À l’occasion du Pharma Healthtech 2023, le Pr Matthieu Durand, chirurgien-urologue chef de service au CHU de Nice, mais aussi (et surtout !) fondateur et directeur de What’s up Doc a pris la parole lors de la table ronde « Vitesse et influence, la nouvelle conversation scientifique », en tant qu’universitaire, enseignant, mais surtout en tant que médecin qui vit dans son époque, un observateur de système de santé et des innovations.
Voici quelques extraits de ses prises de parole.
Pour avoir accès aux replays de l’évènement, contactez laura.bailet@techtomed.com
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00:11 Ces sondages ont apporté sur des médecins en exercice,
00:16 dont à peu près la moitié à moins de 40 ans.
00:19 La moitié est à peu près en milieu hospitalier,
00:23 le reste en milieu libéral ou salarié dans des établissements de santé privés.
00:29 Et quelques-uns en fin de formation interne, docteur junior.
00:33 Les questions qui étaient peut-être posées étaient de savoir
00:36 si le digital avait modifié un petit peu leur rapport avec l'information,
00:42 et aussi avec l'industrie pharmaceutique avec laquelle on travaille régulièrement quand on est praticien.
00:47 70% des répondeurs ont plutôt dit que finalement les choses n'avaient pas tant changé que ça.
00:53 70% avaient aussi reçu dans leur cabinet ou à la consultation des représentants de l'industrie pharmaceutique
01:01 venus échanger des informations pendant la dernière année.
01:04 Ce qui, en tout cas sur ce petit groupe, qui n'a pas la vérité d'être la réponse ultime,
01:10 tend à dire que la présence du digital qui remplacerait tout, telle une vague,
01:16 en tout cas, je pense que ça ce n'est pas une bonne information.
01:20 Le digital a bien pénétré le rapport et l'information vers les médecins, praticiens,
01:26 mais il ne remplace pas la relation humaine, il la, sans doute, complète,
01:31 il la modifie, il la rend différente,
01:36 mais en tout cas il n'est pas là pour se substituer à la relation humaine existante.
01:44 Deuxième enseignement de ce sondage, si on lit en diagonale l'ensemble des réponses,
01:49 c'est que globalement, la manière dont viennent les informations aux médecins,
01:56 le fait que ce soit digital ou par communication papier ou par communication de rendez-vous, de réunion,
02:04 n'est pas fondamentalement un enjeu en soi.
02:08 L'engouement aux réponses à ce sondage par rapport au sondage que l'on réalise régulièrement
02:13 pour WhatsApp Doc, pour la rédaction ou pour des partenaires, n'a pas suscité un engouement majeur.
02:19 On peut aussi dire que pour eux, c'est une évolution de la société
02:25 qui entraîne une évolution de leur information dans leur cabinet et salle de consultation,
02:31 mais ce n'est pas une révolution.
02:33 Et peut-être que la bascule qu'on a connue au moment de la Covid,
02:35 avec forcément une rupture des relations humaines obligatoires,
02:40 on en revient forcément un petit peu, un rééquilibrage est en train de se faire.
02:46 Globalement, en tout cas, je ne vois pas tellement de différence entre 30 et 40
02:50 dans les réactions du lecteurat.
02:52 Ce qui est sûr, c'est que les médecins, comme la société civile dans sa globalité,
02:58 la vague du digital a évidemment pénétré l'ensemble des mœurs.
03:03 Ils sont souvent dans le besoin d'outils digitaux pour simplifier, par exemple, la prise de décision,
03:08 pour simplifier une recherche de références scientifiques,
03:11 pour simplifier dans un algorithme la stratégie thérapeutique qui pourrait être proposée.
03:16 Mais encore faut-il l'avoir au moment de l'interaction immédiate avec le patient.
03:19 Parce qu'une particularité aussi dans les besoins des médecins,
03:23 c'est que ce n'est pas comme un projet dont je coûterais votre besoin,
03:28 je réfléchirais 18 jours et je vous restituerais une offre dans 20 jours.
