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"Soyez réalistes, demandez l'impossible" film de Michelle Monory, Gildas Nivet et Tristan Guerlotté, produit par Grenouilles Productions et le Futuroscope raconte la vie extra-ordinaire de l'homme d'Etat qu'était René Monory.
Transcription
00:00 [Musique]
00:27 J'aimerais, si mes mots y parviennent, transmettre à mon tour à quelques jeunes intrépides
00:32 l'envie de descendre dans l'arène publique.
00:35 J'aimerais leur dire "Allez-y, imposez votre regard, votre sang, votre rêve."
00:40 Soyez enthousiastes, têtu, opiniâtres, ayez des convictions et faites leur confiance.
00:46 Mais surtout, n'aimez pas trop le pouvoir.
00:49 Je ne crois pas aux héritiers, mais aux hommes qui s'inventent.
00:53 Lorsqu'on est formaté pour faire un bon mécanicien, comment devient-on ministre,
00:58 président du comité intérimaire du FMI, président du Sénat et patron d'un département,
01:03 placé dans le peloton de tête des territoires français ?
01:07 [Musique]
01:10 L'affaire de mon père a commencé par un modeste atelier de mécanique.
01:14 Mes parents travaillaient dur, mes vacances étaient laborieuses.
01:17 J'enfilais dès le premier jour un petit bloc de travail pour participer aux tâches de l'atelier.
01:22 Je me passionnais pour ce métier de la mécanique qui, dans mon esprit, devenait un but.
01:27 Diplôme en poche, je retrouvais l'atelier et mon père si fiers
01:31 de me voir enfiler la salopette bleue pour travailler à ses côtés.
01:35 Il y eut un bel été, puis...
01:38 les armées du Reich pénétrèrent en Pologne et se fut la guerre.
01:43 [Musique]
01:50 Je revois ma mère préparer tristement le bagage du père,
01:53 soumis, comme les autres, à la mobilisation générale.
01:57 [Musique]
02:01 J'avais 16 ans, seul à travailler avec deux apprentis, étonnés de ce vide soudain.
02:06 Nous devions nous débonner pour que continue à rouler les voitures des professions nécessaires à la survie.
02:11 [Musique]
02:13 L'essence manquait.
02:15 Je sortis de la casse une vieille fourgonnette Rosengart
02:18 et me mis en tête de la transformer en voiture électrique.
02:21 Cette camionnette réussit à parcourir 200 mètres aller-retour avant d'expirer tout à fait.
02:26 Elle venait de faire la preuve que j'avais eu raison de rêver.
02:30 Pour pallier à la pénurie d'essence, on triturait les voitures
02:34 et on les équipait en bonbonnes de gazogène.
02:37 Nous partions en bicyclette, réparer les véhicules
02:40 avec les températures sibériques de l'hiver 1942.
02:44 Mais le laitier pouvait livrer les fermes et le médecin visitait les malades.
02:48 Je crois que j'en étais fier.
02:51 Et parce que la vie continuait coûte que coûte, on faisait des rencontres.
02:55 Un dimanche, je revis la jeune fille que je vais accompagner comme garçon d'honneur,
02:59 trois ans plus tôt.
03:01 Elle devint mon épouse.
03:03 [Musique]
03:05 Fin 1944, je m'engageais pour trois ans dans l'aviation.
03:09 Je n'avais jamais vu les bottes du moindre Allemand, ni les ailes d'un seul avion.
03:14 La discipline de l'armée me pesait.
03:17 Je fus promu grand réparateur de tous les vélos d'officiers du camp de Faye.
03:21 Ayant décroché 24 heures de liberté,
03:24 j'en profitais pour filer à Loudun voir Suzanne.
03:27 Nous sommes restés quatre jours ensemble.
03:30 À mon retour à la caserne, j'étais porté déserteur.
03:33 Prétextant l'achat de pièces de vélo à Châtellerault pour excuser mon retard,
03:37 j'ai ainsi évité le cachot.
03:40 [Cris de la foule]
03:45 La paix revenu, l'industrie automobile connut encore des années de pénuries.
03:50 Mon projet était simple.
03:52 Puisque l'on manquait de voitures, j'allais investir mes quelques économies
03:55 dans l'achat d'un véhicule d'occasion.
03:57 J'étais pas mauvais lorsque je voulais convaincre.
