• il y a 21 heures
Les commissions d’enquête parlementaires ont fait événement sur LCP et Public-Sénat, depuis la création des chaînes il y a 20 ans. Ces séances de longs interrogatoires filmées ont même permis de réaliser quelques-unes des meilleures audiences des deux chaînes. Certaines scènes sont devenues cultes, comme les passes d’armes entre le sénateur Philippe Bas et Alexandre Benalla ou l’interrogatoire de Fabrice Burgaud, le jeune juge d’instruction de l’affaire d’Outreau, tentant de justifier l’envoi de treize innocents en prison.

Au cours de sa première intervention au Sénat en juillet 2020, le nouveau garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, a d’ailleurs expliqué qu’il allait s’inspirer des travaux de la commission d’enquête d’Outreau, à laquelle il avait participé, et sur laquelle il témoigne dans le documentaire. Prévues par la Constitution de la Vᵉ république, ces commissions ont acquis un nouveau statut depuis deux décennies, par l’impact de leur retransmission en direct.

Retour sur quatre commissions qui ont particulièrement marqué les esprits.

La première a coïncidé avec la naissance même des deux chaînes parlementaires, en 2000 ; elle a enquêté sur la Vache folle, scandale alimentaire majeur en France et l’Europe. La deuxième commission, en 2006, a mis en accusation le système judiciaire, suite à la catastrophe du procès pour pédophilie d’Outreau. La troisième, en 2012, a vu la convocation de plusieurs membres du gouvernement Hollande, au sujet du compte caché en Suisse par le ministre du Budget Jérôme Cahuzac. La quatrième, en 2018, est remontée jusqu’à l’Élysée, suite aux frasques d’Alexandre Benalla, garde du corps d’Emmanuel Macron.

Quatre affaires qui ont passionné l’opinion et provoqué des tensions au plus haut niveau de l’État.

Mais ces commissions d’enquête étaient-elles vraiment indépendantes ? Ont-elles fait progresser la vérité ? Quelles sanctions ont été prises ? Et les préconisations émises par les élus, dans leur rapport final, ont-elles été suivies d’effets ?

Dans ce documentaire « Enquêtes au Parlement », le journaliste réalisateur Stéphane Haumant a interrogé les principaux acteurs de ces temps forts de la vie publique : parlementaires, témoins auditionnés et journalistes. Ils en racontent les moments clés et en dévoilent les coulisses.

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Transcription
00:00:00Musique d'ambiance
00:00:30Musique d'ambiance
00:00:35Je le jure !
00:00:38La commission d'enquête parlementaire du Sénat a tout de suite inquiété l'Elysée,
00:00:41et l'Elysée n'en voulait pas.
00:00:43Il y avait sans doute un embarras politique, il ne faut pas le nier.
00:00:47Monsieur Kavuzad, vous avez la parole.
00:00:48Merci monsieur le Président, je n'ai pas de déclaration liminaire à faire.
00:00:50des déclarations éliminaires à faire.
00:00:54On s'est dit, c'est pas possible, c'est une mascarade.
00:00:57Et on a vu, là, qu'on s'approchait trop près de la vérité.
00:01:00Je lui ai jamais dit que je saurais pas pleurer.
00:01:03Il se lâche, il pleure.
00:01:05Il y avait des moments absolument incroyables.
00:01:08Incroyables.
00:01:09Moment de débat intense.
00:01:11Les commissions d'enquête parlementaire
00:01:14ont rythmé toute la Vème République.
00:01:16Une commission d'enquête parlementaire,
00:01:18c'est un exercice extrêmement important dans une démocratie.
00:01:22C'est prévu par la Constitution.
00:01:24La durée maximale est de six mois,
00:01:26pendant lesquels les députés ou les sénateurs, qui sont 30,
00:01:29enquêtent sur un sujet économique, social, culturel, judiciaire.
00:01:34Les témoins prêtent serment.
00:01:36C'est-à-dire que s'ils mentent à la commission d'enquête,
00:01:40on peut les envoyer au pénal pour faux témoignages.
00:01:44Ces auditions solennelles ont pris une nouvelle dimension.
00:01:48Certaines ont même atteint des pics d'audience.
00:01:53Au Sénat, en 2018, l'affaire Benalla,
00:01:57l'Elysée déstabilisée, crise au sommet de l'Etat.
00:02:01A l'Assemblée nationale, en 2013, le scandale Cahuzac.
00:02:06Son compte en Suisse fait vaciller le gouvernement.
00:02:09En 2006, Outreau, la justice dans le box des accusés.
00:02:13En 2000, la vache folle et les dérives de l'agro-business.
00:02:16Mais ces commissions étaient-elles vraiment indépendantes ?
00:02:19Ont-elles fait avancer la vérité ?
00:02:21Quel a été leur impact sur la société ?
00:02:23Retour sur quatre commissions
00:02:26qui ont marqué notre histoire politique.
00:02:30Tout a commencé il y a 20 ans,
00:02:32après l'une des pires crises sanitaires que la France ait connue.
00:02:36La crise sanitaire,
00:02:38la crise de la COVID-19,
00:02:40c'est ce qui a fait qu'elle était connue.
00:02:55Bonsoir. La maladie de la vache folle
00:02:58provoque un début de psychose en Europe.
00:03:00Londres confirme une transmission de la maladie à l'homme.
00:03:03Paris a fermé ses frontières à l'avion de Britannique.
00:03:06La crise de la vache folle
00:03:08a fait trembler toute l'Europe en 1996.
00:03:11Une maladie bovine mortelle,
00:03:13transmise à l'homme,
00:03:16un effondrement du marché de la viande,
00:03:18des milliers de bêtes abattues.
00:03:20A l'origine de la maladie,
00:03:22l'alimentation du bétail,
00:03:24des farines animales contaminées vendues par l'Angleterre.
00:03:31La Grande-Bretagne aurait exporté jusqu'en 1991
00:03:34d'importantes quantités de farines animales,
00:03:37potentiellement contaminées, vers la France et d'autres pays.
00:03:40Et ce, à un moment où elle-même
00:03:43en établissait la consommation sur son propre territoire.
00:03:46Le scandale est énorme.
00:03:48En 2000, le Sénat veut comprendre
00:03:51comment les Anglais ont pu vendre partout en Europe
00:03:54des farines qu'ils savaient contaminer
00:03:57et qu'ils avaient interdites chez eux.
00:04:00Le Sénat lance une commission d'enquête sur le sujet.
00:04:04Ces commissions d'enquête se faisaient normalement en basse-clos.
00:04:08Mais au même moment, les chaînes parlementaires se créent
00:04:11et décident de diffuser les auditions.
00:04:13Jean-Pierre Elkavage, qui est à ce moment-là
00:04:15président de Public Sénat, a une formidable intuition.
00:04:18Il se dit que c'est une opportunité incroyable
00:04:22pour faire découvrir au grand public, aux citoyens,
00:04:25une autre facette du travail parlementaire.
00:04:27Alors, nous...
00:04:29On a un peu hésité parce qu'on s'est dit
00:04:31comment ça va être pris d'abord à l'intérieur de la maison,
00:04:34qui était une maison quand même un peu fermée,
00:04:37il faut bien le reconnaître, à l'époque.
00:04:39Et finalement, eh bien, on décide de dire oui et de le faire.
00:04:45Je proclame la commission d'enquête
00:04:47sur les conditions d'utilisation des farines animales
00:04:50dans l'alimentation au niveau de l'élevage
00:04:53et les conséquences qu'elles résultent pour la santé des consommateurs.
00:04:56Tout le monde avait peur, si je puis dire,
00:04:58d'être comptable de tout ça.
00:05:00Tout le monde avait peur.
00:05:02Et ça peut se comprendre,
00:05:04mais l'objectif d'une commission d'enquête,
00:05:07c'est de faire toute la vérité.
00:05:09Le journaliste Laurent Richard
00:05:11est autorisé à filmer toutes les coulisses des auditions,
00:05:14une première.
00:05:16Quand on est journaliste et qu'on filme la coulisse
00:05:18d'une commission d'enquête parlementaire,
00:05:21c'est un vrai bonheur.
00:05:23Et encore plus sur ce type d'histoire,
00:05:25où il y a beaucoup d'opacité, beaucoup d'enjeux,
00:05:27beaucoup de mensonges,
00:05:29des mensonges d'Etat.
00:05:31Là, sous nos yeux, les gens prêtent serment
00:05:33et doivent tenir un discours
00:05:36et répondre à des questions posées par des parlementaires.
00:05:3857 personnes défilent devant les sénateurs,
00:05:40dont plusieurs ministres de l'Agriculture,
00:05:42comme Henri Nallet.
00:05:44Il était aux affaires quand la France a acheté
00:05:46des farines animales contaminées,
00:05:49mais il rejette la faute sur les Anglais.
00:05:51Pas prévenu.
00:05:54Mon collègue ministre ne m'a pas dit
00:05:56je te signale qu'on vient d'interdire
00:05:58l'utilisation des farines. Jamais.
00:06:00Je n'ai pas le souvenir. J'ai cherché, j'ai regardé
00:06:02dans mes notes.
00:06:04Direction Londres
00:06:07pour interroger les autorités britanniques.
00:06:11Les sénateurs se déplacent toujours sur le terrain.
00:06:13Non seulement ils entendent les personnes
00:06:15concernées par leur travail,
00:06:17par leur enquête, mais ils vont aussi
00:06:19sur le terrain voir exactement comment ça se passe
00:06:21en France, à l'étranger,
00:06:24dans l'Union européenne ou ailleurs.
00:06:26Une audition est organisée
00:06:28à l'ambassade de France.
00:06:33Là, je ne me suis pas privé
00:06:36de faire le reproche à nos amis britanniques
00:06:38de ne pas nous avoir informés très clairement.
00:06:40Nous n'avons pas reçu, nous,
00:06:42au niveau du gouvernement français,
00:06:44au niveau de l'Etat français,
00:06:46d'informations suffisantes
00:06:49sur justement le caractère dangereux
00:06:51de ces farines
00:06:53au travers de l'alimentation animale.
00:06:55Je comprends votre point de vue.
00:06:57On pouvait crier
00:06:59attention, attention
00:07:01à ce qui peut se passer.
00:07:04On n'a pas fait ça, mais
00:07:06on vous avait averti quand même
00:07:08ce qui se passait, sans crier.
00:07:10Oui, bien sûr.
00:07:12Les élus français
00:07:14rentrent bredouilles de Londres.
00:07:16Ils veulent alors comprendre
00:07:18pourquoi la Commission européenne
00:07:21a laissé circuler ces farines contaminées
00:07:23pendant des années sans réagir.
00:07:25Nous avions demandé une audience
00:07:27à la Commission européenne.
00:07:29Nous avions dit oui. D'ailleurs,
00:07:31on était tous partis en thalys.
00:07:34L'équipé va tourner court.
00:07:37Une heure avant d'arriver,
00:07:39coup de téléphone, refus total
00:07:41de participation.
00:07:43Alors, voulez-vous
00:07:46que je vous passe le rapporteur,
00:07:48On nous a demandé de modifier
00:07:50notre programme d'audition.
00:07:53Sinon, nous n'aurions pas
00:07:55d'interlocuteur, ce qui nous a
00:07:57mis dans une certaine colère.
00:07:59Et en fait, à force
00:08:01de parlementaires,
00:08:03on a eu une personne qui a quand même
00:08:06été autorisée à venir parler avec nous.
00:08:08C'était quand même un peu curieux,
00:08:10l'attitude, parce que l'Europe
00:08:12traînait les pieds pour s'occuper
00:08:14de ce problème-là.
00:08:18Musique douce
00:08:20...
00:08:22Nous avons bien constaté, si vous voulez,
00:08:25que sur les étagères, dans les différents services,
00:08:27un certain nombre de documents avaient disparu.
00:08:30Nous l'avons noté, si vous voulez.
00:08:32Que voulait cacher
00:08:34la Commission européenne ?
00:08:36Peut-être son laxisme
00:08:39en pleine libéralisation des marchés.
00:08:41A cette époque, il faut savoir
00:08:43que nous étions en train de construire
00:08:45le marché unique. Donc, c'est ce qui peut
00:08:47prévaler par rapport à la santé.
00:08:49Aujourd'hui, avec le recul,
00:08:5120 ans après,
00:08:54on trouve ça
00:08:56véritablement extrêmement choquant.
00:08:58Musique douce
00:09:00...
00:09:02Les sénateurs rendent leur rapport
00:09:04après 6 mois d'audition.
00:09:06...
00:09:09Cette commission d'enquête a donné naissance
00:09:11aux principes de précaution,
00:09:13à l'étiquetage,
00:09:15et a mis également en valeur, si vous voulez,
00:09:17au niveau du marché unique,
00:09:19que la santé était primordiale.
00:09:21Et elle devait primer
00:09:24sur, entre guillemets,
00:09:26la liberté de circulation des marchandises.
00:09:28...
00:09:30Aucune sanction ne sera demandée
00:09:32contre aucun des acteurs de cette crise.
