Après avoir révélé le scandale des Ehpad dans son livre enquête « Les Fossoyeurs » et déclenché l’affaire Orpéa, Victor Castanet publie « Les Ogres », une nouvelle enquête accablante sur la rentabilité à tout prix dans le secteur des crèches privées. Il accuse au passage l’ancienne ministre de la Famille, Aurore Bergé, d’accords secrets avec la Fédération des entreprises de crèche.
Un entretien mené par Eugenie Barbezat et Pierre-Antoine Valade.
Un entretien mené par Eugenie Barbezat et Pierre-Antoine Valade.
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00:00:00On reçoit Victor Castaner pour son livre Les Ogres. Deux ans après la sortie de son premier ouvrage,
00:00:07sa première grosse enquête écrite, Les Fossoyeurs, où il traitait des Ehpad, là c'était sur les
00:00:15crèches. Empremble, moi je voulais un petit peu parler de ton métier de journaliste d'investigation.
00:00:20Nous on est pris par l'actualité. Je suis très content d'être là, c'est mon premier Twitch.
00:00:28Moi je peux déjà te dire de te rapprocher un petit peu du micro en t'entendant un peu moins bien.
00:00:33Les amis dites nous si vous entendez bien Victor. En tout cas elle est très
00:00:36contente d'être là, de ce que j'ai compris. Je suis très content d'être là et je découvre
00:00:38Twitch donc je vais essayer de ne pas faire le vieux con quand même. Mais je comprends
00:00:42qu'il y a des questions en direct. Tu vas être super. Donc c'est aussi mon premier.
00:00:46Premier Twitch également de Eugénie, journaliste société, très grande journaliste maison qui a très
00:00:55bien travaillé son sujet les amis. Moi aussi. On va parler un petit peu de ton métier journaliste
00:01:03d'investigation. Nous on est pris dans l'actualité avec la création et la conception d'un journal au
00:01:08quotidien. Toi tu as choisi de ne pas suivre cette voie. Pourquoi ? Déjà je n'ai pas assez
00:01:13d'argent pour monter un journal et au-delà de ça non il y a une vraie question qui est une
00:01:19question sérieuse c'est est-ce que tu as un business model pour faire des enquêtes de trois
00:01:26ans ? C'est la question. C'est la question parce que évidemment on le sait c'est le nerf de la
00:01:31guerre dans la presse en général. Beaucoup de journaux ont des difficultés mais c'est
00:01:36évidemment encore plus le cas pour l'investigation parce que l'investigation ça coûte très cher,
00:01:41ça prend beaucoup de temps et il y a d'ailleurs très peu d'investigations qui durent trois ans.
00:01:48En général les investigations, les enquêtes, en presse écrite ça prend souvent plusieurs jours,
00:01:53parfois plusieurs semaines, dans certains cas plusieurs mois mais plusieurs années non. Et
00:02:01donc il faut que tu trouves le business model. Il n'y en a pas vraiment dans la presse écrite,
00:02:07il y en a peut-être un dans l'édition, encore faut-il que tu vendes des livres pour que ça
00:02:14couvre ces trois ans de travail. Mais disons que j'ai choisi ce média parce qu'un, il permettait
00:02:22de raconter toute la complexité de ce système. Alors d'abord le système Orpea dans les maisons
00:02:30de retraite puis après le système People and Baby mais il y a un moment tu comprends que ce que
00:02:37tu as entre les mains vaut un peu plus qu'une double page dans le monde ou ailleurs. Moi je
00:02:43l'ai compris chez Orpea quand j'ai compris que ça ne concernait pas un seul établissement,
00:02:47en l'occurrence le premier où j'étais allé. C'était systémique ? Oui exactement, que c'était
00:02:52pour tous les EHPAD de France. Je me suis dit ok il y a une histoire tellement importante,
00:02:57tellement nationale voire internationale, qu'elle mérite d'être déployée. Et puis ensuite il
00:03:02faut aussi, et il ne faut jamais l'oublier, c'est pas parce que tu as beaucoup de matière et beaucoup
00:03:07de révélations que ça mérite un livre, il faut aussi que tu aies une histoire. Parce que c'est
00:03:11bien beau de faire une enquête et de sortir plein de scoops mais encore faut-il que les gens aient
00:03:18envie de lire ton livre et que tu leur racontes une histoire parce que sinon ils s'arrêtent à
00:03:23la dixième page et c'est pas le but. Tu fais pas dépenser 22,90€ à des gens si derrière t'as pas
00:03:31une histoire à leur raconter donc il y a aussi ça. Et aujourd'hui bon j'ai le sentiment que c'est le
00:03:38meilleur média pour faire le genre d'enquête que je fais, c'est-à-dire des enquêtes très
00:03:44longues sur des sujets concernant. Après il faut encore une fois en vendre assez. Et du coup toi
00:03:53par exemple sur cette première enquête qui a duré deux ans, j'imagine que financièrement c'était pas
00:03:57forcément très facile. J'ai cru entendre que même ta femme payait le loyer. Du coup la question c'est
00:04:07est-ce qu'on peut faire des enquêtes si on n'a pas des parents riches ou une femme qui est riche ?
00:04:11Est-ce que c'est est-ce que c'est viable ? Comment toi tu t'organises ?
00:04:15Est-ce que c'est viable ? Quand t'es pas connu, quand t'as pas de nom en fait, tu vas voir une
00:04:22maison d'édition, tu leur proposes soit ils disent oui ou non mais dans tous les cas on te donne des
00:04:27avaloirs, c'est-à-dire une avance sur recettes et en fonction de ce qui donne confiance à ton livre,
00:04:35ce qu'ils espèrent pouvoir générer d'argent. Alors est-ce que tu as doublé ton avaloir,
00:04:41triplé ton avaloir ? Je l'ai augmenté très fortement. Entre les deux, c'est normal.
00:04:48T'as mis le chiffre à donner à le public ? Oui, le premier j'ai eu dix mille euros d'avaloir,
00:04:53ce qui est plutôt bien pour un premier livre. Si tu le remets sur la temporalité, c'est très peu.
00:05:01Non mais par rapport à tous les livres, oui. En fait, un premier livre, souvent on va te
00:05:04donner deux, trois mille, parfois cinq mille euros d'avaloir. Là, on m'a donné dix mille,
00:05:08donc ce qui est bien. Ensuite, j'ai obtenu cinq mille euros d'enveloppes de frais qui
00:05:14sont transformées en dix mille, quinze mille, vingt mille, je crois. Mais évidemment,
00:05:18si tu calcules, en fait, la plupart des journalistes, d'ailleurs je ne saurais pas
00:05:24citer de noms de personnes qui ne travaillent pas à côté. La plupart des journalistes qui
00:05:28font des enquêtes, travaillent à côté au Monde, au Figaro. Ils ont un salaire et donc
00:05:34ils font leur livre en parallèle. Et bon, ils ont eu dix mille euros pour leur livre. C'est pas très
00:05:38grave. C'est pas ça leur principale source de revenus. Moi, il se trouve que j'ai arrêté de
00:05:43travailler entièrement pour ça. Et donc là, il faut qu'il faut tenir trois ans pour Orpea. Ça
00:05:50m'a pris trois ans. Donc, évidemment, dix mille euros, ça ne suffit pas. Et à l'époque, c'était
00:05:56un peu le système D, c'est que ce n'est pas ma femme qui payait le loyer, mais on avait un
00:06:02appart qu'on louait. On avait au début deux apparts quand on s'est mis ensemble. Du coup,
00:06:07on en louait un sur Airbnb pour avoir des petits revenus. Et bien, on ne vous félicite pas,
00:06:12on n'est pas du tout. Et bien, j'ai vu ça, j'ai vu ça. Mais à l'époque, on avait fait ça et je
00:06:19peux vous dire que ça m'a permis au parti de financer cette enquête. Je crois que j'avais
00:06:22un peu d'intermittence du spectacle parce que j'étais intermittent du spectacle. J'avais fait
00:06:27des documentaires à l'époque, donc j'avais. Et il se trouve qu'il y a eu le Covid en plus. Donc,
00:06:33à l'époque, le gouvernement avait gelé l'intermittence du spectacle qui, moi,
00:06:38m'a permis d'avoir près d'un an, en tout cas six mois de plus pour travailler. Donc, vous avez
00:06:45travaillé pendant le chômage partiel comme les employés. J'ai fait mon livre. Mais oui,
00:06:53c'est un peu le système D à l'époque. Après, j'ai gagné de l'argent avec ce livre. J'ai gagné
00:07:03effectivement comme on a vendu beaucoup de livres. J'ai gagné de l'argent et plus qu'espéré. Mais
00:07:09la plupart du temps, on vous a proposé pour ne pas le publier. Beaucoup moins,
00:07:13beaucoup moins, moins. Est ce que je pourrais rappeler à nos viewers ce que Orpea a tenté
00:07:20avant publication? Alors Orpea a tenté beaucoup de choses, mais oui, à un moment, pas Orpea
00:07:26directement, mais un intermédiaire m'a proposé une grosse somme d'argent que je raconte dans
00:07:32le livre, 15 millions d'euros pour ne pas ne pas publier le livre. Et donc, il aurait dit oui,
00:07:41Orpea aurait dit oui. Moi, quand même, je le vois. J'aurais déménagé, j'aurais pu jamais
00:07:48entendre parler de moi. Mais oui, ils ont. Mais tu sais, ça permet aussi de voir toute une question
00:07:56de rapport de force avec ces groupes et avec les personnes, les entreprises sur lesquelles
00:08:01t'enquêtes. Oui, quand t'es évidemment un journaliste précaire, que tu gagnes pas très
00:08:05bien. Moi, je me plains pas. Je viens. Il y a des. Il y a des journalistes qui viennent de
00:08:09milieux beaucoup plus populaires que moi. Moi, j'ai des parents qui ont une assise. Je savais
00:08:15que je pouvais prendre ce risque là, même si je gagnais pas beaucoup d'argent, je pouvais le faire.
00:08:19Oui, quand tu. Quand t'es très précaire, que t'es pigiste et que tu fais face à un groupe qui
00:08:25pèse 7 milliards et qui te propose ça, tu comprends aussi pourquoi c'est si difficile de
00:08:31faire une enquête et pourquoi parfois certains peuvent être dissuadés d'aller au bout. C'est
00:08:37sûr, t'as un rapport de force qui a ton désavantage quand t'es journaliste. D'ailleurs,
00:08:43on fait. Moi, je fais encore aujourd'hui des enquêtes qui coûtent plus d'argent déjà parce
00:08:50que je suis mieux payé par ma maison d'édition. Et puis aussi, ça lui coûte cher. C'est moi sur
00:08:54chacune de mes enquêtes, mais c'était le cas aussi chez concernant Orpea. Alors même que j'étais
00:09:01pas connu à l'époque, mon éditrice, en plus des avaloirs et tout, m'avait mis au moment de la
00:09:06sortie un avocat qui avait travaillé sur le livre pendant plusieurs ans. Pour vérifier tous les
00:09:11pour tout vérifier, relire, corriger, etc. Pendant six mois de mai à janvier à la sortie, on a fait
00:09:18des allers-retours avec l'avocat. En gros, c'est quoi? C'est le livre. Tu le termines. Après,
00:09:21tu le donnes à l'avocat, il lit ou c'est en même temps? Non, tu le donnes déjà. Je le donne à mon
00:09:25éditeur qui a donné à deux grands journalistes d'investigation, Gérard Davet et Fabrice Lowe,
00:09:30qui ont publié Le traître et le néant. Un président ne devrait pas dire ça sur Hollande. La haine sur
00:09:38la droite. Enfin, des grands livres d'investigation. Eux, ils ont fait leur travail d'éditeur. Ils ont
00:09:43coupé, etc. Ensuite, on a envoyé à l'avocat qui a fait un travail lui aussi de coup de réécriture.
