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EMMANUEL MACRON _ CE QUI SE CACHE DERRIÈRE SON INCROYABLE ARROGANCE (MONIQUE PIN

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Amusant
Transcription
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00:04 [Brouhaha]
00:09 Interpellé par des syndicalistes, Emmanuel Macron se défend.
00:12 [Brouhaha]
00:22 Et quant aux remarques sur son costume…
00:24 [Brouhaha]
00:31 Une gare, c'est un lieu où on croise.
00:35 Les gens qui réussissent, c'est les gens qui ne sont rien.
00:38 Parce que c'est un lieu où on passe.
00:40 Je fais le tour du départ ce soir avec vous.
00:42 Je vous trouve, je suis sûr qu'il y a 10 autres gens dans le coin de vous.
00:46 Vous voyez, honnêtement, l'hôtel, café, restaurant, je travaille sérieux, je les en trouve,
00:50 il y a simplement des gens qui sont prêts à travailler.
00:52 Moi je suis frappé, et c'est pour ça que je le dis,
00:55 il faut beaucoup de bienveillance et d'attention et de patience.
00:59 On a eu des manifestants qui ont dit "non, c'est pas la retraite le problème,
01:01 on ne veut plus travailler du tout".
01:03 Pendant longtemps encore, les petites phrases arrogantes d'Emmanuel Macron
01:07 resteront gravées dans les esprits.
01:09 Des petites phrases qui semblent lui échapper à l'insu de son plein gré.
01:13 C'est en tout cas ce qu'on peut se dire, même si c'est peut-être une fausse impression,
01:17 tant le point commun de toutes ces sorties de route,
01:20 c'est une forme assumée de mépris de classe.
01:23 Dès l'introduction de son dernier livre, "Le méprisant de la République",
01:27 Monique Pinçon-Charlot procède à une compilation de ces saillies problématiques
01:31 du président de la République française.
01:34 Et on peut se demander pourquoi la sociologue des riches
01:37 s'attarde sur le goût de la provocation d'Emmanuel Macron.
01:40 On verra dans les minutes qui viennent que ces dérapages
01:43 ne témoignent pas seulement d'un trait de caractère finalement répandu
01:47 chez les diplômés des grandes écoles les plus prestigieuses,
01:50 mais aussi et surtout de la matrice de celui qu'a notre ouvrage,
01:54 également signé par Michel Pinçon, présente comme le président des ultra-riches.
02:01 [Générique]
02:04 Bonjour Monique et bienvenue sur le plateau du Média.
02:06 Bonjour et merci pour cette invitation.
02:08 Dans la note de remerciement passif, tu écris
02:11 "Il n'est pas simple de se retrouver à écrire seul,
02:14 un ouvrage qui s'inscrit dans la suite de ceux réalisés à quatre mains avec Michel."
02:19 C'est Michel Pinçon, ton binôme à la Ville comme à la Seine,
02:24 si on peut dire, qui nous a quittés le 26 septembre 2022.
02:28 On peut ajouter à ta suite que cela n'a pas été simple,
02:31 mais que tu y es arrivé.
02:34 Donc voilà, on aimerait savoir un peu, finalement,
02:40 pourquoi ce livre, où tu as trouvé l'énergie pour sortir finalement
02:45 dans un délai très court, ce petit livre d'intervention ?
02:49 C'est-à-dire que j'ai tellement été passionnée par le travail
02:53 que j'ai partagé avec Michel que c'était impensable de m'arrêter,
02:58 parce que finalement, c'est comme une vocation.
03:02 Je ne sais pas, on a toujours travaillé tous les deux comme deux moines bénédictins,
03:05 et l'un disparaît après une grave maladie et l'autre essaye de poursuivre.
03:12 Et c'est beau parce que c'est au fond une forme d'immortalité symbolique pour Michel.
03:18 Il est toujours là où je suis. Il n'est plus là où il était,
03:22 comme disait Victor Hugo. Mais j'ai eu du mal.
03:25 Ça n'a pas été évident pour moi au départ de m'y mettre.
03:28 Mais en même temps, je suis contente d'y être arrivée,
03:32 d'être arrivée à écrire, à articuler, comme tu l'as dit,
03:40 le mépris de classe, ces petites phrases dédaigneuses qui sont devenues banales,
03:46 qui ne sont pas un trait de caractère d'Emmanuel Macron,
03:49 mais qui s'intègrent parfaitement dans la panoplie de la violence de classe,
03:54 de la violence des capitalistes contre les travailleurs,
03:57 contre toutes les formes du vivant, d'ailleurs, que ce soit humain ou non humain.
