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Sensations fortes et grand frisson avec Matthias Giraud le spécialiste mondial du ski-base jump et la traileuse Hillary Gerardi, nouvelle détentrice du record Chamonix-Mont Blanc en aller-retour.

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Transcription
00:00:00 (Générique)
00:00:24 -Bonjour à tous. Vous pouvez respirer à fond.
00:00:26 C'est "Grand air", le magazine de la montagne
00:00:29 de pleine nature de Télégrenove.
00:00:31 Aujourd'hui, on va skier, voler et courir
00:00:34 avec deux grands champions. À ma gauche, Hilary Gerardi.
00:00:37 Bonjour, Hilary. -Bonjour, Thibault.
00:00:39 -Bienvenue, traileuse, skieuse alpiniste,
00:00:42 détentrice de deux prestigieux records en montagne.
00:00:45 Elle a l'air tour Chamonix-Mont-Blanc à pied
00:00:48 et la traversée Chamonix-Zermatt en ski alpinisme.
00:00:52 En face de vous, Mathias Giraud. Bonjour, Mathias.
00:00:55 -Bonjour, Thibault. -Bienvenue également,
00:00:57 spécialiste de ski, "base jump",
00:00:59 une discipline où l'adrénaline monte à son paroxysme.
00:01:03 Pour ceux qui ne connaissent pas le concept du ski "base jump",
00:01:07 en image, c'est beaucoup plus parlant.
00:01:09 On enchaîne le ski et le saut dans le vide.
00:01:12 C'est très spectaculaire. Mathias, vous n'êtes pas nombreux
00:01:15 à pratiquer cette discipline. -Non, on n'est pas beaucoup.
00:01:19 Il doit y avoir une trentaine de personnes
00:01:21 qui ont essayé ou font du ski "base jump",
00:01:23 mais souvent, c'est une ronde de lancement très courte
00:01:26 avec un saut. J'essaie de mélanger le côté "free ride",
00:01:29 rider une face complète, sauter et m'envoler.
00:01:32 C'est un peu du ski XXL.
00:01:35 -On va revenir au cours de cette émission
00:01:38 sur vos sauts XXL, avec des images très impressionnantes.
00:01:42 Il y a un point commun entre vous deux,
00:01:45 quelque chose de marrant, de vous réunir sur ce plateau,
00:01:48 parce que Mathias est français, vit aux Etats-Unis
00:01:51 et a demandé la nationalité américaine.
00:01:54 Hilary est américaine, elle vit en France
00:01:57 et a demandé la nationalité française.
00:01:59 Vous connaissiez, vous êtes croisés
00:02:01 dans un vol au-dessus de l'Atlantique ?
00:02:03 -Non, jamais. -Non, c'est la première fois.
00:02:06 C'est dommage qu'ils ne nous laissent pas échanger
00:02:08 nos nationalités. Ca serait plus facile.
00:02:11 -Si j'en ai un pour toi.
00:02:12 Rires
00:02:14 -Il n'arrive pas encore à avoir la nationalité française,
00:02:18 même si vous êtes là depuis une dizaine d'années.
00:02:21 Vous êtes née aux Etats-Unis.
00:02:23 -Exactement, dans le Vermont,
00:02:25 qui est, je dis souvent, en haut à droite,
00:02:28 pour expliquer où c'est.
00:02:30 -Pour ceux qui ont pas l'ouest, l'est, le sud, etc.,
00:02:33 en haut à droite, quand on regarde la carte.
00:02:35 Mathias est né en haut à gauche,
00:02:37 quand on regarde la carte de France.
00:02:39 -Oui, je suis né en Normandie,
00:02:41 donc j'étais pas du tout destiné à être un montagnard.
00:02:44 Je suis né en Normandie, père avéronné et mère hollandaise.
00:02:47 Maintenant, j'habite en haut à gauche aux Etats-Unis,
00:02:50 donc le nord-ouest des US.
00:02:53 -Dans l'Oregon, je crois. -Exactement.
00:02:55 -Au sud de la Californie,
00:02:57 on vous surnomme le "super Frenchie".
00:02:59 -Oui, c'est le surnom que j'ai fait mes études dans le Colorado.
00:03:02 Mathias Giraud, c'est compliqué à prononcer pour les Américains.
00:03:06 Quand on saute des falaises, le surnom "super Frenchie"
00:03:09 est venu assez vite, et puis il est resté.
00:03:11 Donc voilà, je l'utilise. Voilà.
00:03:13 -Il arrive, vous êtes une spécialiste du "scale running",
00:03:18 qui est, on peut dire, la discipline la plus extrême
00:03:21 du trail.
00:03:22 -Il y a extrême et extrême.
00:03:24 Je trouve, les gens, par exemple, qui font le tour des géants,
00:03:27 330 km, 40, 450, ça, c'est une autre extrême.
00:03:30 Mais c'est sûr que... -Ils sont sur des sentiers,
00:03:33 en général. En "scale running",
00:03:34 on sort parfois des sentiers battus.
00:03:36 -Souvent, souvent.
00:03:38 Et moi, pour expliquer souvent aux gens,
00:03:40 je dis que le "scale running", c'est un peu comme "trail",
00:03:43 comme on voit ici, où il faut poser les mains,
00:03:46 il faut crapaluter.
00:03:47 Moi, si j'ai une course où je pose pas les mains...
00:03:50 -Ca le fait pas.
00:03:52 -Oui, ça marche pas pour moi.
00:03:53 -On vous voit sur les arrêts du Néron,
00:03:55 au-dessus de Grenoble, des arrêts assez effilés.
00:03:58 Il faut quand même avoir le pied montagnard
00:04:01 pour faire ce type d'activité.
00:04:03 -Absolument.
00:04:04 Enfin, je dirais qu'on a peut-être moins de pratiquants
00:04:08 qui commencent sur la course sur route.
00:04:10 Et, enfin, ensuite,
00:04:13 au fond du "scale running", il y a plus des montagnards
00:04:16 qui, ensuite, veulent aller plus vite.
00:04:19 Mais bon, ça peut se mélanger, le pied montagnard peut s'apprendre.
00:04:22 -Vous êtes une des meilleures spécialistes mondiales.
00:04:25 Vous avez été vice-championne du monde
00:04:28 il y a quelques années en "scale running".
00:04:30 Et pourtant, c'est pas chez vous, aux Etats-Unis,
00:04:33 que vous avez démarré la course à pied,
00:04:35 c'est chez nous, aux portes de Grenoble.
00:04:38 -Exactement. Ma première vraie course
00:04:40 était les balcons sud de Chartreuse,
00:04:42 à quai en Chartreuse.
00:04:44 -C'est au pied du Rachet, du Néron.
00:04:46 -Oui. J'habitais sur les quais,
00:04:48 parmi tous les pizzerias à Grenoble,
00:04:51 et j'allais pas très loin pour courir.
00:04:55 C'est un des avantages de Grenoble.
00:04:57 Bien sûr qu'il y a l'accès à montagnes incroyables
00:05:00 et aussi une super communauté de trailers
00:05:03 qui m'a tout de suite amenée avec eux en montagne.
00:05:08 -Vous avez gagné cette course des balcons sud de Chartreuse ?
00:05:12 -Oui. Et j'ai gagné un jambon cru.
00:05:14 -Ah, d'ailleurs !
00:05:15 Rires
00:05:17 -Et donc, bon, le choix était assez facile, après.
00:05:20 "Je continue avec quel sport ?"
00:05:22 Je crois que c'est la cour,
00:05:24 mais pas le sport avec le jambon.
00:05:26 -Oui, ça peut être un bon motif
00:05:28 pour poursuivre dans la vie civile.
00:05:31 -Mon mari, il voulait, quand je suis rentrée
00:05:33 avec 6 kg de jambon, il a dit "Ah, là, tu vas continuer."
00:05:37 -Débuté.
00:05:38 -J'en veux tous les week-ends.
00:05:40 C'est aussi le charme des courses locales,
00:05:43 d'avoir des lots parfois insolites
00:05:45 pour ceux qui font un podium.
00:05:47 Il n'y a pas que sur les courses où on gagne un jambon,
00:05:50 où vous êtes illustrée depuis plusieurs années,
00:05:53 vous brillez dans les courses internationales.
00:05:56 Vous avez notamment remporté le prestigieux marathon du Mont-Blanc.
00:05:59 Vous étiez sur la version longue, 90 km.
00:06:02 -C'est vrai.
00:06:03 Le marathon du Mont-Blanc n'est pas vraiment du skyrunning.
00:06:07 Les courses du skyrunning, on les voit souvent
00:06:09 entre une vingtaine et une cinquantaine de kilomètres.
00:06:12 On voit, par exemple, près de Grenoble,
00:06:15 le Sky Race Thémataisan, très connu,
00:06:17 qui amène des supercoureurs de partout dans le monde.
00:06:20 Le 90 du Mont-Blanc, c'est quand même, je dirais,
00:06:23 peut-être la course le plus technique
00:06:25 des courses très connues de la vallée de Chamonix.
00:06:28 C'était pour ça que ça m'a attirée.
00:06:31 J'aime bien aussi faire des trucs près de la maison.
00:06:34 Donc, c'est à la fois un avantage et un inconvénient,
00:06:39 parce qu'à chaque carrefour, tu te dis
00:06:41 "Si je descendais là, je serais tout de suite chez moi."
00:06:45 Mais aussi, tu sais à quoi s'attendre.
00:06:48 -Vous vivez, vous, dans la vallée de Chamonix,
00:06:51 après avoir quitté Grenoble il y a quelques années.
00:06:54 Je crois que vous avez suivi votre mari,
00:06:57 qui était étudiant ici, et qui est basé maintenant
00:07:00 dans la vallée de Haute-Savoie.
00:07:02 On parlait des distances, 90 kilomètres,
00:07:06 c'est la limite de ce qu'on appelle au-delà l'ultra-trail.
00:07:09 Ça vous tente pas d'aller plus loin ?
00:07:14 -On verra bien.
00:07:15 Je crois qu'avec le long de distance,
00:07:17 pour moi, il y a quelque chose qui m'anime beaucoup,
00:07:20 c'est les courses très techniques.
00:07:22 Quand on commence à passer, je vais dire, plus de 12 heures,
00:07:26 on peut manquer un peu de lucidité.
00:07:29 Donc, on peut peut-être pas faire aussi technique.
00:07:33 Je pourrais me tromper, j'ai pas trop fait.
00:07:35 J'ai fait une course de 120 kilomètres
00:07:38 dans les Pyrénées, qui était assez technique.
00:07:41 Les Américains, peut-être que tu sais,
00:07:43 Mathias, mais ils sont très focalisés
00:07:45 sur les distances ultra.
00:07:47 Et donc, quand je suis arrivée en France
00:07:50 et j'ai commencé le trail, je pensais que c'était ça.
00:07:53 Je suis allée tout de suite vers les longs distances.
00:07:56 C'était un peu après le coup que j'ai trouvé
00:07:58 les courtes distances et de la bonheur
00:08:02 à aller vite sur les crêtes.
00:08:04 -C'est comme le Hard Rock,
00:08:05 c'est pas ça, où il y a des courses de 160 kilomètres,
00:08:08 c'est pas 100 miles ? -Oui, des courses de 100 miles.
