• l’année dernière
Jean-Pierre Sueur, ancien maire d’Orléans et sénateur socialiste du Loiret, quitte le Sénat après 42 ans de mandats au Parlement. Un parcours qui a fini par un coup d’éclat : la commission d’enquête sur l’affaire Benalla. 
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News
Transcription
00:00 [Musique]
00:09 Je vais donner immédiatement la parole à Jean-Pierre Schwer,
00:12 22 années au Sénat, et je dois dire,
00:17 sans doute un chiffre record de nombre d'heures passées
00:20 dans les fauteuils de l'hémicycle.
00:22 Nous allons publier ses œuvres complètes très bientôt,
00:27 et comme président de la Commission des lois,
00:30 comme casteur du Sénat.
00:34 42 ans de mandat au Parlement.
00:36 Le parcours politique de Jean-Pierre Schwer
00:38 se démarque par sa longévité.
00:41 Son secret pendant toutes ces années,
00:43 la volonté de s'engager.
00:45 La vie sans engagement me paraît fade, plate, inintéressante.
00:50 Il faut se battre pour quelque chose.
00:54 C'est dans ces dernières années à la Haute Assemblée
00:56 que l'élu socialiste du Loiret vit l'un des temps forts
00:59 de l'histoire récente du Sénat, l'affaire Benalla.
01:04 À l'été 2018, Jean-Pierre Schwer est nommé rapporteur
01:07 de la commission d'enquête chargée de faire la lumière
01:09 sur le rôle d'Alexandre Benalla à l'Élysée.
01:13 Quelques mois plus tôt, ce chargé de mission
01:16 au cabinet du président de la République avait été filmé,
01:19 vêtu comme un policier en train de frapper des manifestants.
01:22 C'était un moment très important.
01:24 Pourquoi ? Parce que, comme vous le savez,
01:27 la Constitution donne de rôle au Parlement.
01:30 Voter la loi, écrire la loi, voter la loi.
01:33 Et deuxièmement, contrôler le pouvoir exécutif.
01:36 On est dans une vraie démocratie lorsque,
01:40 quand il y a un grave dysfonctionnement
01:42 au plus haut sommet de l'État,
01:45 à côté du président de la République, dans son cabinet,
01:48 eh bien des parlementaires peuvent poser toutes les questions.
01:53 Diffusées en direct, les auditions de la commission d'enquête
01:55 sur l'affaire Benalla ont un fort retentissement dans le pays
01:59 et sont suivies par de nombreux Français.
02:01 Jean-Pierre Sueur et ses collègues obtiennent une notoriété
02:04 qu'ils ne soupçonnaient pas jusque dans des forums
02:06 de jeux vidéo sur Internet.
02:08 Les gens se sont passionnés pour cela.
02:10 Et quand je prenais de l'essence,
02:13 les gens qui prenaient de l'essence à côté disaient
02:15 "Monsieur Sueur, on vous a écouté, etc."
02:17 Et tout le monde me parlait de cela.
02:21 Cette commission d'enquête fait réagir jusqu'au sommet de l'État.
02:24 Et Emmanuel Macron va jusqu'à défier les sénateurs.
02:27 On ne peut pas être chef par beau temps
02:29 et vouloir s'y soustraire lorsque le temps est difficile.
02:32 S'il veut le responsable, il est devant vous,
02:34 qu'il vienne le chercher.
02:36 Et ce responsable, il répond au peuple français.
02:38 Emmanuel Macron a dit qu'il vienne me chercher.
02:40 Cette parole n'est quand même pas la meilleure
02:44 qu'ait dite le président de la République.
02:46 Il parle beaucoup.
02:47 Parce qu'il savait bien, quand il la disait,
02:51 que c'était impossible.
02:53 Puisque la seule personne, la seule et unique personne
02:58 qu'on ne peut pas convoquer
03:01 devant une commission d'enquête parlementaire,
03:03 en raison de la Constitution et de la séparation des pouvoirs,
03:07 c'est le président de la République.