00:09:34Ce n'est pas dans les attributions
00:09:37d'une commission d'enquête parlementaire.
00:09:39Et pourtant, rien ne sera plus jamais comme avant.
00:09:41La vache folle a ouvert la voie.
00:09:43Désormais, certaines commissions
00:09:45vont devenir de véritables événements médiatiques.
00:09:47Ce sera le cas, 5 ans plus tard,
00:09:49après le scandale d'Outreau.
00:09:5213 personnes emprisonnées à tort,
00:09:54un fiasco judiciaire.
00:09:56...
00:09:58...
00:10:00Un petit jardin ouvrier
00:10:02au pied du HLM.
00:10:05Les policiers du SRPJ de Lille
00:10:07recherchent le corps d'une fillette,
00:10:095 ou 6 ans.
00:10:11Soi-disant tuée par des pédophiles.
00:10:13En 2001, la police pense démanteler
00:10:15un gigantesque réseau international.
00:10:17Un juge d'instruction de Boulogne-sur-Mer,
00:10:20Fabrice Burgot, mène l'enquête.
00:10:22...
00:10:2424 enfants au moins ont été victimes de ce réseau.
00:10:2615 adultes sont sous les verrous.
00:10:28Mais si le meurtre se confirme,
00:10:30en d'autres termes, si l'on déterre un corps ici,
00:10:32l'affaire des pédophiles d'Outreau
00:10:35prendra une dimension plus dramatique encore.
00:10:37La fillette ne sera jamais retrouvée.
00:10:39Et pour cause, elle n'existait pas.
00:10:41Pourtant, 3 ans plus tard,
00:10:4317 personnes sont jugées.
00:10:45Très vite, la thèse du soi-disant
00:10:47réseau pédophile international s'écroule.
00:10:50...
00:10:52Pour commencer, ce coup de théâtre
00:10:54qui pourrait bien modifier le visage du procès d'Outreau.
00:10:56Les 2 principales accusées,
00:10:58qui ont reconnu avoir violé leurs propres enfants,
00:11:00ont en revanche reconnu qu'elles avaient menti.
00:11:03Myriam Badaoui, son compagnon Thierry Delay
00:11:05et 2 voisins sont condamnés.
00:11:07Seulement 4 des 17 accusés du dossier.
00:11:09Le jour même,
00:11:117 autres prévenus sont acquittés.
00:11:13...
00:11:15C'est fini.
00:11:18Je vais pouvoir retrouver mon petit garçon.
00:11:20Ça fait 3 ans qu'on me l'a pris.
00:11:22Et j'avais rien fait.
00:11:24J'ai toujours dit que j'avais rien fait.
00:11:26Vous prenez ce dossier quelques jours.
00:11:28Vous le regardez, vous le lisez,
00:11:30vous vous rendez compte qu'il y a des problèmes.
00:11:33Un an plus tard, à la cour d'appel de Paris,
00:11:35les 6 derniers prévenus sont acquittés à leur tour.
00:11:37Au total,
00:11:39si on additionne toutes les peines de prison
00:11:41effectuées par les acquittés,
00:11:43on arrive à 26 années d'incarcération.
00:11:46Le scandale judiciaire est énorme.
00:11:48Face à l'indignation générale,
00:11:50les plus hautes autorités de l'Etat réagissent.
00:11:52...
00:11:54En tant que ministre de la Justice,
00:11:56je présente mes excuses
00:11:59à tous les acquittés
00:12:01et à tous ceux qui ont été acquittés.
00:12:03Je présente mes excuses
00:12:05à tous les acquittés et à leurs familles.
00:12:07Et Dominique de Villepin,
00:12:09est-ce qu'il présente aussi ses excuses ?
00:12:11Bien sûr. D'abord, vous me permettrez
00:12:14d'exprimer mon émotion devant un tel drame,
00:12:16devant ce gâchis judiciaire.
00:12:18Que des gens aient été incarcérés
00:12:20pendant un grand nombre de mois
00:12:22pour être finalement reconnus
00:12:24non coupables,
00:12:26c'est inadmissible.
00:12:29En 2006,
00:12:31les parlementaires décident donc
00:12:33de créer une commission d'enquête
00:12:35pour déterminer les causes
00:12:37de ce fiasco judiciaire.
00:12:39Mais les juges ne sont pas d'accord.
00:12:41Les magistrats ont très mal réagi
00:12:44et ça a duré tout au long
00:12:46de la commission d'enquête.
00:12:48Comment des parlementaires peuvent-ils
00:12:50oser remettre en cause le fonctionnement
00:12:52de la justice ? Une affaire a été jugée
00:12:54en première instance, puis en appel.
00:12:57La justice a fonctionné, bien ou mal.
00:12:59Les magistrats ne comprenaient pas
00:13:01que des parlementaires puissent aller
00:13:03s'inquiéter de ce qui s'était passé.
00:13:05C'est une atteinte à l'indépendance
00:13:07de la justice, à la séparation
00:13:10des pouvoirs. On a entendu ça au début.
00:13:12Après, ça s'est calmé,
00:13:14mais il y avait une tension énorme
00:13:16entre la magistrature qui n'a jamais
00:13:18accepté cette commission d'enquête.
00:13:20Il a fallu que le gouvernement,
00:13:22le président, calment le jeu
00:13:25et disent que c'est le droit
00:13:27de mener une commission d'enquête.
00:13:29Richard Michel, patron
00:13:31de la chaîne parlementaire à l'époque,
00:13:33veut téléviser les auditions.
00:13:35C'est devenu un événement national.
00:13:37Et moi, je veux en faire
00:13:40un événement national. Et pour ça,
00:13:42il faut que je diffuse,
00:13:44in ex inso, cette commission d'enquête.
00:13:49Problème, toutes les auditions
00:13:51sont prévues à huis clos.
00:13:53Et au début, les députés
00:13:55ne veulent pas entendre parler
00:13:57de retransmissions télévisées.
00:13:59Il n'était pas question de faire
00:14:01une sorte de tribunal public
00:14:04qui allait juger les juges.
00:14:06C'était pas du tout l'optique.
00:14:08Et je me disais qu'à partir du moment
00:14:10où il y aurait une publicité
00:14:12et une diffusion télévisée
00:14:14de tous les travaux de la commission d'enquête,
00:14:16on tombait dans ce risque-là
00:14:19de faire une sorte de tribunal populaire,
00:14:21ce qui n'était pas le rôle
00:14:23de l'Assemblée nationale et ce qui n'était pas souhaité.
00:14:25J'étais le seul sur 30 députés
00:14:27à penser qu'il fallait qu'on travaille au grand jour.
00:14:29Lorsque j'ai dû batailler contre mes collègues
00:14:32sur la question du huis clos,
00:14:34je leur disais souvent,
00:14:36regardez ce qui se passe aux Etats-Unis,
00:14:38notamment depuis l'assassinat de Kennedy
00:14:40et la commission Warren et d'autres commissions d'enquête.
00:14:42Ces commissions sont filmées.
00:14:44Elles ont lieu pour la plupart en public.
00:14:47Et ça donne une belle image du Parlement.
00:14:49Et je crois que ça a ébranlé
00:14:51certains de mes collègues
00:14:53qui ont réfléchi.
00:14:55On pouvait en faire une leçon d'instruction civique
00:14:57en direction de tous les Français
00:15:00pour leur montrer, d'une part,
00:15:02comment fonctionne le Parlement,
00:15:04une commission d'enquête,
00:15:06et surtout comment fonctionne ou fonctionne mal la justice.
00:15:08Le problème de la justice,
00:15:10le problème du fonctionnement des institutions,
00:15:13c'est l'impression que tout se décide
00:15:15à huis clos, en coulisses,
00:15:17entre soi.
00:15:19Une commission parlementaire,
00:15:21plus elle est publique, plus elle est efficace.
00:15:23Ce qui a été le déclic,
00:15:25c'était l'audition des acquittés,
00:15:28le 17 janvier, je crois.
00:15:30Et avant de venir, ils m'avaient fait savoir,
00:15:32ils m'avaient écrit un courrier,
00:15:34me disant que si leur audition était à huis clos,
00:15:36ils ne viendraient pas.
00:15:38Donc j'ai montré ce courrier à mes collègues.
00:15:41Donc on s'est dit qu'on avait du mal,
00:15:43compte tenu de ce qu'avaient subi ces personnes,
00:15:45on avait du mal à refuser cette demande.
00:15:47En tout cas, c'était une façon,
00:15:49pour elles, ces personnes,
00:15:51de pouvoir s'exprimer
00:15:54devant l'ensemble du peuple français.
00:15:56Cette publicité constituait dans leur esprit
00:15:58une sorte de réparation.
00:16:00Certains avaient un peu peur, parce que c'était...
00:16:02C'est impressionnant, bien sûr.
00:16:04Mais ils avaient hâte de ça.
00:16:06Ils avaient hâte de dire leur vérité.
00:16:09Ils avaient hâte de dire, voilà ce qui s'est passé.
00:16:11Ils l'avaient dit à un procès, mais un procès,
00:16:13il n'y a pas tellement de monde.
00:16:15Evidemment, un procès, on ne vous laisse pas vous étaler
00:16:17sur la manière dont vous avez été maltraités
00:16:19dans un commissariat, bien au contraire.
00:16:22Donc pour eux, il y avait presque un côté thérapeutique,
00:16:24d'une certaine manière.
00:16:26J'étais pas favorable au début à la publicité.
00:16:30J'ai eu tort, d'ailleurs,
00:16:32et je l'ai reconnu après.
00:16:34Les députés décident finalement
00:16:36d'ouvrir la plupart des auditions
00:16:38au public et à la presse.
00:16:41Par précaution, ils prévoient tout de même un système
00:16:43qui leur permet de contrôler ce qui sera diffusé.
00:16:45C'était télévisé, mais il y avait un décalage
00:16:48d'une minute entre la diffusion à la télévision
00:16:53et, enfin, entre l'audition des personnes
00:16:55et la diffusion à la télévision.
00:16:57Il y avait toujours ce petit décalage.
00:17:00Et nous avions, en cas de dérapage,
00:17:03un bouton sous le bureau
00:17:07qui nous permettait de couper
00:17:09l'enregistrement et la diffusion télévisée.
00:17:12Certains témoins auditionnés ont demandé le huis clos
00:17:14parce qu'ils allaient entrer dans le détail
00:17:16des sévices sexuels qu'ils avaient subi.
00:17:18Lorsqu'il s'agissait d'entrer dans le détail
00:17:20de ces choses sordides,
00:17:23j'interrompais la retransmission.
00:17:25Les parlementaires
00:17:28commencent à préparer leurs auditions.
00:17:30Ils se retrouvent dans une salle de réunion de l'Assemblée,
00:17:33une salle de réunion plutôt exiguë.
00:17:37Nous nous sommes très vite rendus compte
00:17:39qu'elle n'était pas fonctionnelle
00:17:42et qu'avec la levée du huis clos,
00:17:44qu'il fallait des journalistes,
00:17:46qu'il fallait une salle plus grande.
00:17:48On nous a proposé la salle Lamartine,
00:17:50qui est très moderne, très fonctionnelle
00:17:52et qui se prêtait très bien à un travail collectif.
00:17:58C'est solennel.
00:18:00Quand on arrive devant une commission d'enquête,
00:18:03on jure de dire toute la vérité.
00:18:05Et c'était, je dirais, d'un point de vue scénique,
00:18:07y compris pour nous, télévision.
00:18:09C'était un avantage
00:18:11d'avoir une simple salle de commission ordinaire,
00:18:13que ce soit la commission des affaires économiques
00:18:15ou la commission des affaires étrangères.
00:18:23Je vais donc vous demander individuellement
00:18:25de lever la main droite et de dire je le jure.
00:18:27M. David Brunet ?
00:18:29Je le jure.
00:18:31Mme Kazin-Mourmand ?
00:18:33La première audition est celle des acquittés.
00:18:36Mme Roselyne Godard ?
00:18:38M. Daniel Legrand ?
00:18:41Les députés étaient en face de nous,
00:18:43en demi-cercle,
00:18:45et nous, on était devant eux,
00:18:47au premier rang,
00:18:49et derrière nous,
00:18:51le public et les journalistes,
00:18:54si bien qu'on avait l'impression
00:18:56de se retrouver au tribunal.
00:18:58Bon, ça a été une impression passagère,
00:19:00parce que, comme ils nous ont donné la parole
00:19:02tout de suite,
00:19:04la situation s'est inversée.
00:19:06Donc maintenant, vous allez avoir la parole.
00:19:08À tour de rôle,
00:19:11les acquittés racontent comment leur vie a basculé.
00:19:13Moi, l'affaire d'Oustreau, le cauchemar,
00:19:15il a commencé le 14 novembre, comme mon père,
00:19:1714 novembre 2001.
00:19:19Ce jour-là, il était 8h05,
00:19:21on est venus me réveiller, j'étais encore dans mon lit,
00:19:24et j'ouvre les yeux, et là,
00:19:26il y avait des policiers autour de moi.