04:02 - Donc en gros, pour toi, le président des ultra riches
04:05 et le méprisant de la République, tout cela, ça se tient.
04:09 Ces petites phrases, ces cadeaux milliardaires, ça va ensemble.
04:12 - C'est en même temps. En même temps,
04:14 président des ultra riches et méprisant de la République.
04:18 - Alors, je ne sais pas si le mot que j'utilisais est le bon,
04:21 mais il y a un souffle anthropologique, voire philosophique,
04:25 dans ce livre d'intervention qui se lit aisément,
04:28 je le dis à l'usage de ceux qui nous regardent ou qui nous écoutent.
04:31 Par exemple, tu mets en avant la question du rapport à la mort,
04:35 de l'immortalité symbolique qu'essayent d'atteindre les ultra riches,
04:38 que tu compares à la précarité sans fin des pauvres,
04:41 le rapport à la mort, mais aussi à la retraite, au vieillissement,
04:45 bien entendu, parce que la bataille des retraites, elle est omniprésente dans ce livre.
04:48 Tout dans ce domaine met en quelque sorte à l'abri les riches,
04:52 les amis du président de la République, c'est-à-dire,
04:54 ils se croient, en tout cas, ils essayent de se prémunir,
04:58 quelque part, du trépas qui est notre destin commun,
05:01 du vieillissement, de la retraite, et ils ne peuvent pas,
05:05 finalement, comprendre le sens fondamental du repos et de la sécurité
05:14 qu'on mérite, entre guillemets, quand on a fini de travailler.
05:18 Pour toi, quelque part, il y a une sorte de scission anthropologique,
05:22 quelque part, en tout cas, c'est ce que j'ai lu.
05:25 - Oui, c'est bien. C'est une scission anthropologique.
05:27 On peut dire que c'est une sécession anthropologique.
05:31 On peut dire que c'est un séparatisme anthropologique,
05:35 parce que finalement, ils naissent dans les beaux quartiers,
05:39 avec des titres de propriété dans la bouche, par exemple,
05:43 s'ils naissent à Neuilly, et puis ils vont grandir ensemble.
05:48 Ils s'inscrivent dans des dynasties familiales, avec des quartiers
05:51 de noblesse ou des quartiers de bourgeoisie.
05:54 Toute leur vie est inscrite dans le temps long.
05:57 Et finalement, au moment de leur mort,
06:00 c'est un petit peu comme quand le roi est mort,
06:02 on dit "le roi est mort, vive le roi".
06:06 Et au fond, la mort humaine disparaît au bénéfice de la poursuite
06:12 de la dynastie, de la continuité dynastique.
06:15 Et c'est cette idée de l'immortalité symbolique,
06:19 qui est bien sûr symbolique, mais qui vaut mieux
06:24 qu'un hypothétique au-delà, et en tout cas, qui vaut mieux
06:27 que des morts dans les milieux populaires,
06:32 des morts qui sont dures, qui arrivent après une vie
06:37 d'insécurité, comme tu l'as dit. - Des morts au travail aussi.
06:40 - Des morts au travail, puis une fatigue terrible.
06:43 Et il n'y avait qu'un seul espoir dans la violence du système
06:49 capitaliste aujourd'hui, puisqu'il n'y a même pas de repos,
06:52 c'est-à-dire qu'il n'y a même plus de secteur de l'activité
06:55 économique et sociale qui échappe à la rapacité des prédateurs.
06:59 L'enseignement, la santé, l'information, la politique,
07:03 tout ce qui est l'agriculture, tout ce qui est commun,
07:07 tout ce qui est notre humanité, aujourd'hui, à vocation,
07:12 y compris nos données personnelles qui sont aujourd'hui
07:14 financiarisées par les plateformes numériques.
07:19 Donc plus rien ne leur échappe, la moindre petite plante
07:22 au fin fond du Sri Lanka à vocation à procurer des dividendes,
07:25 et donc au fond, le seul espoir, c'est la retraite.
07:30 Et si cette retraite recule de 62 à 64 ans, à un moment où le
07:37 dérèglement climatique qu'on vit aujourd'hui, on est tous en âge
07:40 autour de ce plateau, le chaos climatique, le dérèglement
07:44 climatique terrible qui ampute notre avenir.