00:08:11 -C'est drôle, j'ai appris récemment que le Hard Rock,
00:08:14 cette année, qui a été remportée par un Français,
00:08:17 Aurélien, du nom de Palaz,
00:08:19 deuxième, était aussi une Française,
00:08:21 Annelise Rousset, mais c'est connu
00:08:24 pour être la course hyper technique aux Etats-Unis.
00:08:27 Après, mes amis m'ont dit, finalement,
00:08:30 c'est en altitude, mais c'est pas super technique.
00:08:32 Il faudra peut-être aller voir.
00:08:34 -C'est dans le sud-ouest du Colorado, non ?
00:08:37 J'habitais à Durango avant,
00:08:38 donc c'est pas loin de...
00:08:40 -Ca monte très haut, là-bas.
00:08:42 -C'est des Français qui sont allés gagner le Hard Rock,
00:08:45 et ce sont des Américains, cette année,
00:08:47 qui sont venus gagner l'UTMB, le Hard Trade,
00:08:49 du Mont-Blanc, dans une ambiance incroyable.
00:08:52 Je sais pas si vous avez suivi. -Oui, mais on doit dire
00:08:55 que Courtney DeWalter, qu'on voit dans les images,
00:08:58 a aussi gagné le Hard Rock, cette année.
00:09:00 -Ah ouais, OK. -Et aussi la Western States.
00:09:03 Donc c'est pas quelque chose que je recommanderais
00:09:06 de faire 300 miles dans l'espace de six semaines, je crois.
00:09:10 -Là, c'est pas pour tout le monde.
00:09:12 -C'est sûr, ouais.
00:09:13 -C'est une cause hors du commun.
00:09:15 C'était sa 3e victoire, ici, à Chamonix,
00:09:18 pour l'UTMB, dans une ambiance...
00:09:21 D'ailleurs, c'était surtout la communauté américaine
00:09:24 qui avait mis le feu à certains cols sur le parcours.
00:09:27 -Ouais.
00:09:28 -Mathias, vous, qui aimez bien aussi
00:09:31 les sports de pleine nature,
00:09:33 le trail, comme ça, sur des distances aussi longues ?
00:09:36 C'est ouvert aussi aux amateurs ?
00:09:38 -C'est insimidant, quand même.
00:09:40 Rires
00:09:41 Non, je courais beaucoup,
00:09:43 quand j'étais en sport-études, tout ça, en ski,
00:09:45 mais après 3 opérations du genou,
00:09:47 je... Ouais, courir, ça me fait...
00:09:49 -C'est pas facile. -J'aime bien courir,
00:09:51 mais je suis pas à ton niveau, mais ça fait mal.
00:09:54 -Peut-être que tu préfères voler à la descente.
00:09:57 -Ouais, je préfère skier.
00:09:58 Et puis même, en alpinisme, moi, je monte pas sans mes skis,
00:10:02 parce que descendre à pied, non, c'est pas mon truc, ça.
00:10:05 Je préfère skier.
00:10:06 Mais c'est quelque chose que j'admire beaucoup,
00:10:09 parce que c'est...
00:10:10 Quand on fait de la montagne,
00:10:11 on devient un sportif d'endurance malgré soi,
00:10:14 on n'a pas le choix.
00:10:15 Donc, voir ce genre de performances
00:10:17 dans des montagnes aussi hautes et difficiles que le Mont-Blanc,
00:10:21 ça m'impressionne et je trouve ça magnifique.
00:10:23 En tout cas, bravo.
00:10:24 -Sylvain a pas encore fait le tour du Mont-Blanc, l'UTMB,
00:10:28 elle a fait mieux, j'ai envie de dire, en tout cas plus haut,
00:10:31 en s'attaquant à un défi,
00:10:33 l'aller-retour Chamonix-Sommet du Mont-Blanc,
00:10:36 qui est un parcours mythique
00:10:39 pour les gros moteurs, hommes et femmes,
00:10:42 qui, depuis des années, se défient là-dessus.
00:10:44 Comment ça vous est venu ?
00:10:46 Comment on prépare un record comme celui-là ?
00:10:48 -Alors, moi, avant de courir, je faisais de la montagne,
00:10:51 donc c'était pour ça aussi que j'ai dit,
00:10:54 je pense que souvent, en skyrunning,
00:10:56 on a des montagnardes qui veulent aller plus vite,
00:10:59 mais donc, pour moi, j'avais accumulé beaucoup de temps
00:11:02 en montagne et aussi, comme je vous ai dit tout à l'heure,
00:11:05 des temps moins heureux en montagne,
00:11:09 mais c'était pour moi, c'était vraiment en 2020,
00:11:13 quand toutes les courses étaient annulées,
00:11:15 pendant le Covid, que j'ai reconnecté avec la montagne,
00:11:18 j'ai commencé à beaucoup en faire,
00:11:21 et je faisais le Mont-Blanc avec une copine,
00:11:24 coureuse Mimi Kotka,
00:11:26 et elle m'a dit, "Hilarie, j'ai un peu l'impression
00:11:30 "que t'es assez à l'aise dans ce milieu,
00:11:32 "t'as jamais voulu tenter le record du Mont-Blanc."
00:11:36 Et j'étais un peu, bon...
00:11:37 Non, pas vraiment, mais elle a planté la graine,
00:11:41 après, on faisait beaucoup de choses ensemble,
00:11:44 elle a arrosé, et l'idée est venue.
00:11:47 Donc, c'était vraiment à ce moment-là
00:11:50 que je me suis dit, peut-être que c'est possible,
00:11:53 mais bon, ensuite, 2021,
00:11:57 on n'a pas eu assez de neige pour bien remplir
00:12:00 un passage très clé à la jonction sur le glacier des Beaussens,
00:12:04 donc j'ai su au mois d'avril que ça n'allait pas le faire.
00:12:08 Ensuite, 2022, pareil,
00:12:10 on a eu la sécheresse à continuer,
00:12:13 et c'était pas impossible de traverser la jonction,
00:12:16 mais de le faire de manière rapide et sécurisée,
00:12:19 c'était pas possible, donc j'ai dû faire croix l'an dernier.
00:12:23 Cette année, janvier-février,
00:12:25 je crois qu'on a eu 50 jours sans précipitation
00:12:29 sur le territoire français,
00:12:31 et je commençais à me poser la question,
00:12:34 est-ce qu'un jour, ça va être possible de faire,
00:12:38 ou est-ce que maintenant, avec le changement climatique,
00:12:40 il faut faire croix à certains itinéraires,
00:12:43 ça va plus jamais être possible ?
00:12:45 Et après, mois de mars, avril, mai,
00:12:48 on a commencé à reavoir de la neige,
00:12:50 ça a beaucoup déposé, et donc j'ai pu dire,
00:12:54 peut-être cette année, mais j'ai bloqué deux mois
00:12:57 entre le sky race des Matheysins, quand on s'est vus,
00:12:59 et le mois de juillet, pour dire...
00:13:03 -Pour pas rater la fenêtre. -Je ne voulais pas rater.
00:13:06 Je prenais pas rendez-vous chez le dentiste, rien.
00:13:08 J'ai dit, si jamais c'est le jour, je veux pas rater !
00:13:12 -Et on repère, on va régulièrement faire le Mont-Blanc
00:13:16 pour préparer un défi comme celui-là ?
00:13:19 -Alors, j'avais fait le Mont-Blanc un peu dans...
00:13:22 Enfin, pas toute l'essence, toutes les voies,
00:13:24 mais j'avais déjà fait plusieurs fois,
00:13:28 quasiment quelques fois chaque année.
00:13:31 Après, cette année, j'ai passé beaucoup de temps
00:13:34 dans le...
00:13:36 Enfin, dans la jonction, je crois que j'ai fait
00:13:39 la traversée de la jonction au moins six fois,
00:13:42 à pied ou à ski.
00:13:44 J'ai fait le Mont-Blanc à ski, j'ai fait...
00:13:47 Il fallait choisir le bon itinéraire aussi,
00:13:50 donc j'ai passé beaucoup de temps ce printemps
00:13:53 à la fois pour m'acclimater,
00:13:55 aussi pour réviser, travailler toutes les manip techniques
00:13:58 et aussi pour décider où passer.
00:14:01 -On vous voit en couple,
00:14:03 en train de faire le Mont-Blanc en mode tranquille.
00:14:06 J'ai l'impression que ça monte assez vite,
00:14:08 on est à plus de 4000 m d'altitude.
00:14:10 -Là, dans les images, c'est en 2020 aussi,
00:14:13 donc j'habite à Cervoz, qui est dans la vallée de Chamonix,
00:14:17 et je ne vois pas tout à fait le sommet,
00:14:20 je vois le dôme de Goutet,
00:14:21 et pendant tout le confinement,
00:14:24 je regardais là-haut et je me disais
00:14:27 que j'avais envie d'y aller,
00:14:28 donc j'ai décidé en 2020 de faire le Mont-Blanc
00:14:31 depuis la maison, en partant de l'appartement le matin,
00:14:34 en allant au retour, pas pour un record de vitesse,
00:14:37 juste pour y aller, et mon mari, Brad,
00:14:40 qui est guide à Chamonix,
00:14:42 lui, il m'attendait au nid d'aigle
00:14:45 pour faire la partie surmitale avec moi.
00:14:48 -Alors, en juin, vous l'avez tentée
00:14:50 pour battre un record.
00:14:52 L'heure de départ, j'imagine,
00:14:54 qu'elle est importante. Il y a de la stratégie aussi
00:14:56 quand on se lance sur un défi comme ça ?
00:14:59 -J'ai choisi 2h du matin pour le départ de l'église
00:15:02 et j'avais choisi 2h du matin
00:15:06 parce que j'avais un peu calculé
00:15:10 combien de temps j'espère y mettre,
00:15:12 donc on voit le départ, il y a pas grand monde.
00:15:15 -Il y a moins de monde que pour l'arrivée de l'UTMB,
00:15:18 on va dire. -Il y avait pas mal de monde
00:15:20 dans les bars de Chamonix. -Il y a 2h du matin.
00:15:22 -Ils pointaient leur nez et disaient "Qu'est-ce qu'elle fait ?"
00:15:26 Mais l'idée, c'était d'avoir
00:15:30 le lever de jour quand j'étais déjà en haut sur le glacier
00:15:34 et être surtout descendue avant que ça chauffe beaucoup
00:15:38 parce que quand ça commence à chauffer,
00:15:41 les pans de neige peuvent être...
00:15:43 Tu peux les casser, ça peut être plus dangereux,
00:15:46 c'est l'idée. Après, je pense que j'aurais pu partir
00:15:50 un peu plus tard parce que la neige n'a pas décaillé du tout,
00:15:54 donc j'espérais faire des glissades pour aller plus vite,
00:15:57 mais c'était pas possible.
00:15:59 -Le choix de l'itinéraire, il est important aussi
00:16:01 pour aller le plus vite possible ?
00:16:03 -Oui, mais c'est intéressant que tu dis "le plus vite possible".
00:16:07 On me voit dans les images sur la rète nord du Dôme du Gouter.
00:16:12 C'est un itinéraire qui est différent
00:16:15 par rapport à l'itinéraire qui a été emprunté
00:16:18 par Emily Forsberg, la compagnon de Kylian Jornet,
00:16:21 qui avait le record féminin avant moi.