00:19:28Moi, on est venus me chercher
00:19:30à 6h du matin,
00:19:32et puis je ne savais même pas pourquoi.
00:19:34On m'a simplement demandé de préparer mes enfants,
00:19:36donc les élever, préparer,
00:19:39devant eux, j'étais mise en examen
00:19:41pour attouchement sexuel sur enfants,
00:19:43devant mes 3 petits.
00:19:45De là, on me les a emmenés,
00:19:47ils n'ont même pas eu la possibilité de dire au revoir à leur père.
00:19:49On m'arrache mes enfants.
00:19:52On me sépare de mon épouse.
00:19:54À partir de ce moment-là,
00:19:56je n'ai même plus eu le droit de lui parler.
00:19:58Un moment,
00:20:00où elle est dans la salle de séjour,
00:20:02j'entends Odile
00:20:04faire une crise de larmes,
00:20:07et au moment où je veux aller la retrouver,
00:20:09j'ai un des flics qui me dit,
00:20:11ta gueule, sinon, t'es allongé par terre.
00:20:14Au commissariat.
00:20:16J'arrivais là-bas,
00:20:19on m'a pris en photo, on m'a pris mes empreintes,
00:20:21on m'a mis dans une cellule.
00:20:23Mon fils se pleure, il crie un peu,
00:20:25il se demande ce qui se passe.
00:20:27Il y a un inspecteur qui passe, qui dit carrément,
00:20:29il va la fermer, celui-là, en parlant de mon fils.
00:20:32J'avais des vertiges, j'étais pas bien du tout.
00:20:34J'ai demandé une chaise, qu'on m'a refusée.
00:20:36Je me suis assise par terre.
00:20:38L'inspecteur m'a répondu, vous avez raison de vous asseoir par terre,
00:20:40et encore, par terre, c'est pas assez bas pour vous,
00:20:42vous n'êtes qu'une sale pédophile.
00:20:44Après, j'ai passé devant le juge de liberté,
00:20:47le procurateur, il a appuyé sa pédoirie,
00:20:49et puis le juge de liberté,
00:20:51il a dit, de toute façon, moi, je vous incarcère.
00:20:53J'ai dit, attendez, là, vous êtes en train d'incarcérer un innocent.
00:20:55Il m'a dit, vous êtes un innocent qui n'est pas prêt de sortir.
00:20:57Je leur ai dit, vous vous rendez compte
00:21:00que je vais me retrouver aux assises
00:21:02avec des gens que je connais pas.
00:21:04On m'a répondu, vous ferez connaissance là-bas, monsieur.
00:21:06Ils venaient avec leurs mots à eux,
00:21:08leur vocabulaire à eux, leur accent aussi du Pas-de-Calais.
00:21:10C'était des gens ordinaires,
00:21:13au bon sens du terme,
00:21:15ça n'est pas péjoratif,
00:21:17des gens qui représentaient vraiment les Français,
00:21:19dans toute leur diversité.
00:21:21Donc, moi, détention provisoire,
00:21:23dans ma tête, je me suis dit, c'est quoi, ce mot-là ?
00:21:26C'est la première fois de ma vie que j'entendais ça.
00:21:28Et ça m'a fait titre, j'ai quand même compris que c'était la prison.
00:21:30Donc là, ça a été les pleurs,
00:21:32j'ai dit, non, ne me faites surtout pas ça,
00:21:34c'est pas possible, vous pouvez pas m'enfermer comme ça,
00:21:36que j'ai rien fait, c'est faux, faut pas les écouter.
00:21:38Bon ben, là, personne qui a répondu, ça a été debout,
00:21:41le menotte dans le dos et embarqué directement.
00:21:43Je savais pas que j'allais être incarcéré, quoi.
00:21:45Et arrivé à la fin de l'entretien, déjà, ça a duré 10 minutes,
00:21:47l'entretien, j'ai pas compris ce que 10 minutes,
00:21:49c'est rapide, je trouve, pour envoyer les gens en prison.
00:21:5110 minutes, c'est court, quand même.
00:21:54C'était des moments de vraies vies,
00:21:56de vraies souffrances,
00:21:58de grandes conséquences importantes dans la vie de chacun,
00:22:00qui étaient exprimées de manière très digne,
00:22:02la plupart du temps, par les personnes acquittées,
00:22:04et ça vous prenait à la gorge.
00:22:06J'ai été tabassé, insulté,
00:22:08j'ai été jusqu'à brûler l'eau que j'avais dans les douches,
00:22:11donc j'ai demandé à être transféré
00:22:13dans une autre division, quoi.
00:22:15Après, j'ai resté 24 mois sans sortir.
00:22:17C'était des cracheurs à travers l'oeilleton,
00:22:19c'était sans arrêt, longueur de journée, humilié comme ça.
00:22:21En gros plan, à la télévision,
00:22:24les Français les voient les uns après les autres,
00:22:26et alors là, c'est des sanglots.
00:22:28Je me rappelle, on sortait de cette commission,
00:22:30des gens m'arrêtaient dans la rue en disant
00:22:32qu'on a pleuré toute la nuit, on a vu hier Mme Machin,
00:22:34on a vu un tel, on a vu l'abbé,
00:22:36on a vu Lhuissier, on a vu...
00:22:39Il y a la reconnaissance de leur innocence,
00:22:41et puis tout ce qu'ils ont vécu,
00:22:43puis ils se lâchent, ils pleurent,
00:22:45il y avait des moments absolument incroyables.
00:22:47Vous avez mon fils, il m'envoie des courriers,
00:22:49j'en ai un d'ailleurs que je vous ai ramené,
00:22:52c'est marqué dessus,
00:22:54c'est marqué dessus,
00:22:56maman, je t'aime très fort, viens me chercher.
00:22:58Et...
00:23:04Excusez-moi.
00:23:08J'ai demandé au juge...
00:23:17J'avais dit que je ne saurais pas pleurer.
00:23:19Excusez-moi.
00:23:21Et donc tout le monde,
00:23:23beaucoup de gens s'identifient à eux,
00:23:25si ça leur est arrivé à eux, ça m'arrivera à moi.
00:23:27Et donc il y a cette espèce de phénomène
00:23:29où la France entière les regarde
00:23:32en se disant, demain, moi aussi,
00:23:34je peux être pris dans cette mécanique-là.
00:23:36Je me souviendrai toujours du premier jour
00:23:38où on diffuse,
00:23:40il se passe vraiment pas grand-chose.
00:23:42Le deuxième jour,
00:23:45on voit arriver la meute de journalistes,
00:23:47caméramans, photographes,
00:23:49à l'Assemblée, devant le 101,
00:23:51de la rue de l'Université,
00:23:53et d'un seul coup, ça se mobilise.
00:23:55Ça a été une catharsis extraordinaire dans le pays.
00:23:59Lorsque...
00:24:01je rentrais dans ma circonscription,
00:24:03sur les marchés, etc.,
00:24:06tout le monde me parlait de la commission.
00:24:08On n'imagine pas à quel point
00:24:10ça avait passionné, je dirais,
00:24:12passionné les Français,
00:24:14qui, tout à coup, j'ai l'impression,
00:24:16ils venaient tous des juristes.
00:24:18On questionnait sur les marchés,
00:24:21sur le JLD,
00:24:23le juge de la liberté d'attention, etc.
00:24:25Ça a eu une valeur très pédagogique.
00:24:27Pour vous montrer à quel point
00:24:29les gens suivaient ça de près,
00:24:31je prenais le train le jeudi soir
00:24:34pour redescendre dans mon département.
00:24:36Ce jour-là, je me suis trompé de train.
00:24:38Je me suis levé, je suis allé voir une dame
00:24:40qui était en face de moi.
00:24:42Elle m'a dit qu'on allait à Marseille,
00:24:44avec son accent de Marseille.
00:24:46Elle me reconnaît.
00:24:48Elle me dit qu'elle est passée aujourd'hui.
00:24:51Je dis qu'on a auditionné telle ou telle personne.
00:24:53Elle me dit que j'ai pas pu regarder
00:24:55parce que j'étais à Paris,
00:24:57mais mon mari me l'a enregistré.
00:24:59Beaucoup de gens suivaient les auditions
00:25:01comme un feuilleton qui avait lieu tous les jours
00:25:04à la même heure, de 15h à 19h.
00:25:06Arrivent les fêtes de fin d'année,
00:25:08je suis toujours en prison.
00:25:10De nouveau arrivent des idées suicidaires.
00:25:12Nous sommes le 1er juillet 2003,
00:25:14je décide de me pendre.
00:25:17On a de la chance dans nos cellules,
00:25:19on a une potence qui est prête.
00:25:21C'est là où est la télévision.
00:25:23Bien sûr que c'est un spectacle,
00:25:25bien sûr que toute exposition publique
00:25:27donne lieu à certains débordements,
00:25:30à certaines jubilations
00:25:32qui sont pas forcément très glorieuses,
00:25:34mais je pense que malgré ça,
00:25:36c'est une très grande avancée de le faire.
00:25:38Les gens aiment regarder les commissions d'enquête parlementaires
00:25:40parce que c'est du direct,
00:25:42donc on se dit pas, la télé va tricher...
00:25:45Non, c'est en direct,
00:25:47les gens posent des questions, ils doivent y répondre,
00:25:49et ça se passe à l'instant, en live.
00:25:51Deux, ça reprend un peu l'écoute de la télé-réalité,
00:25:53une commission d'enquête parlementaire,
00:25:55parce que c'est quatre murs, quatre caméras,
00:25:58ils sont 25, il y en a 24 qui sont en parlementaire,
00:26:00il y en a un qui va répondre.
00:26:02Donc c'est un vrai moment de télévision.
00:26:04C'est un lieu où il y a match,
00:26:06c'est un lieu où il y a confrontation,
00:26:08un peu comme un procès, donc c'est un spectacle télé par excellence.
00:26:10Mais que tous ceux qui nous ont fait du mal,
00:26:13mais que tous ceux qui nous ont fait du mal,
00:26:15qui nous ont séparé,
00:26:17bon, c'est tout le monde pareil, mais qui m'ont séparé de mon fils,
00:26:19de ma petite amie, de ma famille, de ma liberté,
00:26:21attention, je ne demande pas qu'ils aillent en prison,
00:26:23mais qu'ils soient sanctionnés,
00:26:26et quelque chose de bien,
00:26:28que ça leur fasse une leçon,
00:26:30et que ça ne se reproduise plus.
00:26:32Il va y avoir des sanctions après ça, non ?
00:26:34Monsieur Brunet, je vous réponds tout de suite
00:26:36qu'ici, nous sommes donc une commission d'enquête parlementaire,
00:26:39nous, nous sommes chargés
00:26:41de décortiquer cette affaire,
00:26:43de savoir ce qui s'est passé précisément,
00:26:45de vous entendre aussi longuement que nécessaire.
00:26:47Et ces appréciations, qui ne sont pas des sanctions,
00:26:49peuvent quand même avoir un certain nombre de conséquences.
00:26:51Excusez-moi, parce qu'il ne faudrait peut-être pas
00:26:54que ces gens-là, une fois que tout ça soit terminé,
00:26:56rentrent chez eux et disent
00:26:58ça va, on n'a rien eu, on est tranquilles pépères.
00:27:00Ça, c'est un peu trop facile pour eux aussi.
00:27:02Les acquittés dénoncent longuement les errements
00:27:04dans l'enquête du juge d'instruction Fabrice Burgo,
00:27:07un véritable réquisitoire public.
00:27:09Il n'y avait rien dans ce dossier.
00:27:11Comment je pouvais être là ?
00:27:13Les autres personnes qui m'accusaient,
00:27:15je ne les connaissais pas.
00:27:17Le juge refusera de se déplacer
00:27:22pour constater qu'il est impossible
00:27:25de mettre 30 personnes
00:27:28dans la salle de séjour de Thierry et Myriam.
00:27:32Pourtant, c'est pas facile.
00:27:35Pourtant, c'est pas faute
00:27:37que les avocats lui aient demandé.
00:27:39La police belge a reconnu
00:27:42qu'il ne s'était rien passé en Belgique.
00:27:44Donc, partant de là,
00:27:46il aurait pu quand même faire un retour en arrière
00:27:48et enquêter pour savoir
00:27:50s'il n'avait pas fait fausse route.
00:27:52Non. Nous, on a toujours été incarcérés
00:27:54pour réseaux pédophiles internationaux.
00:27:59Alors que la dernière fois,
00:28:01il y a eu des enquêtes
00:28:03alors que la dernière fois que j'étais en Belgique,
00:28:05il y a plus de 30 ans,
00:28:08alors c'était impossible.
00:28:10Je leur ai dit tout ça, mais ils ne s'en tenaient pas compte.
00:28:13Nous allons achever nos travaux.
00:28:15Je veux vous remercier d'être venus jusqu'à nous.
00:28:17Nous allons continuer demain, la semaine prochaine,
00:28:19pendant de nombreuses semaines encore,
00:28:21à travailler le plus sérieusement du monde
00:28:24pour, d'un mal, faire sortir un bien.
