L'agriculture fait sa transition verte : les pistes d'avenir dans l'UE

  • l’année dernière
Alors que la mise en place de systèmes alimentaires durables et la préservation de la santé des sols sont des priorités à l'échelon européen, nous découvrons les atouts de l'agroécologie et des méthodes agricoles régénératrices en Normandie et en Finlande.
Transcript
00:00 Nos systèmes alimentaires sont ultra performants, mais ils ne sont pas durables.
00:08 Ils contribuent à la perte de la biodiversité, à la pollution des sols, de l'air, de l'eau
00:13 et aux changements climatiques.
00:14 Comment restaurer la nature tout en garantissant notre sécurité alimentaire ? C'est ce
00:21 qu'on va essayer de voir dans cet épisode.
00:23 La Normandie, dans le nord de la France.
00:40 Ici, les niveaux de pesticides, d'herbicides et d'engrais chimiques restent élevés.
00:44 L'objectif en Europe, c'est de réduire leur utilisation de moitié d'ici 2030.
00:49 J'ai choisi de rencontrer des agriculteurs conventionnels qui l'ont déjà fait.
00:53 Comme Emmanuel, cet ancien adepte de l'agriculture intensive, a pris le virage de l'agroécologie.
00:58 Traditionnellement, on fait un blé derrière du lard.
01:01 Là, je ne fais pas ça, je fais un colza.
01:02 L'huile colza, c'est une plante qui a une grosse capacité à capter de l'azote à
01:03 l'automne.
01:04 Il faut que je le mette là-bas.
01:05 Et en plus, je récupère de l'azote pour mon colza, donc j'ai moins d'azote chimique
01:11 à apporter moi-même.
01:12 En fait, c'est tout bénéfique.
01:13 Je suis parti d'un système très intensif.
01:17 En fait, c'est une recette qu'on vous vend, facile à appliquer.
01:19 Beaucoup de recours à l'engrais, beaucoup de recours à la chimie, avec des résultats
01:24 techniques qui n'étaient pas forcément au rendez-vous.
01:27 Donc je me suis posé pas mal de questions sur est-ce qu'on ne peut pas faire différemment.
01:32 Ce qui va nous obliger à changer beaucoup plus vite, c'est la crise climatique, la
01:36 perte de la biodiversité.
01:37 Et le troisième élément, c'est la crise de l'énergie.
01:40 Vincent aussi traite ses champs deux fois moins.
01:48 Il préfère les observer.
01:49 Il a replanté des haies, introduit de nouvelles espèces et privilégie la complémentarité
01:55 des cultures.
01:56 Ce qui fait rafraîchir, c'est que j'ai quand même des amis et des proches qui ont eu des
01:59 problèmes de santé en rapport avec les produits phytos.
02:01 Je pense que c'est une démarche qui plaît à mes enfants.
02:05 Mon aîné est apiculteur, donc les abeilles, ça me concerne forcément.
02:08 Et puis mon deuxième fils travaille à l'Office français de la biodiversité.
02:12 Il aime voir que je protège l'environnement de ses grands-parents, de son père.
02:15 Il est fier de son père ? Il est fier de son père, oui.
02:19 Faire évoluer la façon dont nous produisons, c'est une priorité pour l'Europe.
02:23 Mais c'est compliqué.
02:24 Une grande loi cadre européenne pour des systèmes alimentaires durables devrait prochainement
02:28 placer la restauration de la nature au cœur des politiques agricoles.
02:32 Pour cet agronome, qui accompagne Vincent et Emmanuel, les pouvoirs publics ont la
02:37 responsabilité d'encourager la transition vers d'autres modèles.
02:40 Nous, la démonstration économique qu'on fait avec ce groupe depuis 10 ans, c'est
02:44 juste que d'un point de vue économique, ils ne perdent pas et que le gain se fait
02:47 sur les enjeux de biens communs.
02:48 Mais pour d'autres gens, puisqu'il n'y a pas de surgain économique à faire et
02:52 à y aller, alors on n'y va pas forcément.
02:54 De toute manière, cette manière de produire ne convient pas dans la mesure où on ne peut
02:58 pas renouveler les matières actives chimiques à la vitesse qui serait nécessaire compte
03:04 tenu de l'apparition des inefficacités et des résistances.
03:06 Les produits phytosanitaires sont en effet de moins en moins efficaces.
03:10 Mais ils ont aussi moins d'intérêt si on améliore la résilience et la biodiversité
03:14 dans la nature.
03:15 C'est ce que j'ai retenu de mes échanges avec un autre agronome, Christian Huig.
03:18 Les pesticides, ce n'est pas un intrant.
03:19 C'est un peu ça le piège dans lequel on est tombé par habitude.
03:22 Un intrant suppose que vous ayez une courbe de réponse, donc plus vous en mettez, mieux
03:25 ça va.
03:26 Et en fait, les pesticides, vous en avez besoin que si vous avez une pression de maladie.
03:29 Et donc, si vous avez plus de régulation biologique, vous aurez moins de pesticides
03:32 parce que vous aurez plus de protection naturelle.