00:16:24 Et en fait, pour son record et le record de Kylian,
00:16:28 qui a fait la montée et une partie de la descente
00:16:30 avec Mathieu Jacquemou, eux, ils ont fait
00:16:33 le petit plateau et le grand plateau à la montée
00:16:37 et à la descente. Donc, pour ceux qui connaissent,
00:16:40 c'est l'itinéraire quand on descend à ski.
00:16:42 Et cet itinéraire a l'avantage, pourquoi ils l'ont choisi,
00:16:47 c'est un peu plus court et c'est jamais trop raide.
00:16:50 Je crois qu'ils ont fait en basket et micro-crampons,
00:16:53 si je me trompe pas.
00:16:54 Mais le désavantage, c'est qu'on passe sous des grandes seracs,
00:16:58 donc des blocs de glace, qui peuvent tomber
00:17:02 sur l'itinéraire.
00:17:03 Et ce printemps, il y avait un accident
00:17:06 qui a eu lieu, des skieurs qui ont décédé à cet endroit.
00:17:11 Et donc, au début, j'avais pas trop réfléchi.
00:17:15 Je disais, il y a un itinéraire qui est établi,
00:17:18 le record passe par là, donc c'est par là que je vais passer.
00:17:22 Après, j'étais en montagne la veille de cet accident
00:17:25 et...
00:17:28 En fait, c'était en bonne...
00:17:32 Tout était en bonne condition et je pensais,
00:17:34 "Ah oui, ça va être bien, je vais pouvoir passer là."
00:17:37 Après, il y avait l'accident et c'était mon mari qui a dit,
00:17:40 "T'es sûre que tu veux passer par là ?
00:17:42 "Je ne sais pas si c'est vraiment une bonne idée."
00:17:45 Et en même temps, il y avait les sécouristes,
00:17:50 la Chamoynard, le PGHM, qui disaient,
00:17:53 "S'il vous plaît, ne montez pas par cet itinéraire,
00:17:55 "il y a un autre alternatif, qui est la raide nord du Dôme."
00:17:59 Donc, avantage, c'est que tu passes pas sous les seracs.
00:18:02 Désavantage, c'est que c'est plus long,
00:18:04 c'est plus raide, c'est un peu plus technique.
00:18:07 Donc, il faut aller avec, bien sûr, le piolet,
00:18:10 mais des chaussures cramponnables et des crampons en acier.
00:18:13 Et pour moi, j'ai décidé que c'était plus important
00:18:17 d'être en sécurité sur cette montée
00:18:21 qu'aller vite.
00:18:23 Et je pensais pas battre le record d'Emily,
00:18:25 parce que je crois que finalement,
00:18:27 j'avais quasiment 2 km de plus de distance qu'elle.
00:18:30 Mais je disais, enfin, je veux montrer l'exemple
00:18:34 qu'on peut passer par ici, c'est mieux.
00:18:37 -Oui, et puis l'épisode de "Kylian Jornet en basket",
00:18:40 ça avait fait un peu jaser aussi le sommet du Mont-Blanc,
00:18:43 même si c'est un grand champion qui maîtrise les choses,
00:18:46 mais c'était pas forcément la meilleure image à renvoyer.
00:18:49 -Mais finalement, j'ai battu le temps d'Emily de 28 minutes,
00:18:53 donc on peut même pas dire,
00:18:56 "On veut pas passer par là, parce que c'est plus long."
00:18:59 Il y a pas d'excuses.
00:19:00 -Vous êtes arrivée au bout de 5h16 au sommet du Mont-Blanc,
00:19:06 il avait l'air de faire froid, effectivement,
00:19:08 il y avait un peu de vent aussi ?
00:19:10 -Oui, il y avait beaucoup de vent à ce moment,
00:19:12 on le voit pas trop dans l'image là, mais...
00:19:15 Rires
00:19:16 Voilà, au sommet, j'ai pris le temps de faire mon selfie,
00:19:20 la preuve que j'y étais.
00:19:21 -Bon, j'imagine que vous êtes pas attardée.
00:19:24 -Oui, j'ai pas resté très longtemps,
00:19:26 mais j'ai regardé la montre, je crois, 3-4 minutes.
00:19:29 -Ah, quand même, le record aurait pu être encore plus bas.
00:19:32 Les alpinistes que vous avez croisés,
00:19:35 vous vous êtes doublées, j'imagine, sur cette montée ?
00:19:37 Comment ils ont réagi en voyant quelqu'un partir aussi vite ?
00:19:41 -Généralement, je craignais ça un peu,
00:19:44 je disais "Est-ce que les gens vont faire la place ou pas ?"
00:19:47 En gros, quand on arrive sur l'arrêt des bosses,
00:19:49 il y a deux choix, soit on peut passer plus bas
00:19:53 dans la face nord, et j'ai vu tout de suite
00:19:55 qu'il y avait plus de monde là,
00:19:57 donc j'ai choisi de rester sur les arrêtes aussi,
00:20:00 parce qu'on est un peu à l'abri du vent de temps en temps,
00:20:03 donc il y avait un peu plus de monde,
00:20:05 mais tout le monde était super sympa,
00:20:07 ils voyaient que j'allais vite,
00:20:09 et ils s'en écartaient pour me laisser passer.
00:20:11 -Bon, 5h16 pour monter,
00:20:13 un peu plus de 2h pour descendre.
00:20:17 Là, on vous voit sur les premières centaines de mètres,
00:20:20 même avec les crampons, on peut courir.
00:20:22 -Oui, vous voyez que la trace était excellente,
00:20:25 vraiment, il y avait beaucoup, beaucoup de passages,
00:20:28 à cette époque.
00:20:29 J'avais mes... Enfin, les crampons, le pied-au-lait,
00:20:32 et j'étais tout le temps...
00:20:33 J'ai fait une petite glaissette, quand même,
00:20:36 mais tout le temps, je pensais,
00:20:38 il faut surtout pas accrocher mon crampon dans mon pantalon
00:20:41 et tender.
00:20:42 Je courais, mais j'étais quand même un peu dans le retenu.
00:20:45 Il faut faire gaffe, il faut faire gaffe.
00:20:48 -Bon, là, on était sur les glaciers,
00:20:50 mais à l'arrivée, c'est à Chamonix,
00:20:52 au matin, à l'heure de la messe, presque,
00:20:54 on vous retrouve là, toute fraîche, finalement.
00:20:57 Il arrive...
00:20:58 -Oui.
00:21:00 Je me suis quasiment fait renverser par un vélo,
00:21:03 mais...
00:21:04 Mais c'était avec beaucoup d'émotion.
00:21:08 C'est arrivé à l'église,
00:21:10 à la fois parce que j'étais très, très contente d'y être,
00:21:13 mais aussi...
00:21:15 -Entre les pleurs et le rire, là.
00:21:19 -Oui. J'étais très, très contente,
00:21:21 mais c'était aussi une espèce de fardeau
00:21:24 qui se l'avait parce que j'étais obsédée
00:21:27 par le record pendant assez longtemps.
00:21:30 Et pour choisir le bon créneau,
00:21:32 j'étais en permanence en train de parler
00:21:34 les gardiens de refuge,
00:21:36 le grand mulet, les guides,
00:21:38 les matérologues, etc.,
00:21:41 pour essayer de vraiment avoir les meilleures conditions.
00:21:44 C'était vraiment beaucoup pour moi.
00:21:47 -Vous l'aviez gardée secrète, cette tentative,
00:21:49 jusqu'au dernier moment.
00:21:51 33 km, 3877 m de dénivelé,
00:21:54 donc 7h25, la nouvelle marque,
00:21:55 une demi-heure plus vite
00:21:57 que la suédoise Émilie Forsberg,
00:21:59 la compagne de Kylian Jornet,
00:22:01 donc qui avait des bons conseils.
00:22:03 -Et qui était accordée avec Kylian.
00:22:05 -On l'homologue, un record comme ça ?
00:22:07 Comment ça se passe ?
00:22:09 -Il y a pas une homologation.
00:22:11 En gros, on annonce avant qu'on va tenter
00:22:15 et ensuite, il y a un peu les preuves
00:22:18 dans les images, et j'avais un tracker GPS
00:22:21 qui montrait, qui envoyait tous les 10 minutes
00:22:25 exactement où j'étais,
00:22:27 et ensuite, j'avais la montre GPS
00:22:30 qui montrait globalement,
00:22:33 mais je n'ai jamais trop vu...
00:22:38 Enfin, des...
00:22:40 -Lucie... -Oui, Lucie, là...
00:22:43 -Faudrait qu'ils vous suivent, c'est pas évident.
00:22:45 -Oui, oui.
00:22:47 -Est-ce qu'il y avait...
00:22:48 Quand on va accomplir quelque chose comme ça
00:22:51 en montagne pendant longtemps,
00:22:53 ça vient avec beaucoup d'anticipation.
00:22:55 C'était une libération ou il y avait une mélancolie ?
00:22:58 Ou une nostalgie, je dirais.
00:23:01 -Pas tout de suite après, parce que c'était...
00:23:06 Il y avait beaucoup de communication,
00:23:09 beaucoup de buzz autour de ça tout de suite après,
00:23:13 donc j'ai pas eu le temps de réfléchir à ça tout de suite.
00:23:17 Personnellement, je reste sur la satisfaction.
00:23:22 Après, c'est sûr, quand on commence à se demander
00:23:25 si on a envie de planifier autre chose,
00:23:28 mais moi, un peu le conseil que je donne à tout le monde,
00:23:32 c'est de prendre le temps de savourer,
00:23:34 parce que sinon, on évite un peu...
00:23:38 C'est le mode un peu consommateur, dès qu'on termine...
00:23:41 -On passe à autre chose et on ne profite pas.
00:23:44 -Oui, oui.
00:23:45 Je pense qu'il est important de bien profiter.
00:23:48 -Vous auriez pu, Hilary,
00:23:50 croiser Mathias au Sommet du Mont-Blanc ?
00:23:52 -J'ai entendu l'invité.
00:23:54 -Le sommet, deux jours après, avec ma compagne.
00:23:57 C'était magnifique. On aurait pu se croiser.
00:23:59 J'ai fait ma demande en mariage au Sommet du Mont-Blanc.
00:24:03 -C'est beau ! -Elle a dit oui ?
00:24:04 -Oui, elle a dit oui.
00:24:06 Elle m'a dit que je l'avais demandé, sinon, elle l'aurait demandé.
00:24:10 Rires
00:24:11 Mais c'était vraiment des conditions incroyables
00:24:15 pour l'alpinisme.
00:24:16 Nous, on était passés par là, à Desbosques,
00:24:19 mais on était passés par l'aiguille du Gouter.
00:24:22 Même traverser le couloir,
00:24:24 il n'y avait pas de chute de pierre, c'était safe,
00:24:27 mais il y avait de la neige qui consolidait la montagne.
00:24:30 Après, il y a eu la canicule, donc tout a changé assez vite.
00:24:33 -Tout a changé.
00:24:34 -Oui, mais là, il y avait 2 ou 3 semaines où c'était parfait.
00:24:38 C'était un beau créneau.
00:24:39 -Pour moi, je sais que j'avais regardé,
00:24:42 dont face et dont bas,
00:24:43 quelque chose qui est assez magique
00:24:45 avec l'itinéraire que j'ai fait.