00:09:50Puis après, j'avais une attachée de presse. Il y avait une dizaine de personnes qui ont été
00:09:55mobilisées sur le livre, ce qui est aussi une grande chance, ce qui permet de le faire connaître
00:10:02au plus grand nombre, d'assurer qu'il soit bien édité et que tu n'es pas d'ennuis juridiques.
00:10:07Tout ça coûte beaucoup d'argent. C'est Fayard l'éditeur, on ne l'a pas dit d'ailleurs. C'était
00:10:12Fayard. À l'époque, j'étais chez Fayard et on a décidé de partir peu après la publication,
00:10:19mon éditrice est partie de Fayard. Elle a pris la présidence de Flammarion et on a été tout un
00:10:26tas d'auteurs. Gérard Davet, Jacques Attali, Virginie Grimaldi. On est tous partis à ce
00:10:31moment-là. Et d'ailleurs, aujourd'hui, il y a un autre tournant éditorial qui a été pris.
00:10:36Le prochain livre, c'est Bardella. Non exposé dans les guerres SNCF.
00:10:41Exactement. Et je suis parti avant qu'il n'arrive ça, parce que j'estime que oui,
00:10:48tu dois être dans une maison d'édition qui garde aussi une forme d'indépendance. C'est
00:10:52très important. C'est le cas chez Flammarion aujourd'hui.
00:10:55Et donc, Les Ogres, combien de temps ça t'a pris pour écrire ?
00:10:59Alors, Les Ogres, j'ai commencé. Les Fossoyeurs est sorti en janvier 22. J'ai assuré la promo
00:11:07pendant plusieurs mois, mais dès les premières semaines, j'ai reçu des mails qui me proposaient
00:11:14d'autres enquêtes et beaucoup sur les crèches. Et donc, en fait, très vite après Les Ogres,
00:11:17j'ai embrayé et je le sors là. Donc, ça fait deux ans et demi. C'est à peu près, moi,
00:11:23le temps que je mets entre deux et trois ans. Donc, il faut tenir.
00:11:26Alors, du coup, ça s'intéresse à un autre public. Ça parle d'un autre public que celui
00:11:34et les Fossoyeurs. C'était sur les personnes âgées, les personnes vulnérables par essence,
00:11:38qui sont placées dans des maisons de retraite et qui subissent sans pouvoir se défendre des
00:11:45choses assez graves que vous avez dénoncées, qui subissent un système où on s'enrichit sur
00:11:51leur dos. Et là, vous parlez des enfants parce que c'est quand même eux qui sont les premiers
00:11:57concernés, qui sont aussi des personnes vulnérables, aussi des gens qui ne peuvent pas
00:12:02forcément se plaindre, même si ça a été les premiers lanceurs d'alerte. En réalité, les
00:12:07enfants auprès de leurs parents qui l'ont relayé auprès de vous. Et puis donc, vous dénoncez ce
00:12:12système. Alors, à chaque fois, vous dénoncez à la fois le caractère systémique de ces crèches
00:12:18privées, publiques, on verra que ça se mélange, qui réduisent les coûts au détriment de l'accueil
00:12:26des enfants, de toute forme de pédagogie et parfois provoquant des choses très graves. Il y a eu au
00:12:32moins un mort, il y a eu des enfants blessés, etc. On va en parler. Et alors, il y a le côté systémique,
00:12:40ils sont un peu tous dans le même sac et en même temps, vous en sortez toujours un gros méchant.
00:12:44C'est le gros méchant, même reconnu parmi les gestionnaires de crèches. Ce sont les deux fondateurs
00:12:50de People and Baby, dont vous racontez l'histoire qui est un petit peu atypique par rapport au
00:12:55milieu, mais qui, en même temps, s'insère tout à fait dans le milieu. Alors ça, c'est un peu, en tant
00:12:59qu'auteur, vous êtes un peu sur les deux tableaux à chaque fois. C'est-à-dire que vous voulez nous
00:13:02démontrer que c'est un système, mais à la fois, vous prenez le pire du pire pour nous le montrer.
00:13:08Vous avez raison. Comme on raconte aussi un récit, il faut une trame narrative, une progression dans
00:13:19le récit, aussi des personnages. Et dans le cas d'Orpea, comme dans le cas de People and Baby,
00:13:26oui, c'était les grands méchants du secteur. Et il me semblait plus intéressant de me concentrer
00:13:31sur eux et d'aller au fond de leurs mécanismes financiers, RH, de développement, d'aller
00:13:38décrypter vraiment, dans le détail, leurs pratiques plutôt que de s'éparpiller. Et bon,
00:13:46vous racontez ce qu'il y a de plus terrible, de plus dysfonctionnel dans le secteur, mais souvent,
00:13:52ça raconte l'ensemble du secteur. Parce que les dérives d'un, qui est au paroxysme au maximum de
00:14:01ce qu'on peut faire comme pratique irrégulière, d'autres l'ont mis en place à moindre échelle.
00:14:09Mais souvent, c'est effectivement l'axe que je choisis. Si on regarde les commentaires, d'ailleurs,
00:14:15on voit que c'est principalement People and Baby qui est visé. Mais bravo pour ton enquête, Victor.
00:14:21Mon patron, les petits chapeaux ronds rouges, commence à payer le prix. Donc, ça veut dire que
00:14:26ça a dû avouer un petit peu tout le monde. Ça a concerné. Déjà, je me focalise sur People and
00:14:33Baby parce que c'est là où il y a les pratiques les plus dysfonctionnelles. Je le raconte. On va
00:14:37en parler. Sur l'optimisation des coûts, sur la gestion de l'argent public, sur la gestion de la
00:14:42masse salariale, sur tout un tas de sujets qui entraînent des incidents. Sur l'évasion fiscale,
00:14:46sur le détournement de fonds. Tout un tas de sujets et je raconte deux autres questions qui
00:14:54sont plus globales, qui touchent plus de groupes, notamment ce que j'ai appelé la dynamique du low
00:15:00cost. C'est qu'en gros, je vais faire très simple. Il y a le secteur qui s'est ouvert au privé,
00:15:06le secteur des crèches. Je précise, c'est normal. C'est incroyable quand on sait qu'il y a une place
00:15:14en crèche pour cinq enfants en France. Il y a une demande de fou. Je donne quelques éléments de
00:15:21contexte parce qu'on va comprendre pourquoi dès qu'il y a le moindre margoulin qui veut ouvrir une
00:15:25crèche, on lui dit oui et on lui déroule quasiment le tapis rouge, y compris avec de l'argent public.
00:15:29Il n'y a que 60% des enfants de moins de 3 ans qui sont gardés par leurs parents et la moitié de
00:15:37ces 60%, les parents voudraient bien faire autrement. Ça veut dire qu'il y a une demande de
00:15:43malade. C'est un marché incroyable qui n'est pas satisfait. Il y a eu une promesse du gouvernement
00:15:49de faire je crois 200 000 places à l'horizon 2030, mais c'est mal barré. Il n'y arrive pas.
00:15:55Je peux signer que les enfants parlent. Apparemment, il n'y a pas que vous. Ça
00:16:01paraît une évidence. Le pouvoir est dans la main de ceux qui ouvrent des crèches en réalité. C'est
00:16:08peut-être pour ça qu'ils ont très conscience de ce pouvoir et qu'ils se permettent à peu près
00:16:11n'importe quoi. C'est très juste et c'était un peu le même sujet, la même problématique dans
00:16:17les EHPAD. C'est qu'à chaque fois, l'ouverture de privé se fait parce qu'il y a une défaillance
00:16:22des pouvoirs publics. On ne créait pas à l'époque assez de places en EHPAD et on ne créait pas assez
00:16:30de places en crèche. C'est encore le cas aujourd'hui. Donc, il manque et ça ne va aller qu'en s'aggravant
00:16:35plusieurs centaines de milliers de places. Et donc, en 2004, on a décidé de l'ouvrir au privé sous
00:16:44Christian Jacob à l'époque qui s'est dit bon, on n'y arrive pas. Ça coûte trop cher de créer des
00:16:50places de crèche. Ça prend trop de temps. On n'arrivera pas à suivre ce rythme. On va demander
00:16:57au privé de nous accompagner. Et donc, ils ont ouvert au privé et avec un certain nombre de
00:17:02dispositifs fiscaux, ils ont incité le privé à venir. Avec notamment, il y a toute une partie de
00:17:10ce secteur qui est évidemment financée par l'argent public. Plus de la moitié des chiffres d'affaires
00:17:15de ces groupes, c'est de l'argent public. Mais on a aussi filé de l'argent pour des aides et des
00:17:20subventions d'investissement. Vous créez une place de crèche, vous avez 8000 euros par berceau pour
00:17:26vous aider. Vous avez comme ça beaucoup d'aides fiscales. Il y a beaucoup d'argent. Il y a des
00:17:32fameux travaux dont on parlera parce que c'est de l'argent public qui est très souvent détourné
00:17:37avec des systèmes assez simples, connus de l'État, connus des CAF, connus des CNAF qui ne veulent pas
00:17:42le voir. Quel est le coût le plus cher pour la collectivité ? Les crèches publiques ou les
00:17:47crèches privées ? Ça dépend de ce que vous regardez. En gros, une crèche privée, ça coûte
00:18:0020.000 euros à peu près par an. C'est ce que ça rapporte à ces groupes à peu près 20.000 euros.
00:18:05Il y a 10.000 euros qui sont payés par ce qu'on appelle un réservataire qui va bloquer la place
00:18:14pour une, deux, trois années. Ça peut être soit une mairie, soit une entreprise. Réservataire,
00:18:27c'est soit la mairie, soit l'entreprise. Exactement. Et donc, c'est là où c'est
00:18:31compliqué. C'est que la crèche, elle est privée. On parlait des LPCR, les petits chapeaux en rouge.
00:18:37Les petits chapeaux en rouge, ils répondent à des appels d'offres de crèches municipales,
00:18:42qui sont au départ municipales, donc publiques. Et ils vont faire cet appel d'offres. Et là,
00:18:48vous avez donc 10.000 euros qui sont payés par le réservataire, donc la mairie en l'occurrence,
00:18:55et 10.000 euros qui sont payés par les familles et la PSU. La PSU, c'est la prestation de service
00:19:04unique, c'est la CAF en gros. Quand vous prenez une place en crèche, vous êtes une famille,
00:19:07vous allez payer une partie, la CAF va payer une partie. Ça coûte à peu près 1.000 euros par mois
00:19:15pour les familles, si vous mettez à plein temps votre enfant. Si vous êtes riche, vous payez
00:19:20globalement 900 euros et la CAF paye 100. Si vous avez des revenus modestes, vous allez payer 100,
00:19:27la CAF 900. C'est comme ça que ça se passe. Une place coûte à peu près ça. Pour vous dire,
00:19:35une place en crèche municipale, quand il n'y a pas d'opérateur privé, ça coûte, on va dire,
00:19:43ça dépend. Vous voyez, à Marseille, il y a peu de temps, je prenais un café avec l'adjointe à
00:19:50la petite enfance de Marseille. Elle dépense environ 15.000 euros par berceau, auquel il
00:19:57faut rajouter ensuite les 10.000 euros de présence d'enfants qui sont aussi de l'argent public. Donc,
00:20:01ça coûte 25.000 euros à la collectivité. Mais c'est beaucoup 15.000 euros par berceau,
00:20:06si on vous lit. Elle est dans la fauchette très haute. Elle, parce qu'elle est en gestion directe.