00:28:26Le drame que vous avez vécu,
00:28:28faire sortir des réformes
00:28:30qui empêchent que cela puisse se reproduire.
00:28:32Ceux-ci sont d'autant plus significatifs
00:28:34qu'ils interviennent aujourd'hui.
00:28:36Aujourd'hui, où le juge Burgo déclare,
00:28:39par ailleurs, de son côté,
00:28:41qu'il ne s'excusera pas
00:28:43et où il estime qu'il a fait,
00:28:45je reprends ces termes,
00:28:47son travail comme il devait le faire,
00:28:49je ne suis pas sûr de partager cette opinion
00:28:52et il faudra bien, un jour ou l'autre,
00:28:54en déduire les conséquences.
00:28:56Trois jours plus tard,
00:28:58le juge Burgo sera convoqué à son tour.
00:29:00C'est le moment le plus attendu
00:29:02de la commission d'enquête.
00:29:06J'ai demandé au juge Burgo,
00:29:09quelques jours avant son audition,
00:29:11s'il voulait ou non être filmé
00:29:13ou être entendu à huis clos.
00:29:15Lui-même, le juge Burgo m'a dit
00:29:17que je souhaitais que mon audition soit publique.
00:29:19C'était une façon, pour lui, de s'expliquer
00:29:21et de donner sa version des faits.
00:29:26Le week-end qui a précédé
00:29:28son audition,
00:29:30j'ai eu beaucoup de coups de téléphone
00:29:32pour me mettre en garde
00:29:34sur les dérapages qui pouvaient avoir lieu.
00:29:36François Hollande, qui, à l'époque,
00:29:38était premier secrétaire du Parti Socialiste,
00:29:41moi-même, j'étais à la direction du PS,
00:29:43à l'époque, chargé de la justice,
00:29:45Hollande m'avait téléphoné le dimanche
00:29:47à mon domicile pour me dire,
00:29:49fais attention, mardi, ça peut être dangereux.
00:29:51Il y avait aussi des rumeurs qui couraient dans Paris,
00:29:54selon lesquelles le juge Burgo
00:29:56pouvait avoir envie de se suicider.
00:29:58Je voulais comprendre que si les choses tournaient mal,
00:30:00ce serait de ma faute,
00:30:02puisque j'étais à l'origine de la levée du huis clos.
00:30:04Et moi, j'étais contre sa comparution.
00:30:06Je me disais, j'aime pas la Reine, j'aime pas la Lali,
00:30:09j'aime pas, je me suis opposé à ça.
00:30:12J'ai dit, attention,
00:30:14et j'avais donné les consignes,
00:30:16j'ai dit, on va pas en faire un bouc émissaire,
00:30:18je ne veux pas de ça,
00:30:20je souhaite qu'on le traite normalement,
00:30:22parce que beaucoup de gens avaient des responsabilités.
00:30:25La machine judiciaire, j'irais, a grippé
00:30:27et a fait des erreurs
00:30:29et ne s'est pas remise en question à temps.
00:30:36Le mardi matin, la rue de l'université
00:30:38a été bloquée en deux extrémités.
00:30:40La rue qui passe
00:30:42devant l'Assemblée nationale, entre le palais Bourbon
00:30:45et la salle Lamartine.
00:30:47Il y avait des télévisions du monde entier
00:30:49qui étaient là.
00:30:51Des télévisions japonaises, américaines,
00:30:53avec des cars régis, avec des paraboles
00:30:55qui envoient les images sur les satellites.
00:30:57La rue était en état de siège.
00:31:03Bien, messieurs, si vous voulez maintenant nous laisser travailler,
00:31:07vous avez eu tout le temps nécessaire.
00:31:10Je me souviens qu'il y avait un appariteur
00:31:12de l'Assemblée nationale, qui était là depuis une trentaine d'années,
00:31:16qui m'a dit, le jour de l'audition du juge,
00:31:18je n'ai jamais, de ma vie,
00:31:20pour les plus grands événements imaginables
00:31:23qui se sont passés à l'Assemblée nationale,
00:31:25vu autant de médias
00:31:27et de journalistes, etc.
00:31:29Je n'en ai jamais vu autant.
00:31:33Vous avez tous pris la même photo 150 fois.
00:31:36Donc, je pense que maintenant,
00:31:38vous pouvez nous laisser travailler.
00:31:41Ce qui frappe chez Fabrice Burgot,
00:31:43c'est sa jeunesse, 27 ans seulement.
00:31:51Il était tendu, il était livide, il était...
00:31:56Il était très inquiet, même angoissé.
00:31:58On sentait qu'il avait peu dormi la veille.
00:32:00Comme beaucoup de mes confrères,
00:32:02on en était malade de le voir arriver.
00:32:04C'est-à-dire qu'on a vu arriver un type exsangue, livide,
00:32:08et c'est terrible d'être dans cette position-là.
00:32:11Monsieur Fabrice Burgot, je vais donc vous demander maintenant
00:32:14de lever la main droite et de dire, je le jure.
00:32:16Je le jure.
00:32:18Je vous remercie. L'audition du juge Burgot a été suivie,
00:32:22je crois, par 5 millions de téléspectateurs,
00:32:24pas seulement sur la chaîne parlementaire.
00:32:26Il faut savoir que TF1 et France 2 ont fait des spéciales en direct.
00:32:29Vous imaginez, un juge devant s'expliquer,
00:32:32devant des politiques, en direct, devant les Français,
00:32:34c'était du jamais vu.
00:32:36Habituellement, ce sont quand même les juges qui convoquent les politiques.
00:32:41C'est ce qu'on appelle les affaires.
00:32:43Et là, tout à coup, c'est le contraire.
00:32:45C'est des politiques qui convoquent des juges,
00:32:47qui doivent rendre compte devant des politiques.
00:32:49Donc c'est un scénario inédit.
00:32:52M. Burgot, vous disposez maintenant du temps que vous souhaitez
00:32:55pour vous exprimer devant la commission.
00:32:57Et je vous donne la parole.
00:33:00Vous imaginez l'émotion qui, à cet instant, est la mienne.
00:33:06D'abord, parce que je me trouve en présence des personnes
00:33:12qui ont été acquittées par la Cour d'assises.
00:33:16Je peux sentir leur souffrance.
00:33:20Me représenter, ce qu'ils ont vécu,
00:33:24l'enfermement, la séparation.
00:33:28L'injustice avait un visage,
00:33:30et ce visage était celui du juge Burgot.
00:33:32J'estime avoir effectué honnêtement mon travail,
00:33:35sans aucun parti pris d'aucune sorte.
00:33:39Est-ce que j'ai commis des erreurs d'appréciation ?
00:33:41Peut-être.
00:33:43D'ailleurs, qui n'en commet pas ?
00:33:46C'était un moment très intense.
00:33:48Je l'avais pas loin de moi,
00:33:50et je me rappelais mes propres débuts dans la magistrature.
00:33:54J'étais comme lui, un jeune juge d'instruction aussi.
00:33:56Ça aurait pu peut-être pas arriver.
00:33:58Ce qui est arrivé, disons que j'avais une compassion naturelle,
00:34:01confraternelle, d'un ancien collègue, quoi.
00:34:06Regardez les images.
00:34:07Mais il est comme un lapin pris dans le phare.
00:34:10Non, évidemment qu'il se défend pas bien.
00:34:12Ben non.
00:34:15Lorsque j'ai refusé ces demandes en libéralisme,
00:34:17j'ai refusé ces demandes de mise en liberté.
00:34:19Moi, les refus...
00:34:22Pardon, les demandes d'actes...
00:34:25Ces refus d'actes, pour moi, c'était...
00:34:27Puisque les refus sont motivés,
00:34:31donc j'expliquais les raisons pour lesquelles...
00:34:35Il était là pathétique, on va le dire.
00:34:39Moi, j'ai presque eu de la peine pour lui. Pardon, mais...
00:34:42Il y a des personnes qui, semble-t-il, crient leur innocence,
00:34:46qui demandent des confrontations séparées.
00:34:49Vous, vous avez estimé que la meilleure méthode
00:34:51était celle que vous avez mise en oeuvre.
00:34:53Mais quel inconvénient y avait-il à faire droit à ces demandes
00:34:57et à essayer d'employer une autre façon ?
00:35:00C'est ça qu'on voudrait essayer de savoir.
00:35:07À l'époque, moi, j'avais pas perçu ça comme...
00:35:11les confrontations personne contre personne.
00:35:17J'avais pas perçu le...
00:35:21l'avantage décisif qu'on pouvait en...
00:35:27en retirer par rapport à...
00:35:30Qu'est-ce que ça pouvait présenter comme inconvénient ?
00:35:32À défaut qu'il y ait un avantage, est-ce qu'il y avait un inconvénient ?
00:35:36Et à un moment donné, c'est vrai qu'il y a eu un petit agacement
00:35:40parce qu'il n'y avait aucune réponse du juge
00:35:44sans que, préalablement, ses avocats l'aient essoufflée.
00:35:48Comme vous venez de le dire, le réseau international...
00:35:52J'aimerais que vous me répondiez vous-même, monsieur Burgo,
00:35:55que le réseau INDSKI, pas toujours le cas,
00:35:58n'est pas un réseau international.
00:36:00Il n'est pas un réseau international,
00:36:03que le réseau INDSKI, pas toujours le cas.
00:36:07Vous avez prêté serment. J'aimerais aussi que ce soit vous qui répondiez
00:36:10et que ce ne soit pas systématiquement des réponses suggérées,
00:36:13comme on le voit depuis le début.
00:36:15Donc, nous avons accepté que vous soyez assistés,
00:36:18mais j'aimerais que ce soit vous qui répondiez
00:36:20et qu'on ne vous souffle pas systématiquement la réponse à l'oreille.
00:36:24Il va se trouver sous un flot de questions...
00:36:30de la part des députés.
00:36:33Et il se défend comme il peut.
00:36:38Comment est-ce qu'on progresse dans une instruction
00:36:40quand, petit à petit, on a de plus en plus de questions,
00:36:42de plus en plus de doutes, de moins en moins d'éléments matériels,
00:36:45de plus en plus de contradictions ?
00:36:47À un moment donné, est-ce qu'on n'est quand même pas amené
00:36:50à se remettre en cause ? Comment est-ce que ça se passe ?
00:36:54Il restait des éléments qui semblaient...
00:36:56Est-ce qu'il y a des gens qui sont en prison pendant ce temps-là ?
00:36:58Oui, bien sûr.
00:36:59Ça tombe pas au bon moment, peut-être,
00:37:01mais les gens sont en prison, quand même.
00:37:06On a beaucoup parlé de Fabrice Burgo,
00:37:08mais il y a des dizaines de magistrats
00:37:10qui ont validé chacune de ces décisions.
00:37:13Il était en lien permanent avec le parquet,
00:37:15donc le procureur, qui validait lui aussi.
00:37:17Les droits de la défense avaient été plusieurs fois bafoués.
00:37:21Quand les gens demandaient leur mise en liberté,
00:37:23on leur disait non.
00:37:24Il y avait des juges de la liberté de la détention
00:37:27qui avaient aussi validé.
00:37:29Il y avait toute une chaîne judiciaire qui n'avait pas validé les choses.
00:37:33Et donc, Burgo, il a finalement été le personnage central,
00:37:38puis celui sur qui on pouvait, d'une certaine façon, se décharger.
00:37:41Vous diriez le bouc émissaire ?
00:37:42Oui, le bouc émissaire, parce que les autres n'ont rien contrôlé.
00:37:4564 magistrats, on a fait le compte,
00:37:4864 magistrats ont eu à connaître de l'affaire Doutreau.
00:37:52Beaucoup, beaucoup de personnes qu'on a auditionnées
00:37:55ont fait leur mea culpa,
00:37:58j'allais dire, sauf les juges.
00:38:02Les juges n'ont jamais voulu reconnaître
00:38:06un dysfonctionnement, une responsabilité véritable.
00:38:09Monsieur Burgo, je veux vous confirmer
00:38:12que nous allons naturellement entendre
00:38:14tous les acteurs de l'institution judiciaire dans cette affaire
00:38:19et que nous n'avons pas l'intention de nous focaliser
00:38:21sur un seul maillon de cette chaîne judiciaire,
00:38:24c'est-à-dire, en l'occurrence, le juge d'instruction.
00:38:28Et sur toutes ces personnes dont les erreurs ont été pointées,
00:38:32aucune n'a été sanctionnée et toutes ont été promues.
00:38:35Enfin, la majorité a été promue.
00:38:37Et donc, ça, c'était terrible sur l'après de ces commissions.
00:38:41Voilà, nous siégeons depuis bientôt aux 7h.
00:38:43Merci, monsieur Burgo, d'avoir répondu à nos questions.
00:38:45La séance est levée. Prochaine séance demain matin à 9h30.
00:38:49Quatre mois plus tard, la commission d'enquête rendra son rapport
00:38:52et ses propositions de réforme du système judiciaire.