04:00 Le patron d'un gros garage d'Alésia me s'édaille Rosalie.
04:03 Elle serait la première d'une longue série.
04:05 Arrivé à la maison, je me plongeais dans le moteur,
04:08 remplaçant les pièces défectueuses.
04:10 Suzanne lavait et reprisait les housses des sièges.
04:13 J'ai vendu ma première Rosalie à un habitant de Loudun
04:15 qui l'a conservée pendant des années.
04:17 Le mouvement était amorcé.
04:19 Cette année-là, j'ai dû convoyer une centaine de voitures,
04:22 seules au volant, et j'ai échafaudé des plans d'avenir.
04:26 En 1953, l'entreprise familiale devint concessionnaire de Peugeot,
04:31 ce qui renforça sa réputation.
04:33 En dehors des voitures, nous vendions des tracteurs et des machines agricoles.
04:37 Je n'étais que l'ancien apprenti devenu patron,
04:40 gardant les réflexes de l'artisan qui doit faire face à ses échéances,
04:44 développer son affaire et veiller au bon équilibre du personnel.
04:48 Nous fûmes la connaissance d'un couple de profession libérale.
04:51 Leurs moyens étaient bien supérieurs aux nôtres.
04:53 Ils allaient régulièrement au sport d'hiver où ils nous entraînèrent.
04:57 De quoi parlions-nous au cours de ces longues veillées ?
04:59 De tout ce qui nous entourait.
05:01 De la vie locale, du développement de notre petite ville, de sa gestion.
05:05 Parler de ces choses, c'était aussi avoir envie d'agir sur elles.
05:09 L'idée fit son chemin jusqu'à ce que l'on envisage,
05:12 pour les élections de 1953,
05:14 une liste municipale s'imposant aux maires sortants.
05:17 A Loudun, dans les années d'après-guerre,
05:21 une telle idée relevait d'une certaine hardiesse.
05:24 Pour dire la vérité, un petit crime de laisse bourgeoisie
05:27 dans une cité gérée traditionnellement par des notables.
05:30 L'affaire prit un tour sérieux.
05:32 Nous avions dix élus. Mon nom fut le dernier.
05:35 Mais j'étais enfin à la mairie.
05:37 Ce fut mon premier pas dans la vie politique.
05:40 J'étais devenu membre de l'union commerciale
05:42 et j'étais chargé d'organiser les fêtes et la foire-exposition.
05:45 Mes responsabilités m'obligeaient à prendre la parole
05:48 et à me frotter à l'opinion.
05:50 En 1959, maire d'une petite ville mais aussi chef d'entreprise,
05:56 il me fallait organiser le développement de Loudun
05:58 en le faisant reposer sur la croissance industrielle.
06:01 Les deux premières années, j'empruntais 2 millions de francs.
06:04 L'utilisation que je fis de cet argent donna quelques inquiétudes
06:07 au ministère des Finances comme à celui de l'intérieur.
06:10 La municipalité construisait des usines
06:12 et les revendait sur 12 ans aux industriels désireux de s'installer chez nous.
06:16 J'ai dû parcourir près de 30 000 kilomètres à leur recherche
06:19 et j'ai réussi, en cinq ans, à créer 500 emplois.
06:23 Créer des emplois, c'est aussi loger des gens.
06:27 En 20 ans, nous avons construit 1800 logements.
06:30 Si nous voulons une autre société plus libre et plus responsable,
06:35 il faut cesser de considérer que la situation professionnelle
06:38 est seule déterminante dans la vie sociale.
06:40 Deux mois après avoir été élu maire de Loudun,
06:45 la Fédération des villes jumelées m'a écrit.
06:48 Sans même consulter le conseil municipal,
06:50 je portais Loudun candidate à un jumelage.
06:53 J'avais l'intuition qu'une telle initiative nous enrichirait
06:56 et permettrait à Loudun, comme elle l'avait fait au XVIe siècle,
06:59 de rompre son isolement.
07:01 En 1965, à Saint-Pétersbourg, par soutien politique aux Palestiniens,
07:06 les Russes décidèrent de ne pas accorder de visa aux maires israéliens,
07:10 membres de la Fédération.
07:12 Nous avons organisé une conférence de presse
07:14 et menacé de quitter la ville.
07:16 Les Russes ont cédé.
07:17 Pendant deux jours, élus palestiniens et israéliens
07:20 se sont côtoyés dans la même salle de conférence.