00:20:12C'est la crèche municipale de Marseille. Quand vous parlez des appels d'offres,
00:20:16évidemment, l'un des critères, malheureusement, vous le déplorez dans le livre, des appels d'offres
00:20:21et qui supplantent un peu tous les autres, c'est le coût. C'est-à-dire qu'ils vont essayer de
00:20:25tirer jusqu'à 7.000 euros au lieu des 10.000. Exactement. Voilà à peu près ce que ça coûte
00:20:31à Marseille. Donc, 15.000 et il y a 10.000 euros qui vont être payés par PSU et famille. Donc,
00:20:36on va dire ça coûte là 20.000, 25.000 à la collectivité. Mais il y a une autre problématique,
00:20:41c'est qu'il y a de plus en plus de mairies qui, au lieu de gérer en gestion directe,
00:20:47se disent moi je vais faire des économies et après se disent c'est positif, je vais faire
00:20:52des économies sur l'argent public. Je vais déléguer la gestion de ma crèche municipale à des
00:20:56opérateurs privés. Et là, elles font un appel d'offres, elles reçoivent plusieurs offres. Et
00:21:02malheureusement, moi, ce que j'ai vu, c'est que bien souvent, elles choisissent l'opérateur qui
00:21:06va proposer l'offre. Non pas la mieux disant, mais plutôt la moins chère. D'accord. Et donc là,
00:21:12vous avez, alors qu'en gestion directe, ça va coûter 15.000 euros environ. Là, vous avez des
00:21:18opérateurs qui, il y a 20 ans, proposaient 8.000 euros, qui aujourd'hui en proposent 3.000. Mais
00:21:26le prix en crèche reste le même. Le prix pour mettre son gamin en crèche, il reste de 900.
00:21:29C'est toujours les 10.000 euros. Mais le réservataire, en gestion municipale, en délégant,
00:21:35ils ont souvent divisé le prix par 5. C'est-à-dire qu'en gestion directe, ça leur coûterait 15. En
00:21:41filant la crèche aux petits chaperons rouges, ça leur coûte 3.000 euros par an. Et donc,
00:21:46vous vous dites d'une certaine manière, c'est hyper positif de filer au privé parce que ça
00:21:51coûte moins cher à l'argent public. On fait des économies sur le budget municipal. Et bien,
00:21:56on va détailler ces économies. Comment on les fait ? On va peut-être détailler un tout petit
00:22:02peu parce que c'est quand même important de parler de ceux qui sont directement concernés. Les effets
00:22:06de ces économies sur les enfants. C'est des enfants traumatisés, comme vous le racontez,
00:22:10vous avez pu le constater. Des gamins qui passent devant une crèche, qui se mettent à hurler. Non,
00:22:14non, je ne veux pas aller à la crèche. C'est des gamins qui perdent du poids ou qui n'en gagnent
00:22:18pas. Vous avez constaté, plusieurs mères vous ont dit qu'il y avait des cassures de la courbe de
00:22:23poids. Un enfant, en général, il a une courbe de poids assez linéaire dans ses premiers mois. Et
00:22:30on voit que ce qui arrive dans certaines crèches, tout d'un coup, elle se casse et elle reprend
00:22:35aussitôt quand ils sont sortis de la crèche. Des médecins vous ont confirmé que c'était
00:22:40réellement une question de sous-alimentation et aussi d'environnement. Voilà, c'est des gamins
00:22:46qui font des cauchemars, parfois même longtemps après avoir été sortis de la crèche. C'est des
00:22:50gamins qui ont pu avoir des traumatismes physiques, c'est-à-dire des coups, des griffures, qui ont
00:22:57pu avoir des punitions sévères pour des petits. Tout ça, vous l'avez constaté. Et bien sûr,
00:23:03vous nous parlez aussi dans ce livre, mais on ne va peut-être pas y revenir, de cet enfant qui est
00:23:08mort dans une crèche People and Babies à Lyon à l'été 2020. Juin 2022. Voilà, je me trompais de
00:23:16date. Donc, cette petite fille à qui on a fait ingurgiter de force du desktop parce que, sans
00:23:23doute, la professionnelle, vous révélez dans le livre qu'on aurait pu se douter qu'il y avait un
00:23:28problème avec elle, mais que vu qu'il y a vraiment un sous-effectif dans toutes les crèches et qu'il y
00:23:34a d'énormes difficultés de recrutement qui, de l'aveu même des gestionnaires de crèche,
00:23:38concernent 90% des gestionnaires, ils ont des problèmes de recrutement. 12 euros brut de
00:23:43salaire horaire quand même. Donc, c'est peut-être pas étonnant. Cette professionnelle, il y a eu des
00:23:49alertes sur elle, mais elle n'a pas été sortie du contact avec les enfants. Et puis, le drame est
00:23:55arrivé. Voilà, donc ça, c'est pour dire ce qui se passe sur les enfants, mais ça ne se passe pas
00:24:00pour rien. Ça se passe, on l'a un peu évoqué, parce que les personnels, on prend un peu qui
00:24:04veut bien venir. Je crois qu'il y a eu des dérogations quant à la formation des professionnels,
00:24:10notamment pour les micro-crèches. Donc, on garde des tarés car on les préfère au vide.
00:24:15Ouais, c'est un peu ça malheureusement. Parce que vraiment, le desktop, c'est vraiment écrit dessus
00:24:20qu'il ne faut pas donner à boire, je trouve. C'est vraiment écrit sur l'étiquette. Non, mais là,
00:24:25dans ce cas précis de ce drame, c'est un homicide. La professionnelle a voulu empoisonner cet enfant.
00:24:33Ce que je raconte, moi, dans le livre, c'est comment des pratiques financières au siège,
00:24:39et notamment des pratiques d'optimisation des coûts, ont des incidences sur les conditions
00:24:43de travail et, in fine, sur la qualité de la prise en charge des enfants. C'est ça que j'essaye
00:24:52de raconter. Et que donc, même tout le truc de certains de ces fondateurs, de ces groupes,
00:24:59c'est de dire quand il y a des incidents et quand il y a des drames, c'est la faute du personnel.
00:25:03Et d'ailleurs, certains préconisaient, comme Christophe Durieux, le patron de People and Baby,
00:25:07on ne l'avait pas encore cité, mais on a sa photo. Quand il a été convoqué face à la
00:25:13ministre Aurore Berger, etc., il a dit, ah, mais il faut installer des caméras de surveillance dans
00:25:20les crèches. Du coup, comme ça, on évitera les drames. Moi, je raconte que c'est jamais.
00:25:26La responsabilité, évidemment, à Villeneuve-d'Ascq, il y a eu près de Lille, il y a eu des faits de
00:25:33maltraitance que je raconte dans le livre. Il y a eu deux femmes qui ont été en première instance
00:25:37condamnées il y a quelques semaines. Évidemment, la personne qui a tué cet enfant à Lyon,
00:25:43elle a une responsabilité. Il n'empêche que la responsabilité première, elle est toujours
00:25:48à chercher du côté des groupes. Et d'ailleurs, c'est leur ligne de défense de dire c'est la
00:25:53faute de notre personnel. Ils ont réussi à s'en sortir en disant mais on est d'accord pour avoir
00:25:57plus de contrôle. Ça a été leur ligne de défense. Et moi, je raconte comment certaines pratiques
00:26:02maximisent ou minimisent la surveillance de risque. Dans le cas de cette femme, par exemple,
00:26:10je raconte comment elle a été embauchée quelques mois plus tôt par un autre groupe du secteur qui
00:26:16s'appelle Babylou, qui a d'autres pratiques, notamment d'autres pratiques RH. Tout est une
00:26:21question d'investissement et tout est une question de gestion des ressources humaines. Soit vous
00:26:26dépensez des millions d'euros pour bien sélectionner, bien recruter, bien former, accompagner, mettre des
00:26:34procédures de système de remontée d'informations, d'alertes. Et ça coûte très cher tout ça. Mais
00:26:41c'est essentiel dans tous les milieux du care où il y a de la vulnérabilité. C'est soit vous traitez
00:26:49bien votre personnel, vous l'accompagnez, il se sent en sécurité, il se sent accompagné par son
00:26:54groupe et du coup, il va faire du bon travail. Soit il est lui même maltraité par son groupe et il
00:27:02va être maltraitant avec les enfants. C'est toujours les enfants ou c'est pareil avec les
00:27:06personnes âgées. C'est pareil avec les flics. C'est pareil un peu partout. C'est pareil un peu partout.
00:27:11Mais évidemment, quand il y a de la vulnérabilité des personnes âgées, des enfants en bas âge,
00:27:16des personnes en situation de handicap, des malades psychiatriques, ils sont encore plus
00:27:20réceptifs à un personnel qui ne va pas bien. Moi, je raconte comment dans un groupe comme People and
00:27:25Baby, où il y avait un sous-investissement au niveau des fonctions support et notamment des
00:27:29fonctions RH, ressources humaines. Oui, du coup, il y avait une récurrence d'incidents dans toute
00:27:36la France qui racontait quelque chose. Il y avait des incidents et des drames partout. Moi, j'ai des
00:27:43familles à Metz, à Lyon, à Lille, à Paris, à Montreuil qui ont porté plainte suite à des
00:27:50incidents graves. Suite à Villeneuve d'Ascq, c'est des enfants effectivement qu'on va humilier et
00:27:59punir et certains qui vont repartir avec des coups, des griffures. Bon, ça a duré presque un an et
00:28:06demi à Villeneuve d'Ascq. Évidemment, un groupe qui fonctionne bien, quand ça arrive, le personnel
00:28:13qui n'est pas responsable, alerte tout de suite le siège et en quelques jours, vous avez une audite,
00:28:19une enquête interne, la personne est mise à pied, il y a le groupe qui réagit. Quand pendant un an,
00:28:24ça dure et que le personnel qui alerte est licencié et que les familles qui alertent reçoivent une
00:28:33plainte en diffamation, vous comprenez tout l'aspect dysfonctionnel. Donc moi, je raconte
00:28:39toujours que c'est la responsabilité du groupe et donc pour le cas de Lyon, cette personne a été
00:28:47embauchée quelques temps plus tôt par Babylou et il se trouve que j'ai rencontré la directrice
00:28:53qui l'avait embauchée et qui raconte comment elle s'est rendue compte le premier jour que la
00:28:59personne est arrivée en retard. Le deuxième jour, elle a laissé un enfant sur une table à l'anger
00:29:03seule. Elle avait tout de suite bordé, elle avait mis deux personnes à côté d'elle. Cette nouvelle
00:29:11était très accompagnée, mais il s'est rendu compte qu'au bout de cinq jours, ils l'ont sorti
00:29:18des effectifs. Voilà un système qui fonctionne. Quand vous n'avez pas les investissements,
00:29:24les moyens, il y a une sélection qui est très mal faite. On prend effectivement le tout venant.