00:24:47 Ce que j'ai fait, c'est que ça se voit très facilement
00:24:50 en bas de la vallée de Chamonix,
00:24:52 mais j'ai vu qu'il y avait de la faune qui est arrivée
00:24:56 et ça a chauffé, même si en altitude,
00:24:58 les conditions restaient très bonnes.
00:25:01 Sur l'arête nord, ça a changé en quelques jours.
00:25:04 J'ai dit "Ah, j'ai choisi le bon créneau".
00:25:07 Rires
00:25:08 -Des fois, ça ne joue pas à grand-chose,
00:25:11 d'avoir le bon créneau.
00:25:12 -Avant d'aller faire sa demande en mariage au sommet du Mont Blanc,
00:25:16 vous étiez dans le même secteur, mais pour un autre type de défi.
00:25:19 Vous êtes attaqué à la Blanche de Petrait,
00:25:22 qui est moins célèbre que le Mont Blanc,
00:25:24 mais qui est une montagne du massif.
00:25:27 -C'était côté italien.
00:25:28 La première fois que j'ai vu l'aiguille blanche de Petrait,
00:25:32 c'était en 2012.
00:25:33 J'ai vu cette face au loin, avec le Serac en bas.
00:25:36 J'étais tellement pétrifié en la regardant
00:25:38 que je n'arrêtais pas d'y penser.
00:25:40 Je me suis dit que c'était le bon endroit pour faire un ski.
00:25:44 J'ai pris trois ans, pour être bien dans ma tête,
00:25:47 pour les bonnes conditions.
00:25:48 Oui, voilà !
00:25:49 J'ai un côté très...
00:25:51 Je me pose beaucoup trop de questions,
00:25:53 donc je prends mon temps.
00:25:55 Finalement, on a pu le mettre en exécution,
00:25:58 et puis c'était...
00:25:59 C'était...
00:26:00 Pour moi, c'est...
00:26:02 C'est peut-être le ski base-jambes
00:26:04 dont je suis le plus fier dans mon parcours,
00:26:07 car je le voulais pendant tellement longtemps.
00:26:09 -On a vu sur ces images qu'il y a une pente impressionnante
00:26:13 sur le haut de cette face.
00:26:14 -Oui, c'est...
00:26:16 Bon, ouais, sur le haut de la face,
00:26:18 il y a du...
00:26:19 Ouais, 50-55, à peu près.
00:26:21 C'est assez raide.
00:26:22 Il faut avoir une neige appropriée pour pouvoir tourner.
00:26:26 Les trois, quatre premiers virages étaient super bons,
00:26:29 mais après ce virage-là,
00:26:30 je commençais à taper la glace bleue dessous.
00:26:33 Je me disais que c'était pas top.
00:26:35 En fait, il fallait juste...
00:26:37 Il fallait skier, être léger sur ses quarts,
00:26:40 car dès que les quarts commençaient à accrocher,
00:26:43 il fallait pas trop s'y accrocher, car le ski allait lâcher.
00:26:46 Dès qu'on pouvait sentir la quarte mordre dans la glace,
00:26:49 il fallait tourner avec le slope, la neige qui descendait,
00:26:52 pour garder un maximum de neige sous les skis.
00:26:55 Après, les traversées vers les prochains virages
00:26:58 se passaient bien.
00:26:59 C'était juste déclencher le virage qui était un peu précaire.
00:27:03 Du coup, j'ai pris mon temps, bien respiré,
00:27:05 un virage après l'autre, et puis voilà, ça s'est bien passé.
00:27:08 Après, le Serac est venu, on a eu un beau saut en bas,
00:27:11 je me suis posé sur le glacier de Vrenva,
00:27:14 avec un grand sourire.
00:27:15 -Quand on fait de la panterette, on essaie de maîtriser sa vitesse,
00:27:19 on n'enchaîne pas les virages de façon trop rapide,
00:27:23 mais pour faire le combo avec le bestium,
00:27:25 il faut un peu de vitesse,
00:27:27 donc à un moment, il faut lâcher les chevaux.
00:27:29 -C'est ça, donc en fait, il faut vraiment garder
00:27:32 sa confiance en soi et avoir une certaine vitesse,
00:27:35 car cette vélocité va créer justement une stabilité en l'air.
00:27:39 Si on va trop vite, il y a trop de vent relatif,
00:27:42 ça peut attraper les skis et nous faire tourner la tête en bas,
00:27:45 puis on s'emmène les pieds dans les suspentes.
00:27:48 Mais là, justement, la première partie était raide,
00:27:51 et après le passage de l'Arrimé, c'était seulement à 30 degrés,
00:27:54 c'était très facile, c'était du bon ski,
00:27:56 il y avait pas de glace bleue au-dessous,
00:27:59 il y avait 2-3 catons, des petites boules de glace,
00:28:02 mais après, justement, il faut pas...
00:28:04 Là, j'ai pris mon parachute pour une ouverture très rapide,
00:28:07 donc il faut pas non plus skier trop vite,
00:28:09 donc il faut doser sa vitesse,
00:28:11 pas aller trop vite, mais pas trop doucement non plus.
00:28:14 -Le plaisir, il vient après, une fois que le parachute est ouvert ?
00:28:18 -Non, le plaisir, il est tout le long.
00:28:20 J'adore, j'adore.
00:28:21 C'est la préparation, l'anticipation...
00:28:25 Le moment que je déteste, c'est la nuit avant,
00:28:27 parce que c'est là que je me pose plein de questions,
00:28:30 c'est là que je...
00:28:32 Je répète, je visualise l'exécution dans ma tête,
00:28:35 mais je visualise aussi un mauvais scénario,
00:28:38 comment récupérer une mauvaise exécution.
00:28:41 Et donc la nuit avant, ou les deux nuits avant,
00:28:44 c'est là où il y a le plus d'anxiété.
00:28:46 Là, c'était deux nuits avant.
00:28:47 La nuit d'avant, j'ai bien dormi, mais bon, j'adore tout le challenge,
00:28:53 c'est vraiment épanouissant.
00:28:55 -Je vous retourne la question,
00:28:56 est-ce qu'il y a une sensation de nostalgie après ?
00:29:00 -Je demandais ça, parce que justement,
00:29:03 j'ai eu ça avant certains sauts,
00:29:05 surtout au début, quand je commençais à faire du ski-base-jump,
00:29:08 j'ai fait des premières en ski-base-jump,
00:29:10 et j'avais un saut en particulier dans le Colorado,
00:29:13 j'ai attendu 4 ans pour le faire.
00:29:15 Et quand je l'ai fait, j'étais épuisé,
00:29:17 physiquement et nerveusement,
00:29:19 mais la nuit après, je pouvais pas dormir.
00:29:22 Parce que je le voulais tellement pendant 4 ans,
00:29:25 et puis d'un coup, je me suis dit, "Ca y est, c'est fini."
00:29:29 Et je vivais pas dans le futur où je pensais au prochain projet,
00:29:32 mais je vivais tellement dans le passé,
00:29:34 parce que j'avais tellement d'anticipation
00:29:37 que je savais plus où j'étais.
00:29:39 Mais après "La blanche de Petrait", non,
00:29:41 c'était un moment magnifique, des libérations,
00:29:44 j'ai appelé mon amoureuse à l'atterrissage,
00:29:46 j'ai appelé ma maman de la montagne,
00:29:48 donc voilà, c'était vraiment...
00:29:51 Super, on l'a fait, quoi.
00:29:52 C'était vraiment un moment de libération.
00:29:55 Mais j'ai eu ce moment de nostalgie,
00:29:57 "blue Mondays".
00:29:58 -On peut tirer un coup de chapeau à Stéphane Laud,
00:30:01 qui vous accompagne pour faire ces images.
00:30:03 Il a pas raté le saut de votre carrière, heureusement.
00:30:06 -Oui, Stéphane, c'est mon partenaire de montagne
00:30:09 depuis...
00:30:10 2011, ouais.
00:30:11 On a fait plein de trucs ensemble,
00:30:13 et puis maintenant, il fait toujours des images magnifiques,
00:30:16 et puis surtout, c'est un de mes amis les plus proches,
00:30:20 donc on a... C'est ça, la montagne trouve sa dimension
00:30:23 dans le partage, et puis on se souvient
00:30:25 des ascensions, des descentes, mais c'est les conversations,
00:30:28 quand même, qui nous marquent le plus.
00:30:30 -C'est pas votre premier exploit sur le massif du Mont-Blanc,
00:30:34 et notamment sur le toit de l'Europe,
00:30:36 puisqu'il y a quelques années, vous aviez fait aussi
00:30:39 une première depuis le sommet du Mont-Blanc,
00:30:42 en allant chercher, bah...
00:30:45 une voie, là, sur le côté,
00:30:46 qui permettait de dégager sur une grosse barre rocheuse.
00:30:49 -Oui, voilà, donc ça, c'était un...
00:30:51 Pareil, j'ai attendu 8 ans pour celui-là,
00:30:54 parce qu'il y a tout le temps du vent,
00:30:56 j'avais pas trouvé un créneau, mais c'était ce qu'est la face nord,
00:31:00 de sauter le Sérac sous les roches rouges,
00:31:02 ouvrir un parachute, et après voler,
00:31:04 se poser sur le grand plateau.
00:31:06 Et là, c'était magnifique, on l'a fait en 2019,
00:31:10 parce que si c'était le...
00:31:12 Déjà, on peut pas sauter après le 1er juillet
00:31:14 dans les Alpes, dans le Mont-Blanc,
00:31:16 parce qu'il faut laisser le passage aérien libre
00:31:19 pour le PGHM, pour les secours, donc pas de parapente,
00:31:22 pas de base-jump dans le massif du Mont-Blanc.
00:31:25 C'était le 24 juin 2019,
00:31:27 et un an après, le Sérac s'est effondré
00:31:31 et a reculé de 30 ou 40 m,
00:31:32 donc ce saut ne pourra plus jamais être fait.
00:31:35 -C'est une première et une dernière.
00:31:37 -Oui, mais après, on peut la faire qu'une fois,
00:31:39 mais c'est vrai que...
00:31:41 Là, c'est vrai que c'est venu avec un peu de nostalgie,
00:31:44 parce que la montagne change, et là, on...
00:31:47 Ouais, c'est...
00:31:48 Un saut comme ça, je l'aurais pas...
00:31:51 Enfin, je le répéterais pas,
00:31:52 mais quand la montagne change,
00:31:54 on était là au moment parfait, c'était la magie du moment,
00:31:57 et que la montagne change,
00:31:59 et qu'il faut essayer de la préserver le plus possible
00:32:02 et aussi d'en profiter quand c'est là,
00:32:04 parce qu'après, ça sera trop tard.
00:32:06 Il y a des voies qu'on peut plus faire.
00:32:08 -Il y a des voies qui sont disparues.
00:32:10 -Oui, exactement.
00:32:12 Donc là, ce ski base-jump a disparu,
00:32:14 ne sera plus jamais...
00:32:15 Enfin, je pense, plus jamais faisable,
00:32:17 on sait jamais, mais peut-être dans 100 ans.
00:32:20 -J'ai lu qu'après ce saut-là,
00:32:22 vous étiez fait tatouer le Mont-Blanc ?
00:32:24 -Je suis fait tatouer à travers mes épaules.