03:34 Les effets positifs du rétablissement des écosystèmes sont très visibles chez Charles,
03:39 un pionnier français de la permaculture.
03:42 Il transmet les savoirs acquis dans sa petite ferme biologique qui s'inspire de la complexité
03:47 de la nature.
03:48 En fait, c'est ce qu'on appelle les services écosystémiques.
03:51 C'est tous les services que la nature nous rend gratuitement et qui nous permettent à
03:53 nous humains de vivre.
03:54 Ça va être la création de fertilité, ça va être la pollinisation des végétaux,
04:00 mais ça va être aussi l'autorégulation des maladies, des ravageurs.
04:03 Et on a mené plus de 10 programmes de recherche scientifique sur cette ferme.
04:08 La première grosse étude a duré 4 ans.
04:10 Elle a montré qu'on produisait en moyenne 55 euros de légumes au mètre carré cultivés
04:15 totalement à la main.
04:16 C'est-à-dire plus de 10 fois plus que les rendements du maraîchage bio avec un tracteur.
04:21 La fertilité des parcelles intensément jardinées augmente très vite.
04:26 Et l'autre bonne nouvelle, c'est que ça libère 9/10 du territoire pour majoritairement
04:31 planter des arbres, pour creuser des mars, pour élever des animaux.
04:34 Et du coup, le même territoire est à la fois beaucoup plus naturel et ce qui est magique,
04:39 c'est qu'il est beaucoup plus productif.
04:40 La ferme de Charles reste une exception.
04:45 Plus de la moitié des terres en Europe est en mauvais état.
04:48 C'est dans ce cadre qu'une grande loi européenne sur la santé de la terre a été proposée
04:53 cet été.
04:54 Pour comprendre les enjeux, je me suis rendu dans le nord de l'Europe.
04:57 Voilà, on est à Helsinki.
05:01 Il est tôt et on va rejoindre un groupe direction la campagne finlandaise pour découvrir l'agriculture
05:08 régénératrice.
05:09 Et c'est bien fait pour les sols et la mer Baltique.
05:12 Une association de protection de l'environnement m'a invité à un atelier dans une ferme pilote
05:20 où les enjeux de dépollution, de protection du climat et de la biodiversité sont intimement
05:25 liés.
05:26 Les propriétaires, Sarah et Ilka, travaillent avec des scientifiques pour régénérer les
05:31 terres abîmées par l'agriculture intensive.
05:33 Ça, c'est de la biodiversité.
05:37 Ce ver de terre montre qu'il y a une bonne structure du sol.
05:40 C'est très positif quand on en trouve.
05:42 L'une des priorités, c'est de protéger la Baltique.
05:47 Le déversement de nutriments dans cette mer semi-fermée l'a gravement appauvri en oxygène.
05:52 C'est déjà l'une des mers les plus polluées du monde.
05:56 Cela signifie qu'il y a un grand excès d'azote et de phosphore dans la mer.
06:01 Et cela provient de l'agriculture et de la sylviculture.
06:04 Et si l'on veut éviter les déversements provenant des parcelles, il faut que la structure
06:10 du sol soit adéquate.
06:12 Et comment faire en sorte qu'elle le soit ? Il faut que le sol contienne autant de carbone
06:16 que possible pour reconstruire les écosystèmes dans les zones cultivées, à l'image de
06:20 ce qu'ils étaient il y a quelques décennies.
06:22 Pour reconstruire les écosystèmes, il faut aussi limiter la perturbation de la terre,
06:28 comme le labourage intensif.
06:30 On en a fait la démonstration.
06:31 Si le sol n'est pas en bon état, vous perdez beaucoup de terre, et avec la terre, les
06:37 nutriments.
06:38 Or, vous aimeriez utiliser ces nutriments sur les parcelles pour cultiver des aliments.
06:42 Donc si vous perdez cela, vous devez en rajouter sur vos terres.
06:46 L'autre bonne nouvelle, c'est que la vie, c'est du carbone.
06:50 Plus il y en a sous terre, moins il y en a dans l'air, et moins la planète se réchauffe.
06:54 Ces technologies permettent de mesurer sa présence dans la terre.
06:57 Combien de carbone il y a dans ce sol ? Peut-être 2% dans la couche supérieure.
07:04 Il faut que les racines aient du carbone.
07:06 Donc on peut améliorer le stockage du carbone en changeant la manière dont on gère les
07:11 aliments.
07:12 Et l'importance de ce point est similaire à celle consistant à augmenter la capacité
07:17 des forêts à jouer leur rôle de puits de carbone.
07:20 Si nous pouvions commencer à utiliser des méthodes d'agriculture plus régénératrices
07:24 à l'échelle mondiale, je pense que cela pourrait nous aider à retirer un tiers de
07:28 ce que nous devons retirer de l'atmosphère.
07:30 On finit cet épisode dans la forêt voisine.
07:36 Les participants de l'atelier d'agriculture régénératrice ont eu droit à un concert
07:41 sous les pins.
07:42 C'est en musique que je vous dis à très bientôt sur la route d'un monde plus vert.
07:45 (musique)
07:55 (applaudissements)
07:58 Merci.

Recommandée