07:23 Le maire de Ouagadougou, rencontré à Saint-Pétersbourg,
07:26 partageait avec moi le souci d'ouvrir nos villes sur le monde
07:29 et de travailler à la paix par le renforcement de la connaissance entre les peuples.
07:33 Les Loudunais ont réagi à merveille.
07:35 Depuis 1965, ils ont voyagé dans le pays
07:38 et mis tout leur cœur à découvrir le Burkina Faso,
07:41 pays des hommes fiers, avec ses espoirs et ses difficultés.
07:45 Depuis 40 ans, les Burkinabés vivent en permanence à Loudun,
07:50 où nous les invitons à venir se former au métier du bâtiment,
07:53 de la mécanique et de l'administration municipale.
07:56 Je crois que c'est en partageant la salle de bain avec lui
07:59 qu'on accepte l'étranger.
08:01 Plus qu'hier, il me semble qu'aujourd'hui,
08:04 la découverte d'autres cultures est une façon efficace
08:07 de lutter contre le sourd poison du racisme.
08:09 Je payais alors mes voyages sur ma cassette personnelle.
08:12 Peu de place pour le tourisme dans ces voyages-là.
08:15 Les vieilles pierres ne m'intéressent pas.
08:17 Seul, l'avenir me passionne.
08:19 En 10 ans, la Vienne est ainsi passée de 4 à 15 jumelages
08:23 avec le Burkina Faso.
08:25 Le rapport de force est un réflexe intime
08:29 dans tous les domaines de ma vie.
08:31 Ma fille Michelle en garde un souvenir d'enfance précis.
08:34 À 7 ans, terrorisée par l'eau,
08:36 elle refusait depuis plusieurs étés de traverser seul le bassin
08:39 en dépit de tous les cours que je lui avais fait donner.
08:42 Pour qu'elle dépasse sa peur,
08:44 j'ai décidé qu'elle serait championne de natation.
08:46 Et pour la suivre dans ses entraînements,
08:48 stimuler ses longueurs, la houspiller si besoin,
08:51 je devenais chronométreur international.
08:53 Je crois qu'elle me détestait pour cela,
08:56 mais elle a fini championne de France à 14 ans.
08:59 Un jour,
09:01 Michelle, qui n'avait pas sa langue dans sa poche,
09:03 me fit une scène.
09:04 De quel droit pouvais-je exiger d'elle ses efforts
09:07 alors que je ne savais pas nager moi-même ?
09:09 Dès le lendemain,
09:10 je décidai de prendre mon premier cours de natation
09:12 à 6 heures du matin.
09:14 Michelle était sur le bord de la piscine
09:15 pour se moquer de son père et de ses bourrées ridicules.
09:18 La voyant, j'ai enlevé mes flotteurs,
09:20 et j'ai traversé tant bien que mal le bassin.
09:22 J'étais en quitte.
09:24 Elle a hérité de ma détermination.
09:26 Comme moi,
09:27 elle considère qu'il faut tout faire
09:28 pour obtenir ce que l'on désire.
09:30 Les obstacles font partie du jeu.
09:32 En 1968,
09:36 je décide de me présenter au Sénat
09:38 et je m'inscris au groupe centriste.
09:40 J'obtiens de justesse une place à la commission des finances.
09:44 Où avez-vous appris l'économie ?
09:46 Je n'ai jamais lu de livres d'économie,
09:48 même ceux qui me pardonnent de Raymond Barr.
09:50 Si je connais les mécanismes qui régissent cette discipline,
09:53 c'est pour avoir participé à des réunions,
09:55 écouté, lu des journaux,
09:57 pratiqué l'économie dans ma vie de chef d'entreprise,
10:00 mais aussi de conseiller général et de sénateur.
10:03 J'ai surtout beaucoup retenu,
10:05 grâce à une mémoire qui me restitue à 5 ans de distance,
10:08 les événements, les chiffres et les propos tenus.
10:11 C'est ainsi que je n'ai jamais lu un discours,
10:13 sauf dans certaines réunions internationales
10:16 et je n'ai jamais utilisé de calculatrice.
10:19 Je suis reconnaissant à mes instituteurs d'autrefois
10:22 d'avoir développé cette faculté.
10:24 Quand on sait compter et retenir,
10:26 on peut faire de l'économie.
