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Depuis sa création en 2021, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a reçu près de vingt-sept mille témoignages.

A l'occasion de la publication de son nouveau rapport, son co-président, Édouard Durand, était l'invité du journal de la rédaction à 12h30, ce jeudi 21 septembre.

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Transcription
00:00 un basculement en cours.
00:02 Il ne faut pas crier victoire trop vite.
00:04 L'histoire de l'inceste, l'histoire de toutes les violences sexuelles faites aux enfants, c'est l'histoire d'un déni.
00:10 C'est l'histoire d'un refus de voir.
00:13 C'est l'histoire d'une volonté coûte que coûte de faire comme si on ne savait pas.
00:19 Ce qui a changé c'est la prise de conscience de l'ampleur, comme vous venez de le dire monsieur. Ça existe et c'est grave.
00:26 Ce qu'il faut arriver à faire pour basculer vraiment dans la protection, c'est le voir devant chaque enfant qui révèle des violences.
00:34 Malheureusement la plupart du temps on dit "ah celui là non, ah cette petite fille non, ah une ado qui dit
00:41 que ce sont des violences là, on n'est pas sûr".
00:43 Si c'était vrai, on protégerait.
00:46 Il faut décider que ce doit être une posture de principe. "Je te crois, je te protège".
00:55 Qu'est-ce que l'accumulation des témoignages que vous avez recueillis vous a permis de
01:00 mieux comprendre, notamment sur la manière dont les enfants qui osent prendre la parole
01:04 perçoivent aussi le monde des adultes ?
01:06 Oui c'est très important et très important pour moi de parler du monde des adultes.
01:10 Vous l'avez dit, je suis juge des enfants. J'ai passé ma vie à recueillir la parole des enfants, à les rencontrer, à parler avec eux.
01:16 Et aujourd'hui ce sont des adultes que nous écoutons et qui nous parlent de
01:22 l'enfant qu'il et elle ont été.
01:24 Plongé dans une solitude extrême et le film que nous verrons dimanche soir d'Emmanuel Béart le montre de manière glaçante.
01:33 L'agresseur par le passage à l'acte sexuel produit un anéantissement.
01:37 "Tu es une chose qui m'appartient dont je fais ce que je veux".
01:42 Et par la menace
01:45 il enferme l'enfant dans un silence
01:49 culpabilisant et les enfants souvent se dessinent sans bouche. Moi j'ai reçu à la commission
01:53 une dame qui me disait "après les viols mon beau-père me brûlait la langue avec une cigarette".
01:58 C'est donc difficile de parler. Il faut avoir l'espoir que le monde des adultes va faire quelque chose.
02:05 Dans 60% des cas le professionnel à qui l'enfant révèle des violences ne fait rien.
02:12 La parole à nouveau tombe dans le néant. C'est à nouveau
02:16 l'expérience du vide et de l'anéantissement. C'est pourquoi je parle d'une posture de principe.
02:21 Vous insistez beaucoup sur la nécessité de protéger les protecteurs donc en l'occurrence
02:27 les adultes qui prennent le parti des enfants lorsqu'ils ont connaissance de violences.
02:32 Quelles sont les difficultés auxquelles ils peuvent être exposés et comment renforcer ce que votre rapport appelle la chaîne des protections ?
02:39 En effet il s'agit bien d'une chaîne et une chaîne ne vaut que ce que vaut le maillon le plus faible de cette chaîne.
02:46 Or on envoie des injonctions paradoxales sans arrêt. Aux enfants on dit "mais parle, parle"
02:52 et quand l'enfant parle on lui dit "menteur, on n'est pas sûr, reviens plus tard".
02:58 Aux mères on dit "mais vous êtes là pour protéger vos enfants" et quand elles révèlent l'inceste on leur dit "vous êtes
03:06 aliénante,
03:08 manipulatrice, vous exagérez, taisez-vous, passons à autre chose". Et aux professionnels on leur dit "vous savez bien que la chaîne
03:15 hiérarchique n'est pas celle-ci, on ne peut pas faire de vagues,
03:18 ne prenons pas de risque". Aux médecins on dit "vous devez soigner, protéger, mais vous risquez des sanctions disciplinaires". Moi j'ai accompagné un médecin
03:28 devant un conseil de l'ordre. C'est un message explicite
03:31 envoyé au professionnel lui-même et à tous ses confrères et consoeurs.
03:36 Il est plus prudent de continuer à faire comme si ça n'était pas vrai.
03:40 Une dernière question monsieur Durand. Le troisième volet de votre rapport consiste en une sorte de
03:44 mémoire en défense pour la pérennisation de la civise, puisqu'on le rappelle l'incertitude
03:48 plane sur son maintien au delà de 2023. Vous arguez de sa nécessité, de son rôle
03:53 spécifique. Cela fait plusieurs mois que vous en appelez à une décision du gouvernement. Est-ce que vous êtes confiant ?
03:59 Écoutez,
04:03 je découvre ce monde. Moi je suis juge des enfants et aujourd'hui
04:08 ma mission est d'être fidèle à la parole des adultes qui nous font confiance et dans mon expérience professionnelle
04:13 une promesse est tenue. Quand on parle à un enfant,
04:17 on s'engage.
04:21 Et chaque fois que nous recevons une personne à la civise, nous nous engageons corps et âme.
04:26 C'est une promesse qui a été faite. Vous ne serez plus jamais seul.
04:32 Plus jamais. La civise produit du bien d'abord aux personnes qu'elle écoute, elles nous le disent d'une manière
04:37 qui nous édifie bien sûr, et à la société tout entière. Et ce qui est bien, c'est bien. Continuons.

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