03:32 C'est immédiat, c'est dans les cinq minutes.
03:34 Et si vous n'avez pas une réponse immédiate,
03:36 alors vous avez toujours le droit de voter en cours,
03:38 mais si vous n'avez pas une réponse immédiate, en général,
03:40 vous perdez quand même le crédit et donc la confiance du patient
03:44 qui peut se sentir inquiet que vous n'ayez pas une réponse à lui portée.
03:49 Des usages de la pratique vont dépendre,
03:53 la manière dont doit être véhiculée l'information,
03:56 car pour avoir une information qui serait consommée et utilisée immédiatement dans une consultation,
04:00 là, pour le coup, il faut quelque chose d'extrêmement rapide,
04:02 mais qui ne soit pas faux pour autant.
04:03 J'ai essayé en traduisant ce que les patients me disaient
04:06 pour essayer de voir s'ils avaient tapé ce qu'ils auraient eu comme information.
04:09 J'ai essayé en me posant des questions sur un cas,
04:11 en tapant les questions que j'avais pour voir quel type de réponse j'allais avoir.
04:14 Pour l'instant, je peux le dire, ce n'est pas concluant par rapport à ce que j'ai essayé.
04:17 Je vais faire pipi cinq fois dans la nuit, j'ai tel problème, j'ai tel problème,
04:21 qu'est-ce que je dois faire ?
04:22 Ça ne me donne pas les bonnes réponses nécessairement, ce n'est pas très loin néanmoins.
04:25 Mon premier conseil, c'est de ne pas faire des choses qui ne sont pas très efficaces.
04:28 Si vous êtes patient ou si vous êtes médecin, ne reposez surtout pas sur ce seul conseil.
04:32 Oui, on va accompagner sans doute les professionnels de santé quels qu'ils soient
04:38 à savoir travailler avec ces outils qui vont évoluer par ailleurs
04:42 et qui vont faire partie de notre quotidien.
04:44 La difficulté restera d'éduquer les patients, qu'on est tous potentiellement un jour,
04:49 parce que nous, nous aurons tous le droit de faire des choses qui ne sont pas efficaces.
04:55 Et parce que nous, nous aurons tous la volonté d'avoir ce recours-là pour raison de rapidité.
05:02 Et on aura tous, dans cette période en plus de faiblesse où on se sent malade,
05:06 l'incapacité à juger des résultats ou des informations qui nous seront données.
05:11 Et les patients, ils ne vont pas à l'université pour être formés patients, ça n'existe pas ça.
05:15 Donc ça, c'est l'éducation civique, civile, citoyenne.
05:22 J'enseigne pour partie justement l'application de l'intelligence artificielle dans ma pratique de l'urologie.
05:29 Et dans un des cours introductifs que j'ai régulièrement chaque année
05:33 avec les étudiants qui sont inscrits à ce cours,
05:37 j'évoque exactement que l'intelligence artificielle va parfois suppléer,
05:42 mais parfois associer, permettre d'aller plus loin, mais parfois aussi remplacer.
05:47 Et j'ai forcément face à moi des réactions dans l'amphi.
05:52 Et globalement quand même, la première des réactions que j'ai,
05:55 elle est quand même souvent dans une forme d'inquiétude.
05:59 En pratique, il est sûr et certain que ça va modifier la manière d'exercer.
06:04 Et que du coup, moi, de mon côté enseignant, je dois modifier ma manière d'enseigner
06:09 pour apprendre à savoir utiliser des outils qui vont accompagner l'enjeu de l'exercice clinique.
06:16 Parce que sinon, je vais risquer de former des professionnels qui vont être opaques,
06:21 ou opposés, ou hostiles, ou pas ouverts à l'incorporation de technologies dans leur pratique,
06:27 pour comprendre que finalement cette partie-là est automatique.
06:31 Et lui, il a à choisir parmi les décisions qui lui seraient préconisées,
06:35 et non pas à formuler un trio de décisions.