10:28 L'économie est fille du bon sens.
10:31 Les événements se précipitent
10:34 et un mercredi matin, je franchis la porte
10:36 du cabinet du Premier ministre Raymond Barr
10:38 qui m'annonce "J'ai préféré grouper deux ministères,
10:41 l'industrie d'une part, le commerce et l'artisanat de l'autre.
10:45 Compte tenu de vos origines, ce poste devrait mieux vous convenir.
10:48 Je demande naïvement,
10:50 "Quel délai de réflexion m'accordez-vous ?
10:52 3 minutes, le temps de sortir du bureau."
10:55 Il me semblait essentiel d'orienter notre appareil de production
10:58 vers les priorités nées des conséquences de la crise.
11:01 Dans cet esprit, je m'étais assigné des objectifs.
11:04 D'une part, la recherche de l'indépendance énergétique nationale
11:08 avec la mise en œuvre du programme nucléaire
11:11 et le développement d'énergies nouvelles
11:13 avec la création du commissariat à l'énergie solaire.
11:16 Pour payer son pétrole, la France subissait une hémorragie de richesses
11:20 qu'il faut juguler d'autant plus vite que la hausse du pétrole attise l'inflation.
11:24 D'autre part, le développement des technologies nouvelles,
11:27 seules susceptibles de maintenir notre pays
11:30 dans le peloton de tête des nations industrielles.
11:32 J'ajoutais aux efforts engagés par mon prédécesseur dans l'informatique
11:36 le lancement d'un plan axé sur la coopération
11:39 entre firmes françaises et américaines sur le sol français.
11:43 Je confirmais le lancement du programme européen Ariane
11:46 et celui de satellites spatiaux,
11:48 ainsi que le développement de techniques sous-marines.
11:51 J'ai à ce sujet un très bon souvenir.
11:54 Le jour où les plongeurs du Cnexo ont battu le record du monde
11:57 de profondeur à -450 m,
11:59 j'ai voulu les accompagner dans une capsule de plongée.
12:02 Cette proposition a surpris mes collaborateurs
12:05 car ils ignoraient que la pêche est une de mes distractions favorites
12:08 et que la contemplation des profondeurs ne pouvait me laisser indifférent.
12:12 Je me suis donc retrouvé à 500 m sous la mer.
12:16 Je me rendais bien compte que de la rue de Rivoli,
12:19 on pouvait effectuer des réformes auxquelles j'étais attaché.
12:22 Raymond Barr conserverait-il le portefeuille de l'économie
12:25 et s'il s'en dessaisissait, à qui le confierait-il ?
12:28 Son choix se porta sur moi,
12:30 ce qui dans l'opinion produisit un certain effet de surprise.
12:33 Je m'installais donc rue de Rivoli, dans le grand bureau,
12:36 celui qui est reconnu comme le plus important par tous les fonctionnaires.
12:40 Je voulais concentrer mes efforts sur un nombre réduit d'objectifs.
12:43 Le retour à la liberté des prix,
12:45 la modification des circuits financiers,
12:48 l'amélioration du financement des entreprises
12:51 et le développement des échanges internationaux.
12:54 Je prenais des risques en essayant de modifier d'anciennes habitudes.
12:57 Quand on en a la chance,
12:59 mieux vaut faire avancer les idées profondément ancrées en soi
13:02 et ne pas se tenter, par tous les moyens,
13:04 de faire durer le temps de ses responsabilités.
13:07 La France était portée depuis 30 ans
13:10 à remettre le destin de ses entreprises entre les mains de l'administration.
13:13 Il fallait lui donner des armes neuves
13:15 pour affronter les défis économiques de la crise,
13:18 ce qui nécessitait une transformation profonde de nos habitudes.
13:21 Seule une décentralisation totale
13:24 pouvait rendre à chaque agent économique
13:27 la possibilité de décider et d'entreprendre.
13:30 Il fallait rendre aux chefs d'entreprise
13:32 la responsabilité totale de leur gestion.
13:35 Le premier pas dans ce sens était la libération des prix.
13:38 En 1978, les prix industriels étaient libres
13:41 et la hausse des prix restait inférieure à 10%.
13:44 Ceci illustre l'inutilité d'un blocage des prix industriels
13:48 pour juguler une inflation qui a d'autres causes structurelles.