07:49 On ne sait pas de quoi sera fait notre avenir.
07:51 Et donc, j'ai essayé dans ce petit livre de tricoter la réforme
07:55 des retraites, non pas tant d'un point de vue technocratique
07:59 et avec des chiffres, des démonstrations administratives
08:03 et techniques, mais de l'articuler précisément, d'en faire un
08:06 enjeu existentiel et de l'articuler avec justement la violence
08:11 du dérèglement climatique qui ampute notamment l'avenir
08:16 des plus pauvres, puisque plus on est pauvre, moins on pourra
08:19 se protéger du dérèglement climatique.
08:21 Cette parole qu'on a beaucoup entendue pendant la bataille
08:25 des retraites, c'est "on vit plus longtemps, on doit travailler
08:27 plus longtemps".
08:28 Et ce que tu expliques, c'est que le travail n'est pas vu de
08:32 la même manière chez ces ultra-riches et chez les Français du commun.
08:39 Parce que justement, il y a quelque chose comme qui ressort de
08:42 l'adrénaline, de la volonté d'exister, du Léviathan, quasiment
08:47 de la quête de pouvoir qu'ils assimilent eux au travail, dans
08:52 leur cercle, alors que le travail, c'est une usure pour la majorité
08:57 des gens qui travaillent en dehors de leur petit milieu.
09:01 Ça aussi, quelque part, c'est anthropologique, philosophique.
09:05 - Oui, c'est très important ce que tu viens de dire.
09:07 Et on peut observer à travers ce que tu viens de dire, une évolution
09:12 du système capitaliste qui est passé d'un capitalisme paternel
09:18 où les ouvriers, à l'époque, je sais pas, moi, quand j'étais petite
09:24 ou après dans les années 50, 60, 70, les ouvriers étaient fiers
09:28 de leur métier.
09:30 Ils avaient de la dignité dans leur travail.
09:32 Ils fabriquaient des TGV, ils fabriquaient des choses qui étaient
09:36 essentielles pour le bien-être de nous tous.
09:40 Et tandis que là, maintenant, avec le néolibéralisme et le management
09:46 néolibéral, on a tout détruit du sens du travail.
09:50 C'est-à-dire qu'on n'a même plus, les travailleurs n'ont même plus
09:53 leur dignité.
09:54 Tout est incohérent, que ce soit dans les systèmes de santé,
09:58 dans l'enseignement, on écoute la radio tous les jours,
10:00 tout est incohérent.
10:01 Donc l'aspiration à la parenthèse de vie libre, libérer des managers,
10:09 libérer des capitalistes, on continuera peut-être à travailler,
10:13 mais c'est nous qui choisirons ce qu'on veut faire comme travail.
10:17 Du bénévolat, nous occuper de nos petits-enfants, cultiver le jardin.
10:21 Voilà, c'est nous qui choisirons.
10:23 Et cette liberté-là, c'est celle-ci qu'ils veulent nous voler,
10:28 puisque l'objectif, finalement, si on a bien compris ce qui se passe
10:31 au niveau de l'Europe, ça sera à terme 67 ans.
10:34 - Alors tu reviens, donc, on a dit sur la réforme des retraits,
10:38 qui est passée, en dépit des sondages et de la forte mobilisation sur le terrain,
10:41 et peut-être que je m'avance un peu, mais dans ce petit livre,
10:44 tu vois un signe du mauvais état de la démocratie dans notre pays,
10:49 c'est-à-dire cette histoire de la réforme des retraites qui passe malgré tout,
10:52 nous raconte la dégradation, la disparition,
10:56 alors peut-être que je m'avance de la démocratie dans notre pays.
10:58 Pour l'expliquer, tu évoques notamment la sociologie de la représentation nationale,
11:03 de l'Assemblée nationale, et puis aussi du Sénat,
11:06 où les professions dites supérieures sont largement surreprésentées.
11:11 Tu parles également du Conseil constitutionnel,
11:13 où régnerait une forme d'entre-soi.
11:16 Là encore, il y a une sorte de lecture de classe que tu imposes sur le champ.
11:22 Alors ce n'est pas des ultra-riches qui sont à l'Assemblée nationale ou au Sénat,
11:28 mais ce n'est pas non plus les travailleurs et les travailleuses
11:31 qui vont subir l'allongement de l'âge du départ à la retraite.