00:38:56Mesures phares, la collégialité des décisions
00:38:59pour éviter désormais la solitude du juge d'instruction.
00:39:05On avait préconisé la collégialité.
00:39:08Elle a été inscrite dans la loi, mais elle n'est pas mise en oeuvre.
00:39:11Elle a été abandonnée quelques années plus tard
00:39:14par je ne sais plus quel gouvernement, par manque de moyens.
00:39:17Mais si vous mettez deux Burgos à la place d'un, ça ne change rien.
00:39:21Il vaut mieux un bon juge d'instruction que deux mauvais.
00:39:24La collégialité, ce n'est pas la panacée.
00:39:27On a aussi instauré des délais butoirs
00:39:29à la suite du rapport de la commission Outreau,
00:39:30des délais butoirs en matière de détention provisoire.
00:39:34Et d'ailleurs, on s'est aperçus que dans les mois qui ont suivi l'affaire Outreau
00:39:36et la commission d'enquête en particulier,
00:39:38la détention provisoire a beaucoup diminué en France,
00:39:41même si depuis, elle a à nouveau augmenté, hélas.
00:39:44Nous pensions qu'on avait entre les mains
00:39:46la grande réforme de la justice qui était nécessaire.
00:39:48Et cette réforme a eu lieu après cette commission d'enquête ?
00:39:51Hélas, non.
00:39:52Est-ce que ça a changé quelque chose ?
00:39:55Je ne suis pas sûr. Je ne suis pas sûr.
00:39:57Et pour moi, c'est une grande désillusion,
00:39:59parce que j'étais convaincu que l'éclectisme politique de la commission
00:40:03amènerait un certain nombre de vraies réformes.
00:40:06C'est intérêt.
00:40:08Le gouvernement envisagera un temps
00:40:10de faire disparaître le juge d'instruction avant de renoncer.
00:40:15À la fin des années 2000,
00:40:16les commissions d'enquête vont prendre un tour beaucoup plus politique.
00:40:20Dans l'affaire Cahuzac,
00:40:21les mises en cause vont remonter jusqu'au Premier ministre.
00:40:33Tout le monde ne parle que de l'article de Mediapart.
00:40:35Libération, Le Parisien reprennent les informations du site.
00:40:39Jérôme Cahuzac, ministre du Budget,
00:40:41aurait eu un compte en Suisse jusqu'en 2010,
00:40:44au moment où il a pris la présidence
00:40:45de la commission des finances de l'Assemblée.
00:40:47C'est un 4 décembre.
00:40:48On apprend dans l'après-midi une révélation au Mediapart
00:40:52comme quoi Jérôme Cahuzac aurait un compte en Suisse.
00:41:02Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac,
00:41:04a démenti aujourd'hui formellement les informations du site Mediapart,
00:41:08selon lequel il aurait détenu un compte bancaire non déclaré en Suisse
00:41:11jusqu'au début de l'année 2010.
00:41:14Il a annoncé son intention de porter plainte
00:41:16contre le site qui a publié cette enquête.
00:41:20Le lendemain est un mercredi,
00:41:22le jour des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
00:41:25Par chance, mon groupe avait une question d'actualité à 15h,
00:41:30juste au moment de la reprise des questions d'actualité.
00:41:33La séance est ouverte.
00:41:35La question est à monsieur Daniel Fasquel.
00:41:41Monsieur le Président, mes chers collègues,
00:41:42ma question s'adresse à Jérôme Cahuzac, ministre du Budget.
00:41:45Première question.
00:41:46Est-il exact, monsieur le ministre,
00:41:48que vous avez eu un compte non déclaré
00:41:50à l'Union des banques suisses de Genève pendant de longues années ?
00:41:55Deuxième question.
00:41:56Est-il exact que vous êtes déplacé en Suisse début 2010...
00:41:59S'il vous plaît !
00:42:00...et que vous avez clôturé ce compte
00:42:02à la veille de votre élection à la présidence de la Commission des finances ?
00:42:07Je me souviens encore de Jérôme Cahuzac se levant,
00:42:10en disant, monsieur le député,
00:42:11je vous remercie de la question que vous me posez,
00:42:14et je vous le dis au fond des yeux, je le regarde comme ça,
00:42:18je n'ai pas, je n'ai jamais eu...
00:42:20Je n'ai pas, monsieur le député, je n'ai jamais eu
00:42:23de compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant.
00:42:27Je demande donc ces accusations,
00:42:29et j'ai saisi la justice d'une plainte en diffamation,
00:42:31car ça n'est que devant la justice, hélas,
00:42:35que les accusateurs doivent prouver la réalité des allégations qu'ils avancent.
00:42:39Quand je l'entends démentir, je me dis...
00:42:43Quel culot ! Quelle audace !
00:42:46Et quel mensonge ! Quel mensonge !
00:42:48Parce que ça se passe devant la représentation du peuple,
00:42:53devant l'hémicycle, devant l'Assemblée nationale,
00:42:55et c'est un des ministres qui est un des ministres
00:42:59dont on parlait même, un grand espoir de la politique,
00:43:02on en parlait comme peut-être un futur Premier ministre, etc.
00:43:06Bienvenue à tous, c'est un coup de théâtre,
00:43:08et c'est aussi un coup de tonnerre pour le gouvernement
00:43:11et pour le monde politique.
00:43:12Deux semaines après sa démission,
00:43:14Jérôme Cahuzac a reconnu donc ce qu'il avait toujours nié jusqu'ici,
00:43:18il avoue détenir un compte bancaire à l'étranger,
00:43:21un compte ouvert en Suisse.
00:43:22Monsieur Cahuzac, quelle que soit son intelligence,
00:43:25elle est réelle, son aplomb, il est remarquable,
00:43:29ses mensonges ont fait un énorme dégât sur la classe politique française.
00:43:35Six mois plus tard,
00:43:37l'Assemblée nationale lance une commission d'enquête
00:43:39sur le compte caché de Jérôme Cahuzac.
00:43:42Les députés d'opposition veulent savoir si,
00:43:45au sein du gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault,
00:43:47certains avaient connaissance de la fraude,
00:43:50ou ont cherché à protéger leur collègue, ministre du Budget.
00:43:57Veuillez donc, chacun à votre tour,
00:44:00lever la main droite et dire je le jure.
00:44:02Je le jure.
00:44:03Je vous remercie et je vous donne maintenant la parole.
00:44:06Quand on est convoqué par l'Assemblée nationale
00:44:10et quand on y va, j'avoue une immense fierté.
00:44:14J'avoue, non pas une fierté de gloriole personnelle,
00:44:16c'est vraiment pas la question,
00:44:18une fierté institutionnelle, démocratique,
00:44:21parce qu'à tit personnel, je crois très fort,
00:44:23très très fort au contrôle parlementaire.
00:44:26Sans évidemment révéler l'identité des sources,
00:44:28je peux dire qu'elles étaient bancaires, financières,
00:44:31liées au service de renseignement,
00:44:34dans les entourages de la personne concernée,
00:44:36fiscale et politique.
00:44:39Le moment le plus attendu de la commission,
00:44:41c'est l'audition du ministre déchu, Jérôme Cahuzac.
00:44:49Mes chers collègues, il est 16h30, nous allons commencer à l'heure.
00:44:53M. Cahuzac, est-ce que vous voulez bien vous lever,
00:44:56lever la main droite...
00:44:59et dire je le jure ?
00:45:01Je le jure.
00:45:02Merci.
00:45:03Je le trouve quand même assez costaud,
00:45:07parce que l'épreuve est très difficile,
00:45:10se retrouver devant les députés auxquels il avait menti.
00:45:15De quelle façon, lui qui, avant, était un peu cassant,
00:45:20un peu arrogant...
00:45:22Est-ce que vous avez transféré,
00:45:25pendant la période 2006-2012,
00:45:29à la compagnie REL, votre compte ?
00:45:32La question que vous me posez,
00:45:34je vous aurais dû vous dire qu'elle me semble
00:45:37empiétée, non pas aux frontières, mais pleinement,
00:45:41sur l'information judiciaire en cours, et je ne peux pas vous répondre.
00:45:44Jérôme Cahuzac se cachait derrière ça et disait
00:45:48je ne peux pas répondre à votre question,
00:45:50puisque ça intéresse la justice
00:45:52et que je réserve mes déclarations au juge d'instruction.
00:45:56C'est toujours le problème de ces commissions d'enquête
00:45:58quand elles interfèrent sur une affaire judiciaire en cours,
00:46:01ce qui était le cas.
00:46:02C'est une affaire judiciaire en cours, il faut qu'on soit prudent.
00:46:06Est-ce que vous pourriez nous préciser
00:46:08à quelle date vous l'avez transférée à Singapour ?
00:46:13Je suis contraint de vous faire la même réponse,
00:46:15je ne peux pas vous répondre.
00:46:17Il est venu devant la commission d'enquête
00:46:18avec l'intention de ne rien dire.
00:46:20Il ne pouvait pas faire autrement que de venir.
00:46:22Il s'est réfugié derrière ce prétexte
00:46:25qu'il y avait une affaire judiciaire en cours
00:46:26pour, visiblement, ne pas répondre à nos questions.
00:46:29Il n'avait aucune intention de répondre à nos questions.
00:46:33Jérôme Cahuzac a le droit de se taire devant les députés.
00:46:36Le silence vaut mieux qu'un mensonge
00:46:38qui pourrait lui valoir des poursuites pour faux témoignages.
00:46:42Est-ce que vous pouvez nous préciser la date et l'objet
00:46:45de ses déplacements en Suisse ?
00:46:52Je le souhaiterais, mais je ne le peux pas, monsieur le président,
00:46:55pour les mêmes raisons.
00:46:56Je suis un peu sidéré, je dois dire, par...
00:47:00Bon, l'attitude de Cahuzac, c'est une chose,
00:47:03mais l'attitude des députés face à l'attitude de Jérôme Cahuzac.
00:47:08C'est-à-dire que Jérôme Cahuzac, en fait, a décidé
00:47:10de se moquer ouvertement de la commission d'enquête parlementaire
00:47:14en disant, je n'ai rien à vous dire.
00:47:15Je prends acte que vous ne répondez pas à ces deux questions.
00:47:21On a été beaucoup trop doux avec monsieur Cahuzac,
00:47:23à qui, bon, finalement, il disait qu'il ne répondait pas
00:47:27et on le laissait ne pas répondre sans trop l'asticoter,
00:47:30si je puis dire.
00:47:31Il est vrai que l'intérêt des questions s'émousse
00:47:35au fur et à mesure que j'ai compris, ça n'engage que moi,
00:47:37et je peux me tromper, que monsieur Cahuzac était venu ici
00:47:40avec l'intention de ne pas répondre à la commission.
00:47:43Quatrième intervenant, monsieur Coronado.
00:47:47Merci, monsieur le président. Je vais tenter de poser une question
00:47:50à laquelle monsieur Cahuzac puisse répondre.
00:47:51Je sais que c'est difficile,
00:47:53regarde, finalement, la mission de cette commission d'enquête.
00:47:56Moi, j'avais simplement une question simple à vous poser.
00:47:58Après l'annonce, enfin, après la publication
00:48:01de l'article de Mediapart qui révélait que vous déteniez
00:48:04un compte depuis de longues années, un compte à l'étranger,
00:48:06donc que vous aviez caché à l'administration fiscale,
00:48:09pourquoi être resté ?
00:48:10Réponse, monsieur Cahuzac.
00:48:12Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer,
00:48:15à la suite de cet article principe,
00:48:16une décision est prise qui me déporte systématiquement
00:48:20de toutes les questions relatives à cette affaire.
00:48:23Quant aux sentiments qui sont les miens,
00:48:26à la lumière des choses que j'ai pu faire
00:48:28ou des décisions que j'ai pu prendre,
00:48:30peut-être accepterez-vous que je les garde pour moi ?
00:48:34Le député Coronado, peu satisfait de cette réponse,
00:48:38tweet depuis la salle d'audition.
00:48:41C'est l'audition, je réponds si je veux et je vous emmerde.
00:48:46Je considère que ça n'est pas digne.
00:48:49On participe à des travaux d'une commission d'enquête,
00:48:51on n'est pas là pour faire le commentaire en laïf
00:48:54de ce qui se passe.
00:48:55Enfin, ça dénature par ailleurs
00:48:59l'objectivité du travail de la commission d'enquête.
00:49:01Donc non, c'est pas digne, c'est pas bien, selon moi.
00:49:05Chacun est libre de sa pensée,
00:49:07mais on est là, si vous voulez, pour essayer de découvrir la vérité
00:49:10et pas faire ces petits commentaires
00:49:13irrités par le comportement, notamment, de Jérôme Cahuzac.
00:49:20A la suite de cet épisode,
00:49:21le président interdit l'utilisation des téléphones portables
00:49:25pendant les auditions.
00:49:30C'était pour éviter qu'ils passent leur temps à tweeter.
00:49:33Oui, bien sûr, c'est un vrai problème pour l'Assemblée nationale,
00:49:36en particulier dans ce genre de commission
00:49:40qui se doit d'être particulièrement stricte sur les règles, etc.
