Le livre choc "Le prix du berceau" de Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse sort ce vendredi. Il dénonce la course au rendement des crèches privées et décrit un monde "déshumanisé". Julie Marty-Pichon, représentante du collectif "Pas de bébés à la consigne", était en direct ce mercredi dans Première édition.
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00:00 Bonjour, le principal problème, c'est le système dans lequel on est en France sur l'accueil de la petite enfance en fait.
00:08 Il y a un vrai sujet sur la libéralisation du secteur parce qu'aujourd'hui la petite enfance est devenue un marché.
00:14 C'est-à-dire qu'on répond à des appels d'offres pour pouvoir gérer des structures petite enfance sur les territoires.
00:22 C'est-à-dire que quand il y a 20 ans, les structures étaient municipales ou associatives. Avec la libéralisation du secteur, la marchandisation,
00:31 en fait, le privé lucratif a pu entrer dans la dente et du coup faire répondre aux appels d'offres et faire en sorte d'avoir une compétition, une concurrence.
00:45 Mais il y a quand même des règles lorsqu'il s'agit d'encadrer des enfants ?
00:49 Oui, il y a des règles, il y a des normes, il y a le code de la santé publique qui régit tout ça.
00:56 Mais ça, on va dire que c'est la base du fonctionnement d'une structure.
01:00 Et d'ailleurs, le rapport de Ligas a expliqué que c'était une base planchée qui assurait un minimum de sécurité,
01:05 mais qui n'était pas du tout une base de qualité.
01:08 Et nous, ça fait des années qu'on explique aux différents gouvernements qu'il faut rehausser la qualité, qu'il faut plus de professionnels,
01:14 qu'il faut plus de qualifications, qu'il faut plus de formations, etc. et qu'on ne nous écoute pas.
01:19 Donc, si vous voulez, les normes, elles sont là.
01:23 On joue avec la sécurité des bébés ?
01:26 On joue avec la sécurité des bébés.
01:28 C'est surtout qu'en fait, on n'a pas anticipé la situation dans laquelle on est aujourd'hui alors qu'on pouvait le faire.
01:33 C'est-à-dire qu'on a eu beaucoup de départs à la retraite, on n'a pas fait de plan métier, on n'a pas ouvert les centres de formation,
01:41 on n'a pas revalorisé la filière pour faire de l'attractivité, c'est-à-dire pour faire en sorte que les professionnels puissent,
01:47 enfin les jeunes puissent s'investir dans ce milieu-là.
01:51 Et aujourd'hui, vous avez une situation où vous avez des équipes qui sont épuisées parce que beaucoup de turnover,
01:56 manque de professionnels et qu'à un moment donné, ce système-là de ce qu'on appelle une maltraitance institutionnelle
02:03 fait que vous ne pouvez plus faire votre travail dans les bonnes conditions et donc vous arrivez à des situations de maltraitance.
02:09 - Alors, ça fait des années que vous recueillez des témoignages. Qu'est-ce qui est le plus choquant dans les derniers témoignages
02:15 qui vous sont remontés des crèches privées ?
02:18 - Alors les témoignages qui peuvent nous remonter, ce sont surtout les rationnements au niveau des moyens en fait,
02:25 c'est-à-dire quand on n'a pas suffisamment de couches, quand il faut rationner le repas et surtout après quand on est tout seul avec un groupe de 10, 12, 14 enfants.
02:34 - On lit dans ce livre que certains enfants rentrent à la maison et ils ont faim parce qu'ils n'ont pas assez mangé à la crèche.
02:41 - Oui, c'est possible. Oui, je ne vais pas vous dire le contraire, c'est tout à fait possible.
02:45 Mais ça, ça peut arriver à la fois, alors particulièrement dans le privé lucratif, c'est une chose, mais ça peut arriver aussi dans des gestions autres,
02:54 dans des gestions municipales ou des gestions associatives parce qu'aujourd'hui, on a un vrai problème de moyens et de manque de personnel.
03:01 Et que comme on ne veut pas fermer les structures parce qu'on a un manque de place cruel, que là encore, nous n'avons pas anticipé,
03:08 et que les gestionnaires ne veulent pas perdre non plus, on va dire, leur manne financière, ce qui est normal puisqu'il faut pérenniser les structures,
03:15 d'ailleurs c'est des emplois, et bien du coup, on ouvre quand même coûte que coûte.
03:18 Et nous, ce qu'on dit aujourd'hui, c'est qu'aujourd'hui, on ne peut plus jouer avec ça, on ne peut plus jouer avec la sécurité des enfants,
03:23 on ne peut plus jouer avec la sécurité des professionnels surtout.
03:26 Donc si on n'a pas les professionnels, si on n'a pas les qualifications, il faut fermer. Il faut fermer, tant pis.
03:32 – Il y a pas de contrôle dans ces structures ?
03:35 – Si, il y a des contrôles qui sont faits par le conseil départemental, par les PMI, mais ces contrôles aujourd'hui, ils ne sont pas assez nombreux,
03:43 mais ça, tout le monde le reconnaît, même les services du PMI, mais tout simplement parce que ça fait 10 ans
03:47 qu'on a baissé les moyens aux conseils départementaux pour faire leur travail, tout simplement.
03:53 C'est-à-dire que quand, jusqu'à 15 ans, vous aviez des professionnels de PMI qui venaient visiter les structures régulièrement,
04:00 aujourd'hui, elles sont beaucoup moins nombreuses, beaucoup plus de travail, et donc c'est pas possible.
04:04 – Beaucoup de parents se redécouvrent, et évidemment, se reconnaissent dans la situation que vous décrivez.
04:09 Merci beaucoup d'avoir été en direct avec nous, d'ailleurs l'un des auteurs du livre "Le prix du berceau".
04:13 Mathieu Péris sera l'un des invités de Bruce Toussaint, tout à l'heure, dans le live, ce sera à 9h10.
04:19 Nicolas Dose, il est 7h26 bientôt.