06:38 Il y a un outil actuellement qui est proposé d'intelligence artificielle
06:43 par une industrie qui accompagne l'examen clinique,
06:47 pour évaluer la conversation et apporter une aide conversationnelle,
06:51 et donc une analyse sémiologique de l'instantanéité de la conversation avec un patient.
06:57 Une conversation qui s'appelle examen clinique.
07:00 Ça, c'est l'incorporation d'un outil complémentaire qui va aménager véritablement le quotidien,
07:05 et changer totalement la manière d'être.
07:09 Aujourd'hui, avec les technologies, le médecin va être de plus en plus,
07:14 sur son ordinateur, à tapoter son rendu de son observation clinique,
07:18 dont en plus, médico-légalement, on va lui demander qu'il y ait un document,
07:22 alors qu'avant il pouvait le faire manuscrit.
07:24 Donc avant, quand il était manuscrit, ou quand c'était dans l'oralité uniquement,
07:27 il était très proche du patient,
07:29 ce qui était plutôt favorable pour l'échange patient, la confiance qui s'installait.
07:34 Or, dès que l'on détourne forcément avec un tiers ce qui va être un ordinateur, ça pose problème.
07:39 S'il y a une intelligence artificielle conversationnelle qui permet d'écouter les deux propos qui sont évoqués,
07:46 et de restituer automatiquement, sans doute avec des adaptations,
07:50 mais de restituer automatiquement une trame de ce qui s'est dit,
07:53 en la classant, ici l'anamnèse, ici les signes cliniques, ici les signes physiques,
07:57 ici les signes fonctionnels, etc.
07:59 Elle permet de soulager le praticien d'une attache technologique,
08:04 pour le rendre à nouveau au plus proche du patient,
08:07 et lui permettre d'avancer, de restaurer finalement la relation médecin-malade.
08:11 Très souvent les technologies disent "ah bah elles vont changer totalement les choses",
08:15 en fait celle-ci, c'est un exemple,
08:17 elle permet de réinvestir une situation de relation synanigmatique médecin-patient,
08:23 qui à cause de la technologie, avait un peu été dévoyée,
08:27 pour des raisons évidentes de restitution, que l'on comprend bien,
08:31 ou de transmission aux équipes médicales après.
08:34 Donc l'apport de l'IA va être multiple et divers, à nouveau,
08:39 sans doute va-t-il générer des situations d'augmentation des pratiques par les médecins,
08:46 il va aussi permettre de regagner parfois du temps médical,
08:49 ou de restituer une relation qui doit rester ce qu'elle est,
08:53 parce que vous l'avez dit tout au départ pour l'information,
08:56 le besoin d'échange, le besoin physique, le besoin émotionnel existe dans l'information,
09:02 il existe aussi à la consultation, c'est très important d'avoir ce temps d'écoute,
09:06 juste d'écouter, juste d'être silencieux, juste de comprendre ce qui a été dit,
09:10 parfois de ne pas forcément répondre à toutes les questions,
09:13 de donner un autre rendez-vous, mais d'avancer, de construire avec quelqu'un qui est en face.
09:16 Si certaines personnes vont avoir un aura très important sur le digital,
09:25 c'est pas pour ça qu'ils en sont plus intelligents et que leur expertise est fondée.
09:30 Parfois un expert est fondé pour une expertise, mais ça ne l'empêche pas de parler à d'autres sujets,
09:36 et parce qu'il est justement, digitalement parlant, très connu, il va être très reconnu,
09:43 et ce qu'il risque de dire sur d'autres sujets qui sont les siens,
09:46 peuvent poser véritablement parfois sujet.
09:49 La parole scientifique quand même, quand il s'agit de messages scientifiques,
09:53 ou la parole médicale quand il s'agit d'une interprétation de la science pour les patients,
09:58 il faut quand même qu'elle repose sur un faisceau d'arguments
10:02 qui eux n'ont pas changé depuis l'histoire.