00:32:26 -Entrez nous.
00:32:27 Rires
00:32:29 -Allez, c'est parti.
00:32:30 -Ah, ben...
00:32:32 Ah, ben voilà.
00:32:33 -C'est la vue de la maison, pas la vue depuis Chamonix.
00:32:36 Le Mont-Blanc est à Saint-Gervais, il est pas à Chamonix.
00:32:39 -Oui, parce que Mathias a grandi du bon côté à Saint-Gervais,
00:32:42 qui, effectivement, est la commune
00:32:44 qui officiellement détient le sommet du Mont-Blanc,
00:32:47 mais Chamonix est pas en reste.
00:32:49 -Heureusement, on est sur Télé-Grenoble.
00:32:52 Sinon, la polémique, ça pourrait nous faire toute l'émission.
00:32:55 -J'ai un copain qui s'est fait tatouer le Mont-Blanc,
00:32:58 côté Chamonix. Sur son tatouage, on peut voir le sérac,
00:33:01 que j'ai pu sauter.
00:33:02 C'est tout le temps, on se titille,
00:33:04 "Il est à Chamonix, non, il est à Saint-Gervais."
00:33:07 C'est juste des petites... -Peut-être qu'il est en Italie.
00:33:10 -Peut-être que c'est en Italie. Le Mont-Blanc n'appartient à personne.
00:33:14 -En tout cas, là, vous avez sauté côté Chamonix,
00:33:17 et l'an dernier, vous avez sauté côté Saint-Gervais,
00:33:20 sur les images qu'on voit, depuis le Dôme du Goûter.
00:33:23 -Depuis le Dôme du Goûter,
00:33:24 et sauté sur le flanc de l'aiguille du Goûter,
00:33:27 il y a un grand sérac qui est au-dessus de la voie,
00:33:30 au-dessus du couloir ouest, direct,
00:33:32 qui avait été skié par Pierre Tardivel,
00:33:35 un super guide et skieur de pentraide,
00:33:37 un alpiniste incroyable.
00:33:39 Donc là, c'était vraiment...
00:33:41 Ce saut était vraiment spécial,
00:33:42 parce que c'est un sérac que je peux voir depuis la maison,
00:33:46 depuis mon enfance.
00:33:47 A chaque fois que je suis sur les routes
00:33:49 et que je vois ce sérac, je pense tout le temps au saut.
00:33:52 C'était magnifique.
00:33:54 Après, voler entre l'aiguille du Goûter et Bionassay,
00:33:58 se poser sur le glacier de Bionassay,
00:34:00 c'était magique.
00:34:01 J'ai attendu 10 ans pour celui-là aussi.
00:34:04 Donc voilà.
00:34:05 Ils rient.
00:34:06 -Hillary, c'est efficace et rapide,
00:34:08 pour redescendre du Mont-Blanc,
00:34:10 pour améliorer le record ?
00:34:12 C'est peut-être une piste plutôt que de glisser sur les fesses ?
00:34:15 -C'est sûr, je pense que ça pourrait être plus rapide,
00:34:18 mais je suis pas encore...
00:34:22 -Ca vous tente pas,
00:34:23 ces sensations fortes qu'on peut éprouver ?
00:34:26 -Je dirais plutôt que j'ai les mains moites
00:34:28 en le regardant.
00:34:29 Ils rient.
00:34:30 Ils rient.
00:34:32 Donc non, non, pas trop.
00:34:34 J'aime bien, j'ai confiance dans mes pieds,
00:34:37 mais pas...
00:34:39 Pas encore.
00:34:40 Ceci dit, souvent, les amis américains vont me demander
00:34:44 comment le ski à Chamonix, par exemple,
00:34:47 et j'explique tout de suite
00:34:49 qu'ici, il faut pas suivre les traces,
00:34:51 il faut lui donner quelqu'un d'autre.
00:34:53 -Surtout celle de Mathias.
00:34:55 -Parce que, il se trouve que...
00:34:57 Parce que chez moi, là où j'ai grandi,
00:34:59 tu vois des traces dans le forêt,
00:35:02 et tu te dis que dès que quelqu'un est allé,
00:35:04 forcément, ça passe.
00:35:06 Ici...
00:35:07 -Oui, non, il faut jamais suivre les traces.
00:35:09 Jamais, jamais. C'est une mauvaise idée.
00:35:12 Ils rient.
00:35:13 -Encore moins si vous vous envoyez
00:35:15 au-dessus du Dôme du Goûter
00:35:17 ou sur la Grange de Pécré.
00:35:18 -C'était marrant, parce qu'en descendant du Dôme,
00:35:21 il y avait des cordées qui montaient vers le Mont-Blanc.
00:35:24 Et puis, j'étais à fond de boite en allant vers Serac,
00:35:27 je devais aller à, je sais pas, 70 km/h et tout,
00:35:30 et puis, il y a un moment où j'ai eu cette idée,
00:35:33 je me suis dit "Qu'est-ce qu'ils pensent, les cordées ?"
00:35:36 Ils voient un gars qui va droit sur les Seracs,
00:35:39 ils se disent "Il est en train de se suicider."
00:35:41 -C'est un moment... C'était vraiment un moment unique,
00:35:46 parce que c'était une pratique classique de la montagne
00:35:50 avec une pratique vraiment moderne,
00:35:52 ces deux mondes étaient juxtaposés et mis en parallèle.
00:35:55 C'était un moment un peu cocasse.
00:35:57 -Il y a beaucoup qui ont dû se poser la question.
00:36:01 On se met pas au ski-base-jump comme ça
00:36:04 du jour au lendemain.
00:36:06 Vous avez commencé par le freeride.
00:36:09 -Exactement, j'ai fait mes gammes en slalom,
00:36:12 en slalom spécial,
00:36:14 donc géant et spécial, quand j'étais petit.
00:36:17 Je suis passé par l'école des piquets du ski-club.
00:36:21 Après, j'ai appliqué un peu
00:36:23 cette technique de slalom ou de géant
00:36:27 dans un peu tous les terrains.
00:36:29 J'avais un coach au ski-club
00:36:32 qui était très ouvert d'esprit, Pascal Jacquemout,
00:36:35 qui nous mettait des portes dans des champs de bosses,
00:36:38 dans la forêt.
00:36:39 Il avait une approche très freeride du ski.
00:36:42 Il savait pertinemment qu'aucun d'entre nous
00:36:44 allait finir en équipe de France,
00:36:46 mais qu'il pouvait nous apprendre à skier vite
00:36:49 et être solide dans toutes sortes de neiges.
00:36:52 Et en fait, cette approche du ski,
00:36:54 j'ai toujours voulu la pousser de plus en plus.
00:36:58 Rajouter un parachute sur le dos, c'était la suite logique
00:37:01 pour skier des phases qu'on ne pourrait pas survivre.
00:37:04 J'ai fait mes gammes en tant que skieur.
00:37:06 - Ah oui ? - 55, c'est assez raide.
00:37:08 Le base jump avec le ski, c'est une suite logique.
00:37:11 - Oui, mais au lieu de s'arrêter, faire un rappel
00:37:14 ou te faire récupérer en hélico, je sais pas.
00:37:16 C'est fluide, on y va, on skie la phase d'un coup,
00:37:19 on saute et on s'envole, c'est magnifique.
00:37:21 - Avant d'arriver à cette phase-là,
00:37:23 il faut aussi se mettre au base jump.
00:37:26 Vous avez démarré, je crois,
00:37:28 comme l'origine de la discipline, sur des ponts...
00:37:30 - Oui, j'avais des copains qui faisaient du base jump.
00:37:33 Je voulais en faire depuis très longtemps.
00:37:36 Un ami de chez le McConkey aux Etats-Unis,
00:37:38 qui était un grand ski base jumper à l'époque,
00:37:41 et base jumper et skieur,
00:37:43 et qui m'a un peu guidé.
00:37:45 J'ai commencé par faire de la chute libre,
00:37:47 des sauts d'avion pour apprendre à piloter un parachute
00:37:50 et à sauter.
00:37:51 Et puis après, quelques sauts en base jump.
00:37:53 J'avais un copain qui faisait du freeride aussi,
00:37:56 qui avait déjà 600 sauts en base jump.
00:37:58 Je lui ai dit que je vais t'apprendre à faire du base jump.
00:38:01 On a fait 9 sauts en une journée.
00:38:03 Le dernier saut de la journée, c'était un gros salto arrière de 60 m.
00:38:07 Parce qu'en venant du freeride,
00:38:09 j'ai pu avoir une progression assez accélérée,
00:38:12 parce qu'on a déjà un sens aérien grâce au ski.
00:38:14 En sautant des barres, faire des sauts, être calme,
00:38:18 quand on a beaucoup de vitesse, tout ça.
00:38:20 Les grimpeurs sont souvent des très bons base jumpers
00:38:23 parce qu'ils sont très confortables sur un terrain exposé.
00:38:26 Toutes ces disciplines de montagne sont un peu cousines.
00:38:31 Donc c'est super.
00:38:32 Et voilà, donc à part ça, la deuxième journée,
00:38:35 on a sauté une falaise près de Salt Lake City.
00:38:37 J'avais 10 base jump.
00:38:39 On a repris mon parachute, il m'a déposé à l'aéroport,
00:38:42 il m'a serré la main et m'a dit "Félicitations,
00:38:44 "tu es un base jumper maintenant, appelle-moi si tu as des questions."
00:38:47 -Formation accélérée, mais efficace.
00:38:49 -Formation accélérée que je ne recommande pas.
00:38:52 Mais je pense que j'ai pu la survivre
00:38:54 grâce à mes années en tant que skieur en montagne,
00:38:58 un petit peu de grimpe.
00:38:59 Je ne suis pas un très bon grimpeur,
00:39:01 je suis pas un très bon skieur pour me balader en montagne.
00:39:03 Donc cette approche de la montagne un petit peu multisport
00:39:06 m'a permis d'approcher le base jump.
00:39:08 -On saute avec le parachute dans la main ?
00:39:10 -Ca dépend. C'est une falaise assez basse,
00:39:12 qui fait que 90 mètres.
00:39:14 Et puis je me pose tout en bas, près du canal, sur ces images.
00:39:17 Donc il faut avoir un maximum d'altitude.
00:39:19 Donc je saute avec l'extracteur,
00:39:22 c'est un petit parachute qui tire le parachute du sac.
00:39:25 En sautant à la main, on peut accélérer l'ouverture.
00:39:28 Mais sinon, si on a le temps, il est rangé derrière,
00:39:31 dans un petit sac,
00:39:32 comme ça, on peut profiter de la chute et après ouvrir.
00:39:35 -Quand j'ai regardé les images du ski base jump,
00:39:38 je me demandais justement qu'est-ce qu'on fait avec les bâtons
00:39:43 et comment gérer les bâtons pour ensuite...
00:39:46 -Très bonne question.
00:39:47 Très bonne question.
00:39:48 -Pour les lâcher.
00:39:49 -Au début, c'était comme ça.
00:39:51 J'avais appris avec Shane McConkey, Eric Renner, JT Holmes,
00:39:54 tous ces Américains qui poussaient le freeride avec le base jump.
00:39:57 Ils jetaient leurs bâtons.
00:39:59 -C'est pas très écolo.