13:52 La crise consécutive à 30 ans de contrôle des prix
13:56 avait porté à un niveau de faiblesse sans précédent
13:59 les fonds propres des entreprises.
14:01 Il fallait investir.
14:03 Cette situation était d'autant plus paradoxale et préoccupante
14:06 que le taux d'épargne des ménages français
14:08 restait l'un des plus forts du monde.
14:10 Il était nécessaire d'orienter l'épargne vers les fonds propres
14:14 et les investissements productifs des entreprises.
14:17 Nous avons appliqué une politique générale
14:19 de réduction des déficits budgétaires
14:21 et de financement par l'emprunt.
14:23 La loi Monory permettait aux Français
14:25 de déduire l'acquisition d'un capital limité
14:28 de leur revenu déclaré de l'année.
14:30 Elle a démontré depuis son efficacité
14:33 puisqu'en trois ans, plus d'un million d'actionnaires nouveaux
14:36 sont attirés par la bourse.
14:38 C'est pour défendre cet acquis que j'ai créé Défense Épargne.
14:42 Mon élection à la présidence du comité intérimaire
14:47 du Fonds Monétaire International en 1980
14:49 est ma dernière fierté.
14:51 Après avoir été choisie par 40 ministres des Finances du monde entier
14:55 alors que je ne parlais pas un mot d'anglais
14:57 et que j'étais seulement connue par la loi sur l'épargne
15:00 ou la libération des prix, m'a épaté.
15:02 Mon ami Jean Chrétien me servait d'interprète
15:04 et je n'ai jamais su ce qu'il racontait précisément
15:06 à cet aéropage venu des cinq continents.
15:09 J'ai présidé des assemblées générales
15:11 auxquelles participaient tous les ministres de l'économie
15:13 et tous les gouvernements de banque centrale de la planète.
15:16 Mon rêve était de proposer à la Vienne
15:20 un projet aux antipodes de sa culture traditionnelle
15:23 pour peser durablement sur les mentalités.
15:25 L'auditoire m'a certainement pris pour un vieux fou,
15:28 un provocateur et un utopiste.
15:30 Tant mieux !
15:31 L'utopie m'est toujours apparue comme une source
15:33 dans laquelle la réalité vient puiser ses racines.
15:35 C'est exactement cette conviction qui m'a porté
15:39 lorsque j'ai engagé le Conseil Général
15:41 dans l'aventure du Futuroscope en 1982.
15:44 Des milliers d'heures et de kilomètres autour du monde
15:48 m'ont donné l'intuition que la société de demain
15:50 reposerait sur d'autres bases.
15:52 Le Futuroscope est né un peu de tout cela.
15:54 Regarder le monde, rencontrer les hommes
15:57 et vouloir découvrir les lignes de force
15:59 de ce qui fera notre avenir.
16:01 Je pensais qu'il fallait concevoir un parc intelligent,
16:04 un espace où coexisterait une dimension ludique,
16:07 mais aussi un espace de formation
16:10 et une zone d'activité économique.
16:12 Je me suis souvent senti l'âme d'un bâtisseur.
16:15 L'architecture devait générer ce choc
16:17 à la fois esthétique et culturel.
16:19 1000 hectares sont consacrés à l'ère d'activité technologique
16:23 ouverte aux entreprises centrées sur le futur.
16:26 Véritable défi architectural,
16:29 la Halle Technologique, le Centre de Congrès
16:32 et les salles de séminaire peuvent accueillir les professionnels.
16:35 Le téléport est une zone de télécommunication
16:38 qui permet l'émission et la réception de messages
16:41 directement par satellite.
16:43 Une tour sert de support aux antennes dirigées
16:46 vers les orbites géostationnaires.
16:48 Elle doit par ailleurs abriter un ascenseur panoramique
16:51 qui élèvera les visiteurs au-dessus du parc.
16:54 Le futuroscope est un grand projet
16:56 à la dimension du défi du 3e millénaire.
16:59 Au certificat du savoir, je préfère mille fois la curiosité,
17:04 le goût de l'apprentissage, l'appétit de la découverte
17:07 et l'esprit de défi.
17:09 Selon moi, la mission et la noblesse de l'école,
17:12 c'est d'apprendre aux enfants à apprendre,
17:14 à déclencher la flamme de l'acquisition,
17:16 le plaisir de discerner.
17:18 Aristophane disait « Former un homme,
17:21 ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer un feu ».