00:49:45Je le jure.
00:49:46Nous commençons avec Mme la garde d'Essau,
00:49:49les auditions des trois ministres dont les administrations
00:49:52ont été directement concernées par la gestion de l'affaire Cahuzac.
00:49:55Je le jure.
00:49:56Plusieurs membres importants du gouvernement sont convoqués.
00:50:00Ils doivent expliquer sur ce qu'ils savaient du compte en Suisse
00:50:03de leurs collègues.
00:50:05Le plus critiqué est Pierre Moscovici,
00:50:07ministre de l'Economie et patron direct de Jérôme Cahuzac.
00:50:11Quatre reproches m'ont été adressés
00:50:14au lendemain des aveux de l'ancien ministre délégué chargé du budget,
00:50:18Jérôme Cahuzac. Je ne veux en éviter aucun.
00:50:20Ces quatre reproches sont la complicité, la duplicité,
00:50:24l'incompétence et la manipulation.
00:50:26Aucun ne tient aujourd'hui.
00:50:28A partir de quelle date avez-vous eu des doutes
00:50:30quant à la véracité des affirmations de Jérôme Cahuzac
00:50:33selon lesquelles il ne détenait aucun avoir non déclaré à l'étranger ?
00:50:37Écoutez, j'ai décidé vraiment de vous dire la vérité.
00:50:40Je vous dis toute la vérité.
00:50:42Moi, ce n'était pas une préoccupation.
00:50:45Ce n'était pas une préoccupation.
00:50:47Il fallait que la justice fasse son travail.
00:50:49Je ne me suis pas posée pour me demander si Jérôme Cahuzac est coupable ou non.
00:50:53La justice avançait, Cahuzac niait.
00:50:58Bon, voilà, moi, je n'ai pas fait des analyses philosophiques sur ces dénégations.
00:51:03C'est des commissions langue de bois typiques.
00:51:05Et donc, le téléspectateur le voit bien évidemment.
00:51:09La télévision, elle a un effet loupe terrible pour ça.
00:51:12Si je devais résumer mon propos,
00:51:15je n'ai jamais disposé d'aucun écrit,
00:51:19aucun élément oral ou écrit démontrant
00:51:23que M. Cahuzac avait disposé d'un compte à l'étranger.
00:51:26La plupart d'entre eux venaient donner une parole officielle et un habillage.
00:51:32Et la commission d'outre-eau qui mettait sur le devant de la scène
00:51:38des gens qui ne sont pas forcément politiques,
00:51:40ils jouaient quelque chose.
00:51:42Ils jouaient leur vie, ils jouaient leur innocence pour certains,
00:51:48leur carrière pour d'autres.
00:51:49Il y avait un enjeu fort personnel et que chacun avait bien intégré.
00:51:55Dans des commissions très politiques,
00:51:57les gens y vont comme ils y vont à une formalité.
00:52:01Et ils ne jouent rien du tout.
00:52:02Et l'enjeu n'est pas la sincérité, pas la compréhension et pas l'explication.
00:52:05On a Tobira ce matin dans Chose à faire qui parlait de ça, etc.
00:52:10C'est un peu se moquer du monde.
00:52:12Je ne parle pas de vous, M. le ministre,
00:52:13mais se moquer du monde que de nous dire audition après audition.
00:52:17Non, on n'en parle pas à M. Cahuzac, c'est à peine si on sait qui c'est.
00:52:26La tension monte encore
00:52:28quand certains députés réclament l'audition de Jean Marquero,
00:52:31le Premier ministre socialiste.
00:52:34C'est Jean Marquero qui a appelé Jérôme Cahuzac au gouvernement,
00:52:37mais il refuse d'être auditionné.
00:52:40Le Premier ministre doit répondre de tout ce qu'il fait
00:52:42devant les parlementaires,
00:52:44quelle que soit la nature du sujet.
00:52:47Et là, le fait que Jean Marquero ait refusé de venir dans la commission d'enquête,
00:52:51nous l'avons vraiment très, très mal vécu.
00:52:53Il n'y avait aucune raison que le Premier ministre
00:52:55ne vienne pas répondre à nos questions.
00:52:58S'il n'avait rien à cacher, pourquoi le refuser ?
00:53:00S'il a quelque chose à cacher, le rôle de la commission d'enquête,
00:53:03c'est justement de faire toute la vérité.
00:53:06Les députés socialistes de la commission s'opposent à cette audition.
00:53:10Pour débloquer la situation, un scrutin est organisé à huit clous
00:53:14entre les 18 membres de la commission d'enquête.
00:53:19Et nous passons au vote.
00:53:22On passe au vote, et le vote, comme on pouvait s'y attendre,
00:53:26la majorité étant socialiste, c'est négatif.
00:53:29Nous n'avons pas besoin d'entendre Jean Marquero.
00:53:32Ce qui est une attitude partisane,
00:53:36et ce n'est pas le fonctionnement, ou ce n'est pas l'idée, en tout cas,
00:53:39que je me fais du fonctionnement d'une commission d'enquête
00:53:41qui doit être aussi impartiale que possible.
00:53:43Je sais bien qu'il y a eu un vote,
00:53:46que la majorité n'a pas souhaité cette audition,
00:53:50mais que la vérité, que recherche forcément une commission d'enquête,
00:53:54elle ne dépend pas d'un vote.
00:53:55Je regrette encore une fois que nos collègues de la majorité
00:53:58aient rejeté la demande d'audition du Premier ministre.
00:54:01Et je crois que c'est l'intérêt même du Premier ministre
00:54:04et du gouvernement dans son entier
00:54:06de venir s'expliquer devant la représentation nationale.
00:54:08On s'est dit, c'est pas possible, c'est une mascarade.
00:54:12Donc, on a marqué le coup, on s'est levés,
00:54:16députés de membres de l'opposition,
00:54:18on s'est levés et on a quitté la commission d'enquête
00:54:22pour manifester notre désaccord total avec cette façon de procéder.
00:54:27Oui, ça a créé un incident.
00:54:30Et on a vu là qu'on s'approchait trop près de la vérité,
00:54:33que le pouvoir en place ne voulait pas que la vérité éclate.
00:54:37Mais la vérité, elle ne se vote pas, elle se construit.
00:54:41Elle se construit et nous avons aujourd'hui, par cette audition,
00:54:46des éléments pour poursuivre cette construction.
00:54:50Et que ça ne peut pas être un vote qui fasse échec.
00:54:54C'est là où, malheureusement, la commission s'est un peu terminée,
00:54:58sinon en eau de boudin, pas de la façon la plus satisfaisante,
00:55:02parce qu'à partir de ce moment-là, l'opposition a refusé de siéger
00:55:06et puis donc, la commission, d'une certaine façon,
00:55:09s'est arrêtée à ce moment-là.
00:55:11Vous aviez une question à poser à M. Keusak ?
00:55:14Vous ne préférez pas.
00:55:15Je ne préfère pas lui en poser,
00:55:17j'ai suffisamment l'expérience de ses réponses.
00:55:20Le problème d'une commission d'enquête,
00:55:23c'est qu'en réalité, elle est entre les mains de la majorité.
00:55:26L'opposition est minoritaire au sein de la commission d'enquête.
00:55:29Même si on laisse en général la présidence de la commission d'enquête
00:55:33à un membre de l'opposition, cette présidence est de cérémonie.
00:55:38Mais celui qui a les vrais pouvoirs entre ses mains,
00:55:41c'est le rapporteur, c'est lui qui écrit le rapport.
00:55:44Avec la majorité, c'est lui qui peut décider
00:55:46d'entendre une personne ou ne pas l'entendre.
00:55:49Dans la commission Keusak,
00:55:51le rapporteur est le député socialiste Alain Kless.
00:55:55Il assume, aujourd'hui encore, son refus de convoquer Jean-Marc Ayrault.
00:56:00C'est moi qui ai pris la décision de ne pas l'auditionner,
00:56:04car ça ne se justifie pas.
00:56:06Ah ben, mais monsieur, il y a une autre audition
00:56:08que je n'ai pas souhaitée.
00:56:12C'est l'audition de Mme Keusak.
00:56:15Pourquoi ?
00:56:18Pourquoi ? Parce que je ne voulais pas que...
00:56:22Un sujet personnel.
00:56:24Que les gens qui le regardaient viennent, j'allais dire,
00:56:29non pas polluer la commission d'enquête,
00:56:32mais il y aurait eu une forme de voyeurisme
00:56:35qui n'était pas, à mon avis, utile pour éclairer la commission.
00:56:39C'est tout à fait inexact.
00:56:41Mme Keusak, probablement, aurait pu nous révéler
00:56:46comment elle a contribué à faire éclater ce scandale.
00:56:52Puisque...
00:56:54Certains éléments dont disposait Mediapart
00:56:57quand ils ont lancé l'affaire
00:56:59étaient probablement d'origine de Mme Keusak.
00:57:05Dans son rapport final, le socialiste Alain Kless
00:57:08estimera qu'aucun collègue de Jérôme Keusak au gouvernement
00:57:12n'a commis la moindre faute.
00:57:14M. Kless, c'est vrai,
00:57:16a mis beaucoup de rondeur dans son rapport,
00:57:20dans la façon de questionner, y compris Jérôme Keusak,
00:57:24pour que l'affaire, surtout, ne reste qu'une affaire Keusak.
00:57:28Je ne veux pas dire que c'est un exemple de commission d'enquête,
00:57:32mais je pense qu'elle a joué son rôle
00:57:34avec toutes les imperfections, y compris les miennes.
00:57:37Je l'entends, je me dis, on a fait un travail correct.
00:57:42Ce n'est pas l'avis des députés d'opposition
00:57:44qui refusent de co-signer le rapport.
00:57:49La majorité, hélas, a une position,
00:57:52que je trouve largement partisane,
00:57:56en essayant d'écraser l'affaire.
00:58:00En faisant cela, d'ailleurs,
00:58:02je pense qu'ils affaiblissent la démocratie.
00:58:04On se serait grandi en disant que dans cette affaire,
00:58:07le président de la République n'a pas assumé son rôle,
00:58:11et le Premier ministre encore moins.
00:58:13Voilà.
00:58:14Quant à Moscou, lui aussi,
00:58:16a ridiculisé sa propre administration.
00:58:20La commission d'enquête n'a rien donné,
00:58:22mais l'Assemblée nationale se saisit malgré tout du dossier.
00:58:26Trois mois plus tard,
00:58:27elle vote une grande loi sur la transparence politique.
00:58:30Pour 291 contre 196.
00:58:34L'Assemblée nationale a adopté ce texte.
00:58:36Une nouvelle batterie de mesures
00:58:38pour contrôler les revenus des élus.
00:58:41Il y a eu, derrière,
00:58:44un bouleversement du fonctionnement politique.
00:58:48C'est quand même à partir de l'affaire dite Cahuzac
00:58:51qu'on a installé un déontologue à l'Assemblée nationale,
00:58:55qu'on a créé la haute autorité de la transparence et de la vie publique.
00:59:00Et c'est tant mieux !
00:59:02Tant mieux, parce qu'on a élevé le seuil de contrôle, de transparence.
00:59:06Donc, il y a eu avant et après Cahuzac.
00:59:10Durant la commission d'enquête,
00:59:12les limites de l'indépendance des députés sont apparues clairement.
00:59:16Elles vont être encore plus flagrantes, cinq ans plus tard,
00:59:18au moment de l'affaire Benalla.
00:59:20Cette fois, ce n'est plus seulement le gouvernement qui est dans la cible,
00:59:24mais le plus haut sommet de l'État, l'Élysée.
00:59:32Bienvenue à tous. L'opposition parle ce soir d'un scandale d'État.
00:59:35L'effet remonte donc au 1er mai.
00:59:38La vidéo est accablante. On y voit Alexandre Benalla,
00:59:40frappé à terre, un manifestant.
00:59:42Les témoins parlent d'une scène d'une grande violence.
00:59:45Regardez, il est tranque. Il est tranque.
00:59:48Regardez ça, regardez ça, regardez ça.
00:59:50Regardez ça.
00:59:53Regardez ça, comme il matraque.
00:59:55C'est des malades.
00:59:56Il y a vraiment un problème.
00:59:59Qu'on n'imagine pas quelqu'un qui est membre du cabinet
01:00:03du président de la République,
01:00:06déguisé en policier,
01:00:09en train de s'en prendre à des citoyens,
01:00:11cependant que d'autres policiers et gendarmes tout autour
01:00:14restent impassibles.
01:00:16C'est parce qu'on filme.
01:00:17Cinq jours après le début du scandale,
01:00:19l'Assemblée nationale lance une commission d'enquête.
01:00:23Mais les choses vont très vite mal tourner.
01:00:27La présidente macroniste, Yael Brown-Pivet,
01:00:29élue dans le sillage d'Emmanuel Macron,
01:00:32refuse les auditions réclamées par les députés d'opposition.