11:35 Il y a quelque chose donc de la maldonne démocratique, d'une certaine manière.
11:38 - Tout à fait. C'est-à-dire que le capitalisme, en se radicalisant,
11:45 d'une certaine manière, dans la phase néolibérale dont j'ai déjà parlé,
11:49 avec la financiarisation généralisée, et ce, à l'échelle de la planète,
11:55 ça fait qu'il n'y a plus de place,
11:59 il n'y a plus de possibilité pour les peuples de se révolter.
12:03 Et pour notre France, pour les classes moyennes et les classes populaires,
12:06 de se révolter contre ce recul de l'âge de la retraite.
12:11 Il ne peut plus y avoir de démocratie. La démocratie est devenue incompatible
12:16 avec la violence de classe du capitalisme qui va en augmentant,
12:25 en s'aggravant, en se radicalisant. J'aime bien, j'ai déjà répété plusieurs fois le mot radical,
12:30 mais comme on nous critique qu'on est trop radicaux,
12:35 je trouve que c'est bien de renvoyer aussi un peu l'ascenseur aux capitalistes
12:40 qui, carrément, eux, sont dans la radicalité de l'exploitation et de la domination de classe.
12:46 - Et on va te dire, mais tu dis qu'il n'y a plus de démocratie, alors que les députés qui,
12:50 finalement, auraient pu, puisqu'ils n'ont pas voté, mais en tout cas,
12:56 le nombre important de députés qui ont quand même validé la réforme de retraite,
13:02 le nombre important des sénateurs qui ont quand même validé la réforme de retraite
13:06 sont issus du suffrage universel, direct ou indirect.
13:09 Mais on va te répondre, tu ne peux pas dire qu'il n'y a plus de démocratie,
13:13 vu que, régulièrement, les gens votent.
13:16 - Oui. Alors ça, je ne suis pas sûre d'avoir dit qu'il n'y a plus de démocratie.
13:19 J'ai dit que la démocratie était menacée, de plus en plus menacée
13:23 par la radicalité du système capitaliste et par rapport aux votes que l'élection,
13:30 que revendique y compris le président de la République.
13:33 Je trouve que les quelques données chiffrées de la Sociologue sont bienvenues
13:38 quand on sait que les cadres et les professions libérales représentent 22% de la population active,
13:45 mais qui sont 72% à l'Assemblée nationale, alors que les ouvriers et les employés
13:50 qui représentent 47% de la population active ne sont que 5,7.
13:55 Ce n'est pas vrai. On n'est pas dans un régime démocratique parce que, évidemment,
14:00 le fait qu'il n'y ait pas la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés,
14:05 c'est profondément antidémocratique. Le fait que les dons financiers
14:12 pour aider les candidats à se présenter sont défiscalisés
14:16 et profitent beaucoup plus aux riches évidemment qu'aux plus modestes,
14:20 que les instituts de sondage appartiennent tous à des milliardaires,
14:23 que la presse appartient massivement aux milliardaires.
14:27 Je veux dire, quand la pensée unique est à ce point assourdissante,
14:31 on se dit "ouais, on nous parle de pays avec des parties uniques et des oligarques,
14:37 et nous, en France, qu'est-ce qu'on a ? Pour moi, on a la pensée unique et des oligarques
14:43 dans la mesure où l'oligarchie, c'est bien ce moment-là du système capitaliste
14:47 où toutes les richesses et les pouvoirs sont accaparés par une petite caste.
14:51 Ce livre, donc, il est traversé par la bataille des retraites,
14:54 mais aujourd'hui, finalement, on ne parle plus tellement de cette bataille des retraites.
14:58 Le texte est entré en application en début septembre,
15:02 et l'actualité est monopolisée par les abayas et les questions qui divisent,
15:07 finalement, le gros bloc qui refusait à toute force l'allongement de l'âge de départ à la retraite.
15:12 C'est-à-dire, il y a quelques mois, on se sentait puissant,
15:14 parce qu'il y avait 70, 80, 90 % des Français ou des actifs
15:19 qui étaient d'accord sur le fait que le pouvoir avait tort.
15:24 Mais là, le temps est passé, d'autres débats sont venus fracturer ce bloc populaire,
15:30 ce bloc majoritaire, extrêmement majoritaire, qui va subir l'allongement de l'âge de départ à la retraite.
15:37 Et finalement, notre discussion semble anachronique.
