.
02:43 Et l'idée, c'est de se dire comment est-ce qu'on réunit un maximum de monde
02:47 pour financer des projets qui vont nous permettre à la fois de soutenir
02:50 nos agriculteurs et, lui, de transitionner.
02:52 Ça, c'est important de le dire.
02:53 Ce n'est pas simplement le monde agroalimentaire qui finance.
02:56 Il y a eu beaucoup, là. Il y a eu plus d'un million d'euros déjà rassemblés.
02:59 Mais vous vendez, je ne sais pas, des ordinateurs.
03:02 Si à un moment donné, ceux qui achètent des ordinateurs ont du mal à se nourrir,
03:05 ça va être très relatif de se poser la question de savoir si on achète ou pas un ordinateur.
03:09 Donc l'ensemble du monde économique dépend d'une chose,
03:13 que chaque matin, à midi et le soir, on puisse se nourrir.
03:16 Les produits sont autour de chez nous. C'est un patrimoine précieux.
03:20 Il faut protéger les producteurs. Ils le méritent. Ils bossent dur.
03:23 Il faut que dans les années à venir, on ne nous dise pas, les enfants,
03:27 mais il y a 10 ans, vous n'avez pas protégé ceux qui nous nourrissaient ?
03:30 Vous les laissiez à 400 ?
03:31 Protéger, il y a deux axes.
03:32 Protéger, c'est leur donner les moyens de survivre,
03:34 mais aussi les moyens d'évoluer vers une agriculture, c'est ça,
03:37 plus moderne et plus durable.
03:39 Vers un système alimentaire à la fois plus juste et plus durable.
03:43 Et comment vous allez les choisir, ces agriculteurs ?
03:46 Vous allez faire un tour de France, il paraît.
03:48 Exactement. L'idée, c'est déjà de poser un peu l'état des lieux.
03:50 Il y a énormément d'acteurs qui font déjà des choses pour les producteurs.
03:54 On est en contact aussi avec énormément de producteurs.
03:56 Là, dans quelques semaines, il y a le salon international de l'agriculture aussi.
03:59 Et pour la première fois, on sera présent.
04:02 Donc n'hésitez pas à venir nous voir là-bas aussi.
04:04 Parler avec l'ensemble de l'écosystème, de comprendre où on en est aujourd'hui
04:08 pour vraiment aller mettre des actions pertinentes en place.
04:10 Et l'idée, c'est de faire les choses les uns avec les autres.
04:13 La grande nouveauté, vous le disiez, c'est que ce fonds,
04:16 ce n'est pas juste un fonds dans un coin de l'histoire.
04:18 Nous, Consomater et Citoyens, on a une capacité dans nos régions
04:22 à faire remonter une information.
04:24 J'ai mon voisin, je le vois, il bosse tous les jours.
04:27 Il ne s'en sort pas.
04:28 Il y a une pudeur chez les producteurs qui fait que dans l'anonymat d'une soirée,
04:31 ils s'arrêtent sans le dire à personne.
04:33 On les voit rarement manifester.
04:34 Donc ça, ce n'est plus possible.
04:36 – Oui, parce qu'hier, ils étaient 2000 agriculteurs justement
04:38 qui dénonçaient, entre autres, les mesures contraignantes du gouvernement.
04:41 Et ce qu'ils reprochent, notamment au gouvernement,
04:44 c'est justement l'interdiction de certains pesticides,
04:46 sans proposition par ailleurs d'alternative.
04:48 Et si votre fonds les aide à transiter vers le durable,
04:52 est-ce que ça, ça peut les sauver ?
04:53 – Oui, bien sûr.
04:54 Il faut que les consommateurs, qui sont les acheteurs,
04:57 à la fin de l'histoire, donc c'est très important,
04:59 notre rôle de consommateur, écoute, comprennent.
05:02 À part vous qui peut-être le savez, nous un peu.
05:05 Est-ce qu'on connaît vraiment la problématique
05:07 de ces producteurs qui étaient là hier à Paris ?
05:09 Ils ont pris une journée, ils sont venus.
05:11 Il y a des bonnes raisons à cette détresse lorsqu'elle s'exprime.
05:16 Ça, si on arrive, et c'est ce qu'on va faire,
05:18 on l'a fait depuis 6 ans avec Céquille Patron,
05:21 mais on peut le généraliser.
05:22 Si les consommateurs se connectent aux producteurs,
05:25 ce rendez-vous-là, personne ne se mettra en travers.
05:28 On a un rôle à jouer dans toutes les régions.
05:30 Allez sur le site "Fonds de soutien aux producteurs".
05:33 C'est le site que vous lanciez ce matin, c'est bien ça ?
05:35 Il est là pour tout le monde.
05:36 Inscrivez-vous, dites "je suis dans telle région,
05:38 si à un moment donné je peux être utile en relais
05:41 pour adosser, épauler un producteur",
05:43 et nous de notre côté, on va trouver des moyens financiers
05:46 et des moyens d'agir pour les aider.
05:48 Vous espérez récolter beaucoup d'argent ?
05:49 Il en faut beaucoup pour sauver les agriculteurs ?
05:51 Il en faut beaucoup, mais il faut aussi échanger les uns les autres.
05:55 Moi je l'ai vu beaucoup avec le sujet du gaspillage alimentaire.
05:57 Aujourd'hui on est trop déconnectés.
05:59 La fourche et la fourchette sont trop loin les uns des autres.
06:01 Effectivement les deux mondes ne se comprennent plus.
06:03 Et l'alimentation, on a un tel impact sur la santé,
06:07 sur l'environnement, sur le bonheur au quotidien.
06:10 Et aujourd'hui ce monde est en rupture et il faut le réconcilier.
06:14 Donc c'est à la fois aller chercher de l'argent,
06:16 aller comprendre les initiatives, créer de nouvelles initiatives
06:19 pour nous permettre à tous d'être fiers de ce qu'on mange au quotidien
06:22 et fiers d'agriculteurs.
06:23 Vous pensez qu'il y a un risque que dans les années qui viennent,
06:25 on ne réagit pas, on ne mange plus que des produits importés,
06:28 qu'il n'y ait plus d'agriculteurs en France ?
06:29 On va le dire très clairement, sans être palarmiste,
06:31 si on ne bouge pas, on a perdu 100 000 exploitations en moins de 10 ans.
06:36 Il faut se rendre compte du chiffre.
06:37 Si on ne bouge pas, si ceux qui nous nourrissent ne gagnent pas leur vie,
06:40 évidemment ils vont s'arrêter, les jeunes ne reprennent pas,
06:42 on va manquer d'une nourriture proche de chez nous
06:45 et quand elle viendra du bout du monde,
06:46 on ne saura absolument pas comment elle a été faite
06:48 et notre patrimoine direct se sera perdu.
06:51 Ça se joue maintenant, ça s'appelle le Fonds de soutien aux producteurs
06:54 et merci à des gens comme Lucie, il faut que tous les acteurs économiques,
06:57 les entrepreneurs, les sociétés qui défendent ce monde économique,
07:01 qui dépend du fait qu'on se nourrisse tous les jours,
07:04 s'intéressent à ce sujet.
07:05 C'est peut-être la plus grande des priorités
07:08 et on peut faire beaucoup tous ensemble.
07:10 Le bien manger.
07:11 Merci beaucoup d'avoir témoigné ce matin sur le plateau Télématin.
07:14 Merci Lucie Bach et Nicolas Chaban.

Recommandée