03:09 Mais les sénateurs n'hésitent pas à auditionner
03:11 les plus hauts responsables de l'Élysée,
03:13 comme le secrétaire général Alexis Colère
03:16 et le directeur de cabinet du président de la République,
03:19 Patrick Straudat.
03:20 Avec parfois des échanges très tendus.
03:23 Monsieur le rapporteur, vous nous demandez
03:25 pourquoi nous n'avons pas été informés
03:27 de tous les déplacements de monsieur Benalla,
03:32 déplacements au cours desquels il a utilisé
03:33 les passeports diplomatiques.
03:35 Pour aller voir les chefs d'État.
03:36 Ah ben, je n'en sais rien.
03:38 Non mais vous ne savez pas grand-chose.
03:39 Mais enfin, c'est quand même étonnant.
03:41 Excusez-moi de parler comme ça.
03:42 Monsieur le rapporteur,
03:45 écoutez, je suis désolé,
03:47 mais je peux vous assurer que j'ai consacré
03:49 beaucoup d'heures à préparer cet entretien
03:51 et que je suis venu avec le souci
03:53 de vous donner le maximum d'informations.
03:55 Alors, si vous retenez de mes interventions
03:57 que la maison n'est pas tenue,
03:59 je peux vous assurer que c'est faux.
04:02 Au terme de cette enquête,
04:03 le Sénat demande des poursuites judiciaires
04:05 contre Alexandre Benalla,
04:06 mais aussi contre les responsables de l'Élysée
04:09 pour rétention d'informations
04:10 devant une commission d'enquête parlementaire.
04:13 Le gouvernement monte au créneau
04:15 et dénonce des conclusions très politiques.
04:17 Je dois vous dire maintenant
04:20 qu'il y a eu des pressions même
04:23 pour que le bureau du Sénat
04:26 n'avalise pas le rapport que nous avions fait
04:29 avec ma collègue Muriel Jourdat
04:31 et avec le président Philippe Bas.
04:33 Et nous avons tenu bon,
04:34 et le bureau du Sénat a tenu bon.
04:37 Et aujourd'hui, j'ai la fierté de vous dire
04:40 que pas une ligne de ce rapport,
04:43 pas une ligne,
04:44 n'a été remise en cause par personne.
04:47 Bien avant ce coup d'éclat,
04:49 Jean-Pierre Sueur,
04:50 agrégé de lettres modernes et militant rocardien,
04:53 mène ses premières batailles électorales
04:54 dans les années 80,
04:56 dans un territoire, le Loiret,
04:58 et dans une ville, Orléans.
05:00 Une ville dont il a été le maire entre 1989 et 2001.
05:04 François Mitterrand m'avait dit
05:07 "Vous ne réussirez pas à Orléans,
05:08 j'en suis désolé pour vous,
05:10 mais c'est trop à droite."
05:12 Et quand j'ai été élu,
05:15 il m'a fait venir à l'Élysée,
05:17 puis il m'a dit "Vous m'avez bluffé,
05:19 je vous nomme au sein du gouvernement."
05:22 De ses deux mandats dans la cité de Jeanne d'Arc,
05:24 on peut retenir certaines de ses réalisations.
05:27 Une médiathèque,
05:28 un zénith,
05:29 le pont de l'Europe qui franchit la Loire,
05:31 et un tramway.
05:33 Un projet qu'il a toujours défendu.
05:35 C'est vraiment un lien, le tram,
05:37 parce qu'il passe dans les quartiers anciens,
05:40 les quartiers historiques.
05:42 Il passe dans les nouveaux quartiers,
05:44 dans les banlieues.
05:45 Mais à partir du moment où on est tous reliés,
05:48 il n'y a plus de banlieue, il n'y a plus de centre,
05:50 on fait tous partie de la même agglomération.