00:29:32Ensuite, quand il y a des pratiques dysfonctionnelles, il n'y a pas de remontée d'informations,
00:29:37donc on ne sait pas. Et l'autre élément qui est très important, c'est que dans un groupe chez
00:29:45Babylou, il y avait une règle, on ne laisse pas une personne, une nouvelle employée, seule avec
00:29:52un enfant. C'est une règle de base. Pendant deux ans, on ne la laisse pas seule avec un enfant. Bon,
00:29:56chez People & Baby, il n'y avait pas cette règle. On a laissé une personne seule avec un enfant,
00:30:01obligée de faire le ménage en même temps que de s'en occuper, en faisant l'ouverture.
00:30:04Et donc, évidemment, juridiquement, cette femme a tué un enfant. Elle doit répondre de ses actes,
00:30:12elle est responsable pénalement. Mais elle n'aurait pas dû être en capacité de le faire.
00:30:17Mais bien sûr, elle n'aurait pas dû être laissée seule avec un enfant alors qu'elle avait si peu
00:30:22d'expérience et alors même que certaines de ses pratiques devaient alerter. Donc, c'est là où
00:30:26vous voyez l'importance de l'investissement dans les fonctions RH et que dès qu'il n'y a pas ça,
00:30:31et qu'en plus, vous mettez un enfant ou deux enfants ou trois enfants en plus de la capacité
00:30:38réglementaire de la carrière, que vous mettez un effectif, un équivalent temps plein en moins,
00:30:44bah tout ça fait qu'évidemment... On va parler de toutes les petites combines,
00:30:49qui sont même des grosses combines, des grosses ficelles, notamment du couple Durieux,
00:30:53mais enfin, un petit peu dans tout le secteur, mais eux, ils sont très emblématiques. Comment
00:30:58on fait pour gagner un peu de sous ? On rabote sur tout en fait. On rabote sur les couches,
00:31:02on change les enfants moins souvent, c'était aussi le cas pour les personnes âgées. On les nourrit
00:31:06mal, on l'a vu, à un point... Alors là, on ne va peut-être pas avoir le temps de rentrer dans le
00:31:10détail, mais vous avez rencontré un gars qui était chargé justement de faire les fiches
00:31:16nutritionnelles, etc, de faire les commandes, ça c'est fabuleux. Le premier directeur des achats.
00:31:21Voilà, lisez le livre, vous saurez ce qu'il faisait avant le gars. Donc ça c'est juste pour
00:31:25l'anecdote, mais il aurait pu être très bon dans son métier et peut-être qu'il n'était pas si
00:31:29mauvais d'ailleurs, mais simplement il était tout seul, il n'avait aucune formation et il était
00:31:33obligé vraiment de commander des repas au rabais pour les gosses et même des choses que les
00:31:41industriels, qui pourtant en général ont envie de vendre leurs trucs, hésitaient à lui vendre
00:31:45tellement c'était hors cadre, c'était trop peu, c'était trop mauvais, ça n'allait pas du tout.
00:31:50Donc voilà, la nourriture c'est une chose, le personnel, on en a parlé, on prend le tout venant,
00:31:55on ne remplace pas les gens qui sont absents et qui sont malades, sachant qu'on rajoute en même
00:31:59temps des gamins avec cette fameuse tarification horaire dont on parlera, et là l'État a une
00:32:03responsabilité, c'est plein de petites choses qui sont la petite tricherie. Et par ailleurs,
00:32:09on pourrait penser qu'avec ça ils gagnent de l'argent les durieux, les fameux, et en fait
00:32:14ils sont toujours à découvert, pourtant ils ne payent pas leurs fournisseurs, c'est les plus
00:32:17mauvais payeurs de la terre. Et par contre, vous avez réussi, alors c'est à la fin du livre, je
00:32:22sais pas trop le dire parce que c'est une partie du suspense, comment ces gens arrivent à se payer
00:32:26des villas, alors c'est à Saint-Barthes, au Maroc, en Grèce, enfin à peu près partout, c'est leur
00:32:35fils qui fait des posts Instagram en disant que c'est très bien là-bas. Mais par contre, on a
00:32:41l'impression qu'ils sont toujours à la dèche, alors ça c'est aussi un mystère que vous avez
00:32:44percé. Ça c'était très intéressant à découvrir, c'est que parfois vous avez, alors des pratiques
00:32:55irrégulières et des fraudes elles sont rarement évidentes, mais disons que parfois vous avez des
00:33:00signaux qui vous permettent de dire qu'il y a une alerte. Chez Orpea, c'était très intéressant
00:33:05parce que c'est un groupe qui générait des profits absolument ahurissants, qui était coté
00:33:13en bourse et qui allait, de l'avis de tous les analyses financières que j'avais rencontré, rentrer
00:33:19dans le CAC 40. C'était une des plus belles boîtes de la place financière parisienne. Et parce que
00:33:27vous aviez quelque chose de très lisible, il y a de plus en plus de personnes âgées, c'est un
00:33:33secteur énorme qui ne va faire que grossir et Orpea avait des taux de croissance à des chiffres et
00:33:40faisait des taux de marge, des bid'as on appelle, la rentabilité avant loyer amortissement de 35%.
00:33:49Ah quand même monstrueux.
00:33:50Et donc il y avait des analyses financières qui, quand vous étiez, que vous soyez une riche,
00:34:00avec une riche personnalité ou alors un petit épargnant français, un retraité, on vous disait,
00:34:05vous alliez voir votre banquier pour savoir où investir, il vous disait investi dans les
00:34:11Ehpad et investi dans leurs grilles et investi évidemment dans Orpea, c'est le meilleur de tous.
00:34:17Et ça aurait dû collectivement, et je pense qu'il faut tous se mettre dedans,
00:34:23alerter parce qu'on ne peut pas en vrai faire ces taux de marge dans un secteur comme celui des Ehpad,
00:34:32de la grande dépendance où il y a nécessairement beaucoup de masse salariale et vu que l'emploi coûte
00:34:40relativement cher en France, en tout cas plus cher que dans d'autres pays, normalement vous
00:34:44pouvez pas dégager de tels taux de marge et donc vous savez que si vous dépassez ces taux de marge,
00:34:50si vous arrivez à ces taux de marge, ça veut dire que vous avez optimisé sur les coûts et donc
00:34:53sur la masse salariale. Donc ça ne tenait pas de pouvoir faire ces taux de marge sans être
00:34:58maltraitant. Et donc ça aurait dû nous alerter, il se trouve que... Mais alors là, c'est pas le cas,
00:35:04parce que là on n'est pas dans le CAC 40, on est dans le seul, quand même vous exagérez
00:35:09Victor Castaner, parce que vous attaquez le seul groupe indépendant. Exactement, eux c'est leur
00:35:14argument, ils disent que c'est un groupe indépendant, familial. Et effectivement,
00:35:21il y a quelque chose moi qui m'a surpris assez rapidement, c'est qu'ils ne dégageaient pas de
00:35:26revenus. Je regardais les comptes de People and Baby, je voyais qu'ils optimisaient partout,
00:35:32sur la masse salariale, sur les coûts, sur les repas et parfois en se mettant en risque,
00:35:38parce qu'en flirtant avec la ligue jaune, voire en la dépassant, dans certains cas,
00:35:43je raconte comment ils ont fraudé au chômage partiel. Voilà, leurs employés commerciaux ont
00:35:49continué à travailler, les grèges étaient fermées bien sûr, donc pas à l'heure. En étant payés par
00:35:53le chômage. Voilà. Et bon, il y a tout un tas de sujets où je raconte qu'ils franchissent
00:35:58allègrement la ligne jaune et je me dis mais pourquoi ? Et ça ne se traduit pas sur leur...
00:36:03Non, pourquoi prendre autant de risques alors que People and Baby ne gagnait pas d'argent ? Et
00:36:10d'ailleurs, les fondateurs, à chaque fois qu'ils devaient s'expliquer, disaient bah écoutez,
00:36:15nous on gagne 10 000 euros par mois de salaire et on ne touche pas de dividendes de notre société.
00:36:20Donc je disais bah c'est... C'est étrange. C'est étrange. C'est étrange. Par contre,
00:36:26dès qu'ils avaient un peu de thunes, ils rachetaient. Ils avaient une folie de racheter
00:36:29et si possible les concurrents. Bah en fait, il y avait ce double mouvement qui est un mouvement
00:36:33de 1. Vous faites des économies très importantes. 2. Vous ne payez pas vos fournisseurs. Ils avaient
00:36:41de très gros problèmes. Mais des trucs de dingue. Des sommes... Enfin, ni les fournisseurs,
00:36:45ni les bailleurs. Ni les bailleurs. Vous avez des exemples précis pour... Ouais,
00:36:49alors des exemples, j'en ai plein mais ça va être par exemple Elior qui est le fournisseur de repas
00:36:56pendant un certain nombre d'années avant de partir parce qu'il n'en peut plus. People and Baby lui
00:37:03doit un peu plus d'un million, un million cent mille euros de factures à un pays. Donc il ne paye
00:37:07pas ses factures et donc Elior relance... Une stratégie bien rodée en fait. On commence par
00:37:13ne pas en payer une ou voici ça râle. Et ensuite, enfin voilà, ils avaient vraiment... Vous avez des
00:37:17lanceurs d'alerte qui vous ont... Il faut pas en payer beaucoup pour rentrer un million quand même.
00:37:19Qui vous ont... Et en fait, ça va de factures de un million pour Elior à une petite ferme qui fait
00:37:26venir des animaux dans les crèches pour amuser les enfants à qui on fait travailler, intervenir
00:37:33dans les crèches pendant un an et qui ont doit, je sais pas, cinq mille euros. Et qu'on ne paye pas.
00:37:37Une petite structure comme ça c'est français ça. Et donc il y a comme ça dans toute la France des
00:37:44entreprises de couches, de repas, de lait qui n'ont pas été payés et la conséquence directe de ça
00:37:51c'est qu'ils ont à certains moments arrêté de livrer. Mais où ils peuvent gratter, ils grattent,
00:37:56c'est dingue ça. Partout et donc avec cette stratégie du mauvais payeur qui était de dire
00:38:01tu sais quoi, dans tous les cas, s'ils récupèrent leur argent ou pas, parce que quand même à un
00:38:06moment en allant en justice, vous gagnez. Mais on aura fait ce qu'on appelle un fonds de roulement,
00:38:11c'est à dire qu'on fait vivre la société en ne payant pas ce qu'on doit. Et en plus de ça,
00:38:20il n'y aura évidemment pas à 100% qui vont aller en justice. Il y aura peut-être 70%. Donc on a
00:38:26déjà gagné ça et dans ceux qui vont aller en justice, pareil, on a peut-être 80% qui vont
00:38:31gagner et 20% qui vont perdre. Faire durer les procédures, abandonner les gens. Et donc il y a
00:38:37tout ça, il ne paye pas ses fournisseurs, les crèches se retrouvent en grande difficulté,
00:38:43il optimise sur la masse salariale, sur les coûts et tout, et donc il ne gagne pas d'argent. Et je
00:38:48vais découvrir à la fin du livre pourquoi, et c'est parce qu'en fait l'argent s'est fait non
00:38:53pas avec People and Baby, mais en parallèle, voire au détriment de People and Baby, avec
00:38:59l'immobilier. Les fondateurs étaient propriétaires, non pas via People and Baby, mais via des sociétés
00:39:07immobilières personnelles de locaux de crèches qui louaient à leur propre société en fixant
00:39:14eux-mêmes les loyers. Et donc en fait, ils se sont créé un patrimoine immobilier qui représente
00:39:21aujourd'hui presque 150 millions d'euros, mais sans que personne ne puisse le percevoir parce
00:39:29qu'ils étaient propriétaires de S&I. Les salariés de People and Baby ne sont pas forcément au
00:39:35courant de qui est propriétaire des locaux des crèches, et c'est juste qu'à un moment ils se
00:39:40rendent compte que c'est comme ça que moi j'étais alerté au départ, qu'il y avait des loyers qui
00:39:46étaient hors marché, plus chers que les crèches du coin. Deux, trois fois, quatre fois plus ? Non,
00:39:53jamais de cette ordre là. Ils ne sont pas fous. Moi par exemple, j'ai analysé un lot de sept crèches
00:40:01en France, j'ai fait analyser par des spécialistes de l'immobilier, ça allait entre 10 % et 60 % de
00:40:07surfacturation. Mais par exemple, on donne le cas d'une crèche dans le 16e arrondissement de Paris,
00:40:13le loyer qui est fixé dans les prix du marché par les spécialistes avec lesquels je suis en
00:40:20contact, c'est 200 000 euros par an. Le loyer qu'ils ont fixé, c'est 300 000 euros.