17:24 Il me semblait indispensable que chaque école
17:27 soit dirigée par un enseignant responsable,
17:30 capable de monter des projets pédagogiques
17:33 en collaboration avec les mairies,
17:35 de diversifier les activités scolaires,
17:37 de coordonner l'action des instituteurs.
17:40 Pour moi, il fallait renforcer le dialogue
17:43 entre l'école et l'emploi.
17:45 Sa mission est de préparer les enfants à s'intégrer
17:48 dans une société démocratique qui a fait du travail
17:51 l'une de ses principales valeurs d'intégration.
17:54 Il faut ouvrir portes et fenêtres,
17:57 inviter l'inconnu dans les écoles,
17:59 mêler les savoirs et les sources d'informations.
18:02 A l'enthousiasme de la création européenne de l'après-guerre
18:06 a succédé l'enlisement d'une routine bureaucratique.
18:09 L'Europe n'a pas d'idée, elle n'a plus d'idéal.
18:12 Il ne lui reste plus guère que des fonctionnaires et des subventions.
18:15 La politique agricole commune, le système monétaire européen,
18:19 l'élection de l'Assemblée aux suffrages universels
18:22 sont des réussites techniques et administratives incontestables.
18:25 Elles manquent cependant du souffle qui anime les grands projets.
18:29 Je pense qu'il aurait été préférable d'approfondir les efforts communs
18:33 sur ce qu'étaient les grands projets ou grands symboles
18:36 plutôt que chercher l'accroissement de nombre de partenaires.
18:40 Le Sénat avait la réputation d'une institution figée,
18:43 cloisonnée dans ses principes, souvent archaïques.
18:46 La plupart des ministres sont originaires de la haute administration.
18:50 Il est d'ailleurs prévisible qu'un historien qualifiera la Vème République
18:54 de « République des hauts fonctionnaires »
18:56 ou pire encore, de « République administrative ».
18:59 On assiste au développement constant de la puissance administrative
19:03 puisque l'administration monopolise la fonction ministérielle,
19:06 les mandats législatifs et la direction des entreprises.
19:09 Elle inclut une pensée uniforme et s'avère un frein puissant
19:13 qui bloque toute réforme si indispensable fut-elle.
19:16 Elle étouffe toute audace politique.
19:19 Ma plus grande satisfaction est d'avoir dépoussiéré le navire.
19:25 Notre époque est difficile et nos concitoyens exigent à juste titre
19:29 de leurs gouvernants qu'ils soient accessibles, c'est-à-dire humains et proches.
19:33 Ils préfèrent la volonté au renoncement, c'est-à-dire qu'ils acceptent
19:37 de se battre pour un monde meilleur.
19:40 Je n'hésite pas à dire à mes concitoyens, c'est possible,
19:43 la France n'est forte que lorsque les Français ont confiance en eux-mêmes.
19:47 Le travail reste une fonction essentielle dans la vie de l'homme,
19:52 mais il n'est pas l'unique composante.
19:54 Le raccourcissement progressif de sa durée crée un espace de liberté nouveau.
19:58 Les Français ne sont plus des adeptes de la centralisation et de la hiérarchisation.
20:03 Ce peuple rural, arraché à sa terre en moins de deux siècles,
20:07 veut aujourd'hui retrouver ses racines et aspire à plus de diversité.
20:11 L'évolution des techniques, et en particulier l'informatique,
20:15 qui abolit les distances, rend possible l'évolution des modes de vie
20:19 à laquelle nos concitoyens aspirent.
20:21 Cela signifie qu'il y a dans les années qui viennent,
20:24 des pages vierges à remplir en matière d'organisation sociale.
20:27 À nous d'y trouver le moyen d'évoluer vers une plus grande mobilité
20:31 et une liberté renforcée.
20:33 Je suis pour ma part convaincu que nous avons là une chance unique
20:37 de donner un nouveau visage à notre société
20:39 et de faire évoluer les rapports entre les hommes.
20:42 Jamais, peut-être, pour un homme politique,
20:47 le rendez-vous n'aura été si difficile et si exaltant.
20:50 Il faut qu'il ait aujourd'hui, ces dix ans d'avance,
20:53 l'ambition de voir grand et cette volonté d'aller jusqu'au bout de l'intuition,
20:57 si insensée soit-elle.
20:59 Soyez réaliste. Demandez l'impossible.
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