00:40:00 -C'est pas du tout écolo.
00:40:01 Mais alors, quand j'étais un peu leur protégé,
00:40:04 je suivais leur exemple,
00:40:05 mais après quelques sauts,
00:40:07 je me disais que ça me plaît pas de jeter des bâtons en montagne.
00:40:10 Du coup, j'ai commencé à faire mes propres bâtons
00:40:13 en bambou et en liège.
00:40:14 Malheureusement, la rondelle était en plastique,
00:40:17 mais les bâtons cassaient tout le temps.
00:40:19 Et puis, finalement, après 10 ans de ski base,
00:40:22 je sautais avec des bâtons en bambou,
00:40:24 je montais avec des bâtons de randonnée.
00:40:26 J'avais un copain avec moi, je lui donnais mes bâtons,
00:40:29 et je sautais avec les bâtons en bambou.
00:40:31 Les bâtons, c'est important en ski, pour la sécurité.
00:40:34 Maintenant, j'ai des gants qui sont assez fins
00:40:36 et qui accrochent assez pour tirer mon parachute.
00:40:39 Il y a un système d'accroche,
00:40:41 je peux clipper mes bâtons dans le gant,
00:40:43 je m'en occupe pas, je peux accéder à mes commandes,
00:40:46 et j'ai mes pots de phoque dans mon pantalon,
00:40:48 je me pose, je peux me poser et repartir en rando.
00:40:51 Je ne laisse rien derrière.
00:40:52 Tous mes amis de Chamonix,
00:40:54 je n'abime pas la montagne.
00:40:56 -Si vous trouvez un bâton, c'est pas ceux de la cité.
00:40:59 -C'était il y a très longtemps.
00:41:00 -Du base jump à la wingsuit,
00:41:02 c'est souvent deux disciplines assez proches.
00:41:05 Vous pratiquez les deux ?
00:41:06 -Oui, alors, la wingsuit, j'en fais un peu.
00:41:09 J'ai pas beaucoup de sauts,
00:41:10 j'ai peut-être 200 sauts, principalement d'avion,
00:41:13 mais je m'y remets un peu plus,
00:41:16 parce que j'aime beaucoup...
00:41:18 C'est un outil qui est très puissant, la wingsuit,
00:41:21 parce qu'on est tellement en contrôle
00:41:24 que c'est facile de passer le point de non-retour.
00:41:27 Le ski-bait-jump est plus dangereux,
00:41:29 car il y a plus de variables,
00:41:30 on mélange les disciplines,
00:41:32 mais c'est facile de se faire emporter en wingsuit.
00:41:35 Je prends mon temps,
00:41:36 mais mon but, éventuellement,
00:41:38 c'est de faire des belles faces en montagne,
00:41:41 de sauter, carver dans la vallée,
00:41:42 mais en wingsuit.
00:41:44 -Vous, qui êtes un amoureux du Mont-Blanc,
00:41:47 vous savez qu'on peut le survoler en wingsuit,
00:41:50 le Mont-Blanc.
00:41:52 Ca a été fait il y a quelques mois
00:41:54 par deux grands spécialistes,
00:41:55 Vincent Cotte et Fred Fugin.
00:41:57 -C'est les maîtres de la discipline.
00:41:59 C'était incroyable.
00:42:00 C'était le vol le plus long en wingsuit,
00:42:03 le record le plus long en proximité.
00:42:05 Ils sont passés juste au-dessus du sommet,
00:42:07 du devenu goûter,
00:42:08 jusqu'en bas, jusqu'au glacier des Beaux-Sens.
00:42:11 C'est magnifique.
00:42:12 Eux, c'est vraiment des exemples.
00:42:15 J'adore ce qu'ils font.
00:42:17 C'est les maîtres de la discipline.
00:42:20 -Ca nous offre des images incroyables,
00:42:22 au-dessus de ces glaciers,
00:42:23 du massif du Mont-Blanc,
00:42:25 à plusieurs centaines de kilomètres.
00:42:27 Vous n'avez pas volé en wingsuit au-dessus du Mont-Blanc,
00:42:31 en tout cas pas encore,
00:42:32 mais vous avez volé de nuit, ce qui est très rare.
00:42:35 Normalement, c'est interdit.
00:42:37 -C'est interdit.
00:42:38 Sur les images, c'est vrai qu'en filmant
00:42:40 avec des caméras haute définition,
00:42:42 c'est plus clair que la luminosité qu'on avait.
00:42:45 Mais sauter de nuit, on n'a pas le droit en France.
00:42:48 On est une minute avant la nuit noire,
00:42:50 après le coucher du soleil,
00:42:52 donc ça compte comme saut de nuit.
00:42:54 Mais ouais, alors là, c'est l'aiguille croche à Meugev
00:42:57 que j'ai sauté plein de fois.
00:42:58 Ca fait...
00:42:59 Ca fait combien de temps ?
00:43:01 Ca fait depuis 2009 que je saute là-bas.
00:43:03 Donc voilà, on a mis des fusées éclairantes.
00:43:06 C'était plus essayer d'avoir une approche plus créative.
00:43:09 Et puis, skier de nuit, comme ça, c'était très intimidant.
00:43:12 Mais c'était magnifique.
00:43:13 On avait l'impression d'être dans une nouvelle dimension.
00:43:17 Ca change les repères.
00:43:18 On peut voir des traces.
00:43:20 J'ai skié là-face deux fois, les jours avant,
00:43:22 pour laisser une trace, pour ne pas me perdre.
00:43:25 C'est facile de se perdre la nuit.
00:43:27 J'avais que 2-3 lampes LED.
00:43:28 - Suivre les traces. - Là, j'ai suivi les traces.
00:43:31 - C'est les siennes. - Non, c'est les miennes.
00:43:34 - Vous savez où il allait. - Je suis le pire des exemples.
00:43:37 Rires
00:43:40 Ecoutez, regardez les images, rigolez,
00:43:42 mais ne faites pas comme moi, s'il vous plaît.
00:43:45 Rires
00:43:46 En tout cas, ça donne un côté très poétique à ce saut.
00:43:50 A chaque fois que je saute, c'est comme si je tombais amoureux.
00:43:54 C'est pas moi qui dis ça.
00:43:55 - Oui, c'est vrai. C'est un moment tellement fort.
00:43:59 Et d'épanouissement, de connexion.
00:44:04 J'adore ce que...
00:44:06 J'adore ce que je fais.
00:44:08 Ca me rend amoureux de la vie, amoureux des moments.
00:44:11 Et puis, c'est vrai qu'à chaque fois que je fais un saut,
00:44:14 je sens encore cet émerveillement comme un enfant.
00:44:17 C'est... J'ai mon...
00:44:19 Des fois, j'en ai la chair de poule, le coeur qui palpite.
00:44:23 C'est épanouissant.
00:44:24 C'est une des vidéos qui vous a fait connaître du grand public.
00:44:28 Il y a plus de 10 ans, ça a fait 10 millions de vues sur Youtube.
00:44:31 On est au même endroit, sur l'aiguille croche.
00:44:33 L'aiguille croche. J'avais déjà sauté une fois avant
00:44:36 et je voulais le faire avec des meilleures conditions de neige.
00:44:39 Et là, donc, c'était en...
00:44:42 -2011, je crois. -Oui, en février ou mars 2011.
00:44:45 Et donc, en sautant l'aiguille croche,
00:44:48 il n'avait pas neigé depuis trois semaines,
00:44:49 mais la face était chargée avec des gros pans,
00:44:53 des grosses plaques avant.
00:44:55 Et donc, ce dernier virage avant le saut
00:44:58 a fracturé tout ce dôme avant la falaise.
00:45:02 Et donc, du coup, ça a déclenché une avalanche énorme.
00:45:05 Donc, on a échappé à l'avalanche en parachute, en base jump.
00:45:09 J'avais mon ami Stéphane Lautre qui me suivait en speed riding.
00:45:12 Et donc, cette vidéo a fait le buzz.
00:45:14 C'était la première vidéo virale de GoPro.
00:45:17 Et ouais, ça a propulsé ma carrière.
00:45:19 J'aurais jamais cru qu'une avalanche
00:45:21 allait faire décoller ma carrière.
00:45:23 Mais on n'a mis personne en danger, d'ailleurs.
00:45:26 Donc, personne ne s'approche vraiment des falaises
00:45:28 là où on saute. Il y a des petits sentiers beaucoup plus loin.
00:45:31 Et donc, on n'a mis personne en danger.
00:45:32 On a fait notre truc entre copains
00:45:34 et on a eu des images
00:45:37 qui nous permettent de revivre ce moment pour le reste de nos vies.
00:45:40 Alors, vous l'avez dit, c'est une discipline risquée,
00:45:43 plus risquée encore que la wingsuit,
00:45:44 qui est déjà une discipline dangereuse.
00:45:46 Et vous avez failli, malheureusement, y rester il y a quelques années.
00:45:50 Deux ans, je crois, après les images qu'on vient de voir,
00:45:53 sur un saut dans le massif des Arravis.
00:45:55 Oui, voilà, j'ai sauté la pointe d'Arreux
00:45:58 dans le massif des Arravis.
00:46:00 C'était la voie que Pierre Tardivelle, justement,
00:46:02 dont je parlais, avait skié en 2006.
00:46:04 Et Pierre, après, avait fait plusieurs rappels
00:46:08 pour redescendre vers Maglan, Salanches.
00:46:11 Et j'en avais parlé, d'ailleurs, avec Pierre, de cette face.
00:46:14 Et je lui ai dit, "Pourquoi pas skier la même voie,
00:46:16 "mais sauter la falaise en bas ?"
00:46:18 Il m'a dit, "Ah ouais, c'est logique, c'est parfait.
00:46:20 "Comme ça, t'as pas de rappel à faire, c'est super."
00:46:23 Donc, j'ai inspecté cette face pendant deux ans, à peu près.
00:46:26 Et j'ai même fait des repérages en hélicoptère.
00:46:29 Je suis monté à pied, tout ça.
00:46:30 Et en fait, en parlant du fun, tout à l'heure,
00:46:33 justement, le fun s'est levé pile quand je sautais.
00:46:36 Et j'ai sauté près de la tour numéro 6,
00:46:38 qui est un spot d'escalade assez connu.
00:46:40 Et mon parachute, donc, les caissons ont mordu dans le vent.
00:46:44 Et donc, ça a ouvert face à la falaise.
00:46:46 Et le rouleau du vent m'a poussé dans les rochers.
00:46:50 Donc, j'ai cassé mon fémur.
00:46:52 J'ai tapé la falaise quatre fois.
00:46:53 J'ai réussi à... Parce que toutes mes lignes étaient...
00:46:57 J'avais une torsade dans les suspentes.
00:46:59 Et donc, après avoir tapé la falaise quatre fois,
00:47:01 j'ai réussi à m'éloigner de la falaise,
00:47:02 mais je me suis évanoui avec la douleur.
00:47:05 J'ai volé 1 500 mètres inconscient jusqu'en bas,
00:47:07 vers l'autre côté de l'autoroute,
00:47:09 vers le bois des Vosy, à peu près, vers Maglan.
00:47:11 Et après, donc, en me posant dans les arbres,
00:47:13 ça a déchiré ma voile.
00:47:15 J'ai eu une chute encore de 10 ou 15 m sur le sol.