00:40:26C'est un juteau, Buznet. Bien sûr, mais alors quand même, il y avait quelques
00:40:35petites signes d'alerte quand même sur la personnalité aussi de ce fameux Christophe
00:40:40Durieux. Je parle plus de lui que de sa femme. Est-ce que tu peux les présenter pour les
00:40:44personnes ? Il va les présenter, mais Christophe Durieux, c'est le fondateur de People and Baby
00:40:52et sa femme Odile, je crois, qui elle a été un peu péricultrice en hôpital avant de se lancer
00:40:59dans l'aventure. En tout cas, elle est plus reconnue pour avoir quand même une attention
00:41:05un petit peu aux enfants, plus que lui. Et quand je parlais des signaux d'alerte sur le fait que
00:41:09ça dysfonctionnait, puis qu'il y avait un côté bling bling quand même, quand il vient négocier
00:41:14des salaires en hélicoptère. Enfin, il y a quand même pas négocier des salaires, mais pire en fait,
00:41:20il va dans les... lors des appels d'offres de délégations de services publics, il va voir
00:41:28une mairie pour négocier le prix et être sûr de remporter le marché. Il va notamment souvent
00:41:33négocier les tickets restaurant. C'est ce que me raconte une RH de l'époque qui me dit en fait,
00:41:38normalement, d'ailleurs, ce n'est pas légal. Vous devez quand vous reprenez une crèche municipale,
00:41:43vous devez faire en sorte que les salariés gardent les mêmes droits et notamment leur
00:41:48avantage en ticket restaurant. Bon, ça faisait faire une petite économie de les supprimer et
00:41:53du coup, ils pouvaient baisser le prix qu'ils faisaient payer à la mairie. Et donc, il proposait
00:41:57ça la suppression des tickets restaurant. Et ce qui rendait dingue certains salariés, notamment
00:42:03certaines de mes sources, c'est qu'il me disait, il négociait ses tickets restaurant et globalement,
00:42:08et donc, pour négocier ses tickets restaurant, il faisait l'aller-retour en hélicoptère. C'est
00:42:13lunaire. Et ça représentait globalement le coût de l'essence de faire ces économies sur les tickets
00:42:20restaurant. Et donc, ça, c'est bon parmi... Mais cet hélicoptère n'était pas vraiment à lui,
00:42:26il était à une de ses sociétés, sans doute comme tous ses biens. Il était... On achète rarement un
00:42:31hélicoptère en son nom propre, c'est souvent via des sociétés. Mais oui, il le faisait payer,
00:42:37il le faisait peser sur la boîte. Il y a d'ailleurs un certain nombre de témoins qui m'ont rapporté que
00:42:42les frais d'essence, de maintenance, étaient mis sur les palais de débit. Je ne sais pas si c'était
00:42:50un hélicoptère, mais en tout cas, comme pour tous les gens qui font ce genre d'évasion fiscale ou
00:42:54optimisation, si on veut être gentil, c'est-à-dire qu'ils louent leur propre yacht à la
00:43:00société qui leur appartient, qui l'a acheté. Voilà, c'est ce genre de choses dont il était
00:43:05coutumier et ce que vous avez fini par découvrir. Il faut savoir que People and Baby, ce n'est pas
00:43:11simplement en France, c'est une boîte internationale. Il avait quand même quelques
00:43:16marottes. C'était de choper les marchés de ses concurrents. C'est pour ça d'ailleurs qu'il était
00:43:20un peu blacklisté parmi ce cercle très fermé des gros gestionnaires de crash. Oui, je raconte
00:43:28au-delà de son cas à lui, un développement qui s'est fait au détriment de la qualité des
00:43:37structures et qui a touché plusieurs groupes. C'est aussi une histoire, il faut le dire, parce
00:43:43que c'est vraiment comme ça, c'est aussi une histoire de mecs et d'égo. C'est souvent par
00:43:49duo, mais disons que c'est quatre hommes qui ont porté ça au sein de People and Baby,
00:43:54les Petits Chapeurs en Rouge, la Maison Bleue et Babylou. Il y a quatre grands groupes qui ont
00:44:00démarré au même moment, 2003-2004, qui sont tous devenus des multinationales. Et à la tête,
00:44:06vous avez donc quatre mecs qui se sont fait, qui ont joué un peu aux petits chevaux ou plutôt,
00:44:13c'est comme ça je le raconte, aux Monopoly. Et c'est celui qui allait avoir le plus de crash,
00:44:20qui allait remporter. Et donc, il y avait vraiment quelque chose de l'ordre du concours
00:44:28de celui qui allait avoir la plus grosse. Il y a un peu ça. Et donc, pour certains, ils ont eu
00:44:41l'obsession de ce développement au point que ça menace même la fragilité de ce groupe. C'est ce
00:44:47qui s'est passé chez People and Baby. Il y a eu, avant qu'il devienne un groupe, son actionnaire.
00:44:53Il a eu un certain nombre d'actionnaires pour se développer, parce qu'il faut de l'argent pour
00:44:57se développer, beaucoup d'argent. Et donc, il a eu un actionnaire comme la Caisse des Dépôts,
00:45:05la BPI, Banque Publique d'Investissement, qui a mis de l'argent. Elle a bien voulu mettre de
00:45:13l'argent pour qu'il se développe. Et puis, à un moment, elle lui a dit écoute, là, tes fonctions
00:45:17support, ça ne va pas. Les fonctions RH, c'était en 2000, début des années 2010. Tu ne peux pas,
00:45:24un groupe aussi gros, avoir des fonctions RH de ce niveau-là. Ce n'est pas du tout professionnel.
00:45:29Ça ne va pas. Donc, maintenant, tu vas arrêter de te développer et tu vas gérer ta base, c'est-à-dire
00:45:36faire en sorte que tu aies un siège qui fonctionne. Il a dit bon, vous m'emmerdez. La Caisse des
00:45:43Dépôts est partie. Et puis après, il ne va prendre non pas des actionnaires, non pas des fonds
00:45:50d'investissement, mais il va prendre des fonds de dette, c'est-à-dire c'est des gens. Normalement,
00:45:56un fonds d'investissement, il vous prête 100 millions, par exemple, et il prend 20% de votre
00:46:01capital. Et donc, il est au bord, il est au conseil d'administration, il surveille vos décisions. Et
00:46:08quand vous voulez vous développer en empruntant tout en étant tranquille, vous allez voir un fonds
00:46:16de dette qui lui, un peu comme une banque, vous prête beaucoup d'argent. En l'occurrence, c'est
00:46:21Alcentra qui est un fonds de dette britannique qui appartient lui-même à Franklin Templeton,
00:46:25qui est un fonds de dette américain, qui est un des dix plus gros fonds de dette au monde. Il a
00:46:291200 milliards d'encours. C'est gigantesque. Oui, mais c'est des gens qui quand même rigolent pas
00:46:35trop. Ils ne rigolent pas du tout. C'est-à-dire qu'ils prêtent de la thune, mais à un moment,
00:46:39si la thune n'est pas remboursée, ils prennent la boîte. En gros, c'est ça. C'est un peu ça,
00:46:44c'est qu'on vous prête. Et comme on ne rentre pas au bord, on vous prête à des taux très
00:46:51importants. Et donc, on lui a prêté entre 2018 et 2022 l'équivalent d'un demi milliard, 500
00:46:58millions d'euros, 460 millions exactement. Et donc, il était très content. Ils étaient très
00:47:04contents. Christophe Durieux, Odile Broglin, ils ont acheté un tour de bras. Ils ont acheté
00:47:08souvent Dubaï, Corée, Singapour, Chine, Etats-Unis. Ils ont acheté sûrement beaucoup trop vite et
00:47:18souvent trop cher parce qu'il y avait la folie des grandeurs. Il avait une carte. C'est comme
00:47:27si on vous donnait une carte illimitée et ça se voit. Moi, on me donne une carte illimitée en
00:47:34disant c'est quoi, tu paieras dans cinq ans. Eh bien, évidemment, vous prenez beaucoup plus de
00:47:42risques que c'est quoi le premier truc que tu fais si on me donne une carte illimitée? C'est
00:47:47quoi le premier truc que je fais? Peut être que je m'achète une belle maison à la piscine dans le
00:47:53sud, une maison pour mes enfants, pour avoir une maison de vacances sûrement. Mais si j'avais une
00:48:02carte illimitée et que je devais payer dans des années. Tu ne fais pas un journal? Il me demandait
00:48:10pour moi. Moi, je pensais que tu allais acheter un nouveau train à Uniqlo. Non, je pensais que
00:48:14tu allais acheter un journal d'investigation, qu'on est tous du boulot. Je préfère mes enfants
00:48:18et sa maison à la piscine et je le comprends. Mais non, mais un journal, j'y pense d'ailleurs.
00:48:27Et donc, quand on vous donne une carte illimitée, vous faites n'importe quoi. Il a fait n'importe
00:48:34quoi sur certaines décisions à Singapour. Il a acheté un groupe 65 millions d'euros. Il valait
00:48:39sûrement entre 10 et 15 millions d'euros de moins. Mais parce que justement, un de ses concurrents
00:48:45avait fait une offre qui l'avait augmenté jusqu'à 55 millions. Et lui a fait une offre bien supérieure
00:48:52pour le plaisir de battre son concurrent et d'obtenir le marché. Alors que stratégiquement,
00:48:59économiquement, ça n'avait pas beaucoup de sens. Et donc, il y a eu des gens qui travaillent à l'intérieur quand même.
00:49:05C'est un peu indécent quand on voit les salaires des gens qui soignent les gamins.
00:49:09Bien sûr, quelqu'un qui nous parle de ça. Le problème avec le low cost, c'est que l'horizon salaire, c'est le
00:49:13SMIC à vie. On n'attire pas l'évocation comme ça. En fait, il y a cette dynamique de low cost dont je
00:49:18parlais rapidement tout à l'heure. C'est qu'en gros, il y a de plus en plus de mairies en France qui font
00:49:21appel à des opérateurs privés et qui choisissent les moins chers dans les appels d'offres. Et donc,
00:49:27les prix au lieu d'augmenter, ce qui aurait été logique avec l'inflation, ont été divisés
00:49:32par 3 en l'espace de 15 ans. C'est ça globalement. Ils sont passés de 8000 en 2010 à 3000 aujourd'hui.