15:41 - Pas du tout. Alors moi, je ne le vis pas comme ça.
15:44 D'une part, parce qu'il y a ce petit livre qui sort et dont la mission est précisément
15:49 de montrer à tous ceux qui se sont battus pendant des mois,
15:54 qui ont beaucoup sacrifié de leur temps, mais c'était aussi de la joie d'être ensemble.
15:58 C'était des manifestations en unité syndicale,
16:01 des manifestations avec une détermination absolument inédite,
16:05 même si les forces policières, quelquefois, nous mettaient beaucoup de larmes dans nos yeux,
16:12 nous faisaient peur. On se prenait la main les uns les autres et puis on allait de l'avant.
16:18 Ce que j'ai vécu, ce sont des choses irréversibles.
16:21 Ça, personne ne nous le volera. Et ça, c'est inscrit.
16:24 Il y a des effets de cliquet comme ça dans la vie. C'est irréversible.
16:27 Et quoi qu'ils fassent comme manipulation, ce que nous avons vécu restera.
16:32 Et face au dérèglement climatique, face à cette amputation de notre avenir,
16:38 notamment pour les classes moyennes et les classes populaires,
16:42 eh bien, de toute façon, c'est chaque jour davantage qu'on est réactivés.
16:46 Là, on transpire, on a chaud tous les deux. Et donc, voilà, on sait qu'il faut qu'on réagisse.
16:53 Et là, ce livre, il est là. Beaucoup de chapitres portent des titres de slogans
16:59 que j'ai notés, comme "Le mécréant est passé par là, il chause du 49.3",
17:05 "Macron, arrête de nous chauffer, la planète brûle", des choses comme ça.
17:10 Plein d'inventivité pour justement faire participer à cette mémoire collective de ce moment,
17:17 de ce moment unique. C'est unique, le moment qu'on a vécu.
17:20 Et c'est pour ça que je l'ai traité de manière un peu, comme tu l'as dit très gentiment
17:24 au début de cet entretien, de manière existentielle, anthropologique,
17:27 profondément sociologique, pour que les lecteurs puissent se dire, voilà,
17:33 je prends un petit exemple, la réforme des retraites, et avec les analyses des sociologues
17:39 spécialisées de ces familles les plus riches de France, voilà, je vais, sur un petit objet,
17:44 je vais comprendre le fonctionnement de cette oligarchie.
17:47 Ils se tiennent tous par la main, que ce soit le fondé de pouvoir de l'oligarchie à l'Élysée,
17:54 avec les camarades de classe du Conseil constitutionnel,
17:57 tout ce qui, la Constitution qui est instrumentalisée pour, finalement, qu'il n'y ait pas de vote au Parlement.
18:04 Voilà, donc le tableau devrait être sur le plan pédagogique et la transmission
18:10 qui a été toujours notre combat, Michel et moi, ce petit livre est là pour ça.
18:15 – Donc la bataille des retraites, tu ne la décrirais pas comme une bataille perdue,
18:19 comme une défaite, comme un accablement ?
18:22 – Pas du tout, pas du tout, je suis triste évidemment qu'on n'ait pas gagné,
18:26 mais eux, ils n'ont pas gagné non plus, parce que c'est des vaincus,
18:30 ils ont bafoué la démocratie et ils ont bafoué le peuple,
18:35 puisque les trois quarts de la population active étaient contre cette réforme,
18:39 donc c'est pas glorieux du tout, donc voilà, et nous par contre,
18:44 si on réfléchit à ce qu'on a vécu, c'est un moment assez unique,
18:49 parce que le 1er mai, moi ça faisait 9 ans que je n'avais pas manifesté
18:54 avec la CGT, la CFDT et l'ensemble des syndicats réunis,
18:59 ça a été un moment d'émotion très fort, quand on participe régulièrement au 1er mai,
19:03 voilà, ben là cette année c'était tous ensemble.
19:05 – Et est-ce que c'est un moment qui fera des petits,
19:08 est-ce qu'il est enceint d'autres moments qu'on va voir dans les mois,
19:12 les années qui viennent à ton avis ?
19:14 Est-ce que finalement il s'inscrit dans une trame, comme on parle de bataille,
19:18 dans une guerre plus longue qui aura d'autres manifestations
19:22 assez vite de ton point de vue ?