01:00:35Donc, je vous propose de voter sur la proposition qui est la mienne,
01:00:41qui était de vous proposer d'auditionner
01:00:44le préfet de police, le cas échéant...
01:00:47Madame la présidente, vous avez des demandes d'expression.
01:00:51...ainsi que le responsable de la compagnie 15.
01:00:54L'enjeu, c'était d'arriver à auditionner certaines personnes
01:00:58qui étaient membres de l'Elysée.
01:01:00Et il y a eu toute une guerre politique
01:01:03à l'intérieur de l'Assemblée
01:01:05pour savoir qui allait être sur l'Elysée des auditionnés.
01:01:08Notre commission d'enquête a le devoir, au nom de la nation,
01:01:11de faire la vérité en toute liberté,
01:01:14sans être entravée par des ordres venus de l'Elysée,
01:01:19relayés par les députés du groupe En Marche.
01:01:22C'est vous, majorité, madame la présidente,
01:01:25qui, aujourd'hui, avez une shortlist,
01:01:27une liste très minimaliste de gens à entendre,
01:01:30et je veux, nous voulons, notre groupe,
01:01:33dénoncer cette obstruction.
01:01:34Je suis, comme beaucoup d'élus présents dans cette salle,
01:01:39outré par ce qui se passe.
01:01:41Je souhaite pouvoir l'exprimer convenablement.
01:01:43Dans quelle démocratie moderne
01:01:45décide la majorité une commission d'enquête
01:01:48chargée de juger une action de la majorité ?
01:01:50Ça ne se passe pas, ça.
01:01:51C'est pas possible.
01:01:53C'est pas possible.
01:01:55Je vous propose de voter pour la liste suivante.
01:01:58Ça suffit, ce qui suffit !
01:02:00...de M. Giblin.
01:02:01Suffit, cette mascarade jupitérée !
01:02:05...ainsi que du responsable de la compagnie de CRS n°15,
01:02:09qui est pour...
01:02:10La commission tourne à la foire d'Empoigne.
01:02:12Une mascarade, madame !
01:02:14...qui est contre...
01:02:17Donc, je note, la liste est adoptée ainsi que désignée.
01:02:20Je vous ferai parvenir le calendrier des auditions
01:02:23dans la soirée. La séance est levée.
01:02:26Il y avait un embarras politique, il ne faut pas le nier.
01:02:28Pourquoi ?
01:02:29Parce que c'est un proche du président de la République,
01:02:33Alexandre Bédala.
01:02:34Ça s'est parfaitement vu assez rapidement.
01:02:37C'est sans doute, pour une Assemblée nationale
01:02:39qui est de la même couleur politique que le gouvernement,
01:02:41embarrassant d'avoir enquêté sur un proche du président de la République.
01:02:45Est-ce que l'Elysée
01:02:47souhaite torpiller les travaux de notre commission ?
01:02:51Je le crois, je le crains.
01:02:52Je pense qu'instruction a été donnée
01:02:55aux députés du groupe En Marche
01:02:57de bâcler la préparation d'un vrai faux rapport.
01:03:02Alors, je le regrette.
01:03:04Je le regrette vivement.
01:03:07Je suis contraint de suspendre ma participation
01:03:11à ce qui n'est devenu, hélas, qu'une parodie.
01:03:14Applaudissements
01:03:15La commission d'enquête interrompt ses travaux.
01:03:18Elle ne publiera même pas de rapport.
01:03:21Heureusement qu'on n'en est pas restés à cette commission
01:03:25qui a explosé en vol de l'Assemblée nationale,
01:03:29qui n'a eu aucune crédibilité,
01:03:31puisqu'elle n'a eu aucune indépendance.
01:03:34Le Sénat aussi a lancé une commission d'enquête
01:03:37sur le sujet.
01:03:38Il est prévu qu'elle soit publique, télévisée
01:03:40et qu'elle dure six mois.
01:03:42Au palais du Luxembourg, les macronistes sont minoritaires.
01:03:45Ils ne peuvent pas s'opposer aux auditions.
01:03:48Le Sénat sent qu'il y a là un sujet politique majeur.
01:03:51Il sent aussi qu'il y a un vrai questionnement
01:03:54sur l'organisation de la sécurité autour du président de la République.
01:03:58Et enfin, il voit un contexte d'actualité
01:04:01qui est favorable pour qu'il y ait un grand écho
01:04:03à cette commission d'enquête.
01:04:04Le bras de fer entre Sénat et Élysée
01:04:07va provoquer une crise institutionnelle
01:04:09d'une violence inédite sous la Ve République.
01:04:12Philippe Bas, sénateur Les Républicains,
01:04:15sera le président de la commission.
01:04:16Lorsque l'Élysée, le gouvernement et la majorité perdent les pédales,
01:04:19le Sénat apparaît comme le seul pôle de stabilité institutionnelle.
01:04:22Vous voyez ?
01:04:23Là, c'est rare.
01:04:27Les sénateurs convoquent Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur,
01:04:30très proche du couple Macron.
01:04:33L'audition doit éclaircir les liens
01:04:35entre Alexandre Benalla et la hiérarchie policière.
01:04:39Mais Gérard Collomb affirme n'être au courant de rien.
01:04:42Je croyais que monsieur Benalla était policier.
01:04:48C'est un grand moment...
01:04:51Oui, de comique républicain, on va appeler ça comme ça.
01:04:53Compte tenu de ce qui se passe,
01:04:56moi, j'en découvre chaque jour sur les personnalités.
01:05:00C'est presque une audition entre anciens amis.
01:05:03Il faut se rappeler que Gérard Collomb est un ancien sénateur,
01:05:06un ancien sénateur socialiste,
01:05:08donc il connaît très bien Philippe Bas
01:05:10et les membres de la commission d'enquête du Sénat.
01:05:14Il sait comment s'y prendre
01:05:16et il fait en sorte que l'audition ne se retourne pas contre lui.
01:05:19Je lis les journaux comme vous
01:05:22et il y a toute une partie de l'histoire de monsieur Benalla
01:05:25que, franchement, je découvre de plus en plus.
01:05:29Eh bien, monsieur le ministre de l'Intérieur,
01:05:31heureusement qu'il y a les journaux pour vous informer.
01:05:34Ca révèle les limites de la commission d'enquête.
01:05:37Quand un ministre n'a pas envie de dire la vérité, il ne la dit pas.
01:05:41C'est dommage, car je pense que ce n'est pas l'honneur de la démocratie.
01:05:47Écoutez, je viens de faire toutes les déclarations.
01:05:50Elles sont aujourd'hui enregistrées.
01:05:53Le jour même, entouré de poids lourds du gouvernement,
01:05:57le président de la République riposte.
01:06:01Emmanuel Macron choisit la stratégie de communication
01:06:05qu'il a de temps en temps,
01:06:06qu'on peut qualifier de courageuse, transgressive ou provocatrice.
01:06:11Le seul responsable de cette affaire, c'est moi.
01:06:14Et moi seule.
01:06:15Il y a cette phrase incroyable.
01:06:17S'il y a un responsable, c'est moi et qu'il vienne me chercher.
01:06:20S'il veut un responsable, il est devant vous.
01:06:23Qu'il vienne le chercher.
01:06:24Et ce responsable répond au peuple français et au peuple allemand.
01:06:28Il y a de l'argent.
01:06:32Dès le moment où je l'entends, je suis choquée par cette phrase.
01:06:37Car le président de la République est un homme intelligent, cultivé.
01:06:42Et il sait très bien que les sénateurs ne peuvent pas venir le chercher.
01:06:51La Constitution prévoit expressément
01:06:56l'immunité présidentielle.
01:06:59Donc le président de la République ne peut en aucun cas,
01:07:02pendant l'exercice de son mandat, être mis en cause par qui que ce soit.
01:07:06En ce mois de juillet 2018, les auditions s'enchaînent.
01:07:10L'image de la police a été salie.
01:07:12Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, elle l'a été.
01:07:15On a l'impression d'être confrontés à une police parallèle,
01:07:18dictée par certains.
01:07:20Et j'ai même employé un mot très fort,
01:07:22dont j'assume la complète responsabilité,
01:07:26à savoir à ce que nous étions confrontés,
01:07:28ni plus ni moins qu'à des barbouzes.
01:07:30On est en plein été et il y a des gens qui interrompent leurs activités,
01:07:35qu'elles soient professionnelles ou estivales,
01:07:38pour ne pas manquer l'audition de tel ou tel.
01:07:41J'ai un souvenir très précis.
01:07:43Pendant que je déroulais les commissions, j'étais avec mon smartphone.
01:07:46J'étais en randonnée en Ardèche.
01:07:47Une commission importante devait démarrer.
01:07:51Si vous voulez, mon obsession,
01:07:54c'était de trouver un endroit sur le GR où ça captait
01:07:57et où on pouvait s'arrêter trois quarts d'heure,
01:07:59faire une pause, de préférence à l'ombre,
01:08:01et regarder l'audition. J'étais vraiment captivé.
01:08:04Ca devient un feuilleton qui passionne les Français,
01:08:07de manière inattendue, presque comme le Tour de France,
01:08:10qui a lieu au même moment durant l'été.
01:08:12J'ai beaucoup réfléchi à ça.
01:08:14Pourquoi ces pics d'audience ? Pourquoi ça intéresse les Français ?
01:08:16C'est la 1re fois que vous voyez de manière physique
01:08:20les visages de la Macronie.
01:08:22M. Benalla a touché, pour le mois de mai, son salaire intégral.
01:08:28En revanche, les 15 jours de suspension
01:08:33se feront l'objet d'une retenue
01:08:37sur les droits à congé qu'il avait en reliquat
01:08:41au titre de l'année 2017.
01:08:43Compte tenu des éléments portés à notre connaissance,
01:08:47à ce moment-là, la sanction apparaît proportionnelle.
01:08:51C'est fascinant de voir réellement
01:08:56des gens qui ont du pouvoir
01:08:58se retrouver en situation d'être interrogés.
01:09:01Il y a peut-être une sorte de revanche
01:09:04du citoyen sur l'élu.
01:09:06Moi, ce que je peux vous contenter de vous dire,
01:09:09et là aussi, en restant à la place qui est la mienne,
01:09:11c'est celle de chef de cabinet,
01:09:13c'est les missions que j'ai conférées à M. Benalla,
01:09:15et je vous les ai expliquées, je prends en détail.
01:09:17Vous étiez informé qu'il bénéficiait d'un port d'armes ?
01:09:20Oui, j'en ai été informé.
01:09:22En quoi ce permis de port d'armes était-il utile
01:09:26à l'exercice de sa fonction à l'Elysée,
01:09:29telle que vous-même la décrivez ?
01:09:32Le besoin d'en connaître doit quand même, à minima,
01:09:35reposer sur, toujours, la notion de sécurité.
01:09:38Je ne pense pas qu'Alexandre Benalla
01:09:42représentait une menace pour la présidence de République.
01:09:45L'étau se resserre autour d'Emmanuel Macron.
01:09:49Nouvelle offensive de l'Elysée.
01:09:52Plusieurs proches du président attaquent violemment le Sénat.
01:09:57Si certains pensent qu'ils peuvent s'arroger
01:10:01un pouvoir de destitution du président de la République,
01:10:05ils sont eux-mêmes des menaces pour la République.
01:10:09Ce sont des propos très choquants,
01:10:11de dire que des parlementaires sont une menace pour la République.
01:10:14M. Castaner a tout à fait eu tort de dire cela.
01:10:17Nous avons fait notre travail tel qu'il est prévu dans la Constitution.
01:10:21Dans le journal Le Monde,
01:10:24Nicole Belloubet, ministre de la Justice,
01:10:27met aussi en doute la légitimité du Sénat.
01:10:30Cette dissertation laborieuse n'aboutit à rien.
01:10:34Elle ne nous a pas fait dévier d'un iota.
01:10:38J'ai trouvé que c'était totalement inutile.
01:10:42Alexandre Benalla sort de l'ombre à son tour.
01:10:46L'homme casqué de la contre-escarpe apparaît sous un tout autre jour.
01:10:54Ce qui est bluffant quand il débarque au Sénat,
01:10:59c'est le personnage qu'il se fait.
01:11:03Les lunettes, le costard et tout.
01:11:07C'est une sorte de gros nounours,
01:11:11à la fois baroudeur et un petit peu barbouze, peut-être aussi,
01:11:17mais qui a une présence exceptionnelle devant la caméra
01:11:20pour un jeune de moins de 30 ans.
01:11:22C'est ce qui frappe d'abord.
01:11:24Messieurs les photographes,
01:11:26il y a une petite chance maintenant
01:11:28que vous ayez au moins une bonne photographie.
01:11:31Je vous demande donc de bien vouloir vous retirer
01:11:35de la salle de nos auditions.
01:11:38Et puis en face de lui, il y a un autre acteur.
01:11:41C'est Philippe Bas, un personnage politique subtil,
01:11:46madré, mais qui ne s'en laisse pas compter,
01:11:49qui va toujours chercher le point qui fait mal,
01:11:53la saillie qui va déstabiliser son interlocuteur.