00:47:18 Ça a recassé mon fémur.
00:47:19 Et puis, j'ai eu une hémorragie cérébrale,
00:47:21 trois jours dans le coma. Enfin, c'était horrible.
00:47:23 Et c'était trois semaines avant la naissance de mon fils aussi.
00:47:26 Donc, ça, c'était pas le bon moment.
00:47:29 Donc, c'était une énorme remise en question.
00:47:32 Est-ce que je vais continuer à faire ça ?
00:47:33 Est-ce que je vais...
00:47:35 Je vais...
00:47:36 C'était mon dernier projet avant la naissance de mon fils.
00:47:39 Après, je voulais être à la maison,
00:47:40 je voulais être super-papa pendant plusieurs mois.
00:47:41 Et donc, ça a tout remis en cause.
00:47:43 Mais voilà.
00:47:45 - Là, c'est vous, vous êtes inconscient, à ce moment-là.
00:47:47 C'est le hasard qui va vous amener sur cette...
00:47:50 - J'ai eu de la chance.
00:47:51 Je me suis posé.
00:47:52 En fait, j'aurais pu me poser dans le champ ou dans la forêt,
00:47:53 mais sinon, il y avait des maisons, des lignées à haute tension,
00:47:55 une autoroute.
00:47:56 Ça, c'était vraiment le pire scénario, quoi.
00:47:59 Et donc, quand je me suis réveillé à l'hôpital,
00:48:01 je me suis rendu compte que, déjà, c'était...
00:48:04 Je me posais la question pendant quelques jours
00:48:06 si je devais continuer.
00:48:07 Après, le désir était encore là.
00:48:08 Je me souviens encore de mes rêves dans le commun.
00:48:10 Je skie cette poudre incroyable au Mont Baker
00:48:13 qu'on avait eue quelques années avant,
00:48:14 à faire des gros backflips.
00:48:15 Donc, quand je suis sorti, l'amour était encore là.
00:48:17 Mais bon, je me posais des questions.
00:48:19 Mais en même temps, quand on a une passion aussi prenante,
00:48:22 je me suis dit que c'était un peu un test
00:48:24 à mon dévouement à cette art, à cette discipline.
00:48:27 Après, je me suis rendu compte aussi que...
00:48:29 J'ai eu un accident parce que je n'ai pas fait attention
00:48:33 à tous les détails au niveau météo, tout ça.
00:48:36 Donc, après, il fallait que je me réentraîne, en fait.
00:48:40 Donc, je me remette à niveau.
00:48:42 J'ai recommencé le base jump, des sauts basiques
00:48:45 pour me reconstruire, pour vraiment faire attention
00:48:47 et surtout, mentalement, essayer d'avoir une approche
00:48:48 plus élaborée.
00:48:50 Et en même temps, ça va peut-être surprendre des gens,
00:48:53 mais je me suis rendu compte que...
00:48:56 Si j'avais besoin d'être...
00:49:00 D'être accompli en tant que personne,
00:49:02 d'avoir un peu ce dépassement de soi,
00:49:05 enfin, beaucoup, ce dépassement de soi
00:49:06 pour vraiment être le père que je souhaitais être.
00:49:10 Je ne voulais pas être le papa frustré à la maison
00:49:12 qui a abandonné ses rêves parce qu'il a eu un accident
00:49:14 et qui est juste à la maison pour élever son fils.
00:49:17 C'est une cause noble, mais je voulais vraiment
00:49:20 aussi montrer à mon fils qu'il faut avoir le courage
00:49:24 de vivre la vie qu'on souhaite vivre.
00:49:26 Mais après, le faire d'une bonne façon, quoi,
00:49:28 et réfléchir.
00:49:29 Et puis aussi, une grosse motivation,
00:49:32 c'était à 18 ans, j'avais perdu ma soeur d'un suicide.
00:49:35 Et le jour de son enterrement, c'était le jour
00:49:38 où j'ai signé un pacte avec moi-même
00:49:40 d'accomplir mes rêves,
00:49:42 quel que soit la peur et le danger,
00:49:44 et de le faire bien.
00:49:45 Donc, c'était un peu une quête existentielle pour moi,
00:49:47 un pacte existentiel.
00:49:49 Et donc, voilà.
00:49:50 Mais c'était un moment qui a tout remis en question.
00:49:52 Mais c'est bien de tout remettre en question
00:49:54 parce que ça veut dire qu'on fait attention
00:49:57 et que, justement, on veut faire les choses bien, quoi.
00:49:59 Donc, voilà.
00:50:00 -Vous y êtes retourné quelques années après,
00:50:02 sur cette même montagne, avec de l'appréhension ?
00:50:05 -Ah oui, c'était...
00:50:07 Quand je me suis réveillé à l'hôpital,
00:50:09 je me suis dit que je retournais à Pointe d'Areux,
00:50:11 je vais la faire. Et puis, après, pendant 3 ans,
00:50:13 je me suis dit que je ne vais peut-être pas y retourner.
00:50:15 C'est pas une montagne parfaite pour un ski-base-jump
00:50:19 parce que le saut est à l'aveugle, on ne voit pas vraiment
00:50:21 où on va.
00:50:22 Mais...
00:50:23 Mais voilà, 4 ans plus tard, après l'accident,
00:50:27 je commençais à élaborer une façon de le faire
00:50:29 un peu différemment.
00:50:30 Et après, je me suis rendu compte qu'en fait,
00:50:32 si je ne le faisais pas, si je n'y retournerais pas,
00:50:35 je passerais le reste de ma vie à me demander...
00:50:38 bah, si...
00:50:40 Comment la vie serait si je l'avais fait, quoi, en fait.
00:50:43 Et je refusais de vivre au conditionnel, en fait.
00:50:46 Et donc, du coup, je me suis dit que c'était...
00:50:48 Et puis, pour moi, c'était aussi un saut
00:50:50 qui était une marge d'approche vers le saut du Mont-Blanc.
00:50:53 Donc c'était aussi...
00:50:54 -Une étape. -Voilà, une étape, exactement.
00:50:56 C'était...
00:50:57 une étape importante vers le Mont-Blanc.
00:51:00 Et donc, je me suis rendu compte qu'il fallait
00:51:03 que je retourne à la pointe des R.E. et que je le fasse bien.
00:51:05 Et...
00:51:07 Et mon fils l'avait compris.
00:51:09 Quand je suis rentré à la maison après le saut,
00:51:11 il m'a dit "Papa, je suis fier de toi,
00:51:12 tu y es retourné, tu l'as fait bien, et c'est super."
00:51:14 Et c'était vraiment...
00:51:16 Et des fois, il faut avoir le courage
00:51:17 de pouvoir fermer un peu un chapitre de sa vie
00:51:20 pour ouvrir le prochain.
00:51:22 Et ça, c'était vraiment ça, c'était vraiment la matérialisation
00:51:24 de ce chapitre qui se ferme,
00:51:26 d'une approche plus freeride, un peu plus agressive du ski.
00:51:29 Et maintenant, ça ouvre vraiment plus le mélange de...
00:51:33 du ski dans un environnement d'alpinisme,
00:51:37 avec de la panterette et le base jump.
00:51:38 Pour moi, c'est plus une étape mature, maintenant,
00:51:41 et plus réfléchie, où je recherche plus la sérénité en montagne.
00:51:45 Je n'ai pas du tout envie d'adrénaline,
00:51:47 je n'ai pas du tout envie du rush.
00:51:48 Pour moi, c'est vraiment être...
00:51:52 Avoir cette émancipation en montagne.
00:51:56 Donc voilà.
00:51:57 -Hilarie, on n'a pas les images, mais vous aussi,
00:51:59 vous avez frôlé la mort dans un accident de montagne
00:52:01 il y a une dizaine d'années.
00:52:03 -Oui.
00:52:04 En 2012, j'ai eu un accident dans le massif du Mont-Blanc,
00:52:08 qui était à ski, et justement,
00:52:10 j'ai eu une fixation qui a sauté après deux virages
00:52:15 dans une couloir assez raide.
00:52:17 Et moi, donc, j'ai fait une grosse chute,
00:52:21 j'ai roulé-boulé pendant 450 mètres
00:52:24 avant de finir dans une crevasse.
00:52:26 Et j'ai eu énormément de chance,
00:52:28 je n'ai pas eu les mêmes blessures
00:52:33 que Mathias, j'étais plutôt...
00:52:36 Enfin, tout était plus ou moins en ordre,
00:52:41 à part quelques points de suture.
00:52:43 Mais c'est ça qui m'a incitée ensuite
00:52:46 d'aller courir vers le trail.
00:52:49 -Vous risquez que la pente aide.
00:52:51 -Exactement, exactement.
00:52:53 Mais moi, je ne suis pas retournée.
00:52:56 Au même endroit, je dirais que, pour moi,
00:52:59 ça a fermé un chapitre
00:53:01 et je n'ai pas eu besoin d'aller refaire le même couloir,
00:53:06 aller re-essayer la même chose.
00:53:08 Mais ça a ouvert un nouvel chapitre pour moi.
00:53:12 Ceci dit, après cet accident,
00:53:15 en 2012, j'ai fait beaucoup moins de montagne
00:53:20 pendant un certain temps.
00:53:21 Donc, moi, encore une fois, je cite 2020,
00:53:24 à un moment où j'avais continué à faire un peu,
00:53:27 mais où j'ai dit, "Non, je peux enfin garder
00:53:32 les expériences que j'ai eues en haute montagne
00:53:37 et combiner ça avec l'endurance,
00:53:39 les connaissances de mon corps, de moi-même,
00:53:42 que j'ai acquises grâce au trail."
00:53:45 Donc, ça, ça...
00:53:47 C'est une manière de voir là où je vais maintenant.
00:53:52 -Les qualités que vous évoquez,
00:53:54 ça se marie bien avec une autre discipline,
00:53:56 le ski alpinisme, que vous pratiquez aussi à haut niveau.
00:53:59 Il y a deux ans, vous êtes attaquée
00:54:01 une autre traversée mythique autour du Mont-Blanc,
00:54:04 puisqu'on part de Chamonix
00:54:06 et on traverse une grande partie du massif
00:54:10 jusqu'à Zermatt, en Suisse.
00:54:12 On voit ce parcours, la Haute Route,
00:54:14 c'est un des classiques de ski de randonnée
00:54:17 qu'on fait en général sur une semaine
00:54:19 pour les randonneurs aguerris, plus de 100 km.
00:54:23 L'objectif, c'était d'aller un peu plus vite.
00:54:25 -Exactement. C'était un projet...
00:54:27 J'ai effectivement un truc qui se trouve
00:54:30 avec l'église de Chamonix.
00:54:32 J'aime bien partir de là.
00:54:34 Mais cette fois-ci, avec Valentine Fabre,
00:54:37 qui est une bonne amie et ancienne membre
00:54:40 de l'équipe de France de ski alpinisme.
00:54:43 Elle avait une histoire très personnelle
00:54:47 avec le Chamonix-Zermatt.
00:54:49 Elle a fait l'assistance pour son mari,
00:54:52 qui est décédé en montagne plus tard.
00:54:55 -Il avait établi le record masculin.
00:54:57 -Il avait établi un record masculin.
00:55:00 Elle avait fait l'assistance pendant trois tentatives
00:55:03 avant qu'il arrive à l'établir.