05:53 L'action politique de Jean-Pierre Sueur
05:55 a été tournée dans son ensemble
05:56 vers les collectivités locales.
05:58 Il en a été le ministre sous François Mitterrand.
06:01 Il a alors créé les communautés de communes
06:03 et porté la première loi sur le statut de l'élu local,
06:06 qui prévoit un droit à la formation et à la retraite.
06:10 Durant ses années au Sénat,
06:11 Jean-Pierre Sueur a défendu sa vision
06:14 de l'aménagement du territoire
06:16 et de la politique de la ville.
06:17 Président de la Commission des lois entre 2011 et 2014,
06:21 il soutient le redécoupage des grandes régions
06:23 voulues par François Hollande.
06:25 Il doit faire face à l'époque,
06:27 à l'opposition d'une majorité de sénateurs
06:29 qui veulent vider le texte de sa substance.
06:32 Quand on fait de très grandes régions
06:34 et qu'on supprime les collectivités de proximité,
06:37 ça pose un problème considérable.
06:39 Si le gouvernement comprend
06:41 qu'il vaut mieux attendre l'automne
06:42 et le débat sur les compétences
06:44 pour faire en même temps les compétences et la carte,
06:47 eh bien on travaillera ensemble au mois d'octobre.
06:50 Il y a toujours des gens qui font des petites manœuvres.
06:55 Ceux qui sont cons vont essayer de mettre des petits obstacles comme ça.
06:59 Mais moi ça ne me intéresse pas.
07:01 Ceux qui comptent c'est le fond.
07:02 Et le fond c'est que je veux des régions fortes dans ce pays.
07:05 Mais quelques années plus tard,
07:07 Jean-Pierre Sueur regrette la création de ces grandes régions.
07:10 Je vais vous parler vrai.
07:12 Je vais peut-être me faire des adversaires
07:14 ou des gens qui ne seront pas contents, mais ce n'est pas grave.
07:17 Il faut assumer.
07:18 Je pense qu'on a eu tort, avec le recul,
07:23 mais François Hollande y tenait absolument,
07:26 de faire ces grandes régions.
07:27 Quand vous avez une région qui s'appelle Auvergne-Rhône-Alpes,
07:32 est-ce que vous pouvez dire aux gens du Cantal,
07:36 qui sont dans la même région que les gens de la Haute-Savoie ?
07:39 Franchement.
07:41 En 2011, le sénateur socialiste vit un moment inédit dans notre vie politique.
07:46 La gauche remporte la majorité des sièges au Sénat.
07:51 Mesdames et messieurs,
07:53 ce 25 septembre 2011 est un jour qui marquera l'histoire.
07:59 Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République,
08:02 le Sénat va connaître l'alternance.
08:05 Lionel Jospin avait dit qu'un jour,
08:09 que le Sénat était une anomalie démocratique.
08:13 Bien, là, on a montré que l'alternance était possible.
08:17 Une alternance qui n'aura duré que trois ans
08:19 et qui est plus difficile à imaginer aujourd'hui
08:21 dans le contexte d'affaiblissement de la gauche et du Parti socialiste.
08:25 Mais au moment de quitter la vie parlementaire,
08:28 Jean-Pierre Sueur reste confiant sur l'avenir de sa famille politique.
08:31 Nous sommes les héritiers de François Mitterrand,
08:36 de Michel Rocard, de Jacques Delors, de Pierre Bérigauvois,
08:39 dont j'ai été le ministre et j'en suis fier.
08:43 Et nous devons être dans cette ligne-là.
08:45 C'est-à-dire, d'abord la justice.
08:50 La justice.
08:52 Encore la justice.
08:55 Dans une société où il y a une économie ouverte
09:00 et où il y a un esprit d'entreprise et d'initiative,
09:03 ce n'est pas contradictoire, c'est complémentaire.
09:06 Je crois que le Parti socialiste a beaucoup d'avenir
09:09 à condition qu'il reste lui-même.
09:13 (Générique)

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