19:24 – Oui, je pense que la bataille pour l'unité, parce que nous on est très nombreux,
19:31 et en plus c'est bien puisque c'est nous qui faisons fonctionner
19:33 le monde de l'économie réelle, donc c'est nous les plus forts,
19:37 et donc nous on doit faire exactement comme ça se passe dans l'oligarchie,
19:42 c'est-à-dire on ne doit pas être divisé, chacun fait ce qu'il veut,
19:46 toi tu travailles au Média, moi je travaille, je fais mes petits livres
19:49 tranquillou chez moi, et puis après c'est tous ensemble,
19:54 avec des instances de coordination comme le Média, tout ça,
19:57 tout ce qui peut se passer, ça se coordonne et puis ça crée quelque chose,
20:04 avec les syndicats, les partis politiques, chacun s'investit comme il veut,
20:08 mais il y a des instances de coordination qui viennent créer des dynamiques
20:13 positives et irréversibles de nos combats, et ça c'est sacré,
20:17 et ça il faut bien en avoir conscience, et se dire que ça vaut le coup,
20:23 aujourd'hui que l'habitabilité de la planète est menacée,
20:26 c'est quand même pas possible qu'on ne soit pas à la hauteur de ce rendez-vous historique.
20:31 - Alors quelque part tu as dit dans une vidéo que j'ai regardée,
20:35 que finalement le monde du travail, les classes populaires et moyennes
20:40 devraient tirer exemple de la solidarité des riches,
20:44 que c'est un monde qui est tout aussi dissemblable et traversé de contradictions,
20:48 peut-être plus que le monde de ceux qui travaillent
20:53 et de ceux qui sont accablés par la bourgeoisie,
20:56 mais que ce monde finalement a des techniques de mise en solidarité
21:01 dont devrait s'inspirer.
21:02 - Voilà, et justement la sociabilité qu'on a vécue avec toutes ces manifestations,
21:10 c'était chouette quand la manifestation était terminée,
21:13 on allait se prendre une petite bière,
21:14 et puis on nous disait "ah la prochaine c'est tel jour à telle heure",
21:18 et voilà on était repartis, cette sociabilité avec la joie des chansons,
21:21 c'est pour ça que les chansons sont présentes aussi dans ce petit livre,
21:26 la joie d'être ensemble, la joie d'être unis,
21:29 cette joie-là, c'est celle que nous on a trouvée dans les beaux quartiers,
21:34 ils sont toujours dans la joie, alors bien sûr ils ont de l'argent,
21:37 ils ont des jolis cadres, du bon champagne et tout ça,
21:41 mais nous on peut faire pareil,
21:43 et cette joie-là, elle va permettre à la mayonnaise populaire d'être bien ferme,
21:51 que les syndicats restent encore unis pour longtemps,
21:54 les partis politiques aussi, chacun dans leur différence,
21:57 mais tous ensemble quand il y a des luttes comme ça,
22:00 essentielles, existentielles, comme la réforme des retraites.
22:04 – Je voudrais qu'on reparle un peu du mépris d'Emmanuel Macron,
22:08 le méprisant de la République,
22:11 parce qu'on a parlé de techniques sociologiques qui permettent de souder un monde,
22:19 est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de l'ordre du psychologique
22:21 dans sa manière d'assener ces phrases pleines de violence,
22:28 toujours aux mêmes victimes, c'est-à-dire aux classes populaires,
22:31 aux chômeurs, aux gens qui devraient juste traverser la route
22:34 si c'était un peu moins feignant, etc.
22:38 Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de l'ordre du psychologique,
22:43 d'une sorte de construction qui vise à te déprécier
22:47 pour que toi aussi finalement tu te déprécies,
22:50 parce que nos sociétés sont hiérarchisées depuis des millénaires,
22:54 et donc quand le chef dit quelque chose, c'est que ce n'est peut-être pas tout à fait faux,
22:58 il y a peut-être quelque chose comme ça qui se joue.
23:00 Le mépris d'Emmanuel Macron, quelle est son utilité politique pour son monde ?
23:08 - Alors je dirais que l'instrumentalisation de la psychologisation du social,
23:16 en faisant tout ce que tu viens de dire à l'égard des travailleurs,
23:21 des gens qui ne sont rien, des derniers de cordée,
23:25 c'est en réalité, il y a plusieurs raisons qui sont à l'origine de ces phrases dédaigneuses.
23:34 C'est d'une part, par une apparence comme ça psychologique,
23:40 de bien mettre à l'écart les logiques sociales qui sont au cœur du capitalisme.