00:49:39Ou 7500 à 2500. C'est un peu comme le mouvement. Et pardon, juste pour finir là dessus, quand tes prix sont
00:49:45divisés par 3, tu peux tordre le truc dans tous les sens, mais il n'y a qu'une incidence, c'est que tu
00:49:51dois baisser tes coûts. Et ton principal coût, c'est ta masse salariale. Et quand on est parent,
00:49:56par exemple, comment on fait pour savoir ça ? On se renseigne, mais de toute façon, on est coincé. C'est ce
00:50:00qu'on disait au début, il y a tellement besoin de place en crèche et il y en a tellement pas,
00:50:04il n'y a pas de solution, sauf à enlever son gamin de la crèche en fait. Il y a un sujet de
00:50:10société derrière et peut-être d'ailleurs encore plus un sujet féministe aussi derrière. C'est
00:50:17qu'évidemment, comme il n'y a pas assez de place en crèche, vous vous retrouvez parfois, moi c'est le
00:50:23cas de beaucoup de femmes que j'ai suivies, elles se retrouvent parfois à mettre leur enfant dans
00:50:29des crèches sans l'avoir vraiment choisi. Mais parce qu'il n'y avait pas de place en crèche, c'est pas
00:50:34grave. Après, elles ont pris la première où il y avait de la place. On leur dit d'ailleurs, si tu veux
00:50:39être sûr d'avoir de la place, prends une crèche d'entreprise. Ah bon ? Mais moi, je suis médecin.
00:50:45Ah non, mais attends, tu peux, ne t'inquiète pas, ça passe. Et donc, ils payent en plus de ce qu'ils
00:50:49paieraient habituellement, 15 000 euros en plus par an. C'est quoi cette nuance entre crèche d'entreprise ?
00:50:55En fait, il faut soit à une mairie qui a pris une place, qui a réservé des
00:51:01places, soit c'est une entreprise, L'Oréal, LVMH, vous savez quoi, peut-être l'UMA,
00:51:09où ces salariés réservent des places et du coup, ces salariés peuvent avoir des places de crèche
00:51:16dans un réseau qui a des places dans toute la France. C'est une politique d'attractivité pour
00:51:22des groupes pour attirer les salariés en disant, chez nous, tu vas pouvoir avoir une place de crèche
00:51:27pour ton enfant. Bon, et ça, disons que quand une mairie achète une place à des groupes privés,
00:51:33réserve et met 5 000 euros, L'Oréal met 15 000. Donc, ça se passe comme ça. Donc, il y a toujours
00:51:40besoin d'un réservateur. Donc, soit tu vas avoir une place par ta mairie, soit tu vas avoir une
00:51:45place par ton entreprise. Sauf que quand tu es professionné libéral, médecin, artisan, encore,
00:51:52il peut y avoir une entreprise, mais il y a tout un tas. Quand en gros, tu n'es pas salarié et que
00:51:58tu vas. Moi, par exemple, je ne suis pas salarié. J'avais pris un moment une place en crèche privée
00:52:04à Marseille pendant une année et du coup, je ne les arrangeais pas du tout parce qu'il n'y avait
00:52:09pas de réservataires. Il manquait 10 000 euros. Il manquait de l'argent et donc, moi, on ne voulait
00:52:14pas de moi et on me demandait ce que vous avez une entreprise. Non, je n'ai pas d'entreprise. Bon,
00:52:19et moi, ils ont accepté parce que ça leur permettait de combler un trou, mais c'était
00:52:23moins rentable. Mais sinon, ils vont pousser des gens et notamment des professions libérales à
00:52:28prendre une place d'entreprise et donc à payer ses 15 000 euros en leur disant vous payez 15 000
00:52:34euros, mais vous allez pouvoir bénéficier de déduction fiscale alors qu'en vrai, ils ne
00:52:38respectent pas les termes de la loi. Donc, ça, c'est une autre petite. Mais il y a une pénurie
00:52:47de place qui fait que un, les groupes, du coup, quand vous êtes un groupe de moins bonne qualité,
00:52:55quand vous mettez moins d'efforts sur la masse salariale, sur les fonctions supports, sur la
00:52:59bouffe, etc., ça n'a pas d'incident sur votre business. Vu que de toute façon, comme il n'y a
00:53:04pas de place, les gens viennent et qu'il y a un deuxième problème en France, c'est que personne
00:53:10n'est capable de dire si une crèche est de meilleure qualité qu'une autre et même pas les
00:53:16avis qu'on trouve sur Internet. Ça peut être le seul élément, mais moi je raconte. Donc
00:53:23effectivement, il n'y a en France aucune grille nationale qui permet de comparer les crèches,
00:53:29comme d'ailleurs, il n'y en avait pas pour les EHPAD, ce qui est donc une catastrophe parce
00:53:33que ça n'a aucun intérêt de faire de la qualité, vu que personne n'est là pour montrer que vous
00:53:37avez un meilleur EHPAD ou une meilleure crèche que l'autre. Ce serait ça la solution ? Ça,
00:53:41c'est une des solutions. C'est évidemment la transparence, c'est-à-dire d'obliger tous les
00:53:46groupes de France, d'EHPAD ou de crèche, à publier cinq indicateurs très simples, nombre
00:53:51d'effectifs, taux de turnover, taux d'absentéisme, coût des repas, des critères comme ça très
00:53:59simples dans toute la France et vous avez un site gouvernemental sur lequel il y a tout et comme
00:54:04ça vous regardez autour de chez vous et vous faites le comparatif entre les deux. Mais sérieux,
00:54:08mais moi je vote pour mon maire par exemple dans une ville, normalement ça il l'a dans l'appel
00:54:12d'offres. Pourquoi il ne choisit pas ces critères-là aussi ? Quand vous faites un appel d'offres,
00:54:20vous faites un cahier des charges et ça c'est tout un sujet. Il y a des mairies en France qui
00:54:25n'avaient pas les compétences pour faire un cahier des charges et donc ils se sont fait avoir. Et puis
00:54:29il y a d'autres mairies qui l'ont fait volontairement, c'est-à-dire il y avait plein
00:54:32de critères, nombre d'effectifs, ce que vous voulez et qu'au final le seul critère qui comptait
00:54:38c'était le critère financier. Et ça je donne un certain nombre d'exemples mais je raconte
00:54:42même à Matignon, entre deux offres pour les collaborateurs du premier ministre, ils choisissent
00:54:48entre deux opérateurs, celui qui va être deux fois moins cher que l'autre, en l'occurrence c'est
00:54:54les petits chapeaux en rouge qui sont à 3000 quand le concurrent était à 6000 par berceau,
00:54:58et il y a un poste en moins. Tous, partout, ils ont choisi le moins cher. Alors donc pour les
00:55:07avis, ne vous fiez pas internet, parce que sur les avis, je raconte évidemment, je raconte aussi
00:55:14comment chez People and Baby, on demandait aux salariés, c'était vraiment une politique du groupe,
00:55:21de faire des faux avis sur Google en disant c'est une crèche super, mon enfant était trop bien,
00:55:28etc. Mais il fallait qu'ils le fassent bien quand même. Il fallait qu'ils le fassent bien. Il y en
00:55:31a qui l'ont fait sur leurs propres mails pourris, quasiment leurs mails professionnels, mais
00:55:35franchement, qui ont fait ça, un peu amateurs, et donc à un moment, c'est un haut cadre de
00:55:41l'entreprise qui m'envoie le mail de la DRH de l'époque. Ça c'est un truc, c'est une histoire
00:55:45singulière ou c'est vraiment propre à beaucoup? Non, ça c'est People and Baby, parce qu'il faut
00:55:49prendre vraiment des très gros risques pour faire un truc pareil, et là en plus c'était écrit par
00:55:55mail, c'est-à-dire que c'est la DRH qui envoie. Oui, c'est vrai, ne foutez pas le RH. On m'a
00:56:02remonté qu'un certain nombre d'internautes s'étaient rendus compte que des salariés de
00:56:08People mettaient des faux avis, et moi je pense qu'elle va dire c'est interdit de mettre des
00:56:13faux avis. Et là, elle met pour rappel, si vous voulez mettre des avis, faux avis, merci de,
00:56:21un, utiliser un compte à usage unique, qu'il ne soit pas le vôtre, deux, ne mettez pas votre nom
00:56:29et votre adresse, trois, elle dit tout ce qu'il faut faire pour mettre des faux avis sur internet,
00:56:33ce qui est une folie, parce que c'est une folie de manière générale pour un gros groupe de dire
00:56:40ça à ses salariés, encore plus par écrit, encore plus quand ça concerne des enfants sur des sujets
00:56:45aussi sensibles, et en plus après le drame de Lyon, et donc le mort de ce nourrisson dans une crèche
00:56:55et bien ils ont demandé à leurs salariés d'écrire encore plus d'avis positifs sur internautes pour
00:57:03lutter contre la mauvaise réputation. 14 messages ça vaut pas un mort je pense, mais après c'est bon.
00:57:08Non, mais sûrement comme il n'y a pas de critères pour comparer des crèches, et bien un des seuls
00:57:18gestes que font les parents c'est d'aller sur Google, et ils voient qu'une crèche,
00:57:22les trois derniers avis c'est aussi extraordinaire, j'ai jamais vu une équipe comme ça, bon ça vous
00:57:27rassure. Comme on prête pour un coiffeur. Exactement. Alors revenons au durieux quand même. Avant de
00:57:34revenir au durieux, il y a quelque chose qu'il faut peut-être qu'on détaille ici, parce que c'est un
00:57:39peu technique, mais c'est tout par-delà aussi, c'est la fameuse tarification horaire mise en place
00:57:45par les CAF, et qui a un peu tout changé, et qui a précipité un peu une gestion très différente,
00:57:56c'est à dire une gestion à la pointeuse. Alors ça c'est un des points très importants qui est
00:58:00souvent technique, donc c'est très difficile à expliquer. Vous avez une interview de huit minutes
00:58:04à la radio, ça demande un peu de temps, mais je peux le faire assez court, c'est que en gros je
00:58:10raconte les dérives d'un groupe comme People and Baby, la responsabilité d'un secteur sur le low
00:58:15cost, et je dis que c'est un peu trop facile pour le public de pointer seulement la responsabilité de
00:58:24ces groupes privés, et de dire qu'en gros, bon les groupes privés ils ont l'obsession du taux
00:58:29d'occupation, ils ne pensent qu'à remplir, remplir, remplir, et c'est comme ça que vous mettez en
00:58:35tension vos établissements. Moi je raconte que c'est précisément le système mis en place par
00:58:41l'administration française qui pousse cette dynamique. En gros c'est un système de facturation
00:58:48à l'heure, comme dans les hôpitaux avec la T2A, le système de tarification à l'activité. Dans
00:58:56d'autres pays, et dans la plupart des pays d'ailleurs, ça n'existe pas, c'est les systèmes au forfait,
00:59:01c'est à dire à la journée. Et donc en fait vous payez à la journée, si vous décidez de prendre
00:59:06votre enfant à 16h au lieu de 18h et tout, ça ne change rien à ce que va toucher la crèche.