10:05 Il y a des publications, ces publications il en faut un certain nombre,
10:08 puis ensuite il y a des recommandations, puis ensuite on applique les recommandations en tant que thérapeute.
10:11 Si on commence parce qu'on a une intuition scientifique
10:15 à partir sur un autre territoire qui n'a pas été prouvé,
10:18 ou qui n'a pas suivi ces canaux-là, et que par ailleurs on a une influence majeure,
10:23 eh bien on risque de malmener l'opinion, on risque d'importer des mauvaises informations.
10:30 Donc je crois qu'attention à l'usage des dols.
10:34 Pour eux-mêmes, il faut qu'ils fassent très attention à ce qu'ils disent,
10:38 comme toute personne en réalité qui a la responsabilité de son propre discours,
10:43 et qui sait qu'il a un impasse.
10:44 Sauf que ça, c'est beaucoup plus facile de le faire n'importe où, dans son salon ou aux toilettes,
10:49 et ça va beaucoup plus vite, et que du coup l'impact derrière,
10:52 il peut être beaucoup plus dramatique en beaucoup moins de temps,
10:55 alors que quand on vient à une audience devant un parterre de 1000 personnes,
10:59 c'est pas tout à fait la même chose.
11:01 Donc la facilité de cet usage rend risqué l'émergence d'un certain nombre de porteurs d'opinions
11:11 qui ne sont pas nécessairement fondés dans le sujet sur lequel ils interviennent.
11:15 Encore une fois, il y a ceux qui n'ont pas du tout d'expertise,
11:18 mais il y a ceux qui ont des expertises,
11:20 donc en général ils ont quand même une certaine intelligence,
11:22 qui sont d'autant plus responsables quand ils discutent juste à côté
11:25 dans un domaine dans lequel ils n'ont pas d'expertise, où il ferait mieux de se tailler.
11:27 Les formats longs ne sont pas les formats les plus lus.
11:35 Quelques-uns néanmoins arrivent à émerger,
11:38 donc c'est d'autant plus difficile de faire un format long,
11:41 ça c'est une certitude pour capter l'attention sur une certaine durée.
11:44 Il y a une méthode, c'est connaître ceux qui nous écoutent pour savoir ce que l'on doit préparer.
11:48 Mais il n'y a pas un type de contenu dit de qualité et d'autres qui ne le seraient pas,
11:52 donc un digest à 10 000 formes possibles.
11:54 WhatsApp Docs est un média d'informations socio-pro sur les médecins,
11:58 pour les médecins, sur les médecins.
12:00 Même sur les sujets qui sont les nôtres,
12:02 la manière dont on va aborder le propos dépendra du type de personnalité qui est en face
12:13 et qui comprendra ou ne comprendra pas le discours ou l'article ou l'analyse que l'on veut préparer.
12:18 Ma seule recommandation par rapport à notre expérience,
12:23 c'est un message qu'on aurait voulu mettre dans un traité plus long
12:29 parce que ça nous paraissait avoir plus de sens,
12:31 mais volontiers le rendre en série, le rendre en rubrique itérative, en rendez-vous
12:37 et ne pas chercher à donner un savoir plus encyclopédique trop long en une fois
12:44 parce qu'en fait on aura plus de réussite 10 fois 2 minutes que 1 fois 20 minutes.
12:48 En fonction des sujets, il y a des contraintes.
12:50 Par exemple, si je bascule dans le sujet scientifique,
12:53 un scientifique ou un médecin qui va publier un papier
12:57 aura quand même du mal à en arriver à un contenu très court
13:02 car le propre de la science, c'est justement de formuler des hypothèses
13:06 et d'émettre des résultats qui vont être multiples et variés
13:11 dont un excès de simplicité rendra toujours faux le propos.
13:15 La nature des contenus ne s'adapte pas non plus à une simplification des propos.
13:20 Il faut donc tenir compte de l'audience,
13:24 de la nature du message pour ne pas le singulariser,
13:27 pour le rendre trop vulgarisé jusqu'à en perdre du sens.
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