01:11:56Donc on a un vrai face-à-face presque de cinéma.
01:11:58Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission,
01:12:03doté des prérogatives d'une commission d'enquête,
01:12:06serait passible de 5 ans d'emprisonnement
01:12:10et de 75 000 euros d'amende.
01:12:13Levez la main droite et dites je le jure.
01:12:16Je le jure.
01:12:18Quelle est votre activité professionnelle actuelle ?
01:12:21Le pôle emploi.
01:12:23Alors, ce renseignement vaut ce qu'il vaut,
01:12:25mais vous savez qu'il vous a prêté une activité de garde du corps
01:12:30qui a été peut-être momentanée ou inexistante,
01:12:33vous allez nous dire, auprès d'une star de la téléréalité.
01:12:37Je ne suis pas tombé aussi bas, malheureusement.
01:12:40Non, je n'ai eu aucune activité professionnelle
01:12:43depuis que j'ai quitté l'Elysée.
01:12:45Il y a eu un certain nombre de fake news qui sont sortis.
01:12:49Il y a eu un certain nombre de recours...
01:12:52Je sais bien, j'ai bien compris.
01:12:53Il y a eu un certain nombre de recours exercés par mes avocats
01:12:58sur un certain nombre de fake news, mais je ne lis plus la presse.
01:13:02C'est incontestablement quelqu'un qui ne manque pas d'aplomb,
01:13:06ni d'intelligence, d'ailleurs.
01:13:08Je n'ai pas exercé de fonction de garde du corps
01:13:11ni je ne souhaite monter une société au Maroc.
01:13:14Je suis français, je suis bien en France.
01:13:17Je m'explique devant vous, je m'expliquerai devant la justice
01:13:21En tout cas, on fera autre chose.
01:13:24Effectivement, il est très bon.
01:13:26Le seul bémol, c'est qu'il apparaît arrogant et limite insolent.
01:13:30Evidemment qu'il est très intelligent, très débrouillard.
01:13:34Il fait partie de ces personnalités dont les journalistes raffolent
01:13:38parce qu'il est grande gueule, il rentre dans l'art de tout le monde.
01:13:42Il est fin, il parle très bien, il maîtrise les codes.
01:13:45Pouvez-vous ici, sous serment, nous confirmer
01:13:48qu'à aucun moment à l'Elysée, vous n'avez exercé
01:13:53de mission relevant de la police ou de la sécurité ?
01:13:57Monsieur Benalla.
01:13:59Je vous le confirme.
01:14:02Je n'ai jamais été ni policier
01:14:05ni garde du corps du président de la République.
01:14:08Cette audition est maintenant terminée
01:14:10et nous allons accueillir la prochaine personnalité auditionnée.
01:14:14Avec cette audition,
01:14:15Public Sénat réalise son record absolu d'audience,
01:14:19200 000 téléspectateurs en direct.
01:14:22Alexandre Benalla, lui, sera rattrapé par ses mensonges.
01:14:26Mediapart révèle qu'il a fait 23 voyages à l'étranger
01:14:29avec des passeports diplomatiques depuis son départ de l'Elysée.
01:14:33Convoqué à nouveau par les sénateurs,
01:14:35trois mois plus tard, il fait amende honorable.
01:14:38Je reconnais là une faute de ma part,
01:14:41un manque de discernement, peut-être.
01:14:43Une erreur, sans doute.
01:14:46Je l'ai reconnue devant la justice et je la reconnais devant vous.
01:14:50Comme Jérôme Cahuzac, il s'abrite derrière l'enquête en cours
01:14:54des juges pour éluder les questions gênantes.
01:14:57Je suis désolé, monsieur le sénateur,
01:14:59mais les conditions d'attribution, de détention et d'obtention
01:15:04ainsi que de restitution de ces passeports
01:15:07concernent l'information judiciaire en cours
01:15:09et j'aurai des questions du juge d'instruction qui seront saisies.
01:15:14Je ne répondrai pas à ces questions devant votre commission.
01:15:18Monsieur Benalla, vous êtes obligé
01:15:20de répondre à ces questions devant notre commission.
01:15:23Elles concernent le fonctionnement de l'Etat
01:15:26et non pas des fautes que vous auriez pu commettre.
01:15:29Vous avez fait votre demande directement au Quai d'Orsay.
01:15:33C'est pas exactement comme ça que ça s'est passé.
01:15:36Je le dirai à la juge d'instruction.
01:15:37Mais peut-être qu'elle ne vous le demandera pas,
01:15:40tandis que moi, je vous le demande.
01:15:42Nous allons nous en tenir là.
01:15:45Je vais vous demander de bien vouloir vous retirer
01:15:48ainsi que votre conseil et nous allons poursuivre nos travaux.
01:15:52Je vous remercie.
01:15:54Après cette seconde audition,
01:15:56on découvrira qu'Alexandre Benalla
01:15:58a aussi caché ses liens avec un sulfureux oligarque russe.
01:16:03Ça pose un réel problème.
01:16:05On ne peut pas être à l'Elysée
01:16:08et fricoter avec les représentants d'un oligarque russe.
01:16:12Proche du Kremlin, comme la plupart des oligarques,
01:16:16et surtout soupçonné par plusieurs magistrats européens
01:16:19d'être une sorte de blanchisseur du pire groupe criminel de Moscou.
01:16:23Je pense qu'il n'y a pas besoin d'avoir fait polytechnique au Léna
01:16:27pour conclure que, comme l'ont dit les sénateurs,
01:16:30là, il y avait un mélange des genres
01:16:32qui pouvait jusqu'à atteindre éventuellement la sécurité nationale.
01:16:38La liberté et les pouvoirs excessifs,
01:16:41laissés à un chargé de mission,
01:16:43dans un domaine aussi sensible que la sécurité du chef de l'Etat,
01:16:47témoignent aux yeux de notre commission
01:16:49de l'imprudence de la présidence de la République
01:16:52dans l'encadrement d'un individu
01:16:54qui avait pourtant fait preuve par le passé
01:16:57de comportements professionnels inappropriés.
01:16:59La thèse de la faute de l'homme isolé s'est effacée
01:17:03au profit du dysfonctionnement d'une institution
01:17:06qui a rendu possible ces multiples situations anormales
01:17:09allant jusqu'à affecter, je crois que Jean-Pierre Sueur l'a dit,
01:17:12très bien la sécurité du président de la République.
01:17:15J'ai donc décidé, conjointement avec les deux rapporteurs,
01:17:19et après avoir consulté ce matin la commission des lois,
01:17:23de demander au président du Sénat
01:17:25que le bureau de notre assemblée, c'est la procédure,
01:17:29délibère, en vue de saisir le procureur de la République de Paris,
01:17:34des faux témoignages caractérisés de M. Benalla,
01:17:38des contradictions apparues
01:17:40entre les premières déclarations de collaborateurs immédiats
01:17:44du président de la République
01:17:46sur le rôle de M. Benalla en matière de sécurité
01:17:49et les éléments et témoignages recueillis par la suite.
01:17:52La décision de saisir la justice pour les faux témoignages
01:17:56ne faisait pas l'unanimité au Sénat.
01:17:57Elle a créé des tensions au sein de l'Assemblée et avec l'Elysée.
01:18:03Je dirais que le Sénat était dans son rôle,
01:18:06mais qu'il a probablement poussé loin le bouchon
01:18:09dans cette commission d'enquête
01:18:11et du coup créé un climat sinon de crise,
01:18:14du moins de confiance rompue
01:18:17entre l'exécutif et l'Assemblée, la route assemblée.
01:18:23Les plaintes suivent leurs cours.
01:18:25L'affaire n'a pas encore révélé tous ses secrets.
01:18:31Pourquoi ça m'intéresse ?
01:18:34Parce qu'on est dans un cas de figure pour un journaliste
01:18:37où plus on cherche, plus on trouve,
01:18:40mais plus on trouve, moins on comprend.
01:18:43En fait, il n'a jamais condamné publiquement Alexandre Benalla
01:18:48ni ses agissements,
01:18:49comme s'il y avait une sorte de trouille et de peur.
01:18:52Le président de la 6e puissance mondiale
01:18:54semble être sous l'influence d'un mec de 27 ans
01:19:00qui a fait dérailler la préfecture de police de Paris,
01:19:04le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice,
01:19:08le Quai d'Orsay et l'Elysée.
01:19:12Depuis 20 ans, les commissions d'enquête françaises
01:19:16n'ont cessé d'étendre leur pouvoir.
01:19:19Mais elles n'ont pas encore le poids
01:19:22de celles qui se déroulent aux Etats-Unis.
01:19:25Aux Etats-Unis, ça a une autre allure.
01:19:29La commission d'enquête du Sénat, ça ne plaisante pas.
01:19:33On convoque les plus hautes personnalités du pays,
01:19:36on prête serment,
01:19:38et le parjure, ça se paye tout de suite.
01:19:42Pour moi, les commissions d'enquête américaines
01:19:45sont un modèle,
01:19:46parce que les parlementaires ne s'en laissent pas compter.
01:19:49Le taux d'imposition maximum, c'est 2 % ?
01:19:52C'est ça, le rôle du contrôle parlementaire d'un gouvernement.
01:19:57C'est de poser les questions qui fâchent.
01:19:59Pas les questions polémiques, les questions factuelles qui fâchent.
01:20:03Rappelez-moi une chose.
01:20:06La dernière fois que vous avez traîné une grande banque en justice,
01:20:10c'était quand ?
01:20:12Messieurs, qui veut répondre ?
01:20:16Je pense qu'on ne peut pas comparer ces deux sociétés,
01:20:19la société anglo-saxonne, la société surtout américaine,
01:20:23est extrêmement violente sur ce sujet.
01:20:25Je pense que là, il y a une forme de spectacle, si vous voulez.
01:20:29Je ne voudrais pas qu'on en arrive là, en France.
01:20:32On ne peut pas comparer le fonctionnement de deux pays en tout point.
01:20:36L'histoire comparée trouve ses limites.
01:20:38Nous ne sommes pas les mêmes pays, nous n'avons pas les mêmes mœurs,
01:20:41nous n'avons pas les mêmes comportements.
01:20:43En France, souvent, vous avez des gens qui ont été élus,
01:20:46ils sont face à leurs collègues,
01:20:47la politique est beaucoup plus fermée,
01:20:50les gens se connaissent depuis des générations,
01:20:52ils ont fait les mêmes écoles, ils sont connus à l'ENA,
01:20:54dans les mêmes formations à Sciences Po.
01:20:56Aux États-Unis, il n'y a pas de ça.
01:20:58Il y a une forme de liberté très forte de la part de ceux qui interrogent
01:21:02par rapport à ceux qui sont interrogés.
01:21:04Autre différence, contrairement aux Français,
01:21:08les Américains n'hésitent pas à enquêter sur le monde des affaires.
01:21:12Aux États-Unis, les parlementaires peuvent vraiment
01:21:14faire un tête-à-tête, un face-à-face avec le patron de Facebook
01:21:18et avec quelqu'un qui vaut 100 milliards de dollars
01:21:21pendant une heure, lui ruiner sa communication,
01:21:24lui demander des comptes et ne pas le lâcher
01:21:27et reposer 14 fois la question tant qu'il n'a pas répondu.
01:21:30Vous avez décidé de ne pas informer vos utilisateurs ?
01:21:35Tout à fait.
01:21:37Quand avez-vous décidé de ne pas informer vos utilisateurs ?
01:21:41Je ne sais pas.
01:21:42Mark Zuckerberg, multimilliardaire
01:21:46qui semble faire n'importe quoi des datas,
01:21:49à un moment donné, il est face à quelqu'un
01:21:52qui a une légitimité qui vient du suffrage universel
01:21:55et qui va lui dire que ça ne se passe pas comme ça.
01:21:58Vous ne saviez pas ça ?
01:22:00Je vais vous dire,
01:22:02votre politique de confidentialité, elle est nulle.
01:22:07En France, un parlementaire ferait ça,
01:22:10on se dirait qu'il est arrogant,
01:22:13enfin, il penserait qu'on se dirait qu'il est arrogant
01:22:16et ses autres collègues ne le laisseraient pas faire
01:22:19et l'administrateur lui aurait dit
01:22:21qu'il ne devait pas le faire comme ça.
01:22:23Et tout à coup, vous n'avez plus face à vous un multimilliardaire,
01:22:27un génie de la tech ou un dangereux industriel,
01:22:31vous avez face à vous un citoyen
01:22:33qui est obligé de répondre à des questions
01:22:36qui reposent sur l'intérêt commun.
01:22:40L'intérêt commun, le vrai sens de la politique.
01:22:44Mais aussi une arme pour les partis d'opposition.
01:22:47Grâce aux commissions d'enquête,
01:22:49le Parlement n'est plus seulement
01:22:51une chambre d'enregistrement des lois.
01:22:54Il redevient aussi un véritable lieu de contre-pouvoir
01:22:58et de contrôle démocratique.
01:23:10Générique
01:23:13...

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