00:59:11Ce qui est d'ailleurs assez logique parce que c'est pas parce que moi je décide de retirer
00:59:15ma fille à 16h au lieu de 18h que l'on va enlever un membre du personnel pour les deux heures que
00:59:20je fais au moins. Donc la crèche doit être touchée au temps d'argent public. En France,
00:59:25c'est la cour des comptes notamment et Bercy qui ont poussé vers ça, ils ont dit nous on veut que
00:59:32chaque euro d'argent public qui est dépensé soit rentabilisé au maximum. Donc en fait maintenant
00:59:38on va pousser les groupes quand il y a des absences à les remplacer pour augmenter le
00:59:43taux d'occupation effective. Ça veut dire qu'on appelle les parents pour leur dire mettez votre
00:59:48gamin aujourd'hui ? C'est à dire qu'il y a des enfants à l'année et par exemple je ne sais pas
00:59:56dans le contrat qu'ils ont pris, ils n'ont pas le mercredi après midi, et bien on va mettre des
01:00:01enfants en plus pour boucher chaque trou. Sauf que quand vous faites ça, c'est quoi l'incidence ?
01:00:09Les équipes elles sont constamment en tension, il n'y a jamais de moment où il y a moins d'enfants,
01:00:13constamment en tension. Deux, les équipes et notamment les directrices, elles se mettent à
01:00:19ne penser qu'à une chose, c'est le taux d'occupation. Parce que le groupe pousse,
01:00:24parce que l'état demande en disant bah si ton taux, c'est même encore plus compliqué,
01:00:29il y a un taux d'occupation et un taux de facturation. Le taux de facturation qui mesure
01:00:36la différence entre le taux d'occupation dans les heures facturées et le taux d'occupation des heures
01:00:42de présence réelle. C'est à dire qu'on met toujours son enfant moins que ce qu'on avait.
01:00:46Et donc il ne faut pas que ce ratio soit trop élevé, sinon on perd de l'argent.
01:00:53Sinon l'argent public, en gros vous avez des bonus et du malus, vous allez toucher 4 euros de l'heure
01:01:01au lieu de toucher 5 euros de l'heure. Et donc en fait il faut remplir. Moi je raconte,
01:01:06donc l'incidence que ça a eu, c'est que tension sur les équipes. Deux, on pointe les parents
01:01:13à l'heure d'arrivée, à l'heure de départ. Et les directrices, elles vous le racontent,
01:01:20elles vous disent maintenant moi mon boulot, j'ai pas le temps, et les équipes, j'ai pas le temps
01:01:25de gérer les enfants parce que je fais que des arrivées, des accueils et des départs d'enfants
01:01:31toute la journée. En gros le nombre d'enfants a été quasiment doublé depuis cette réforme. C'est à
01:01:38dire, je raconte comment une crèche de 20 enfants, normalement il y a 20 enfants, et bien il y a dans
01:01:45la plupart des crèches aujourd'hui 40, parce qu'il y a les 20 enfants de départ. Avec le même nombre
01:01:50de personnes, c'est juste qu'il y a 40 enfants qui vont passer dans l'année parce qu'il y a des
01:01:57remplaçants et des enfants qui viennent que pour deux heures par ci, deux heures par là.
01:02:02En termes de projets, avant vous aviez 20 enfants, vous pouviez les suivre toute l'année,
01:02:07vous les connaissiez, vous avez du temps pour suivre leur évolution, mettre en place un projet
01:02:12éducatif, etc. Bon bah maintenant comme il y a deux fois plus d'enfants et que surtout ils
01:02:16viennent pour des petites séquences de quelques heures et tout, vous n'avez pas le temps de suivre
01:02:21votre équipe à l'année. Comme ça, dégrader même le sens du travail des pros qui du coup font
01:02:30moins un travail de long terme, ils ont moins un travail de suivi, elles sont dans des tâches
01:02:34administratives, elles sont dans des entrées, des accueils. Et ça c'est un problème commun aux
01:02:40crèches privées et aux crèches publiques ? Crèches publiques, enfin crèches municipales, associatives,
01:02:44privées, ils sont tous dans le même bateau. Quelqu'un qui nous demande si ce serait possible
01:02:47de créer une instance indépendante qui va dans les crèches comme les comités d'hygiène dans
01:02:50les restos ? Il y a des contrôles, il y a des contrôles de la PMI, la protection maternelle
01:02:57infantile, il y a des contrôles sur le casque. Est-ce qu'ils ont un certain moyen ? Non, c'est
01:03:01toujours le même sujet, enfin c'est toujours pareil. Si moi mes enquêtes voient le jour,
01:03:07que ce soit sur Orpea ou sur People and Baby et que je découvre des pratiques notamment de
01:03:13détournement d'argent public, de suroccupation, pas de suroccupation Micheline, directrice de tel
01:03:22établissement, a mis quatre enfants en plus, c'est le siège de certains de ces groupes qui
01:03:26demandent de dépasser de tant d'enfants sur l'ensemble de leur structure à tout. Bon, s'il y a
01:03:31ce jeu-là sur les ratios d'encadrement, les effectifs, des fraudes à l'argent public et que
01:03:37ça a été mis en place pendant 20 ans, c'est que les contrôles n'ont pas été faits. Et je raconte,
01:03:43oui, manque de moyens, souvent manque de compétences, il faut un œil financier et comptable pour
01:03:48découvrir certaines des fraudes. Et puis pas de remise en cause non plus dans les CAF, ils se sont aperçus
01:03:52que ça ne marchait pas. Cette année ils l'ont maintenu et ils l'ont même renforcé en 2014.
01:03:56Ça je raconte, effectivement, c'est ce qui est le plus grave peut-être, c'est qu'ils se sont rendus
01:04:00compte, il y a des directeurs de CAF qui ont alerté la CNAF, la Caisse Nationale des Affaires Familiales,
01:04:06qu'il y avait des groupes comme People and Baby qui faisaient des fausses déclarations d'heures
01:04:10de présence de bébés pour toucher plus d'argent public. C'est en 2019-2020, ils découvrent ça,
01:04:18c'est un peu avant le Covid, ils alertent la CNAF en leur disant il y a un problème là, ça va pas,
01:04:26ils font des fausses déclarations. Et la réponse ? Il n'y a pas de réponse. Et en fait, ils expliquent
01:04:35qu'il y avait des membres du conseil d'administration de la CNAF qui avaient été informés et il ne s'est rien passé.
01:04:43Ils ont été informés aussi que des travaux étaient surfacturés et il ne s'est rien passé non plus.
01:04:48Tout l'argent public aussi pour faire des travaux dans les crèches, parfois les factures sont démentielles,
01:04:56pas de vérification. Ça c'est un autre sujet, c'est effectivement sur les subventions d'investissement
01:05:03où je racontais tout à l'heure qu'on donnait 8000 euros par place de berceau et moi on me raconte,
01:05:06notamment des membres du service achats et travaux de People and Baby, qu'ils touchaient 8000 euros
01:05:14par berceau et ils devaient faire un devis pour dire ça va nous coûter tant la peinture, la remise
01:05:22en état de ça, etc. Et en fait, ce qu'ils m'expliquent, c'est qu'ils faisaient eux-mêmes les devis.
01:05:27Au lieu d'aller voir une entreprise de bâtiments de peinture pour faire les devis, ils me disaient
01:05:32c'est moi, un peu aux doigts mouillés en allant sur internet, qui faisais un devis en grossissant
01:05:38le prêt. Et donc, un, ça déjà c'est pas légal. Et ensuite, certains m'expliquent qu'en gros,
01:05:46People and Baby faisait de la marge sur l'argent. Et je dis mais attends, ils viennent jamais
01:05:53contrôler sur place, ils ne se rendent pas compte que vous n'avez pas dépensé 800 000 mais plutôt
01:05:57400 000 de travaux. Ils me disent bah non, en fait, c'est ça tout le problème. Ils disent
01:06:02ils ne viennent pas sur place, sinon ils verraient, ils comprendraient qu'on n'a pas dépensé ce qu'on
01:06:11a dit. Simplement, ils font un calcul de combien ça coûte de faire des travaux mètre carré pour
01:06:17une crèche. Ils ont un calcul abstrait, théorique pour l'ensemble de la France. Et sauf que quand
01:06:26vous avez des groupes comme People and Baby assez malins et qui peuvent trouver parfois des
01:06:32entreprises de travaux en leur disant bon allez, moi, tu sais quoi, je te file 15 marchés, je te
01:06:37fais 15 crèches. Mais tu fais en sorte de me faire et de me sortir 50 000 euros par crèche, de moins
01:06:46que le budget. Sur la masse, évidemment. C'est possible. Et donc, il y avait un sujet que m'ont
01:06:54rapporté plusieurs autres figures au cadre de People qui était de faire de la marge sur l'argent
01:07:00touché, l'argent public. Ça, on est bien dans l'argent public. Parler de l'argent public pour
01:07:06équiper une crèche. Chez People and Baby, on met des plantes à l'accueil, mais pas de jeu pour les
01:07:10gamins parce qu'on met ce qui se voit surtout. Ça, c'est un très gros sujet aussi qui est celui de
01:07:17ce qu'ils ont appelé la qualité perçue. La qualité perçue, c'est une notion mise en place
01:07:24par People and Baby qui est en vrai effrayante, qui part comme ça sûrement dans les équipes.
01:07:32Certains ont dû se dire que ça partait d'un bon sentiment. C'est ce qu'ils vont percevoir les
01:07:39familles quand elles arrivent. C'est ce qui est percevable, c'est visible. C'est comme dans les
01:07:43épaces. C'est exactement pareil. C'est là où vous voyez que la vitrine est souvent plus important
01:07:47que le fonctionnement réel d'une structure. J'ai eu plusieurs exemples. Une femme qui me
01:07:54rapporte qu'elle arrive dans une nouvelle crèche. Elle est directrice multisite de plusieurs
01:07:58structures et elle se rend compte qu'il y a une crèche où il n'y a pas assez de jouets d'enfants.
01:08:01Donc, elle demande un budget pour acheter des jouets parce que les enfants n'ont pas assez de
01:08:05jouets pour jouer. On lui dit qu'il va falloir attendre six mois. Ça n'est pas assez de budget.
01:08:13Et quelques semaines plus tard, elle a un contrôle de sa supérieure qui vient sur son site et qui lui
01:08:20dit ça ne va pas à l'entrée. Il faut que ça soit un peu plus joli. Mets-moi une plante,
01:08:24un petit cadre et un fauteuil. Et elle lui dit ok, mais je suis hors budget. Et donc,
01:08:31il dit écoute, non, ça, c'est un budget différent. Donc, t'inquiète pas, tu auras ton budget. Et ça
01:08:37l'a rendue. Elle a dit mais comment vous me donnez de l'argent pour acheter une plante à
01:08:43l'accueil et pas d'argent pour acheter des jouets pour les enfants? Et elle s'est plainte à son
01:08:48supérieur. Et c'est peu de temps après qu'elle a été sortie du groupe. Il nous reste trois
01:08:52minutes. Que devient que devient M. Durieux et sa femme? Que deviennent-ils? Comment vont-ils?