23:45 Et puis deuxièmement, je dirais que c'est une façon d'écraser,
23:50 d'humilier, de tétaniser, de sidérer, de rendre impuissant toute forme de révolte et de contestation.
23:59 - Et quelque part, justement, pour éviter que ça marche,
24:03 il faut opposer à ces phrases de mépris un discours de dignité
24:08 et des pratiques qui rappellent à chaque jour la dignité du monde du travail
24:14 et du monde de la France d'en bas, si on peut dire ainsi.
24:19 Alors, une fois de plus, se pose la question des médias.
24:23 Je t'évoquais le feuilleton de La Baïa qui semble prendre en otage notre champ médiatique.
24:33 Et dans ce livre, tu racontes comment tu as été subtilement censuré
24:37 par l'émission "Célèbre dos" présentée par Ali Baddou sur France 5.
24:40 Alors, ce n'est pas l'émission la plus radicalement outrancière.
24:45 C'est une émission finalement de centre gauche bien propre sur elle.
24:50 Tu y es passée, mais tu as été victime d'une censure assez fine,
24:58 tout en étant assez fine pour ceux qui n'ont pas vu l'émission en train de se faire.
25:03 Tu peux nous raconter.
25:05 - Eh bien, c'est une émission à laquelle je suis invitée parce qu'on vient de publier avec Michel
25:10 le président des ultra riches sur Emmanuel Macron.
25:13 Et je suis invitée avec Nicolas Domnach et Maurice Safran,
25:19 deux journalistes de "Challenge" qui ont publié aussi un livre sur Emmanuel Macron,
25:25 le même jour que nous.
25:27 Macron, poète ou tueur, quelque chose. Je ne me rappelle plus exactement du titre.
25:31 Peu importe. Et donc, eux commencent à passer sur le plateau.
25:36 Et puis moi, pendant ce temps, je reste avec leur attaché de presse dans la salle d'attente.
25:41 Et puis, à un moment donné, je suis invitée. Donc je pense être évidemment comme eux,
25:47 seule avec Ali Baddou, Jean-Michel Apathy et deux autres femmes dont je n'ai pas mémorisé.
25:53 Mais les noms sont dans le livre. Et non, mais non, eux deux restent aussi.
25:58 Donc je me retrouve en fait la seule femme qui est au... On va s'en prendre à moi.
26:06 On va me poser des questions. - Tu es dans la cage ou lion.
26:08 - Je suis dans la cage ou lion. Alors évidemment, Maurice Safran me reproche tout de suite
26:14 de ne plus être une chercheuse, une sociologue relevant de la science, mais une militante engagée.
26:24 Et alors évidemment, je lui fais remarquer que lui, ils ont fait Nicolas Domenach et lui,
26:32 une dédicace, une exergue de remerciement. Voilà un truc de remerciement pour Claude Perdriel,
26:40 qui est le propriétaire de Challenges, qui les emploie dans... Ils sont journalistes de Challenges.
26:45 - Challenges qui fait le classement des Français les plus riches. - Voilà, des Français les plus riches.
26:50 Donc je trouvais qu'ils n'étaient pas bien placés. Enfin bref, je n'arrivais pas à parler.
26:54 De toute façon, on me coupait tout le temps la parole. Et ma chance, au final, a été que Acribed
27:01 s'est intéressée à ce qui s'est passé à cet entretien. Et Pauline Pernaut a décidé de faire
27:07 un décryptage complet, seconde par seconde. Et à un moment donné, elle s'aperçoit qu'il y a une coupure.
27:16 Alors elle me téléphone, elle me demande qu'est-ce qui s'est passé. Voilà, je raconte cela.
27:21 Et donc c'est ça aussi la censure, c'est-à-dire que ce n'est pas une censure totale,
27:27 mais en fait, on vous met en difficulté pour parler. J'ai parlé très peu de temps, je ne sais pas, elle le dit.
27:35 - Tu as parlé très peu de temps et une partie de ce temps a été quand même caviardée. - Voilà, c'est ça.
27:40 - Et on espère que... Enfin, on verra avec ce livre si la censure fonctionnera ou bien si tu seras invitée
27:48 et pas caviardée. Est-ce que ça s'annonce sous de bons auspices ?
27:53 - Ah bah moi, de toute façon, je suis une fille optimiste et j'espère qu'il y aura un succès populaire autour de ce petit livre.