00:55:05 Mais...
00:55:07 Moi, j'avais justement cette envie
00:55:09 de me reconnecter avec la montagne
00:55:12 et de voir ce que je peux faire
00:55:14 avec les nouvelles compétences, etc.
00:55:17 Donc, on a décidé de se lancer
00:55:20 pour un premier record féminin
00:55:22 parce qu'aucune femme n'avait jamais tenté
00:55:25 de faire cette liaison d'un seul trait.
00:55:29 Je peux vous dire, par contre,
00:55:32 que c'est battable, notre record.
00:55:34 Nous avons fait un film sur ça,
00:55:37 ça s'appelle "La traversée".
00:55:39 Si vous le regardez, vous allez voir
00:55:41 qu'Andy était très malade à la fin.
00:55:43 Donc, on s'est beaucoup ralenti.
00:55:45 Donc, les filles, allez-y, vous pouvez nous battre.
00:55:48 Ensuite, ça nous donnera, Andy, de retourner.
00:55:50 -Vous allez lui battre le nouveau record.
00:55:53 -On voit le départ de cette fameuse église de Chamonix,
00:55:56 à quel théâtre de tous les exploits.
00:55:58 Il n'y avait pas énormément de neige cette année.
00:56:01 Il fallait courir. -Oui, exactement.
00:56:03 Comme je l'explique,
00:56:05 l'éthique, c'est que tu pars de l'église avec le tout.
00:56:10 Et quand le record masculin avait été établi,
00:56:13 qui, cette année, a été battu,
00:56:16 je ne sais pas si vous avez... -Explosé, même.
00:56:18 -Si vous avez eu Benjamin et SML...
00:56:21 -Benjamin, SML et Véderine sont venus sur ce plateau
00:56:24 pour nous parler de leur record de Chamonix-Herval.
00:56:27 -Mais le record qui précédait le leur,
00:56:29 ils ont pu faire les pistes de ce qu'ils font
00:56:33 de Chamonix, un peu en skating,
00:56:36 et nous, on a dû faire 8 km de course sur la route
00:56:39 pour rejoindre Argentière avec les skis sur le dos,
00:56:42 et aussi faire de la...
00:56:45 Enfin, la course au niveau de Bourg-Saint-Pierre,
00:56:49 parce que ça avait beaucoup fondu
00:56:52 et il avait très chaud.
00:56:53 Donc, encore une fois, c'est quelque chose
00:56:57 qui demande vraiment un très bon créneau.
00:57:00 C'est difficile, ce genre d'objectif, à la fois,
00:57:05 parce qu'il y a une gradient d'altitude énorme.
00:57:08 Donc, avoir les bonnes conditions en bas de vallée
00:57:10 et les bonnes conditions en haut de la montagne,
00:57:13 c'est assez compliqué.
00:57:15 Souvent, c'est soit l'un, soit l'autre.
00:57:17 Il faut faire des compromis.
00:57:19 Mais dans ce cas, comme c'était un projet qu'on partageait,
00:57:22 on a vraiment pris la décision d'y aller ensemble.
00:57:26 On a décidé, OK, à vrai dire,
00:57:29 il y avait l'annonce en début de semaine,
00:57:32 quand on avait fait ça,
00:57:34 qu'il y aura pas un confinement, mais une couvre-feu.
00:57:37 Et qu'il allait commencer vendredi...
00:57:40 Non, samedi.
00:57:41 Donc, on a dit, il faut quitter le territoire français
00:57:44 avant 18h.
00:57:47 Avant 18h, samedi.
00:57:49 Donc, ça nous a aussi poussés à définir la date.
00:57:53 Mais comparé aux records sur le Mont-Blanc,
00:57:58 c'était beaucoup plus...
00:58:00 Enfin, plus facile, d'une certaine manière,
00:58:02 parce qu'on les discutait.
00:58:04 Alors que sur le Mont-Blanc, j'ai eu beaucoup d'aide.
00:58:07 Je dois le dire que je l'ai pas fait toute seule.
00:58:10 J'ai eu des amis qui ont fait des dépôts de matériel.
00:58:13 Valentine, encore, qui s'était encordée avec moi
00:58:15 sur la traversée de la jonction.
00:58:18 Mais c'était que à moi de choisir.
00:58:21 OK, ça, c'est le jour, et d'activer toute l'équipe.
00:58:25 Et moi, c'est pas anodin de dire à tout le monde,
00:58:29 "OK, réservez votre jour, allons-nous."
00:58:32 -C'est une histoire de clocher, en fait,
00:58:35 les records d'Hilary, parce que quand on fait Chamonix-Zermatt,
00:58:38 on part de l'église de Chamonix,
00:58:40 mais on arrive aussi à l'église de Zermatt.
00:58:43 -Oui.
00:58:44 -Vous la cherchez, là, dans le village.
00:58:46 -Et ce jour-là,
00:58:49 donc, c'était le jour de Pâques,
00:58:51 et on s'était pas rendu compte,
00:58:54 mais on s'était mis sur les marches de l'église,
00:58:57 on a enlevé les chaussures, on a enlevé les chaussettes,
00:59:00 on s'est étalé sur les marches,
00:59:03 et on savait pas qu'il y avait la messe en même temps,
00:59:06 et tout le monde sortait,
00:59:08 et il se demandait ce qu'on faisait là.
00:59:10 -Deux anges descendus de la montagne.
00:59:13 -Oui.
00:59:14 -En tout cas, il y a une montagne emblématique à Zermatt,
00:59:17 c'est le Cervin qui domine, d'ailleurs,
00:59:20 toute la fin de la traversée de cette haute route,
00:59:23 une montagne qu'on voit, là, au fond,
00:59:26 qui a à peu près la même notoriété que le Mont-Blanc,
00:59:29 même si elle est pas sur notre territoire,
00:59:32 c'est la frontière entre la France et l'Italie.
00:59:35 C'est une montagne que vous connaissez bien,
00:59:37 pourtant, on a pas l'impression que ça peut se skier.
00:59:41 -Oui, non, c'est un...
00:59:42 Il y a beaucoup de rochers.
00:59:44 Je l'ai sauté en ski-base en 2010,
00:59:47 c'était quatre jours après la valanche,
00:59:49 et c'était vraiment au début de ma carrière
00:59:54 où j'avais cet engouement, cette fougue,
00:59:56 et donc là, je voulais y aller, et ça, c'était un saut...
00:59:59 Bon, qui...
01:00:01 -Casqueule, on va dire. -Oui, exactement.
01:00:03 J'ai accroché un rocher juste avant de sauter avec mon ski
01:00:06 et je suis parti en riz dans la face nord,
01:00:09 donc j'ai pris mon parachute, donc ça s'est bien terminé.
01:00:12 Mais bon, ça, c'est marrant,
01:00:15 parce qu'en fait, j'ai fait l'Eiger, le Cervin et le Mont-Blanc,
01:00:19 donc pas une trilogie classique,
01:00:20 mais une trilogie que je voulais faire en ski-base.
01:00:23 L'Eiger, c'était vraiment un saut où je suivais les pas
01:00:26 de mes héros en ski-base, donc Shane McConkey, JT Holmes,
01:00:29 René Guevalet, qui était le premier homme
01:00:31 à sauter l'Eiger en ski-base.
01:00:34 Donc pour moi, c'était une étape que,
01:00:36 si je voulais être ski-base jumper, il fallait le faire.
01:00:39 Donc c'était vraiment ce processus de devenir...
01:00:42 Après l'Eiger, je me suis dit, "Bon, c'est quoi, après ?"
01:00:45 Je me suis dit, "Le Cervin."
01:00:47 Et donc après, je suis parti au Cervin, mais un peu...
01:00:50 Vraiment, comme ça, c'était un saut d'ego,
01:00:52 c'était un saut d'ambition, je voulais le faire, voilà.
01:00:55 Et j'étais très jeune, et puis...
01:00:58 Et puis le Mont-Blanc, c'était plus un saut de maturité.
01:01:01 C'était une trilogie qui a marqué un peu les trois étapes
01:01:04 de mon évolution en tant que montagnard, je pense.
01:01:07 Et donc c'est vrai que quand je regarde le Cervin,
01:01:10 il y a une partie de moi qui voudrait le refaire bien,
01:01:13 mais en même temps, il y a une partie de moi qui se dit,
01:01:16 "Bon, laisse le de côté, tu l'as déjà fait."
01:01:19 - On l'a fait. - "T'as déjà brûlé
01:01:21 "un joker là-bas, ça sert à rien d'y retourner."
01:01:24 Mais c'était ça, c'était un saut d'ambition,
01:01:27 c'était un saut d'ego, mais en même temps,
01:01:29 ça fait partie des étapes tumultueuses de la vie.
01:01:31 - Je sais pas si vous avez d'autres projets en tête,
01:01:34 je suis sûr qu'il y en a plein. - Oui, il y en a plein.
01:01:36 - Mais comme on est ici à Grenoble,
01:01:38 qu'on a des belles montagnes aussi autour de chez nous,
01:01:41 j'avais une petite suggestion à vous faire.
01:01:43 Vous allez me dire ce que vous en pensez.
01:01:45 Est-ce que vous reconnaissez cette montagne ?
01:01:47 C'est le Mont-Aiguille,
01:01:49 qui est l'une des montagnes emblématiques de la région,
01:01:52 dans le Vercors, sur le port de Grenoble.
01:01:55 - C'est monté pour la première fois en 1492.
01:01:58 - C'est la naissance de la milice.
01:02:00 - Et la même année que Christophe Colomb est arrivé aux Etats-Unis.
01:02:04 - Incroyable. C'est bon, je le rajoutais à la liste.
01:02:06 - Je crois qu'il y a beaucoup.
01:02:08 Il y a de la neige au sommet, un peu de pente,
01:02:10 des belles falaises.
01:02:12 - Il y a de la neige, une pente, une falaise, ça se fait.
01:02:14 (Rires)
01:02:16 - Merci à tous les deux d'être venus.
01:02:19 Des projets hilariants ou non ?
01:02:21 Les gardes secrets, comme pour le Mont-Blanc ?
01:02:23 - Euh... À vrai dire, moi, je n'ai pas de projet très spécifique
01:02:27 en tête pour le moment.
01:02:29 Moi, j'aime bien laisser mûrir un peu.
01:02:33 Et je passe beaucoup de temps devant la carte
01:02:36 et j'attends que quelque chose m'inspire beaucoup.
01:02:40 Pour moi, il faut effectivement que les projets
01:02:42 aient un vrai sens pour moi, et le Mont-Blanc,
01:02:45 parce que je le regarde depuis chez moi,
01:02:48 c'était assez logique pour moi.
01:02:50 Donc il faut voir... Je trouverai sûrement quelque chose.
01:02:53 - J'ai aucun doute là-dessus.
01:02:55 Bonne continuation à tous les deux.
01:02:57 Je suis très content de faire cette émission franco-américaine.
01:03:00 C'était la première dans le Grand Air.
01:03:03 J'espère qu'on se retrouvera pour voir d'autres belles aventures.
01:03:06 Merci de nous avoir suivis.
01:03:08 On se retrouve sur Grand Air et sur Télégramme.net
01:03:11 pour voir ces émissions en replay.
01:03:13 (Générique)
01:03:16 ---

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