01:08:57C'est la question à un milliard d'euros. Pas de réponse. C'est un milliard d'euros qui vous
01:09:06ont proposé. C'est la valorisation, selon lui et son banquier d'affaires, Mathieu Pigasse,
01:09:14de ce que valait ce que vaut People & Baby en ce moment. Et non, moi, je l'ai rencontré au début
01:09:23de l'été quand j'ai envoyé mes questions. On a passé plus de sept heures ensemble. Il a eu plus
01:09:29de temps que 7 heures, deux fois trois heures et demie. Assez assez virulente. Enfin, c'était
01:09:38assez musclé, quoi, où je lui donnais la possibilité de répondre. Donc, j'ai mis un
01:09:41certain nombre de ces réponses. Et oui, depuis la rentrée, ce qui est intéressant, c'est le
01:09:47silence. Moi, je pensais qu'un certain nombre de ces groupes, que ce soit chez People & Baby,
01:09:52notamment les fondateurs, que ce soit les petits chapeaux en rouge, la Maison Bleue,
01:09:56que ce soit au gouvernement, il allait se passer quelque chose. Il se passe quelque chose de très
01:10:00intéressant au niveau politique. Il y a des députés qui font une proposition de loi récente du parti
01:10:07socialiste qui porte ça. Il y a une mission au Sénat. Il y a des députés qui font des propositions
01:10:15de loi. Il y en a d'autres qui font des amendements, des questions au gouvernement. Ça bouge. Et puis,
01:10:20globalement, à l'échelle locale, dans les mairies aussi, il y a un vrai débat politique,
01:10:25notamment sur le low cost, avec des élus d'opposition qui disent « Bon, maintenant,
01:10:28ça suffit, ce low cost et ces délégations de services publics sur le secteur des crèches. »
01:10:34Donc, ça a entraîné un vrai débat politique. Et en revanche, il y a deux grands silencieux. C'est
01:10:41le gouvernement qui, effectivement, ne réagit pas. Moi, j'étais sûr d'une chose. On ne peut
01:10:46jamais savoir, quand on sort un livre, si ça va prendre dans l'opinion publique et dans les médias.
01:10:51Mais en revanche, je suis toujours à peu près sûr que ça va prendre judiciairement, qu'il va
01:10:56avoir une action. J'étais à peu près sûr pour ça et que le gouvernement, notamment parce qu'il
01:11:01s'agit d'argent public, allait lancer une demande d'enquête de l'IGAS, l'Inspection Générale des
01:11:08Affaires Sociales ou de l'IGF, l'Inspection Générale des Finances, et puis faire potentiellement
01:11:14un dépôt de plainte comme il l'avait fait pour RPA. Toi, par exemple, tu n'as pas été auditionné ?
01:11:18J'ai été auditionné par des parlementaires, mais jamais la ministre, la nouvelle ministre Agnès
01:11:23Canailler, ne m'a demandé de venir, n'a convoqué les patrons de People and Baby ou d'autres groupes,
01:11:33n'a lancé une enquête. Enfin, il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement. Je ne ferai
01:11:40pas là, dans le détail, le fait qu'il soit particulièrement mal à l'aise avec le cas
01:11:45d'Aurore Berger, qui est cité dans le livre et mis en cause. C'est la seule qui a porté plainte
01:11:51contre vous ? La fédération indique qu'elle a lancé une plainte, on n'a pas reçu. C'est toujours
01:11:57l'affaire, ils sont tendus pour mettre les choses en place. C'est vrai qu'il y a là une concordance
01:12:06d'intérêt entre le gouvernement et les groupes privés qui tous jouent un jeu de com' qui est
01:12:14assez habile. Il ne faut absolument pas réagir, rien faire pour que ça retombe. C'est le sentiment
01:12:21que tu avais aussi pour ton premier ouvrage ? Non, parce que quand même, à l'époque, la ministre
01:12:27avait réagi, avait lancé une enquête IGA-CIGF et qui avait découvert qu'il s'était passé quelque
01:12:36chose. Et là, il se passe quelque chose au niveau parlementaire, au niveau politique, au niveau de
01:12:41l'exécutif, rien. Et les groupes du secteur qui avaient tous intérêt à aller dans les médias,
01:12:46à réagir, à dire « non, ce n'est pas vrai sur ci, ce n'est pas ça ». Tous, je sais, pour avoir un
01:12:54certain nombre de sources, notamment dans la com', ils ont été contactés par leurs conseillers en
01:13:00com' et leur ont dit « tout le monde se cache ». Ils n'ont répondu à aucun journaliste ? En tout
01:13:06cas, nous, on ne les a pas eus. Non, mais quand ils sont invités sur des plateaux télé, que ce soit
01:13:12sur des chaînes d'info, que ce soit sur France Télévisions, ils n'y vont jamais. Parce qu'on leur
01:13:17a dit « il faut jouer la montre et faire en sorte que le sujet retombe ». Et donc, moi, mon travail,
01:13:24ce n'est pas d'être militant, mais mon travail de journaliste, c'est faire en sorte que le sujet
01:13:27reste. Eh bien, j'espère qu'on y a un petit peu contribué. On a parlé de ce sujet. C'est très important,
01:13:34c'est là où vous avez, moi, j'ai un travail de mise en lumière d'un sujet. Après, il y a une
01:13:39responsabilité globale des médias de faire en sorte, au milieu de cette actu, où il y a plein
01:13:44de sujets, des sujets internationaux avec l'Ukraine ou le conflit israélo-palestinien,
01:13:53des sujets français avec notamment sur la sécurité. Il y a ces sujets-là et il faut que ces
01:14:04sujets aussi, qui sont des sujets de sociétés très importants, qui touchent les plus vulnérables,
01:14:08continuent à être portés par les médias au milieu de tout ça. Parce que là, ça nous concerne tous.
01:14:13Potentiellement, on a tous des gamins et on sera tous vieux de toute façon un jour. Et on n'a pas
01:14:18envie d'être traités comme les... Voilà, on espère. C'est la meilleure chose qui peut peut-être nous
01:14:22arriver. D'accord, écoute, la pièce est ouverte, n'hésite pas. Mais non, on te garde un peu.
01:14:29Bon, Victor, ce fut un plaisir d'accueillir. Moi aussi. Vraiment. T'as le temps de nous dire en deux secondes sur
01:14:34quoi tu bosses ou c'est top secret ? Je ne sais pas. En fait, j'ai reçu beaucoup de propositions.
01:14:39Est-ce que ça va encore se baser ? En fait, je me suis posé la question sur... En fait, soit je repars dans
01:14:45cette ligne de travailler sur la vulnérabilité parce qu'il y a beaucoup de sujets et de sujets
01:14:50passionnants. L'hôpital psychiatrique ? Ouais, c'est un sujet passionnant. L'ASE aussi, c'est un sujet passionnant.
01:14:57Des enquêtes pas uniquement en France aussi. Il y a des gens qui demandaient pourquoi pas la Belgique, l'Asie, etc.
01:15:01Ouais, potentiellement, bien sûr. Et donc, je ne sais pas encore. Ou alors partir sur d'autres thématiques.
01:15:08Il y en a beaucoup. Je ne sais pas. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que ce sera une enquête longue qui prendra du temps.
01:15:13Est-ce que ça met la pression d'avoir écrit les Fossoyeurs, qu'il y ait une commission d'enquête, etc.
01:15:22Ensuite, les Ogres, grosse reprise médiatique, etc. Est-ce que ça te met la pression aujourd'hui pour le prochain ?
01:15:30Alors, si j'étais totalement, si je n'étais pas honnête, je dirais non. Oui, en fait, tu essaies toujours.
01:15:37Tu ne peux pas faire moins bien qu'avant. Après, il y a des choses. Est-ce que tu peux refaire ?
01:15:41Orpéa, c'était une anomalie aussi. On a fait, je ne sais plus, 240 000 ventes.
01:15:47Ce n'est pas un peu plus facile quand même. Les témoins sont peut-être plus faciles à approcher.
01:15:53Je ne sais pas. Alors, il y a plein d'avantages. Les médias font plus confiance. Ils sont plus à l'écoute, etc.
01:16:00Après, si tu as une mauvaise enquête, tu as une mauvaise enquête. Personne ne la soutient.
01:16:04Et c'est pareil avec les sources, c'est-à-dire qu'il y a des sources qui au moins se disent qu'il y a changé.
01:16:10C'est on ne sort pas du bois pour rien. Il ira au bout. Il passera quelque chose si on témoigne.
01:16:14Donc ça, c'est très important. C'est du gage de sérieux.
01:16:18C'est très important. Après, pour avoir quelque chose de décisif, il faut avoir des très grosses sources.
01:16:27Genre tout là-haut. Moi, c'est comme ça que je travaille. Je vais voir au siège et puis j'essaie de monter, monter, monter.
01:16:33Ces gens-là, ils viennent si tu as beaucoup d'infos, si tu fais un travail sérieux, s'ils sentent que tu arrives avec quelque chose.
01:16:42Ce boulot d'investigation, tu ne le réduis pas parce que tu es connu.
01:16:45Les hoggs m'ont demandé autant de boulot et parfois, ça a été très éprouvant qu'il y ait le fossoyeur.
01:16:53Mais oui, c'est-à-dire qu'il y a une pression. Je ne sais pas. En tout cas, moi, je ne passe pas trois ans de ma vie sur un sujet si ce n'est pas pour qu'il y ait de l'impact.
01:17:04Donc ma pression, elle est là. Je veux qu'il se passe quelque chose.
01:17:07Il faut évidemment vendre des livres parce que sinon, tout simplement, tu ne peux pas faire d'autres enquêtes.
01:17:12Tu n'as pas d'argent pour faire d'autres enquêtes.
01:17:14Pour que je puisse travailler deux ans sur un sujet, il faut que je vende un certain nombre de livres, sinon ce n'est pas possible.
01:17:18Mais la vraie pression, c'est est-ce que j'ai passé trois ans ?
01:17:22Si c'est juste passer trois ans pour arriver dans les médias et repartir, ce n'est pas très intéressant.
01:17:27Si c'est pour que ça entraîne un vrai débat, et j'espère que c'est ce qui est en train de se passer dans les crèches sur le low cost.
01:17:34Si par exemple, je vois que le low cost, dans les prochains mois ou dans un an, il est stoppé parce qu'on met un prix planché,
01:17:41qu'on ne peut pas vendre un berceau en dessous de tel prix en France, je me dirais que là, on a fait notre taf et ça vaut le coup de recommencer.
01:17:49C'est plus là la pression.
01:17:50Nous, on s'engage à suivre, alors on regardera.
01:17:52Je prends une photo, ça m'amuse beaucoup.
01:17:54Si, prends la photo. C'est très Twitch ça, la photo.
01:17:59La photo, c'est très Twitch, n'est-ce pas ?
01:18:01C'était un plaisir en tout cas.
01:18:03C'est un plaisir partagé, vraiment.
01:18:05Lisez Les Ingres, c'est chez Flammarion.
01:18:07En plus, c'est un livre sympa à lire, même si c'est des choses horribles, c'est quand même très sympa à lire.
01:18:15En tout cas, j'ai fait ce travail-là pour cueillir un vrai récit.
01:18:20Suivez Le Fils du Rieux sur les réseaux sociaux.
01:18:24Pour découvrir ses vacances à Saint-Barth.
01:18:26Ses vacances, sa maison à Saint-Barth.
01:18:28Et l'hélicoptère.
01:18:30Il y a vraisemblablement une photo de l'hélicoptère.
01:18:32C'est ça.
01:18:34Merci en tout cas.