28:04 Voilà, chaque fois que je fais des rencontres depuis que je l'ai fait, ça va très bien.
28:10 - Non, je parle de la réception médiatique. - Voilà, mais quelquefois, la réception médiatique
28:17 peut se déclencher quand il se passe quelque chose autour d'un travail. Et notre travail à Michel et moi,
28:26 depuis 1986, c'est presque 30 livres, je crois, j'arrive plus à compter, presque 30 livres qu'on a écrits ensemble.
28:34 Et malheureusement pour eux, toujours en phase avec l'actualité. Et donc forcément, la visibilité de ce travail
28:43 ne fait que s'accroître et c'est bien. - Alors cette histoire me sert de transition pour qu'on évoque notre actualité à nous.
28:49 Dans la deuxième partie du mois d'octobre, le Média va se lancer sur le petit écran à la télé,
28:54 tout en continuant d'être présent sur YouTube et les plateformes numériques.
28:58 Notre objectif est de faire découvrir les médias indépendants sur le territoire,
29:03 le territoire absolu des médias traditionnels, des médias des milliardaires,
29:08 puisque vous savez que les chaînes d'info sont contrôlées par un certain nombre d'oligarques.
29:14 Et je voulais t'interroger sur la perception que tu as des médias indépendants qui fleurissent depuis un certain nombre d'années,
29:21 notamment grâce à Internet. Est-ce qu'ils aident ? Est-ce que nous, de ton point de vue, est-ce que nous aidons le combat ?
29:26 Est-ce que notre présence permet, pas d'équilibrer, mais au moins d'infléchir un petit peu le rapport de force ?
29:34 Oui, heureusement que vous existez, heureusement que vous êtes là. Et justement, on est là.
29:41 Sinon, ça serait le déni de présence, ça serait l'absence totale de la parole.
29:49 Alors, dans la question, je vois bien à ton petit regard malicieux que tu as une petite idée derrière la tête,
29:57 que tu te dis qu'elle doit penser ça. C'est-à-dire que les choses ne sont jamais toutes blanches et toutes noires.
30:02 Et donc, plus on travaille sur la radicalité du capitalisme, plus on donne des informations sur la fraude fiscale des plus riches,
30:15 plus on donne des informations comme ça, sur on analyse, paf, la réforme des retraites, ou bien un autre livre, paf,
30:21 on analyse les châteaux classés monuments historiques en se demandant qu'est-ce qui est classé, est-ce que c'est le château ou le châtelain.
30:27 Voilà. Eh bien, on apporte des connaissances. Si vous êtes là, s'il y a des médias pour populariser la parole de ceux qui donnent les informations,
30:40 qui créent les idées, qui voilà. Mais en même temps, on les aide à affiner leur domination de classe, l'exploitation de classe,
30:51 la domination sans partage, la prédation. Et ça, il faut qu'on ait toujours ça dans nos têtes et essayer que ce qu'on fait soit irrécupérable.
31:03 Et pour ça, pour moi, il n'y a pas d'autre solution que la transmission, la transmission, la transmission à travers des médias divers.
31:10 Moi, je fais beaucoup de rencontres en France. Alors, OK, c'est chronophage et c'est moins efficace qu'une émission où il y a 500 000 téléspectateurs.
31:20 Mais au moins, il y a le contact direct. Et ça, c'est très important. Donc non, il ne faut surtout pas baisser les bras.
31:27 Il faut se multiplier et se dire que sinon, ça serait épouvantable.
31:34 – Merci beaucoup, Monique, d'être venue nous voir à l'occasion de la sortie de ton dernier livre "Le méprisant de la République"
31:41 qui paraît aux éditions textuelles dans la collection "Petite encyclopédie critique".
31:47 Merci aussi à vous d'avoir regardé cette émission. Je le rappelle, dès ce jeudi 7 septembre,
31:52 nous sommes engagés dans une importante campagne de levée de fonds qui doit nous permettre de mobiliser des moyens
31:58 pour être diffusée à la télévision suite au conventionnement de l'ARCOM, le gendarme de l'audiovisuel français.
32:05 C'est important, c'est sur la plateforme KissKissBankBank que ça se passe.
32:10 Le lien est en description et vous pouvez aussi cliquer ici.
32:14 Donner, susciter des vocations de donateurs, mettons en place ensemble une alternative aux chaînes d'info des milliardaires.
32:23 [Générique]

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